É ditorial " J.C. Chachques*, A. Juffe** Prélèvement d’organes sur cœur arrêté utilisation de donneurs d’organes avec cœur arrêté L’ (non-heart-beating donors [NHBD]) est une contribution importante au problème de la disponibilité d’organes rieur de l’hôpital (type I) ou dans le service d’urgences (type II). Dans ces cas, l’équipe de transplantation n’est pas prête, et un délai important est donc nécessaire pour compléter les démarches légales afin de procéder à la donation. Le temps “d’ischémie chaude” est alors généralement prolongé. pour les patients en liste d’attente de transplantation. En plus des difficultés liées aux problèmes légaux et éthiques de la transplantation, certains risques, parmi lesquels des maladies systémiques et des personnes ayant des tests biologiques positifs pour certaines maladies virales, limitent le nombre de donneurs. Les types III et IV sont définis comme “donneurs contrôlés”. Dans le type III, toute assistance vitale est interrompue suite à une maladie terminale. Ainsi, des organes peuvent être prélevés après arrêt cardiaque, une autorisation préalable du malade ou d’un proche étant nécessaire. Dans ce cas, l’équipe de transplantation est prête, le donneur étant hémodynamiquement stable avant l’arrêt cardiaque ; la période “d’ischémie chaude” est courte. Les aspects légaux et éthiques doivent être clairement établis. Cette approche est courante aux États-Unis. Le prélèvement d’organes sur des personnes en arrêt cardiaque est historiquement à l’origine des transplantations. Cette technique était utilisée de manière systématique dans les années 1970, avant l’acceptation du concept de mort cérébrale, qui ouvrira la voie pour le développement des programmes de transplantation d’organes. La pratique de prélèvements sur cœur arrêté a continué dans certains pays comme le Japon, où le concept de mort cérébrale n’a été accepté qu’à partir de 1999. Le type IV inclut des patients présentant un arrêt cardiaque après avoir été déclarés en mort cérébrale. L’équipe médicale doit attendre l’arrêt cardiaque. Ces patients souffrent fréquemment d’une longue période d’instabilité hémodynamique avant l’arrêt cardiaque. Ce type de donneur est la principale source de donneurs d’organes au Japon, même après que la loi autorisant le prélèvement chez des patients en mort cérébrale ait été promulguée. Plusieurs raisons ont bloqué le développement des programmes pour utiliser les organes à partir de NHBD. Jusqu’aux années 2000, la communauté médicale avait considéré que les organes prélevés à partir de NHBD étaient sousoptimaux, et qu’ils comportaient des déficits fonctionnels importants. Par ailleurs, des problèmes d’ordre légal, éthique et logistique doivent être résolus pour utiliser les organes de donneurs en arrêt cardiaque. Plusieurs publications récentes ont montré de bons résultats quant aux transplantations effectuées en utilisant des reins et des foies provenant de donneurs en arrêt cardiaque, avec un taux d’efficacité comparable aux transplantations réalisées à partir de donneurs à cœur battant. MOMENTS CRUCIAUX Il existe trois moments décisifs dans le prélèvement avec cœur arrêté : l’arrêt cardiaque, le diagnostic de mort, le prélèvement d’organes. CLASSIFICATION DE DONNEURS D’ORGANES Entre ces moments, des laps de temps variables s’écoulent selon le type de donneur. $ Chez les “donneurs contrôlés”, le laps de temps entre l’arrêt cardiaque et le diagnostic de mort n’est que de quelques minutes. Le laps de temps entre le diagnostic de mort et le prélèvement d’organes peut être très court chez ces patients. $ Chez les “donneurs non contrôlés”, le laps de temps entre l’arrêt cardiaque et le diagnostic de mort est généralement très long (autour de 30 minutes), car des manœuvres de réanimation cardiopulmonaire sont réalisées. Pour le type I, le Le groupe de Maastricht a défini quatre catégories de donneurs d’organes avec cœur arrêté. Les types I et II sont définis comme “donneurs non contrôlés”, et incluent des personnes chez lesquelles la mort cardiaque est survenue de manière subite, généralement à l’exté*Hôpital Européen Georges-Pompidou, 75015 Paris. **Hôpital Canalejo, La Corogne, Espagne. 3 Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005 É ditorial RÉSULTATS SELON LE TYPE D’ORGANE TRANSPLANTÉ temps entre l’arrêt cardiaque et le diagnostic de mort peut atteindre plus de 100 minutes. Le prélèvement d’organes peut être très retardé (2 à 3 heures) chez les “donneurs non contrôlés” ; ce retard est généralement dû à la nécessité de remplir des formalités légales et d’obtenir l’accord de la famille. Les conséquences d’une ischémie prolongée sont moins importantes pour le rein que pour le foie. Après une transplantation rénale, les malades peuvent éventuellement être assistés en postopératoire par hémodialyse. Plusieurs études ont démontré qu’une attente de 10 minutes après asystolie (même sans utiliser d’hypothermie locale) ne modifie pas de manière significative l’évolution à long terme du rein greffé. Les résultats des transplantations hépatiques et pancréatiques sont acceptables si le temps d’ischémie chaude est proche de 10 minutes. PROTECTION D’ORGANES EN ATTENTE DE PRÉLÈVEMENT L’arrêt cardiaque peut être considéré comme irréversible après une période minimale de 30 minutes sans battements cardiaques efficaces, malgré les manœuvres de réanimation. Pendant la période d’attente entre le diagnostic de mort et le moment du prélèvement, les organes peuvent êtres perfusés et refroidis en utilisant un cathéter avec ballon placé dans l’aorte (avec décharge par voie veineuse) ou une circulation extracorporelle (CEC), instaurée entre la veine et l’artère fémorales. Ainsi, la période d’ischémie chaude doit être réduite au minimum au profit d’une ischémie froide, grâce à la CEC. Après plusieurs années de recherche en transplantation pulmonaire et cardiaque à partir de NHBD, des cas cliniques de transplantation pulmonaire réussis ont été rapportés. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Les personnes en arrêt cardiaque irréversible (NHBD) semblent être une source valable d’organes pour les programmes de transplantation. L’intérêt pour cette population de donneurs a été renouvelé au cours de ces dernières années. Des évaluations à long terme montrent l’efficacité fonctionnelle des organes greffés ainsi que des issues éthiques acceptables. Cette approche pourrait réduire l’écart existant entre l’offre et la demande d’organes dans les pays utilisant la transplantation comme méthode thérapeutique. À Madrid (Espagne), cette technique permet d’offrir jusqu’à 33 % d’organes transplantés. Les résultats des équipes expérimentées montrent des différences peu significatives en comparant les transplantations effectuées avec des donneurs à cœur battant versus cœur arrêté. Des perfectionnements dans la sélection de donneurs ainsi que dans l’organisation des équipes et institutions pourraient contribuer à améliorer les résultats de ce procédé. % DONNEURS POTENTIELS : PROCÉDURE À SUIVRE Les donneurs potentiels sont des personnes en arrêt cardiaque âgées de moins de 55 ans, sans lésions hémorragiques abdominales ou thoraciques, sans évidence de toxicomanies, sans traumatismes importants, ayant subi un massage cardiaque et une ventilation assistée dans les 15 minutes qui ont suivi l’arrêt cardiaque. Ces personnes ont reçu un massage cardiaque continu, une ventilation mécanique respiratoire et une perfusion intraveineuse pendant leur transfert à l’hôpital. Un traitement par héparine et phentolamine doit être associé. En attendant l’autorisation de la famille ou du procureur, une circulation extracorporelle (incluant un oxygénateur) est instaurée entre la veine et l’artère fémorales. Après obtention de l’accord familial ou judiciaire, l’extraction d’organes est effectuée. 4 Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n o 1 - janvier-février-mars 2005