Soins Libéraux 41 Stress oxydatif et défense antiradicalaire Ce qu’il faut savoir On admet qu’un déséquilibre important et prolongé entre la production des radicaux libres et les systèmes de défense antiradicalaire de l’organisme constitue un facteur majeur d’accélération du processus de vieillissement et de développement des pathologies chroniques. O n décrit de plus en plus l’intérêt de consommer une quantité suffisante d’aliments riches en antioxydants, notamment les fruits et les légumes, pour décélérer le processus du vieillissement et se protéger de maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, les maladies neurodégénératives, les cancers, le diabète et autres pathologies dites « de civilisation ». Un électron libre L’organisme consomme de l’oxygène et a besoin d’antioxydants pour neutraliser les espèces radicalaires générées par une réduction partielle de l’oxygène. Un radical libre est un atome ou une molécule dont un atome possède un électron célibataire sur une orbitale périphérique, ce qui le rend très réactif : il attaque toute molécule passant près de lui pour se stabiliser en captant l’électron manquant. À la suite d’échanges de l’électron célibataire se produit une réaction en chaîne, avec l’apparition de nouvelles espèces radicalaires. La production des radicaux libres capables de mettre en route la chaîne radicalaire est un phénomène normal dans l’organisme, et même indispensable dans certains mécanismes de défense antimicrobiens et antitumoraux. En fait, ce sont les radicaux libres excédentaires et les produits d’oxydation (engendrés par des réactions avec lipides, protéines, glucides et acides nucléiques) qui entraînent des modifications des propriétés biologiques des molécules, des lésions des membranes, voire la mort des cellules, bref, des dégâts moléculaires, cellulaires ou tissulaires considérables. En d’autres termes, le résultat final pour l’organisme dépendra de l’équilibre entre l’attaque radicalaire et l’efficacité de l’ensemble des systèmes de défense antiradicalaire. Le stress oxydant peut résulter d’une insuffisance de défenses antioxydantes et/ou d’une surproduction de radicaux libres dans diverses situations telles que stress prolongé, pollution chimique, exposition aux toxiques (abus d’alcool, tabagisme, drogues), exposition excessive aux rayons UV, mauvaise alimentation, certains effets secondaires des traitements comme la chimiothérapie, etc. Pour lutter contre le stress oxydant et éviter l’accumulation de substances oxydées, l’organisme dispose de mécanismes enzymatiques et non enzymatiques de protection permettant la neutralisation des radicaux libres dans les conditions physiologiques. Étant donné qu’il existe une synergie d’action et une activité synchronisée entre tous les antioxydants, dès qu’un maillon est défaillant, le système perd de son efficacité. Les espèces réactives de l’oxygène sont successivement neutralisées par la superoxyde dismutase, la catalase et la glutathion peroxydase, enzymes qui nécessitent des métaux pour fonctionner (respectivement zinc, cuivre, manganèse et sélénium). D’autres molécules impliquées dans la défense antioxydante non enzymatique sont endogènes (ubiquinones, albumine, acide urique, bilirubine) et exogènes, comme les vitamines C et E (l’effet antioxydant de la vitamine E ne peut être maintenu que par la réduction de sa forme oxydée, soit par le glutathion, soit par la vitamine C). En outre, de nombreuses substances d’origine végétale présentent des propriétés antiradicalaires, telles que les caroténoïdes, les flavonoïdes (plus de 4 000 molécules différentes) et d’autres polyphénols. On entrevoit l’importance de la nutrition, permettant d’apporter les micronutriments et les antioxydants en quantité requise. La question se pose si les besoins réels en vitamines et en oligo-éléments à notre époque sont supérieurs à l’apport habituel. « On ne dispose pas encore de marqueurs consensuels permettant de fixer avec certitude les apports nutritionnels conseillés (ANC), qui ont été établis en prenant comme base la consommation spontanée », note le Pr A. Martin (Inserm). Des études à l’appui De nombreuses études épidémiologiques ont rapporté une relation entre un statut bas en vitamine C et le risque de cataracte, entre un statut bas en vitamine E, C et caroténoïdes et le risque cardiovasculaire, entre un statut bas en sélénium et le risque de cancer ou le déclin de fonctions cognitives, entre des déficits en zinc et la baisse de l’immunité. Quant aux études portant sur l’intérêt d’une supplémentation en vitamines et oligo-éléments ou d’autres antioxydants, elles sont encore rares et les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs. Citons l’étude Suvimax, dans laquelle le risque de développer un cancer chez les hommes a été réduit de 31 % dans le groupe recevant les antioxydants à des doses nutritionnelles (bêta-carotène, vitamines C et E, zinc, sélénium). Par contre, cette intervention micronutritionnelle n’était pas efficace sur le risque cardiovasculaire. Dans une analyse concernant les effets préventifs des antioxydants qui a été publiée récemment dans The Lancet, la supplémentation en sélénium (un composant des sélénoprotéines, dont certaines possèdent d’importantes fonctions enzymatiques) était efficace dans la prévention des cancers gastro-intestinaux. Or, les sols dans la plupart des régions d’Europe sont pauvres en sélénium... LC Professions Santé Infirmier Infirmière N° 60 • décembre 2004