Probabilité pour que deux entiers soient premiers entre eux. Référence : Oraux X-ENS, Algèbre 1. Serge Francinou, Hervé Gianella, Serge Nicolas 2011-2012 Prérequis : – fonction de Möbius – formule du crible On rappelle la définition de la fonction de Möbius : Définition 1 La fonction de Möbius est la fonction µ : N∗ → Z définie par : – µ(1) = 1 – µ(p1 · · · pr ) = (−1)r si les pi sont des nombres premiers distincts – µ(n) = 0 sinon (si n est divisible par le carré d’un nombre premier). On rappelle de plus la formule du crible : Proposition 2 : Formule du crible Soient E1 , . . . , Ek des ensembles finis. Alors : ! k [ Ei = Card i=1 X 1+Card I (−1) Card \ i∈I ∅6=I⊆[1,k] Ei ! . On note aussi rn la probabilité que deux entiers choisis au hasard dans [1, n] soient premiers entre eux. On a alors : Théorème 3 6 On a lim rn = 2 . n→∞ π Démonstration. Appellons, pour tout n > 1, An = {(a, b) ∈ [1, n]2 | a ∧ b = 1}. On a donc rn = Card An . n2 On note p1 , . . . , pk la liste des nombres premiers inférieurs à n, et Ui = {(a, b) ∈ [1, n]2 | pi |a et pi |b}. 1 On a alors l’identité : k [ An = Ui i=1 Lemme 4 On a Card An = n X !c µ(d)E d=1 . n 2 d . Démonstration. Soit I ⊆ [1, k] non vide. Alors le cardinal de l’intersection Q nombre de couples de multiples strictement positifs de i∈I pi inférieurs à n : ! 2 \ n Q Card Ui = E . i∈I pi T i∈I Ui est exactement égal au i∈I On peut donc utiliser la formule du crible : ! k [ Ui = Card i=1 X 1+Card I (−1) \ Card X = Ui i∈I ∅6=I⊆[1,k] 1+Card I (−1) E ∅6=I⊆[1,k] n Q i∈I pi ! 2 Donc on a : 2 Card An = n − X 1+Card I (−1) E ∅6=I⊆[1,k] = n X µ(d)E d=1 n 2 n Q i∈I pi 2 d En effet : on veut ne garder dans la somme que les produits de nombres premiers distincts, d’où le µ(d) pour "enlever" les autres, et n2 correspond à d = 1. D’où le résultat. ♦ On peut en déduire immédiatement que rn = n n 2 1 X . µ(d)E n2 d d=1 L’intuition nous indique ici de remplacer le terme ζ(2). . .). 1 n2 E n 2 d par son équivalent 1 d2 (on commence à voir apparaître On estime la différence entre les deux sommes : n n X 1 1 n 2 µ(d) X − 2 . E µ(d) = rn − d2 n2 d d d=1 d=1 2 On remarque que E(n/d) > n/d − 1, et donc on a : 1 2 1 n 2 1 − 2 6 0. − E < 2 2 n dn n d d Donc, par inégalité triangulaire : n n X µ(d) X 2 1 + rn − 6 d2 dn n2 d=1 d=1 n 2X1 1 + n d n d=1 log n =O n 6 Ainsi, on a l’identité : lim rn = n→∞ ∞ X µ(d) d=1 d2 . Calculons cette somme. Pour cela, calculons à tout hasard ∞ X µ(d) d=1 d2 × ∞ X 1 . n2 n=1 Les deux séries convergent absolument, et donc, par théorème de Fubini : ! ∞ ! ∞ X X µ(d) X 1 µ(d) = d2 n2 (dn)2 n=1 d=1 d,n>1 = X d>1, d|k = µ(d) k2 X X µ(d) p2 X 1 X µ(d) = k2 k>1 d|k k>1 d|k Il ne nous manque ici plus qu’un petit lemme sur la fonction de Möbius : Lemme 5 On a X d|n µ(d) = 1 si n = 1 0 si n > 2. Démonstration. Notons S(n) la somme considérée. Il est clair que S(1) = 1. Soit donc n > 2, et considérons sa décomposition en facteurs premiers : k Y i pα n= i , i=1 3 où les pi sont des nombres premiers distincts, et αi des entiers strictements positifs. Les seuls termes non nuls dans S(n) sont des produits de pi , sans multiplicités. Pour chaque j, n a exactement Ckj diviseurs de cette forme, produits de i pj . D’où S(n) = k X Ckj (−1)j j=0 = (1 − 1)k =0 ♦ On conclut avec le lemme, et la bien connue valeur de ζ(2). 4