REVUE DE PRESSE Les anti-TNF majorent-ils le risque de cancer coordonné par

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REVUE DE PRESSE
coordonné par
le Pr B. Combe
Les anti-TNF majorent-ils le risque de cancer
dans l’arthrite juvénile idiopathique ?
La survenue d’un cancer est un événement rare dans la population pédiatrique. L’incidence
annuelle des cancers, tous types confondus, aux États-Unis, pour les enfants âgés de 0
à 19 ans, est estimée à 16,8/100 000 comparativement à un taux de 46,7/100 000 chez les
adultes. Les anti-TNF peuvent induire des cancers, et la Food and Drug Administration (FDA)
avait déjà, en 2008, communiqué sur quelques cas rapportés. Aux États-Unis, 3 anti-TNF
ont été approuvés par la FDA dans des utilisations pédiatriques : l’étanercept, en mai 1999,
pour le traitement de l’arthrite juvénile idiopathique (AJI) chez l’enfant de plus de 4 ans,
puis chez l’enfant de plus de 2 ans ; l’infliximab, en mai 2006, pour le traitement de la
maladie de Crohn chez l’enfant de plus de 6 ans ; et enfin l’adalimumab, en février 2008,
pour le traitement de l’AJI.
Le FDA’s Adverse Event Reporting System (AERS) recense spontanément les événements
indésirables liés à des médicaments commercialisés. Au total, 48 cancers ont été déclarés :
31 après traitement par infliximab, 15 après étanercept et 2 après adalimumab. La moitié
de ces cancers étaient des lymphomes (hodgkiniens [LH] ou non [LNH]) et les autres étaient
différents types de cancers solides parmi lesquels des leucémies et des mélanomes. Cinq
des 31 patients ayant reçu de l’infliximab et atteints d’un cancer étaient suivis pour une AJI ;
2 patients ont présenté des cancers à la suite d’une exposition intra-utérine à l’infliximab,
et les 24 autres patients étaient suivis pour une maladie inflammatoire du tube digestif. Ils
étaient atteints de divers types de cancers, pami lesquels les lymphomes T hépatospléniques
étaient les plus nombreux. Dans l’AJI, il s’agissait d’un LH, d’un LNH, d’une leucémie,
d’un carcinome rénal et d’une mastocytose maligne. Onze enfants sont décédés (9 d’un
lymphome T hépatosplénique et 1 d’un lymphome T). Quinze cas de cancers faisant suite à
un traitement par étanercept ont été rapportés. Il s’agissait principalement de lymphomes
(n = 5) et de leucémies (n = 4), puis de mélanomes (n = 2), de cancers de la thyroïde (n = 2),
d’une myélodysplasie (n = 1), d’une tumeur du sac de yolk (n =1) et d’un cancer de la
vessie (n =1). Tous les patients étaient suivis pour une AJI de forme oligo- ou polyarticulaire
(73 %), une spondylarthrite (13 %) et un rhumatisme psoriasique (7 %). Seuls 2 cancers à
la suite d’un traitement par adalimumab – dont la commercialisation est plus récente chez
l’enfant – ont été rapportés. L’un dans le cas d’une AJI systémique sévère apparue chez un
enfant âgé de 1 an et traité par de multiples immunosuppresseurs ; l’enfant a développé un
LH à 10 ans. Le second, un cancer T hépatosplénique, a été observé dans un cas de colite
inflammatoire. Au total, le taux de cancers rapportés sous infliximab et celui des lymphomes
sous étanercept sont supérieurs à celui attendu dans la population pédiatrique normale.
Cependant, 88 % des patients avaient été traités par d’autres immunosuppresseurs et le
rôle direct des anti-TNF ne peut être confirmé.
V. Devauchelle-Pensec, Brest
Commentaire
Cette publication est l’une des premières à évoquer
le problème de la survenue de cancer sous anti-TNF
dans l’AJI. Il s’agit d’une interrogation majeure,
mais obtenir des réponses est difficile. On se heurte
en effet à 2 problèmes principaux : les facteurs
confondants liés à l’emploi de multiples immunosuppresseurs, et l’absence de données concernant
l’apparition de cancers dans cette population de
patients. Ainsi, on ignore la prévalence des cancers
dans l’AJI. De façon plus ciblée, on ignore également le taux de survenue de lymphomes dans
l’AJI ou de lymphomes T hépatospléniques dans
la maladie de Crohn. Aucune cohorte d’AJI n’est
appariée à une population normale ou comparée
à une population traitée par anti-TNF. Enfin, pour
évaluer le risque carcinologique à long terme
chez l’enfant, il faut également que les cohortes
permettent un suivi à l’âge adulte.
Finalement, en pratique, il n’y a pas lieu, à l’heure
actuelle, de modifier notre prise en charge des
enfants atteints d’AJI, car le bénéfice des antiTNF reste largement en faveur des patients. Les
présentations scientifiques faites lors du congrès de
l’EULAR 2010 concernant, d’une part, un registre
allemand (Harrison M et al., abstract OP0274) et,
d’autre part, des données postmarketing relatives à l’étanercept (McCroskery P et al., abstract
SAT0432), apportent également des informations
contradictoires. Cependant, les patients et leurs
parents doivent être informés de ce risque, même
minime, et les scientifiques doivent mettre en
place des cohortes qui permettront d’apporter
des réponses à court et à long terme.
Références bibliographiques
1. Diak P, Siegel J, La Grenade L, Choi L, Lemery S, McMahon A.
Tumor necrosis factor alpha blockers and malignancy in
children: forty-eight cases reported to the Food And Drug
Administration. Arthritis Rheum 2010;62:2517-24.
2. Lehman TJ. Should the Food and Drug Administration
warning of malignancy in children receiving tumor necrosis
factor alpha blokers change the way we treat children with
juvenile idiopathic arthritis? Arthritis Rheum 2010;62:2183-4.
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© mai 1983 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution. Imprimé en France - Axiom Graphic - 95830 Cormeilles-en-Vexin
10 | La Lettre du Rhumatologue • No 367 - décembre 2010
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Photographie “offre spéciale” :
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