M Même les patients hospitalisés sous contrainte ont des droits

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Psychiatrie
Même les patients hospitalisés
sous contrainte ont des droits
Avant l’entrée en vigueur de la loi de 1990*, aucun
texte ne précisait que les patients hospitalisés sous
contrainte en psychiatrie disposaient de droits. Les
quelques textes relatifs aux droits des malades ne leur
étaient pas applicables.
«
M
ême lors d’hospitalisations
sans consentement en psychiatrie, le patient a le droit d’être informé dès son admission puis, à sa
demande, de sa situation juridique et
de ses droits », tient à rappeler Dominique Friard, infirmier en soins
psychiatriques à l’hôpital de Laragne. Les soignants sont dans
l’obligation de lui lire ses droits et
possibilités de recours. « Je lui explique qu’il a été hospitalisé parce
qu’une personne l’a demandé pour
lui et que cette personne n’est pas un
persécuteur. Cela permet aussi de lui
expliquer qu’il ne va pas rentrer chez
lui. D’une certaine manière, cela prépare sa sortie. Mais certains soignants de psychiatrie craignent de lire
ses droits au patient. Ils ont peur qu’il
porte plainte. Ils se disent qu’il va demander à quelqu’un de lui rendre justice. » Même paranoïaque, un patient qui porte plainte est un
patient qui bouge. Il s’inscrit dans
un itinéraire social.
« Mais cette loi sur l’hospitalisation
sans consentement ne parle pas de
soins, rappelle Dominique Friard.
Elle implique une obligation de
surveillance de la personne, et non
la nécessité de soins. » Il arrive toutefois que le refus de soins par
le malade soit considéré par le
psychiatre comme une preuve de
sa maladie.
Marche à suivre
Cette loi de 1990, “l’hospitalisation
à la demande d’un tiers” (HDT),
remplace le “placement volontaire”
de la loi de 1838. De même, “l’hos-
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pitalisation d’office” (HO) remplace l’ancien “placement d’office”.
Des étapes très précises sont prévues par la loi pour ces deux types
de procédures.
1. Les étapes de l’hospitalisation
à la demande d’un tiers
« L’hospitalisation sur demande d’un
tiers ou HDT doit reposer sur un système d’entraide familial et amical, explique Alexandra Véluire, juriste
(Ifross) à l’université Lyon-III. Trois
conditions sont nécessaires. Il faut que
cette personne soit atteinte de troubles
mentaux, que ces troubles mentaux
rendent impossible son consentement
aux soins, que son état réclame, enfin, des soins immédiats et assortis
d’une surveillance constante en milieu hospitalier. La décision du directeur se fonde alors sur la demande
d’un tiers et deux certificats médicaux. Ce “tiers” peut être un membre
de la famille ou “une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade”. Cette personne effectue une demande d’hospitalisation manuscrite
et signée. Il faut également un premier
certificat médical signé par un praticien n’exerçant pas dans l’hôpital où
serait hospitalisé le patient, ainsi
qu’un deuxième certificat médical
d’un praticien y exerçant. »
Le directeur de cet établissement,
qui doit vérifier qu’il n’existe pas
d’alliance entre ces deux médecins, produit, 24 heures après
l’admission, un troisième certificat. Celui-ci confirme ou non
l’hospitalisation, laquelle sera
assortie d’un certificat de quin-
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 24 - mars 2001
zaine, puis d’un certificat mensuel quinze jour plus tard.
2. Les étapes de l’hospitalisation
d’office
« L’hospitalisation d’office peut intervenir après arrêt du préfet, en cas de
troubles mentaux qui perturbent
l’ordre public ou la sécurité des personnes », précise Alexandra Véluire.
Il s’agit donc d’une mesure de police, le trouble de l’ordre étant le
fondement de cette décision.
Il arrive toutefois que cette hospitalisation s’applique, par exemple,
à une personne qui s’enferme.
« Elle ne trouble pas l’ordre public,
convient la juriste. Dans ce cas, on
entend l’expression “sécurité des personnes” comme s’appliquant au patient lui-même. »
Dans tous les cas d’HO, le préfet doit recueillir au préalable un
avis médical écrit, qui ne peut
émaner d’un psychiatre exerçant dans l’hôpital accueillant le
malade.
Une information sur cette hospitalisation est transmise au procureur et à la Commission psychiatrique sur l’ordre public. Comme
l’HDT, l’hospitalisation d’office
doit être assortie d’un certificat de
quinzaine, puis de certificats mensuels quinze jours plus tard, à trois
mois et à six mois.
3. Les autres hospitalisations sans
consentement
Si le péril est imminent, on peut
se passer de cette procédure. Les
maires de communes et, à Paris,
les commissaires de police d’arrondissements peuvent prendre
les mesures pour procéder à
l’hospitalisation. Ils préviennent
le préfet, qui dispose de
24 heures pour confirmer ou
non la mesure initialement prise.
A Paris, très concrètement, les
commissaires de police appliquent cette procédure pour interpeller des personnes et les
conduire à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.
Elles y sont enfermées le temps
qu’un certificat médical soit
rédigé et que le préfet de police
prenne ensuite un arrêté d’HO.
Les autres cas d’hospitalisation
sans consentement concernent
les personnes ayant commis des
délits relevant de la justice, et
celles hospitalisées à l’hôpital général, où l’on considère qu’une
hospitalisation sans consentement en psychiatrie s’imposerait.
4. La fin de l’hospitalisation sans
consentement
« La fin d’une hospitalisation
d’office peut intervenir sur avis médical, précise Alexandra Véluire.
Le directeur de l’hôpital y procède
alors. Cette fin d’hospitalisation
d’office peut aussi intervenir par décision du tribunal de grande instance, ou après que la personne a
saisi ce tribunal. »
Une hospitalisation à la demande
d’un tiers peut se clore sur décision médicale, lors de la rédaction des divers certificats insti tués
par la loi. Par ailleurs, le médecin peut demander que la sortie
intervienne en dehors de ces
échéances. Théoriquement, la sortie devrait intervenir également
dès qu’une de ces personnes a
requis la levée d’hospitalisation :
le curateur en la personne du
malade, le conjoint ou concubin,
les ascendants en l’absence de
conjoint, les descendants majeurs
en l’absence d’ascendants, la personne ayant signé la demande
d’admission, les Comités départementaux de l’hospitalisation
psychiatrique (CDHP). La loi prévoit cependant que, si le médecin
de l’hôpital est en désaccord et estime que le patient pourrait compromettre l’ordre public ou la sécurité des personnes, il informe le
préfet de son avis sur la demande
de sortie. C’est ainsi qu’à l’occa-
sion d’un désaccord entre la famille et le médecin sur une HDT,
celle-ci peut alors être transformée
en HO par ce praticien. « Pour
l’HDT, dit enfin Alexandra Véluire,
l’hospitalisation peut cesser, comme
pour l’HO, à la suite de la saisine du
tribunal de grande instance du lieu
d’établissement. »
Des décisions hâtives
Mais on remarque de plus en plus
que l’indication d’hospitalisation
à la demande d’un tiers est posée
très tôt. Ces demandes émanent
en particulier des hôpitaux généraux et de leurs services d’urgences. L’application de la loi de
1990 subit une dérive : la personnalité du “tiers” dans l’hospitalisation à la demande d’un tiers.
Aux urgences, si le patient se
conduit de manière un peu différente, il est vite “étiqueté” psychotique suicidaire.
Or, celui qui accueille n’est pas
celui qui soignera. La tentation est
d’autant plus grande, pour le soignant ayant cette seule fonction
d’aiguillage, de ne traiter qu’une
urgence et non le patient. Ce
qui est préjudiciable pour le bon
suivi de ses soins psychiatriques
ultérieurs.
Marc Blin
Propos recueillis
lors de la conférence
“L’hospitalisation sans consentement”,
RSTI, Paris, novembre 2000.
* Loi du 27 juin 1990 “relative aux droits
et à la protection des personnes hospitalisées en raison de leurs troubles mentaux, et
à leurs conditions d’hospitalisation”. JO du
30 juin 1990.
ERRATA
• Dans le numéro précédent, il faut lire :
téléphone : 01 46 99 18 99
pour l’AAPI (Association d’aide aux personnes
incontinentes).
• Dossier RSTI :
le compte rendu sur les soins palliatifs est issu
de la conférence organisée en collaboration
avec l’Institut UPSA de la douleur.
Brèves...
Égalité
des chances et handicap
A l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées
du 3 décembre 2000, l’OMS a publié un rapport sur la santé des personnes handicapées. L’OMS estime
à 7 à 10 % la proportion mondiale
des personnes ayant des incapacités
(d’ordre physique, intellectuel, sensoriel ou mental, avec un caractère
permanent ou temporaire), soit environ 500 millions. Près de 80 % de
ces personnes vivent dans les pays
en développement dont 1 à 2 % seulement bénéficient des services de
réadaptation nécessaires.
CNAM
et arrêt maladie
La CNAMTS rappelle que l’obligation, pour tout médecin, d’inscrire
le motif médical de la prescription
d’arrêt de travail est une obligation
nouvelle résultant d’une loi votée
à l’automne par le Parlement et
non d’une décision interne à l’assurance maladie. Le président de
la CNAMTS souhaite cependant
que les pouvoirs publics fassent
établir des références de bonne
pratique en matière de prescription d’arrêt de travail, qui constitueront le cadre de référence de
prescription pour les médecins
traitants et de contrôle pour les
médecins conseils.
Un site
pour la pneumologie
Le site de la Société de pneumologie de langue française (SPLF),
www.splf.org, offre désormais un
accès au grand public. Ce site propose une information qualifiée,
validée par les membres de la SPLF.
Il permet aussi une communication entre patients grâce à un forum et un projet à l’étude s’articulera autour d’une communication
entre patients et médecins.
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