D Curiethérapie de la prostate Prostate cancer brachytherapy

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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
Curiethérapie de la prostate
Prostate cancer brachytherapy
L’escalade de dose dans la prise en charge thérapeutique du cancer
de prostate par irradiation a été clairement démontrée par plusieurs
essais randomisés. Le mode de délivrance des rayons peut se faire
soit par radiothérapie externe soit par curiethérapie, cette dernière
technique permettant de délivrer une forte dose dans un petit
volume. La curiethérapie peut être utilisée de façon exclusive ou
en complément d’une radiothérapie externe, utiliser des implants
permanents ou temporaires, de bas ou haut débit de dose.
Mots-clés : Cancer de la prostate − Curiethérapie − Bas débit de dose
− Haut débit de dose.
Dose escalation for prostate cancer treatment using irradiation is well
established and based on robust phase III randomized trials. Radiations
can be delivered through external beam or brachytherapy which allows
delivering a high dose in a small volume. Brachytherapy can be used as
sole therapy or as a boost after a first course of external beam radiation
therapy. Brachytherapy can use permanent or temporary implants with
low- or high-dose rate.
Summary
D
ans le cadre d’un traitement par irradiation,
2 modalités techniques peuvent être utilisées :
la radiothérapie (RT) externe et la RT interne,
plus communément connue sous le nom de curiethérapie ou, pour les Anglo-Saxons, curietherapy et
plus fréquemment brachytherapy − le préfixe brachy
vient du grec et signifie “court”. La curiethérapie est
donc un traitement qui s’utilise à une courte distance
en disposant des sources radioactives dans la tumeur ou
à son contact. Dans le domaine du cancer de la prostate,
cette technique d’irradiation utilise des implants temporaires (historiquement le radium puis l’iridium 192 bas
(bas débit de dose [BDD]) et haut débit de dose [HDD]
et, plus récemment, le cobalt 60 HDD) ou des implants
permanents (grains d’iode 125, de palladium 103,
d’or 98 et, plus récemment, de césium 131). L’avantage
fondamental de la curiethérapie sur la RT externe dans
le cancer de la prostate est lié au fort gradient de dose,
qui permet de délivrer une forte dose au sein de l’organe
cible (effet-dose) tout en exposant les organes à risque
(vessie, rectum, intestin) à un faible niveau de dose,
sauf pour l’urètre, car la curiethérapie du cancer de la
prostate est la seule pour laquelle il existe un organe à
risque (l’urètre) au sein du volume cible (1).
Résumé
J.M. Hannoun-Levi*
Keywords: Prostate cancer − Brachytherapy − Low-dose rate − Highdose rate.
Aspects techniques
Les techniques d’utilisation de la curiethérapie dans
les cancers de la prostate dépendent essentiellement
de 2 facteurs : le débit de dose de la source radioactive
et le caractère permanent (la source radioactive est
laissée définitivement dans la prostate) ou temporaire
de l’implant (2). En curiethérapie de BDD, les implants
permanents de grains radioactifs d’or 98, d’iode 125, de
palladium 103 ou de césium 131 sont le plus souvent
utilisés, alors que l’iridium 192 et le cobalt 60 sont utilisés en cas de curiethérapie HDD.
Curiethérapie BDD
Les grains d’iode 125 et de palladium 103 se sont
imposés comme les sources radioactives de référence (3). L’utilisation de grains libres ou de grains liés
(positionnés dans un filet de Vicryl®) a fait l’objet de
controverses. En effet, la migration de grains libres
radioactifs, essentiellement au niveau pulmonaire, a
été décrite, alors que ce risque est absent en cas d’utilisation de grains liés (4). Les principes de radioprotection liés aux implants permanents par grains radioactifs
représentent un point important à discuter tant avec
le patient et son entourage qu’avec les équipes soignantes. Des précautions périopératoires doivent être
prises concernant le comptage rigoureux des grains
pendant la procédure d’implantation et la vérification
des urines et de la sonde urinaire à la sortie du patient
du secteur d’hospitalisation. Le retour à domicile de
celui-ci ne représente pas de risque de contamination radioactive pour son entourage, sous réserve de
respecter quelques règles simples, comme filtrer les
urines et utiliser un préservatif lors des premiers rap-
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* Département de radiothérapie, centre AntoineLacassagne, université
Nice-Sophia-Antipolis, Nice.
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Radiothérapie du cancer
de la prostate localisé
dossier
thématique
A
B
C
Figure 1.
A. Reconstruction en 3D d’un
implant temporaire d’iridium 192
(Ir-192) de haut débit de dose ;
B. Analyse de la distribution de la
dose sur images scanner ;
C. Schéma représentant le patient
en position de traitement dans le
bunker, alors que les cathéters
implantés en peropératoire sont
reliés via des tubes de transfert au
projecteur de source contenant la
source radioactive d’Ir-192 ou de
cobalt 60 (Co-60).
Source radioactive
Tube de transfert
ports sexuels. De plus, la crémation n’est pas contreindiquée (2). Dans le cadre de la curiethérapie BDD,
l’utilisation d’implants temporaires d’iridium 192 (IRF1)
est d’utilisation moins fréquente (5, 6).
Curiethérapie HDD
La curiethérapie de la prostate HDD ne peut se concevoir qu’avec des implants temporaires. Le principe
d’implantation du matériel vecteur reste toujours
fondé sur la mise en place d’aiguilles vectrices par
voie transpérinéale sous contrôle échographique
endorectal peropératoire (7). Une fois le matériel
vecteur mis en place, l’irradiation peut se faire soit en
peropératoire avec une dosimétrie en temps réel sur
la base des données échographiques, soit en postopératoire, après un scanner dosimétrique postimplant.
Cette deuxième option présente certains avantages,
comme la possibilité de délivrer plusieurs fractions
avec un seul implant, de bénéficier d’une dosimétrie
postimplant analysant de façon plus précise les volumes
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Projecteur de source
Bunker
des organes à risque irradiés et de réduire le temps
d’occupation du bloc opératoire à environ 60 minutes.
Que l’irradiation se fasse pendant ou après l’opération,
elle devra toujours être réalisée dans un bunker afin de
respecter les contraintes de radioprotection liées à la
source radioactive HDD (figure 1).
En cas de traitement multifractionné, il est important
de considérer le risque de déplacement des aiguilles
vectrices (figure 2, p 141). En effet, alors que, en RT
externe, il faut essentiellement considérer les mouvements antéropostérieurs de la prostate liés à l’état de
réplétion du rectum, en cas de curiethérapie, les vecteurs intraprostatiques se déplaceront avec la glande
(déplacement antéropostérieur et droite-gauche), mais,
dans les heures qui suivent l’implant, la distance entre
la base prostatique et l’extrémité distale des aiguilles va
se raccourcir (environ 10 mm), rendant nécessaire un
nouveau contrôle par scanner ou échographie avant
chaque séance (8). Un déplacement de 3 mm dans l’axe
tête-pieds est néanmoins toléré.
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Curiethérapie de la prostate
A
B
J0
J1
Figure 2.
A. Scanner postimplant de curiethérapie de haut débit de dose réalisé à J0 et à J1 postopératoire montrant le déplacement vers l’avant de la
prostate du fait de gaz rectaux alors que les aiguilles restent solidaires de l’organe.
B. Représentation schématique du déplacement des aiguilles d’environ 10 mm dans le sens tête-pieds nécessitant un contrôle par imagerie
avant chaque nouvelle séance d’irradiation.
Indications thérapeutiques
Indications validées de la curiethérapie
des cancers de la prostate à faible risque
Les recommandations de la Haute Autorité de santé
(HAS) en matière de prise en charge des cancers
de la prostate à faible risque sont la surveillance
active, la prostatectomie radicale, la RT externe et la
curiethérapie par implants de grains radioactifs (9).
L’indication d’une curiethérapie par implants permanents de grains d’iode 125 repose sur les données
tumorales et fonctionnelles du patient (3). Outre le fait
que la tumeur doit être de faible risque de rechute
biochimique selon les critères de la classification de
D’Amico, il est également important de tenir compte
d’autres facteurs histopronostiques : le nombre total de
biopsies envahies, le pourcentage de carottes envahies
(par rapport à la longueur totale prélevée), la présence
d’engainements périnerveux sous-capsulaires et une
éventuelle atteinte capsulaire. De plus, les données
fonctionnelles urinaires (International Prostate Symptom
Score, mesure du résidu postmictionnel, débitmétrie),
digestives et sexuelles doivent être étudiées avec
attention. Les résultats carcinologiques de la curiethérapie par implants permanents sont similaires à
ceux obtenus après prostatectomie radicale ou RT
externe (9). Cependant, la toxicité urinaire représente
un facteur limitant l’indication d’une curiethérapie chez
un patient au statut fonctionnel urinaire perturbé (10).
En revanche, la curiethérapie permet de préserver significativement mieux la fonction sexuelle que la prostatectomie radicale (11).
Indications validées de la curiethérapie
des cancers de la prostate à risque
intermédiaire ou à haut risque
Pour les cancers de la prostate à risque intermédiaire
ou à haut risque, la curiethérapie peut être utilisée en
complément d’irradiation (boost), associée à une RT
externe. En matière de médecine fondée sur les preuves,
le niveau de preuve de la place de la curiethérapie en
boost est noté B1 (existence de preuves de qualité correcte : essais randomisés [B1] ou études prospectives ou
rétrospectives [B2]). Alors que la curiethérapie BDD en
boost a utilisé des grains radioactifs d’iode 125 (12) et des
implants temporaires d’iridium 192 (5, 6), la technique
de référence est la curiethérapie HDD (7). Actuellement,
2 essais randomisés de phase III, qui ont comparé une RT
externe exclusive à une RT externe associée à un boost
en curiethérapie BDD (6) et HDD (13) ont été publiés.
Même si ces essais sont critiquables sur le plan méthodologique (dose de RT externe faible dans le bras de
référence), une étude récente du Memorial Hospital de
New York confirme la supériorité, en matière de contrôle
biochimique, d’une association de RT externe avec
modulation d’intensité + boost en curiethérapie HDD
sur une RT externe guidée par l’image avec modulation
d’intensité à la dose de 86,4 Gy (14).
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Curiethérapie de la prostate
Curiethérapie de la prostate
Prostate cancer brachytherapy
J.M. Hannoun-Levi
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