LOGIQUES D’INNOVATION En quoi la « smart spécialisation » amène-t-elle à reconsidérer logiques d’innovation ? CONFERENCES DE METHODE Master 1 Economie Appliquée et Aménagement des Territoires DELAPORTE Alice ROUFAI Anissa JUIN Valentin les UNIVERSITE DE BORDEAUX-MONTESQUIEU MASTER 1 ECONOMIE APPLIQUEE « ECONOMIE ET AMENAGEMENT DES TERRITOIRES » Comment la « smart spécialisation » amène-t-elle à reconsidérer les logiques d’innovations DELAPORTE Alice ; JUIN Valentin ; ROUFAI Anissa Rapport d’étude dans le cadre de la formation 2014-2015 Direction d’étude : Marilyne Peyrefitte 1 RESUME Après l’échec de la stratégie de Lisbonne et les bilans mitigés, un nouveau programme Europe 2020 dont l’objectif est d’entretenir « une croissance durable et inclusive » dans tous les domaines en identifiant des secteurs clefs est reconduit. En effet, à partir des études d’un groupe de chercheurs « Knowledge for Growth » et des apports de Dominique Foray la S3 voit le jour. Elle jouit non seulement d’une réflexion approfondie par rapport à la précédente manœuvre « les SRI » mais prévoit aussi un plan d’action précis avec des moyens de financements conséquents. La smart spécialisation propose de réfléchir à de nouvelle manière d’innover et de valoriser ces ressources. Elle s’inspire des modèles traditionnels anciens mais ajoute à cela une vision commune européenne et met en place un nouveau plan d’action : la S3 plateforme. Cela peut passer de l’économie résidentielle et organisationnelle ou bien de partir sur une ressource spécifique et la repenser afin d’en faire un actif spécifique. La spécialisation intelligente pourrait permettre une dynamique territoriale insufflée par des écosystèmes et apporter croissance économique, emploi et richesse pour les régions. After the failure of Lisbon policy and the weak objectives reached, a new program Europe 2020 which issue is to maintain a sustainable and inclusive growth in every sectors, focusing on key-subjects is fulfilled. Indeed, according to the research of expects “Knowledge for Growth” and the papers of Dominique Foray, smart specialization is created. S3 not only benefit of a reflection more precise when we look the precedent work on “SRI”, but highlight to a brief action plan with huge amounts of financial means. The smart specialization offers to think about new ways to innovate the possibility to add value to these resources. Inspired by traditional and old models, it adds to this a new European mutual vision and introduces a new action plan: platform S3. This may go through residential and organizational economics or to bet on a specific resource and rethink it in order to create a specific asset. Smart specialization could allow a local momentum though ecosystems and provide economic growth, employment and wealth for the region. MOTS-CLES - Strategy for smart specialization (S3) Stratégie régional d’innovation (SRI) Logiques d’innovation Compétitivité Horizon 2020 / Europe 2020 2 SOMMAIRE Résumé ................................................................................................................................... 2 Mots-clés ................................................................................................................................ 2 Introduction ................................................................................................................................ 4 I. Les logiques d’innovations dans l’horizon 2020................................................................ 6 A. Place et perception de l’innovation dans l’Europe 2020 ................................................. 6 B. Le Passage de la SRI à la S3 ......................................................................................... 11 C. Les répercussions sur les territoires .............................................................................. 18 II. La mise en place de la smart spécialisation ...................................................................... 21 A. L’émergence de nouvelles dynamiques organisationnelles .......................................... 21 B. Repenser les innovations en fonction des territoires ..................................................... 25 C. Quels impacts sur les territoires ?.................................................................................. 29 Conclusion ................................................................................................................................ 32 Table des Annexes ................................................................................................................... 33 Bibliographie ............................................................................................................................ 41 3 INTRODUCTION L’échec de la stratégie de Lisbonne a amené la Commission Européenne à se réinterroger sur les conditions nécessaires à la redynamisation des territoires européens et à lancer un nouveau programme destiné à améliorer la compétitivité européenne, face à son concurrent historique : les Etats-Unis. Pour cela, à partir du milieu des années 2000, des travaux d’experts commencent à voir le jour, introduisant une nouvelle conception de l’innovation. En se référant aux anciennes logiques d’innovation, ces travaux présentent de nouvelles stratégies ainsi que de nouvelles applications de celles-ci. L’économie de la connaissance à travers la déclinaison des stratégies d’innovation est devenue la clé de voûte du programme européen Horizon 2020. En effet, afin de permettre une mise en compétitivité efficace de l’espace régional et national, il apparaît nécessaire de repenser les enjeux actuels et de trouver un mode de développement adapté à la structure spécifique de chaque territoire. Ces perspectives sont clairement définies dans la mise en œuvre d’un Espace Européen de la Recherche. En effet, cette manœuvre traduit l’approfondissement d’une cohésion territoriale lisible et concertée fondée sur l’excellence scientifique, la compétitivité et la coopération entre acteurs fondamentaux. C’est dans ce contexte qu’il est nécessaire de situer l’action européenne visant à accroître la compétitivité internationale et infrarégionale via le développement de nouvelles logiques d’innovation. Afin de stimuler les économies en crises et reconvertir les secteurs en perdition, la communauté s’est tournée vers une approche structurelle. Il s’agit d’inclure l’innovation dans la réflexion économique institutionnelle et sociétale. Dominique Foray, expert sur la question et fondateur du concept de smart spécialisation, la défini comme « Un processus de sélection qui a pour finalité une priorisation et une concentration des ressources sur un nombre limité de domaines d’activités et secteurs technologiques où une région dispose d’un avantage comparatif, au niveau mondial, et donc susceptibles de générer de nouvelles activités innovantes qui confèreront à moyen-terme un avantage concurrentiel dans l’économie mondiale1 ». La S3 est directement inspirée des stratégies régionales d’innovation, qui peuvent se caractériser par une action concrète dans chacune des régions européennes, ayant pour but de définir les priorités stratégiques des territoires et de permettre une bonne articulation des stratégies nationales et locales. Toutes ces stratégies sont directement liées aux logiques d’innovation que l’on peut définir comme étant un processus d’accélération de la dynamique économique et sociale. L’innovation admet des formes diverses et variées, il peut s’agir d’innovations techniques, d’organisations du travail ou d’éducation. Tout au long du XXème siècle, les acteurs économiques de différents domaines (entreprises, recherches, universités, économie sociale, etc.) se sont regroupés avec la volonté de créer des synergies entre les différents savoirs et savoir-faire dans le but d’accroitre la compétitivité régionale et nationale. Cette dernière représente la capacité d’une 1 FORAY Dominique, Understanding smart specialization in PONTIKATIS, KYRIAKOU Y VAN BAVEL, The question of R&D Specialisation, 2009 4 région ou d’un territoire à faire face à la concurrence effective ou potentielle. Elle est au cœur du programme Horizon 2020 qui souhaite, par ses différentes mesures, concurrencer la compétitivité américaine. L’Horizon 2020 est un programme-cadre européen pour la recherche dans la période 2014-2020. Il comprend l'ensemble des actions de l'Union européenne en faveur de la recherche et de l'innovation. C’est avec l’arrivée de ce programme, que la vision traditionnelle de l’innovation et ses effets d’entraînement sur le reste de l’économie est remise en cause. C’est pourquoi il est donc essentiel de se demander en quoi la smart-spécialisation amène-t-elle à reconsidérer les logiques d’innovations. Au-delà d’une simple mesure pour impulser la compétitivité territoriale, qu’est-ce que la «Smart Spécialisation » révèle de la nouvelle pratique des politiques européennes ? Quelle réalisation différente des mises en œuvre habituelles prometelle ? Quelles sont les outils permettant d’atteindre des objectifs plus soutenus par rapport aux politiques précédentes ? Quelles solutions peut-elle apporter aux différentes typologies de territoires ? Comment la spécialisation intelligente pourrait-elle insuffler une dynamique économique régionale ? Dans cette optique, nous allons voir dans un premier temps quelles sont les logiques d’innovation dans le programme Horizon 2020, en y étudiant sa place et sa perception à travers son origine et son importance relative au sein de la Commission européenne. Nous serons amenés à nous demander ce qui distingue la S3 des SRI en nous intéressant aux points positifs et négatifs des SRI pour mieux comprendre les avantages de la S3. Enfin, nous étudierons les répercussions qu’elles ont eues sur les territoires en analysant les étapes clefs de la préparation d’une S3 ainsi que les potentiels régionaux. Dans un second temps, nous nous focaliserons sur la mise en place de la smart spécialisation en nous intéressant à l’émergence de nouvelles dynamiques organisationnelles en les comparants aux modèles traditionnels. Puis, nous nous intéresserons à la refonte des innovations en fonction de leurs territoires pour mieux correspondre à l’analyse des ressources et à l’émergence d’avantages comparatifs. Enfin, nous évaluerons les impacts sur les territoires à travers les créations d’écosystèmes engendrées et la redynamisation de l’attractivité de certains territoires. 5 I. LES LOGIQUES D ’INNOVATIONS DANS L’HORIZON 2020 Dans le contexte économique difficile que nous connaissons depuis quelques années, il semblait essentiel d’accroître la compétitivité des entreprises européennes afin de pouvoir faire face à leurs concurrentes américaines. L’innovation est vite apparue comme un levier primordial pour l’amélioration de cette dernière et c’est dans cette optique que les dernières politiques européennes ont tenté de favoriser son environnement afin de la faciliter. Dans cette partie, nous allons nous intéresser dans un premier temps à la place et à la perception de l’innovation dans le programme Europe 2020, puis au passage de la SRI à la S3 pour pouvoir analyser, dans une troisième partie, les répercussions de cette dernière sur les territoires. A. PLACE ET PERCEPTION DE L’INNOVATION DANS L’EUROPE 2020 Afin de mieux comprendre la place et la perception de l’innovation dans le programme de l’Europe 2020, il nous a semblé essentiel de nous intéresser aux origines du concept de la S3 et l’évolution de ce projet. Tout d’abord, nous nous sommes penchés sur la définition de la S3 afin de mieux comprendre ces spécificités. Qu’est-ce que la S3 ? A partir de quel constat les experts ont-ils préconisé un changement de politique en matière de recherche et de développement ? Suite à l’échec du concept d’EER, lancé lors du conseil européen de Lisbonne, quelles ont été les nouvelles directives insufflées par le groupe d’experts mandaté ? Ensuite, nous avons décidé de nous intéresser à l’évolution de ce concept et de nous concentrer plus particulièrement sur l’ampleur que celui-ci avait sur l’avenir de l’Union Européenne et de ses régions. 1) Origines du concept de la S3 Le concept de S3 est très récent, puisqu’il résulte de travaux engagés par un groupe d’experts (K4G) datant de 2006 à 2009 et c’est pour cela qu’il nous est apparu essentiel de nous pencher sur sa définition mais également sur son origine. En effet, il nous semblait 6 nécessaire de reprendre le constat de la situation sur la compétitivité européenne afin de mieux saisir les préconisations qui ont été apportées par les experts, pour le projet d’Europe 2020. Définition de la S3 Il convient de préciser que la S3 (Strategies for Smart Specialisation) est un processus de sélection visant à résoudre un problème pratique se posant aux décideurs politiques dans le contexte des politiques d’innovation et industrielles à l’échelon spécifiquement régional. La définition apportée par D. Foray (voir introduction) permet donc de relever les critères essentiels pour répondre au concept de S3 : Un choix ciblé sur le domaine d’activités ou le secteur technologique, disposer d’un réel avantage concurrentiel afin d’éviter le mimétisme, trouver la juste masse critique pour pouvoir arriver à l’autonomie et enfin, créer une réelle coopération entre les agents, un réseau intra-régional mais aussi hors région pour éviter de réinvestir sur ce qui existe déjà autre part. Ce processus dépend entièrement de la S3 Plateforme, fondée en 2011 après la communication du « Regional Policy contributing to smart growth in Europe 2020 » de Johannes Hahn, créée pour aider les pays et les régions de l’Union Européenne à développer, réaliser et reconsidérer leurs RIS3 (Research and Innovation Strategies for Smart Specialisation). Un fossé entre les compétitivités américaine et européenne Le concept de S3 est récent. En effet, il fait son apparition au milieu des années 2000, lorsque le débat sur la compétitivité de l’Union Européenne face aux Etats-Unis refait surface. Un groupe d’experts au niveau européen, connu sous le nom de « Knowledge for Growth », a été mandaté en 2005 par la direction générale Recherche afin de relancer la stratégie de Lisbonne. Leur objectif était de trouver un moyen efficace de mobiliser la recherche et le développement afin de limiter les différences de compétitivité entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. Les résultats de leur analyse permettent dans un premier temps de mieux comprendre ce fossé qui existe entre les deux régions et dans un second temps de proposer une nouvelle forme de politique au niveau de la recherche et de l’innovation européenne. 7 Les mauvaises habitudes européennes Dans leurs analyses, les experts du K4G (Knowledge for Growth) font un état des lieux quelque peu alarmant de la situation européenne en matière de recherche et d’innovation. En effet, en comparant les procédés américains et européens, il apparaît que l’Union Européenne perd énormément en efficience et en efficacité suite à de mauvais choix organisationnels. Il apparait donc dans le rapport final que les efforts de recherche et développement se trouvent répartis à travers l’UE. Le système public de recherche est fragmenté en différentes bases nationales déconnectées, les centres d’excellence n’ont pas été suffisamment développés entrainant une insuffisance des effets d’agglomération. Il existe également un réel manque de coordination entre les différents pôles et enfin, la forte tendance à l’imitation et des meilleurs entre pays et régions européennes s’avèrent être une solution extrêmement coûteuse et sousperformante. Un autre point particulièrement inquiétant apparait également dans ce rapport : les stratégies mises en place par les grands groupes européens afin de contrer ce manque d’efficience. En effet, les chercheurs du K4G remarquent en Europe une tendance accélérée à la délocalisation de leurs pôles de recherche et développement. A long terme, ces délocalisations auront un impact fort sur la compétitivité de l’UE mais également sur sa santé économique, puisqu’elle ne jouira plus de bases solides, fondées sur la connaissance. Les préconisations du K4G Après leur mise en garde alarmante de la situation de la compétitivité européenne, les experts ont proposé de nouvelles directives à suivre. Tout d’abord, ils se montrent favorables à une révision radicale de la politique de recherche et d’innovation européenne, passant par la construction - ou plutôt la reconstruction - d’un véritable Espace européen de la recherche. Pour cela, on va chercher à concevoir des stratégies nationales ou régionales de développement économique, fondées sur des modèles de spécialisation intelligente, c'est-àdire pousser les Etats membres et les régions de l’UE à se concentrer sur des domaines d’activités ou des secteurs technologiques où ils disposent d’avantages compétitifs. Concrètement, il s’agit ici pour l’Union et ses Etats membres, de limiter le nombre de centres d’excellence, afin de les doter au mieux de la masse critique et des moyens suffisants permettant d’atteindre une envergure mondiale. Le but ici est de limiter au maximum la concurrence (inutile) à laquelle deux centres spécialisés dans le même domaine peuvent faire face mais également, d’éviter les gaspillages de potentiels et budgétaires de la part des fonds 8 spécialisés de l’UE. Ces réformes visent à favoriser la complémentarité entre des activités économiques similaires plutôt que de rester dans une logique de clusters sectoriels. Ce sont donc sur ces observations que le concept de Strategies for Smart Specialisation prend place et que ces cinq points clés vont être définis : Concentration des fonds sur des priorités Viser les avantages concurrentiels Favoriser l’innovation au sens large et l’investissement privé Stimulation des partenariats intra et inter régionaux Se baser sur les faits et évaluer Nous pouvons donc conclure en disant que, suite aux analyses d’experts mandatés par la commission européenne exprimant les différences de compétitivité entre les modèles de logique d’innovation américain et européen, des préconisations ont été apportées afin d’aider à la refonte des projets européens de recherche et développement mais surtout à la mise en place d’une nouvelle stratégie globale, en terme de gouvernance européenne, de spécialisation intelligente. Nous allons voir que ce nouveau concept ne s’est pas restreint aux limites du domaine de la recherche et développement mais qu’il a su s’étendre à d’autres domaines. 2) Comment est-il devenu un concept central pour la réflexion sur l’avenir de l’UE ? Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, le concept de S3 a la particularité de concentrer ses ressources dans les secteurs qui semblent être les plus innovants et les plus prometteurs ainsi que dans les régions disposant de véritables avantages concurrentiels. Cependant, ce concept va rapidement être utilisé dans d’autres domaines. La spécialisation intelligente, un levier pour la nouvelle stratégie Europe 2020 : un modèle durable et plus proche territorialement de ses acteurs Très rapidement, le concept de S3 devient un élément phare dans la nouvelle stratégie de l’Europe 2020 et va dépasser le secteur de l’innovation, en débordant dans d’autres domaines des politiques européennes (comme la Politique Agricole Commune, la politique de cohésion, etc). En effet, la voie que propose cette S3 semble allouer une utilisation des investissements publics qui soit efficiente, efficace et optimisée, permettant à plus long terme de la croissance économique et de la prospérité. Pour la Commission Européenne, c’est par cette voie que pourra émerger une « croissance intelligente, durable et inclusive », tant au niveau européen, 9 que national ou régional. En effet, en basant son activité sur la recherche, l’innovation, la croissance verte, l’éducation et l’emploi, la spécialisation intelligente semble être une voie saine et durable. Il semble important de rappeler ici que Europe 2020 a pour ambition de devenir l’horizon stratégique commun de toutes les politiques européennes et qu’en s’inspirant du concept de S3, elle souhaite mettre en place des coordinations étroites de l’ensemble des politiques et des acteurs afin de redynamiser la compétitivité européenne. Ces coordinations devraient passer par des partenariats renforcés entre chercheurs et industries favorisant des transferts de compétences, des créations d’infrastructures de recherche de taille mondiale, des coopérations internationales scientifiques et technologiques, la promotion de la mobilité et de la carrière des chercheurs ainsi que la programmation conjointe avec l’articulation des programmes nationaux de recherche. Nous pouvons également souligner ici que la différence majeure entre le programme Europe 2020 et sa devancière, La stratégie de Lisbonne repose dans sa proximité territoriale avec les différents agents économiques. En effet, le programme Europe 2020 allie des objectifs au niveau européen mais prend tout de même en compte la reconnaissance et la diversité des territoires ainsi que leurs potentiels. En se rapprochant ainsi des acteurs économiques de l’innovation, le programme Europe 2020, permet de mieux prendre en compte les diversités des territoires et donc de favoriser des projets cohérents et de tirer le meilleur des potentialités de chaque état-membre et de chaque région. Pourquoi ce modèle semble-t-il être une réussite ? Le concept de S3 suit plusieurs logiques qui lui permettent d’avoir une certaine cohérence. Tout d’abord, on retrouve une logique de compétitivité pour chaque région ou état-membre, visant à améliorer celle de l’UE mais également une logique d’optimisation des ressources disponibles et enfin, une logique de différenciation et de synergies entre les interventions des différents fonds européens. Ce sont ces logiques qui ont permis de poser les conditions nécessaires à l’existence d’une telle stratégie, que celle de la S3 : Définir une vision commune de l’avenir par le biais d’un processus de concertation des différents acteurs (entreprises, unités de formation et de recherche, les acteurs de l’économie sociale, etc) Adopter un cadre politique et budgétaire prévisionnel afin de se fixer des bornes La mise en place de priorités européennes afin d’éviter les gaspillages (d’efforts et de budget) 10 Exploiter les possibilités ouvertes par les mécanismes de « programmation conjointe » et « coopération » avec les autres Etats et régions. Il s’agit donc ici de centraliser les différentes informations afin de pouvoir les répartir au mieux. En effet, contrairement aux Etats-Unis qui jouissent d’un esprit très « corporate », l’UE souffre de la fragmentation et des redondances dans le domaine de la recherche et du développement. En effet, l’absence de vision commune qui était sensible jusqu’ici, empêchait certains domaines d’activité ou secteurs technologiques de pouvoir se regrouper et d’atteindre leur masse critique, nécessaire pour pouvoir peser à l’international. Il ne s’agirait donc pas d’un manque de moyens (humain ou financier) mais plutôt d’une mauvaise gestion de ceuxci, qui aurait empêché le succès des politiques mises en œuvre auparavant. De plus, dans un contexte économique difficile où les ressources budgétaires risquent d’être amenées à diminuer, il semble essentiel de maximiser et d’optimiser les ressources ainsi que les efforts nécessaires à la recherche et au développement. D’un point de vue purement économique, le concept de S3 est une déclinaison de l’avantage concurrentiel (Porter) qui montre les cinq forces auxquelles sont soumises les entreprises par rapport à leur concurrence sur leur marché, de la chaîne de valeur (Porter), une approche qui vise à examiner le développement de l’avantage concurrentiel, mais également de la théorie des rendements d’échelle de Krugman qui vise à démontrer que les économies d’échelle réalisées par les entreprises leur permettent d’être plus compétitive. Pour conclure sur cette partie, nous pouvons dire que l’innovation occupe toujours une place centrale dans le programme Europe 2020, puisqu’elle est le levier primordial de l’accroissement de la compétitivité. Les experts ayant travaillé sur cette refonte de projet ont su analyser les modèles étrangers, ainsi que les failles de l’ancien système afin de proposer une alternative enrichie et élargie à d’autres domaines, par la suite. Il convient donc à présent de voir comment le passage de la SRI à la S3 a été amorcé pour pouvoir ensuite comprendre les différentes répercussions que cela a pu avoir sur les territoires. B. LE PASSAGE DE LA SRI A LA S3 L’horizon de la réflexion sur les logiques d’innovation jouit d’une place de choix au sein des programmes européens. Elle provient d’un complexe de développement et d’un écart flagrant entre le potentiel innovateur des pays de la Communauté par rapport au Japon et aux Etats11 Unis. En effet, cet indicateur a donc motivé l’Union Européenne à reconsidérer ses stratégies de développement économique afin d’être plus compétitive et de reconvertir les secteurs en crise. C’est ainsi qu’en 2007 la stratégie de Lisbonne est mise en place, visant à faire de l’Union Européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». En effet, une analyse empirique et théorique des techniques d’innovations a permis de repérer des dysfonctionnements, inhérents à l’organisation des systèmes d’innovations. Les spécialistes observent une dispersion, et une redondance au niveau territorial qui font que les pays de la communauté accusent un retard significatif par rapport à leurs principaux concurrents. Ainsi la mise en place des SRI « Systèmes Régionaux d’innovation » consiste à se réapproprier de façon efficace le potentiel territorial et à le décliner de manière à ce qu’il soit profitable à la compétitivité d’une région. On part à la redécouverte des régions, de leurs avantages comparatifs, afin de pouvoir mener des choix de spécialisation pertinents et parfaitement adaptés. Car si les territoires n’ont pas les mêmes atouts, tous renferment un potentiel d’innovation à exploiter. En outre, même si la stratégie de Lisbonne s’est heurtée à de multiples obstacles, elle a permis de mettre en place un levier de réflexion dynamique et pertinent autour des logiques d’innovations. Les SRI jugés inadaptés sur de nombreux axes ont néanmoins permis la mise en place d’outils de compréhension des territoires dans leurs globalités. L’horizon de la « Spécialisation intelligente » contribue à approfondir la logique de la SRI en partant du bilan de celle-ci. La S3 ne marque pas un renouveau dans la gestion et l’organisation des systèmes d’innovations, mais elle s’appuie sur ce qui a été identifié comme sources de dysfonctionnements au sein des SRI pour corriger les défauts et impulser des modèles pertinents. La démarche des SRI a abouti à un bilan positif en permettant aux régions d’approfondir leur compréhension de l’innovation et des besoins des entreprises en matière d’innovation, mais des points d’amélioration apparaissent. En outre, si la « SRI » a inspiré la S3 à bien des niveaux, quelle évolution marque le concept de S3 par rapport à la logique SRI ? Quels sont les apports de la SRI et ses points déterminants ? Comment se sont manifestées les limites de ce modèle ? Quelle manœuvre prévoit la S3 pour pallier à ces dysfonctionnements et proposer un modèle plus pertinent et adapté à la structure territoriale ? 12 1) Les apports et limites de la SRI Les Apports L’innovation est un processus qui se réinvente en fonction des logiques et des territoires. Elle nécessite d’être constamment redéfinie pour échapper à l’obsolescence inhérente à son essence. La mise en place d’un système d’innovation cohérent implique de stimuler et de mettre à profit efficacement les ressources localement ancrées tout en maintenant un contexte institutionnel et social pertinent. Ainsi, une des principales limites intrinsèques à l’institution d’un système d’innovation est la difficulté d’entretenir une structure adaptée à la nature territoriale. En effet, un système d’innovation est un objet évolutif, instable, en constante mutation qui doit s’accorder sans cesse aux spécificités territoriales, aux intérêts des acteurs ainsi qu’à l’établissement de nouvelles logiques concurrentielles. La Stratégie de Lisbonne en 2007, a eu pour ambition de réviser entièrement les faiblesses de l’innovation européenne en intégrant une rigueur dans la réflexion autour des systèmes d’innovation. Si elle a manqué d’outils pour mettre en vigueur et appliquer cette nouvelle conception de l’innovation, il n’en demeure pas moins que la notion des SRI a apporté un renouveau dans la perception de l’innovation. Cette préparation des régions par la structuration autour des SRI va faciliter la compréhension de la S3 et va déterminer son succès. Les SRI ont marqué un tournant décisif dans la compréhension des dynamiques d’innovation. Le système d’innovation est désormais penser en écosystème. L’innovation n’est plus perçue comme un élément individuel mais est intégrée dans un ensemble ou interagissent de multiples acteurs. Cette vision englobante se situe hors de l’approche purement économiste, la promotion de l’innovation et de la compétitivité des territoires irradie d’autres disciplines telles que la sociologie, l’organisation des marchés et sort des sentiers généralement battus. Les SRI approfondissent la conception fondamentaliste de l’innovation concentrée autour des activités strictement scientifiques et techniques. Ils tendent à dépasser ce système de castes, puriste et ségrégationniste, pour l’intégrer au reste de l’économie, cela dans le but de provoquer des effets d’entraînements. Ainsi, les SRI ne constituent pas un modèle chronique pour impulser une branche de l’économie mais une nouvelle conception des conditions de la 13 croissance, une idéologie économique, qui organise et institue les objets territoriaux en système. Cette « religion de la systémie » prend place dans un contexte de compétitivité et de réticulation accrue des territoires régionaux. Les SRI ont obtenu un bilan positif et ont servis d’étapes de préparation à la S3, qui circonscrit un champ d’action plus vaste et des outils d’application considérablement renforcés. La mise en œuvre des SRI lors de la stratégie de Lisbonne a permis de déterminer des dynamiques d’innovation essentielles aux régions même si elle n’a pas aboutie à concrétiser de manière durable les logiques développées dans le processus européen (voir annexe n°1, les SRI ont contribué à l’émergence de nombreux aspects décisifs). Loin de valoriser une approche sur le court terme, les SRI admettent une approche hautement stratégique de « la compétitivité et du développement socioéconomique » des régions fondées sur l’innovation dans toute l’envergure de sa possibilité. En outre, elles impliquent de repenser les logiques d’innovation traditionnelles qui fonctionnaient en vase clos, au profit d’une conception systémique intégrée. L’innovation interfère désormais avec son environnement proche, qu’elle soit technologique, économique ou sociale. « L’innovation est toujours le fruit d’interactions multiples entre l’organisation innovante et son environnement. On peut parler d’innovation ouverte et collaborative qui consiste à impliquer tant l’écosystème innovant externe à l’entreprise que l’ensemble de ses ressources internes.2 » (voir annexe n°2, système régional d’innovation). Les apports de la SRI s’avèrent donc indispensables et préalables pour mener une « Smart Spécialisation » pertinente, ils ont permis d’expérimenter différents aspects importants, dont 3 leviers décisifs : La coordination entre acteurs du système 2 Le financement du processus Source : Innovation 02- Activateur d’innovation 14 La dynamique innovante des entreprises En outre, les SRI ont surtout facilité le déploiement de méthodes d’analyses utiles dans le cadre de la mise en place de la S3 à travers une grille de questionnements : Les forces et faiblesses des régions Les ressources territorialement ancrées ainsi que le potentiel de résultats obtenus Les acteurs avérés ainsi que les interactions en jeu Les outils de financements Les besoins des entreprises innovantes mais aussi celles détenant un potentiel nonexploité afin de parvenir à innover On observe donc que les SRI dans l’envergure et la rigueur de la réflexion posée amènent à traduire les spécificités territoriales par de nouvelles logiques d’innovations, qui voient le jour à travers la mise en place de synergies entre acteurs, et d’économies d’agglomérations. Cependant comment un système qui d’apparence paraissant si solide s’est affaibli lorsqu’il a fallu l’adapter de manière durable aux territoires ? Quelles sont les limites des SRI ? Qu’estce qui a impliqué de reconsidérer l’application de ces modèles en faveur de l’avènement de la S3 ? Les limites Les SRI, tels qu’ils ont été développés dans la théorie, entretiennent des liens étroits et similaires avec la méthode de la S3, celle-ci n’en est qu’une redéfinition plus pragmatique. Les limites rencontrées dans la mise en place des SRI, se sont tout d’abord manifestées au niveau du financement. En effet, l’Union Européenne était censée affecter 3% du PIB pour budget, mais au final n’y a consacrer qu’ 1,9% sans compter la récurrence du problème des disparités entre les états de l’Union. C’est l’une des premières limites à la Stratégie de Lisbonne et à l’élaboration des SRI. Par ailleurs, la méthode jugée trop souple qui n’imposait aucuns objectifs au niveau des résultats espérés constitue aussi l‘un des vices qui a provoqué le déclin de la Stratégie de Lisbonne. En outre, en plus des difficultés de fonctionnement, les SRI ont dû faire face à des lésions intrinsèques au système, c’est-à-dire : 15 Une faible définition des fonctions-clefs, et du rôle de chaque acteur Des difficultés pour accorder les intérêts des acteurs, et ainsi aboutir à une coordination efficace Des problèmes de gouvernance des systèmes apparaissant très souvent complexes Une réticulation territoriale inaboutie pour mettre en circuit les produits dérivés Des redondances au niveau régional et souvent national Afin de mesurer les limites des SRI, le guide des spécialisations des régions françaises a établi un rapport régional au sein duquel sont détaillés les atouts ainsi que les faiblesses de la mise en œuvre des SRI (voir annexe n°3, BILAN DES SRI : Ce qu’il y’ a retenir de leur mise en œuvre dans la région Aquitaine). En outre, il demeure que si la SRI expose les dynamiques d’innovation conformes aux nouvelles logiques, l’hétérogénéité des territoires et la géométrie variable des espaces imposent de repenser une SRI pour chaque territoire. La limite la plus contraignante au développement des SRI est sa difficulté d’adaptation aux différences territoriales. Ainsi, à travers les limites de développement des SRI par la Stratégie de Lisbonne, il est intéressant de déceler les nouvelles applications que mettra en œuvre la S3 pour pallier à ces dysfonctionnements et amorcer ainsi une stratégie d’innovation plus efficace, en accord avec les spécificités des territoires. 2) Les avantages de la spécialisation intelligente La stratégie de spécialisation intelligente consiste à définir à l’échelle de chaque territoire une stratégie pour la recherche et l’innovation adaptée à ses atouts et ses contraintes. C’est une méthode de transformation « sur mesure » pour les territoires, la S3 vise à impulser l’innovation sous toutes ses formes (allant du profil technologique, la pratique des entreprises au marketing en intégrant les services jusqu’à l’innovation organisationnelle). La S3 s’adapte parfaitement à l’échelle régionale, c’est un processus par lequel chaque région peut trouver son avantage concurrentiel et y appliquer une stratégie de développement unique basée sur un aspect de différenciation, adaptée aux atouts et contraintes spécifiques de son 16 territoire. En effet, la région « concentre ses ressources sur les domaines d’activités ainsi que les secteurs dans lesquels elle détient un avantage comparatif avéré sur une ou plusieurs chaînes de valeurs internationales afin de viser l’excellence ». La S3 s’inspire des SRI et tient compte des échecs constatés en impulsant un développement local adapté à la structure de chaque territoire. Ainsi, le concept de S3 n’est pas nouveau, il s’inspire d’une méthodologie existante depuis 15 ans en matière de soutien aux stratégies d’innovations régionales. Cependant, une des caractéristiques le différenciant des SRI, consiste à faire de ce programme une condition à l’octroi de financement du FEDER. Désormais, les états-membres, ainsi que les régions doivent satisfaire à une liste d’objectifs à atteindre. Cette modification est un des principaux leviers, qui distingue les SRI de la S3. La S3 dépasse le simple enjeu d’impulser l’innovation. Bien plus, elle constitue un moyen d’accroître les synergies entre les politiques des programmes européens. En effet, elle détermine la coordination de la politique de cohésion avec le futur programme de l’Horizon 2020. C’est un outil efficace de centralisation des objectifs attendus et des moyens de financement, la conséquence fondamentale devant sur le long terme être une autonomisation des différents pôles. La S3 suscite un défi pour la politique de cohésion territoriale. Il s’agit de gommer les disparités régionales en conciliant les phénomènes d’agglomération, de manière à avoir une meilleure lisibilité de l’espace régional. Elle apparaît fomenter un processus de rééquilibrage entre les territoires, mais aussi profiter de la diversité régionale et des nombreux potentiels en vue de promouvoir un développement durable et harmonieux. Ainsi, l’objectif de la S3 est de « construire un développement structuré autour des atouts territoriaux et des avantages comparatifs » tout cela dans un contexte de développement durable. La S3 trouve sa pertinence dans l’adoption d’une logique « place-based » (voir annexe n°4, la logique place-based). L’approche « place-based » relève d’un consensus entre la politique de cohésion et la cohésion territoriale. L’objectif étant de permettre aux territoires d’identifier et de valoriser leurs avantages en concentrant leurs moyens sur un nombre limité de secteurs où ils détiennent un avantage comparatif susceptible de générer des activités innovantes. 17 La S3, enfin, représente une opportunité de converger vers une constitution globale d’un Espace de Recherche Européen, à travers la mise en complémentarité entre la politique de cohésion et l’horizon 2020. Ainsi, la S3 possède de nombreux avantages qui la distinguent des SRI, lorsqu’on compare les deux méthodes, il n’y a pas une forte divergence. Cependant, la différence se révèle au niveau de la mise en application et des objectifs imposés. La S3 apparaît mieux préparée à faire face aux disparités régionales et à la donne financière, qui était un des axes défectueux des SRI. C. LES REPERCUSSIONS SUR LES TERRITOIRES 1) Les étapes-clés de préparation d’une S3 La réalisation de la stratégie de « Smart-spécialisation » implique la mise en œuvre d’une méthode spécifique à la structure de chaque territoire. Elle admet une planification et une réalisation plus aboutie des SRI. Ainsi, afin de préparer la stratégie de S3, il a fallu organiser des groupes de recherches ayant pour mission d’analyser les dysfonctionnements inhérents aux échecs des planifications précédentes. Ils ont en outre, procéder à un diagnostic territorial afin de déterminer les atouts et contraintes des territoires et lancer des plans d’actions. La première étape de préparation d’une S3 consiste à élaborer une série de travaux préliminaires, qui servent à appréhender les logiques et les dynamiques du terrain, avant de diagnostiquer un modèle de développement efficace (voir annexe n°5, Les travaux préliminaires à la mise en place d’une S3). En outre, les étapes de préparation d’une stratégie de smart-spécialisation sont détaillées dans un manifeste constitué par des spécialistes, « Guide to research and innovation strategies for smart specialisation ». On distingue sept étapes-clés qui déterminent l’élaboration d’un programme cohérent pour chaque région : La S3 a pour principe fondamentale de fournir en interne les bases d’une stratégie d’intervention sélective, fixant des critères précis pour les projets soutenus et leur mise en œuvre. 18 Etape 6: Intégration des mécanismes de suivis et évaluation Etape 1:Analyse du potentiel régional pour une différenciatio n orientée par l'innovation Etape 2: Conception et gouvernance de la RIS 3 Etape 7: Communiquer sur la stratégie Etape 3: Elaboration d'une vision globale pour l'avenir de la région Etape 5:Définition d'un policy-mix cohérent, feuille de route et plan d'action Etape 4: Sélection des priorités pour la RIS 3 et définition des objectifs Elle prévoit notamment l’institution de mécanismes d’incitation vis-à-vis des bénéficiaires afin de réduire les risques d’attirer les mauvais acteurs. Ainsi, les régions ont besoin d’une « capacité stratégique pour identifier leur potentiel de croissance, bâtir des partenariats et trouver de meilleurs compromis et synergies entre les enjeux environnementaux, économiques et sociaux ». La S3 agit selon un principe de sélection et de connexion, par le biais de 4 axes thématiques : 1- Renforcer la recherche, le développement technologique et l’innovation 2- Améliorer l’accès aux technologies de l’information, de la communication, leurs qualités et utilisations 3- Renforcer la compétitivité des PME et les secteurs agricoles, la pêche/ aquaculture par l’utilisation des différents fonds structurels (FEADER) 4- Soutenir la transition vers une économie à faible émissions de carbone dans tous les secteurs 2) Analyse des potentiels régionaux A la diversité des territoires répondent une diversité de stratégies régionales d’innovation qui doivent accorder en fonction des spécificités une structuration précise, un mode de financement et de gouvernance, ainsi qu’un partenariat entre acteurs publics et privés. 19 Ainsi, après la définition des étapes de l’analyse-clé de la préparation d’une S3, il convient de brièvement définir le procédé d’analyse des potentiels régionaux pour identifier les conséquences territoriales ainsi que les outils de pratique de la « spécialisation intelligente ». En outre, l’analyse des potentiels régionaux doit tenir compte de la diversité des territoires qui se structure selon trois axes essentiels : les atouts, les contraintes et les potentiels d’utilisation. D’autre part pour mener à bien l’analyse des potentiels régionaux, il est nécessaire de définir des axes d’interventions précis : - La revitalisation des secteurs industriels traditionnels, avec un recentrage sur des activités et niches de marché à haute valeur ajoutée La modernisation de secteurs existants par l’adoption et la diffusion de nouvelles technologies La diversification technologique vers des domaines associés aux spécialisations existantes La promotion de nouvelles activités économiques, via l’introduction de changements technologiques majeures, innovation de rupture L’exploitation de nouvelles formes d’innovation (innovation ouverte, sociale et les services) A travers ces axes, les typologies de territoires peuvent établir un dispositif d’action spécifique à la structure spatiale et aux intérêts des acteurs en jeu, afin de déterminer avec précision un plan d’intervention. Par ailleurs, afin d’analyser les potentiels régionaux, il convient d’identifier les avantages comparatifs et compétitifs en évitant les doublons au niveau régional et au niveau national. C’est une thématique déterminante où il est nécessaire de faire preuve d’un esprit entrepreneuriale et de rigueur, afin de savoir prendre des risques modérés tout en innovant. L’objectif de la S3 n’est pas que de faire émerger des secteurs technologiques à forte intensité en connaissance mais de repérer des domaines à potentiel de croissance élevé, capable de produire un retour sur investissement positif. Il s’agit de savoir faire des choix de spécialisation et de concevoir les stratégies pour les mettre en œuvre. L’analyse des potentiels régionaux est une étape cruciale de la mise en application d’une stratégie de S3 pertinente, elle engage les acteurs, les collectivités et les financements en jeu. Lorsqu’elle s’avère efficace, elle produit des conséquences positives qui ont des répercussions majeures sur les territoires. Cette étape détermine la réussite du processus, c’est pour cela que Horizon 2020 a mis à disposition des acteurs des équipes de diagnostic mixtes (multidisciplinaires) chargés d’approfondir cette étape et de fixer des objectifs précis pour chaque régions. 20 II. LA MISE EN PLACE DE LA SMART SPECIALISATION La smart spécialisation est, comme nous l’avons vu dans la première partie, un véritable espoir pour l’Europe, au niveau du redressement de sa compétitivité mais également sur d’autres domaines gérés par la Commission Européenne. Pour éviter de connaître le même échec que celui du Traité de Lisbonne, la mise en place de cette spécialisation intelligente est devenue un point crucial, puisque c’est à ce niveau-là que le traité a échoué. Dans l’optique de l’étude de cette mise en place, nous allons voir dans un premier temps l’émergence des nouvelles dynamiques organisationnelles, pour comprendre ce qu’elles apportent de plus que les anciens modèles. Puis, nous verrons comment les innovations ont été repensées en fonction des territoires, dans le but d’optimiser les avantages comparatifs et les ressources, et enfin, nous nous pencherons sur les impacts engendrés sur les territoires afin de voir si les résultats espérés ont été atteint. A. L’EMERGENCE DE NOUVELLES DYNAMIQUES ORGANISATIONNELLES La spécialisation intelligente diffère du Traité de Lisbonne principalement sur sa mise en place. Pour cela, il semble essentiel d’étudier l’émergence des nouvelles dynamiques organisationnelles afin de comprendre davantage quels sont les changements qui vont être apportés et les apports que ces nouveaux modèles vont pouvoir engendrer. 1) Les modèles traditionnels C’est depuis la fin du XIXe siècle que les économistes s’intéressent aux moyens mis en place volontairement ou intuitivement pour favoriser l’apparition de l’innovation. En effet, c’est Alfred Marshall qui remarque en 1890 que l’agglomération sur un même territoire, d’un grand nombre d’entreprises évoluant dans une même industrie permettait la formation d’un marché local du travail de compétences spécialisées ainsi que la constitution de complémentarités technologiques, tant verticales qu’horizontales, mais surtout que l’information y circulait mieux entre les différents agents, grâce à la proximité géographique. 21 Présentation des modèles traditionnels Traditionnellement, en Europe, nous retrouvons deux types d’organisation dans le développement de l’innovation : les Clusters et les SPL. Tout d’abord, nous pouvons préciser que les clusters sont des regroupements d’entreprises, de centres de recherche et d’organismes de formation travaillant dans un même secteur technologique ou dans un même domaine. Les différentes études qui ont été réalisées sur ces regroupements ont montré que ces concentrations étaient à l’origine de nombreuses externalités positives et ce, grâce à une meilleure circulation des informations entre les différents agents qui composent ces organisations. On retrouve des particularités au sein de ces clusters, puisqu’il existe les pôles de compétitivité et les grappes d’entreprises ou grappes d’innovation. Dans ces deux genres d’organisation, nous allons retrouver les mêmes acteurs (entreprises, centre de formation et centre de recherche) mais la différence principale va être au niveau de la taille des entreprises. En effet, les grappes d’entreprises sont des regroupements de PME ou TPE alors que dans les pôles de compétitivité on peut retrouver des entreprises de toutes tailles, confondues. Malgré ces légères différences, le fonctionnement semble être le même : la formation de systèmes relationnels entre les différents décideurs va permettre la transmission et les échanges, la plupart du temps implicites, de savoir et de savoir-faire, ce que l’on va appeler le Knowledge spillover. L’autre style d’organisation, le Système de Production Local, se compose également de concentrations d’entreprises, qui sont à la fois concurrentes et complémentaires, puisqu’elles travaillent toutes autour du même produit ou du même domaine d’activité. Les districts appartiennent à ce style d’organisation mais ont la particularité de se composer d’entreprises travaillant sur le même produit mais à différents niveaux de la chaîne de production. Dans ce genre d’organisation, nous retrouvons les mêmes constats que dans le premier type d’organisation : une meilleure circulation de l’information entrainant des externalités positives pour les différentes entreprises. C’est à partir de ce constat, que ce sont construit les programmes européens visant à améliorer l’innovation, la recherche et le développement. En effet, le programme Europe 2020, reprend encore ces dynamiques organisationnelles, en cherchant à les améliorer. Une logique beaucoup trop centrée sur la vision territoriale Les modèles que nous avons précédemment étudiés sont des modèles anciens et, avec la création d’objectifs communs au niveau européen, ils n’ont pas su se renouveler. En effet, les 22 différentes politiques européennes qui ont été menées jusqu’ici, souhaitaient continuer de promouvoir ces modèles efficaces pour le développement de l’innovation mais ont oublié d’y apporter une vision commune européenne. Le principale problème que les experts du K4G ont observé lors de leurs travaux, à l’origine de la strategies for smart specialisation était la redondance et le gaspillage dans les centres de recherche. Les politiques de recherche et développement sont restées dans une vision beaucoup trop territoriale. Le manque de vision globale a entrainé des effets de doublon, ceci entrainant une diminution de l’efficacité de chacun des centres de recherches, car il y avait des efforts de recherches inutiles qui avaient été fournis, des subventions qui avaient été accordé dans les deux cas. Or, comme le dit D. Foray dans son discours à la commission européenne « When you are small you need to be smart ». Par cette phrase, il explique l’ensemble de l’objectif de la S3 qui vise à réfléchir, ordonner, penser les centres de recherches avant d’agir de façon désordonnée. Une fois de plus, c’est par l’analyse des limites des anciens modèles que de nouvelles propositions vont être apportées. Les experts du K4G ont souhaité répondre dans leurs travaux et dans la proposition de la S3, à ce manque et à ces difficultés, en proposant de nouvelles dynamiques organisationnelles. 2) Les apports des nouvelles dynamiques organisationnelles Les modèles traditionnels d’organisation territoriale permettant l’amélioration des conditions de recherche et développement ont montré une efficacité quant à la circulation de l’information et le transfert de connaissances. Cependant, quand ces modèles ont été mis en place au niveau européen, nous avons vu l’apparition de quelques problèmes d’organisation, tels que les doublons de centres de recherche et la non-optimisation de ceux-ci (la taille critique n’étant que rarement atteinte). Nous allons donc nous intéresser dans cette partie, aux moyens mis en place par la commission européenne afin de contrer ces problèmes et d’optimiser l’existence des centres de recherche à travers l’Europe. La plateforme S3 : un moyen efficace pour centraliser toutes les stratégies de smart specialisation Dans le but d’éviter de reproduire les erreurs faites dans les anciennes stratégies, la Commission Européenne met en place une plateforme S3, au sein du programme « Regional Policy contributing to smart growth in Europe 2020 ». En créant cette plateforme, la 23 commission européenne entend créer un soutien pour les régions européennes et les Etatsmembres afin de les soutenir dans le développement et la mise en œuvre de leurs S3 ainsi que dans le suivi de ces projets. Comme nous l’avons déjà signalé auparavant, les plans du programme du Traité de Lisbonne et ceux du programme Europe 2020 ne sont pas radicalement différent mais c’est bien dans la stratégie de mise en place que la Commission Européenne entend changer les choses. La mission principale de cette plateforme est d’aider les régions à identifier les secteurs à haute valeur ajoutée (le but final étant d’améliorer la compétitivité de la région) et à élaborer des systèmes de soutien pour optimiser la mise en place de leur S3. La plateforme doit apporter son aide aux régions en matière de gouvernance, d’implication des acteurs dans le travail en commun afin de commencer l’élaboration d’une stratégie régionale. La plateforme S3, forte de ses expériences précédentes, pourra également apporter une aide technique opérationnelle pour le développement des centres de recherche. La plateforme de smart spécialisation va donc permettre de centraliser les différentes S3 afin de les rationaliser et de les maximiser au mieux. Il faut donc comprendre ici, que la plateforme S3 ne va pas apporter de nouveautés au niveau de la politique régionale mais un perfectionnement de la logique existante dans la politique de cohésion. En effet, c’est un des aspects de cette spécialisation intelligente, d’avoir à la fois une vision territoriale au niveau de la gestion des ressources, des avantages comparatifs, etc. et une vision commune qui passe par la mise en place d’une certaine cohésion entre les différentes S3. Le rapprochement du modèle américain : une vision d’ensemble avec des particularités selon les territoires La mise en place de cette plateforme a donc pour objectif de favoriser la cohésion entre les différentes S3 européennes. On peut faire un rapprochement ici avec les Etats-Unis (pays exemple en matière de compétitivité). En effet, on remarque dans ce pays qu’il y a deux types de gouvernance, d’une part une gouvernance globalisée où les stratégies sont mises en place et d’autre part, une gouvernance territoriale qui met en place les stratégies élaborées. Le Traité de Lisbonne avait déjà pour ambition de mettre en place ces deux types de gouvernances, au sein de l’UE mais il ne c’était pas donné suffisamment de moyens pratique pour le mettre en œuvre. Avec l’arrivée des plateformes S3, on voit véritablement l’émergence de nouvelles dynamiques organisationnelles, plus structurées et encadrées. 24 Une fois de plus, nous pouvons voir ici que le concept de S3 devient un concept central pour la réflexion sur l’avenir de l’UE puisqu’il permet de faire un lien entre la politique de cohésion et la cohésion territoriale. La mise en place de la smart spécialisation a donc entrainé de nombreux changements, notamment dans les dynamiques organisationnelles, bien que les modèles d’organisation territoriale traditionnels soient encore d’actualité. La double vision, à la fois globale et territoriale pourrait permettre à la smart spécialisation de rencontrer un véritable succès dans les politiques de recherche et de développement mais également dans les autres domaines gérés par la Commission Européenne. La mise en place de plateforme S3 est donc une sorte de révolution puisque, comme nous l’avons vu les plans du Traité de Lisbonne et ceux de l’Europe 2020 ne diffère pas énormément, mais le point de différenciation est bien dans la mise en place de ceux-ci. B. REPENSER LES INNOVATIONS EN FONCTION DES TERRITOIRES La smart-spécialisation se caractérise par une nouvelle manière d’appréhender les ressources d’un territoire. On ne cherche plus à se limiter à l’innovation technologique comme on a pu le faire avec les systèmes régionaux d’innovation. Le but n’est pas de se restreindre à l’excellence scientifique régionale mais bien de correspondre à la nature des territoires. 1. Une approche nouvelle dans l’analyse des ressources On a souvent restreint l’innovation à sa dimension technologique. Quand la smartspécialisation a été conçue en Europe, elle avait une vision « à l’américaine », c’est-à-dire au sens technologique. Pourtant, la plupart des territoires, plus particulièrement les zones rurales, ne peuvent pas se projeter avec une vision aussi restrictive. En effet, ils ne disposent pas des ressources sur leurs territoires nécessaires à l’élaboration de projets de haute technologie. C’est à ce moment que la spécialisation intelligente prend tout ce sens, c’est-à-dire sur son côté « smart ». Les territoires vont être amenés à repenser leurs ressources et à s’interroger sur la potentialité à les valoriser. Les territoires se doivent d’avoir une vision plus extensible de l’innovation, il existe en effet d’autres formes d’innovations à valoriser pour ces territoires mais cela est bien sûr soumis à une condition, cette condition n’est autre que les ressources 25 qui sont le déterminant de la spécialisation d’une région. La smart spécialisation au sens de Foray découle principalement de l’innovation technologique, mais sa vision extensible amène également à réfléchir à de l’innovation environnementale, organisationnelle et sociale et sont une autre manière de penser les avantages comparatifs et compétitifs. Il est évident que l’hétérogénéité des territoires conduit à réfléchir à une stratégie individuelle différente. Schéma n°1 Les formes d’innovation Avant de s’interroger sur les capacités que peut avoir un territoire, il est important que ce dernier s’interroge sur ses besoins. Il est essentiel de rappeler que les territoires sont hétérogènes et donc, qu’ils n’ont pas tous les mêmes besoins. Mais, la smart spécialisation permet d’apporter des réponses à toutes les typologies de territoires. La vision au sens de Foray elle, ne permet pas d’aborder toutes les spécificités des territoires français qui sont inégalement dotés en ressources. Il s’agit donc de bien analyser les ressources et de détecter de nouvelles activités ou en repensant les secteurs clefs. Les territoires ont la tâche d’analyser en profondeur les capacités qui peuvent être parfois sous-estimées. A première vue, on pourrait penser d’un territoire très rural que son secteur serait pauvre en ressource et de ce fait, qu’aucune activité n’y serait exploitable. Prenons l’exemple du plateau des Millevaches dans le Limousin. Cette zone n’a clairement aucun avantage à tirer du sens originel de la smart spécialisation. Il est très peu probable qu’une entreprise high-tech vienne s’implanter dans une cette campagne fragile3 comme peut l’être cette « montagne limousine ». Néanmoins, toutes les régions ont des activités à 3 La campagne fragile est la troisième typologie des campagnes définit par la DATAR en 2011. Elle se caractérise par une faible densité et une faible participation à la dynamique économique. 26 développer et la smart spécialisation, dans sa vision extensible, peut permettre à des territoires aussi ruraux de promouvoir des activités basées sur une innovation différente. Dans certains cas, les ressources ont déjà été analysées depuis longtemps, mais le problème réside dans une déperdition de l’activité. La smart permet de se demander quel autre usage je peux faire de ces ressources afin de relancer l’activité économique, comment je vais pouvoir la repenser. Prenons comme exemple la filière bois en Aquitaine qui est la première région forestière de France. L’intelligence est de se dire qu’on ne va pas détruire pour créer une nouvelle activité, mais plutôt la repenser, la recycler afin d’apporter un nouvel élan à cette filière qui a pu être enterrée trop rapidement. Le bois peut également servir à créer des briquettes pour le chauffage domestique. Encore, on peut utiliser la sève du bois afin de créer de la colle. On a vu que la smart spécialisation amenait à se réinterroger sur les ressources des territoires. Ces derniers peuvent en tirer des avantages spécifiques en mettant en place des formes d’innovations intelligentes et innovantes qui marquent une évolution par rapport au concept originel de spécialisation intelligente dans sa vision technologique. On va maintenant se demander comment ces ressources peuvent créer des avantages compétitifs sur les territoires. 2. Valorisation d’une ressource spécifique et avantage compétitif On a vu au préalable que la smart-spécialisation permettait de repenser les ressources d’un territoire. Dès à présent, la tâche est de valoriser cette ressource afin de créer un avantage compétitif. On verra par la suite, qu’une fois que l’activité sera définit elle pourrait bien apporter de la dynamique économique. Nous pouvons aborder le concept de valorisation de ressource à l’aide d’un exemple pertinent : celui de la châtaigne ardéchoise (voir annexe n°6, Etapes de l’activation de la ressource Châtaigne dans les Monts d’Ardèche). La ressource châtaigne des Monts d’Ardèche représente à merveille ce sur quoi peut s’orienter un territoire rural dans un but de création de valeur. Mais il est important pour le territoire de bien penser la ressource afin d’en faire un avantage comparatif. La ressource en question s’articule autour de plusieurs créneaux (identitaire et patrimoniale, culturelle, économique et enfin touristique) et de plusieurs acteurs. Ici, la châtaigne a clairement été développée et a réussi à mettre en synergie plusieurs acteurs locaux. 27 Dans certains cas, il est possible de créer une activité sans dotation factorielle. La création d’une activité peut passer par la mobilisation de personnes exclues du marché du travail et peut permettre de réinsérer les personnes en difficultés. Par exemple, l’économie circulaire permet de créer des activités sans avoir besoin d’employer des personnes qualifiées et permet de s’inscrire dans une logique de développement durable. Il est important de repenser les spécialisations des territoires car ils seront fatalement amenés à être concurrencés par d’autres pays. Presque tous les pays du monde sont engagés dans une stratégie d’innovation technologique et ils y gagnent en termes d’emplois et de richesse. De ce fait, les travailleurs non qualifiés semblent dans une position fragile. Dans une logique smart, plusieurs territoires pourraient s’orienter vers d’autres activités moins soumises à la concurrence nationale, européenne ou mondiale. Nous pouvons prendre comme exemple l’économie résidentielle. C’est une bonne interprétation de ce que peut être la smart spécialisation. Elle est principalement destinée à satisfaire les besoins des populations locales et ses activités sont beaucoup moins touchées par la concurrence. Selon l’Insee, l’économie résidentielle fournit tant au niveau national qu’au niveau régional plus de la moitié des emplois du territoire français. Ils permettent également d’embaucher des personnes moins qualifiées et de les insérés sur le marché du travail. Cela permettrait d’implanter sur le territoire des services de proximité comme des crèches. Ici on ne valorise pas forcément la dotation factorielle de notre territoire mais on s’interroge sur qui caractérise notre zone et on crée une activité à partir de cela de façon intelligente. On a vu qu’il était important pour un territoire qu’il analyse intelligemment les ressources présentes sur ses terres. Ensuite, il est primordial de se questionner sur la manière dont on va pouvoir la valoriser et comment une activité peut être créée. La smart apporte une vision intelligente de la valorisation d’un actif et de l’innovation. Les territoires même dépourvus de dotation factorielle ont l’occasion de créer de la valeur en utilisant des formes nouvelles d’innovations et en utilisant des ressources parfois sous-estimées. Nous allons ensuite montrer, une fois que l’activité a été analysée, quels impacts peut-elle avoir sur les territoires. 28 C. QUELS IMPACTS SUR LES TERRITOIRES ? La smart-spécialisation a pour but de développer les domaines ayant les plus fortes probabilités d’impacts socio-économiques et à vocation à s’appliquer à toutes les régions. Nous allons voir quels peuvent être les impacts sur les territoires de la spécialisation intelligente. 1. Création d’un écosystème En 2004, Gueguen, Pellegrin et Torrès expliquent les écosystèmes d’affaire de la façon suivante : Encadré n°1 Ecosystème d’affaire Source : Une définition des écosystèmes d’affaire, http://www.ecosystemedaffaires.net/ea3.htm « Ensemble des relations (verticales, horizontales et transversales ; directes ou non ; formalisées ou non) entre acteurs hétérogènes guidés par la promotion d’une ressource commune et d’une idéologie qui entraîne le développement de compétences partagées (compétences écosystémiques). » L’objectif n’est pas de perpétuer les erreurs qui ont été faites dans le passé avec l’implantation de pôles de compétitivités qui ne profitaient pas à tous les acteurs. Le modèle américain n’est pas applicable à tous les territoires, les pôles de croissances de François Perroux n’ont pas un effet structurant sur l’économie (voir annexe n°7, La théorie des pôles de croissance). Le but est de créer un écosystème permettant des relations entre les acteurs et des effets d’entrainements qui pourraient s’étendre au-delà du territoire mère. On a autrefois réfléchit avec une vision de marché pour l’entreprise, on essaye désormais de réfléchir ce que le marché peut apporter comme gain aux territoires et aux économies. La mise à profit de nouveaux marchés comme on a pu le voir dans la partie précédente montrent que de la création de valeur est possible sur tous les territoires à partir du moment où les potentialités ont été pleinement analysées. On a vu avec le cas de la châtaigne d’Ardèche (avec l’appui du tableau en annexe n°6) que les zones rurales où l’innovation technologique n’était pas possible, peuvent être capables de mettre en synergie un nombre important 29 d’acteur et créer un écosystème. Les pôles de compétitivités, les grappes et les clusters ont une place primordiale car ils contribuent à structurer l’écosystème régional. Il est néanmoins important d’élargir sa vision du cluster. L’importance de la smart spécialisation c’est de se demander comment, avec une activité, je vais réussir à faire vivre une économie locale entière. On peut s’appuyer ici sur l’exemple de la pratique du sport de glisse sur les côtes landaises. La ressource de ce territoire est la vague. Avec cette ressource naturelle le territoire est arrivé à créer un écosystème basé sur le domaine de la glisse. Des entreprises dans le milieu sont implantées dans cette zone (à savoir la marque de sport Quicksilver, spécialisée dans le surf, qui a implanté son siège près de Bayonne), et les plages des Landes accueillent les compétitions les plus renommées du monde. A partir d’une activité qui est saisonnière, on arrive à créer un écosystème qui fait vivre l’économie locale, qui créer de la richesse et des emplois. On a vu au travers de l’exemple des châtaignes d’Ardèche que si une ressource était bien identifiée, elle pouvait créer une dynamique intéressante pour son territoire et permettre à plusieurs acteurs différents de bénéficier d’une croissance économique articuler autour d’un seul et même produit. On rejoint ici le concept de grappes d’entreprises. On a pu voir que la smart-spécialisation permettait de créer un véritable écosystème régional autour d’une activité pouvant être structurée par des clusters, des pôles ou bien des grappes. La nouvelle dynamique territoriale va pouvoir offrir à des régions, autrefois en manque de croissance, de devenir attractif car avec la smart-spécialisation on ne se limite plus seulement à de l’innovation technologique qui était incompatible avec certaines typologies de territoires. 2. Un potentiel d’attractivité pour des territoires en perte de croissance La spécialisation intelligente promet aux régions une attractivité et une meilleure lisibilité du territoire. Elle permet le développement économique d’un territoire en se focalisant sur les avantages sectoriels des régions. Elle offre un éventail très large d’activité à valoriser du fait de la vision extensible de l’innovation. Une fois cernée, l’activité mise en valeur va donner la chance aux territoires d’être attractifs. L’attractivité peut prendre des formes diverses, la première est touristique. Le tourisme représente une formidable source de richesse pour les territoires qui ne peuvent pas attirer des 30 entreprises high-tech sur leurs terres. Même si ces activités sont placées sur un créneau saisonnier, il offre l’opportunité de faire vivre l’économie locale en attirant des capitaux. En prenant comme premier exemple la région Aquitaine qui est une zone à qui ne peut pas profiter de la smart-spécialisation au sens de Foray ou au sens américain du terme. La région Aquitaine se distingue par sa ressource bois dans la forêt des Landes et sa côte Atlantique. Elle a dans le passé su utiliser sa ressource bois afin d’en faire un actif spécifique de tourisme avec l’activité de l’accrobranche. C’est une manière intelligente d’utiliser sa dotation factorielle d’une façon différente afin d’amorcer une dynamique touristique. On a vu que qu’à travers le sport de glisse elle permet d’être attractif à partir d’une ressource naturelle aussi simple que la vague. La smart-spécialisation permet aussi de relancer le marché de l’emploi en insérant les personnes exclues du marché du travail grâce à l’économie résidentielle et organisationnelle. Cela permet d’apporter un dynamisme économique en réduisant le chômage du territoire et aide également à contrer les problèmes démographiques souvent importants dans ces zones rurales. On a également vu que les anciens pôles ne permettant pas d’amener des effets d’entrainement et n’étaient pas profitables aux subordonnés. Par exemple le pôle bois des Landes n’a pas réussi à profiter aux territoires limitrophes comme la Dordogne. La spécialisation intelligente pourrait changer ce phénomène et, via les grappes, clusters qui forment des écosystèmes, permettre des effets de débordement et élargir le rayon d’action par des complémentarités de nouvel ordre. Bien entendu, l’Horizon 2020 est une perspective future. Les concepts développés sont des hypothèses à mettre au conditionnel. Mais il apparaît que si la smart-spécialisation est parfaitement acquise par les territoires, elle pourrait permettre à ces derniers de créer de la croissance économique et redynamiser certains secteurs. 31 CONCLUSION Suite à un manque de compétitivité face à son concurrent historique, que sont les Etats Unis, un groupe d’experts mandatés a été chargé d’analyser les limites du Système Régional d’Innovation afin de proposer un nouveau modèle ayant pour but d’optimiser la compétitivité européenne via l’amélioration des conditions du domaine de la recherche et du développement en Europe. Ces travaux ont relancé les débats au niveau du parlement européen sur la place et la perception qui étaient accordé à l’innovation au sein de l’UE. Suite à cela, un nouveau programme définissant les objectifs européens en termes de recherche et développement a vu le jour : l’Horizon 2020. Dans ce programme, on voit apparaître le concept de smart spécialisation, s’inspirant du concept de SRI et visant à améliorer les performances de l’Europe en matière d’innovation. Nous avons donc pu étudier à travers ce mémoire, la mise en place de ce concept de S3, en nous penchant sur l’émergence des nouvelles dynamiques organisationnelles, mix entre les modèles traditionnels et les nouvelles structures proposées au sein du programme visant à définir l’Europe 2020. La smart spécialisation apparaît comme détentrice de solutions pour les territoires en manque de dynamisme. Elle permet de répondre à l’hétérogénéité des territoires et d’analyser les ressources de chacun afin d’en faire des actifs spécifiques. La S3 devrait offrir la possibilité aux régions, notamment via les écosystèmes, de profiter d’un nouvel élan économique et de devenir attractif. Cependant, nous avons pu remarquer tout au long de ce mémoire que peu d’éléments ont été mis en place pour le moment, ce qui laisse envisager des doutes quant à la réalisation de ceuxci. En effet, on est en droit de se demander si le concept de S3 parviendra à tenir son cap et à faire oublier les échecs rencontrés par les SRI et les systèmes précédents. De plus, nous nous sommes rendu compte d’une autre limite quant à la capacité des acteurs à s’intégrer et à tirer des bénéfices des stratégies mises en place. En effet, nous craignons que ce nouveau concept ne réussisse pas à créer une véritable cohésion entre le secteur privé et le secteur public puisque les disparités d’intérêts entre les deux types d’acteurs diffèrent sur de nombreux points. Ce problème représente un obstacle récurrent auquel ont été confrontés les programmes européens précédents. Enfin, on peut se demander si la volonté de centralisation des politiques européennes par le biais de la S3 ne représente pas un calque du modèle américain, qui n’est pas applicable à la géométrie et à la structure européenne. 32 TABLE DES ANNEXES Annexe n°1 : Les SRI, ont contribué à l’émergence de nombreux aspects décisifs ........ 34 Annexe n°2 Système Régional d’Innovation .................................................................. 35 Annexe n°3 : Bilan des SRI : Ce qu’il y a retenir de leur mise en œuvre dans la région Aquitaine .......................................................................................................................... 36 Annexe n°4 : la logique place-based ................................................................................ 37 Annexe n°5 : Les travaux préliminaires à la mise en place d’une S3 .............................. 38 Annexes n°6 : Etapes de l’activation de la ressource Châtaigne dans les Monts d’Ardèche ......................................................................................................................... 39 Annexe n°7 : La théorie des pôles de croissance ............................................................. 40 33 ANNEXE N°1 : LES SRI, ONT CONTRIBUE A L’EMERGENCE DE NOMBREUX ASPECTS DECISIFS Un climat favorable à l'innovation Analyse et compréhension par les régions des logiques d'innovation /Mise en perspective des besoins des entreprises Amélioration de la gouvernance des régions, avec une prééminence donnée aux entreprises Elaboration personnelle à partir du guide pour la stratégie de spécialisation des régions françaises 34 ANNEXE N°2 SYSTEME REGIONAL D’INNOVATION Source : Activateur d’innovation 02, http://www.innovation02.ca/a-propos/systeme-regionaldinnovation 35 ANNEXE N°3 : BILAN DES SRI : CE QU’IL Y’ A RETENIR DE LEUR MISE EN ŒUVRE DANS LA REGION AQUITAINE Atouts Faiblesses *poids faible de la R et D surtout concentré dans les entreprises de 500 à 2000 salariés *Recherche de classe mondiale dans certains secteurs (matériaux, laser) *Insuffisante qualification de haut niveau dans les entreprises *Système d'innovation faible collaboration • Système d’innovation : faible collaboration PME / recherche *Un potentiel de recherche publique et privé important (7e rang francais pour les recherches de R et D) Publique ; culture partenariale peu développée et faible Capacité d’absorption des résultats de la recherche publique *Un paysage en voie de restructuration et de simplification: Innovalis, Aquitaine Valo, incubateur Par les entreprises ; structuré mais peu piloté et peu lisible (« Avec qui commencer pour rentrer dans le système ? », *Une politique volontariste (Conseil Régional Aquitaine, première région francaise en part du budget dédié à la RDI Selon les entreprises) ; capacité à accompagner les projets mûrs, *Une offre de capital investissement diversifiée (14 fonds/440 M d'E) Privés dédiés (biotechnologie, TIC) et gérés hors Alsace Mais limitée pour l’émergence de nouveaux projets • Faiblesse de l’accès au capital-risque : fonds d’investissements • Dynamique de croissance faiblement créatrice d’emploi et D’innovation ; faible spécialisation sur des domaines clefs ; un bon Potentiel scientifique mais une faible efficience (inputs/outputs) • 65% des établissements industriels de faible technologie et faible * 4 pôles de compétitivité et 7 grappes d'entreprises Propension à breveter (surtout instrumentation et chimie) • Forte concentration de la R&D dans la haute technologie et les *Filières stratégiques : Aéronautique et spatial, bois, énergies nouvelles, Laser et phototonique, agroalimentaire, chimie, et matériaux *Lauréats des investissements d'avenir Entreprises de +1000 salariés • Système d’innovation : beaucoup d’acteurs mais un manque de visibilité , faibles fux de projets, manque dans la chaine d'innovation Elaboration personnelle à partir du guide pour la stratégie de spécialisation des régions françaises 36 ANNEXE N°4 : LA LOGIQUE PLACE -BASED Compétences des acteurs Spécialisation des territoires Identification des avantages territoriaux matériels et immatériels Proximité entre agents économiques spécifique aux territoires Elaboration personnelle à partir du guide pour la stratégie de spécialisation des régions françaises 37 ANNEXE N°5 : LES TRAVAUX PRELIMINAIRES A LA MISE EN PLACE D ’UNE S3 Identifier le périmètre d'intervention de la région Définir les avantages comparatifs du point de vue de sa base de connaissance et de son potentiel d'innovation Synergie avec les autres territoires- choix de priorités d'interventions dans une stratégie de développement intégrée Elaboration personnelle à partir du guide pour la stratégie de spécialisation des régions françaises 38 ANNEXES N°6 : ETAPES DE L’ACTIVATION DE LA RESSOURCE CHATAIGNE DANS LES M ONTS D’ARDECHE Source : PERRON Loïc, Valorisation des Ressources du Territoire, Résultat du programme de RechercheDéveloppement 2007-2012, http://www.psdr-ra.fr/documents/Ressterr/FR%20Ressources%20Territoriales.pdf 39 ANNEXE N°7 : LA THEORIE DES POLES DE CROISSANCE La théorie des pôles de croissance Elaboration personnelle inspirée de : DEFOURNY François, La Convergence Régionale dans l’Union Européenne. Le Rôle des Fonds Structurels, http://www.memoireonline.com/10/07/653/m_convergenceregionale-union-europeenne-role-fonds-structurels5.html 40 BIBLIOGRAPHIE AMABLE Bruno(CEPREMAP), Les systèmes d’innovations, Juin 2001 BILLAUDOT Bernard, LAVOISIER, Géographie, économie et société, 2005/1- VOL.7, pages 83 à 107 BONACCORSI Andrea, ČENYS Antanas, CHORAFAKIS George, COOKE Phil, FORAY Dominique, GIANNITSIS Anastasios, HARRISON Mark, KYRIAKOU Dimitrios, PONTIKAKIS Dimitrios and SMITH Keith, The Question of R&D Specialisation: Perspectives and policy implications, https://observatorio.iti.upv.es/media/managed_files/2009/06/10/JRC51665.pdf#page=19 BOURDIN Joël, BOYON Jacques, Zeller Adrien, Economie et territoires, La Documentation Française, Paris, 1997, p. 359-360 CAMUX Michel, VERSCHEURE Anna, WOLF Michel, Comité de suivi : Qu'est-ce que la smart spécialisation ? http://www.arittcentre.fr/s3/ DAVID Paul A., FORAY Dominique, HALL Bronwyn H., Smart specialization, From academic idea to political instrument, the surprising career of a concept and the difficulties involved in its implementation, http://infoscience.epfl.ch/record/170252/files/MTEI-WP-2011-001Foray_David_Hall.pdf?version=1 DEFOURNY François, La Convergence Régionale dans l’Union Européenne. Le Rôle des Fonds Structurels, http://www.memoireonline.com/10/07/653/m_convergence-regionale-union-europeennerole-fonds-structurels5.html DOLOREUX David et BITARD Pierre, Les systèmes d’innovations : discussion critique, Lavoisier : Géographie, économie, société, 2005/1-Vol.7, pages 21 à 36. FORAY Dominique, presentation of his new economic concept at the EU Parliament, https://www.youtube.com/watch?v=p4cs19hArBc PERRON Loïc, Valorisation des Ressources du Territoire, Résultat du programme de RechercheDéveloppement 2007-2012, http://www.psdrra.fr/documents/Ressterr/FR%20Ressources%20Territoriales.pdf Etude sur l’évolution des diagnostics d’innovation dans les stratégies d’innovation dans les régions françaises dans le cadre PO FEDER 2007-2013, Volume 1- Rapport final (synthèse) Juillet 2010 41