VO CABULAIR E L GUÉRISONS* Par Alain Rey, directeur de la rédaction du Robert, Paris a guérison est un état souhaitable et sou- cette distinction ; il ne s’intéresse qu’au résultat. haité. Mais, à la différence de la santé, d’ail- Pourtant, ce résultat est lui-même multiple, à tel leurs plus difficile à définir que la maladie, point que la guérison d’un mal n’est pas forcément la guérison a un passé, qu’elle supprime, et ce passé celle du malade, qui est un organisme, un tout. Ce est un mal. qui permet de dire, par une assez mauvaise plaisanterie : il est mort guéri ! La maladie, l’accident corporel sont des attaques ; la guérison est le résultat d’une défense. Car le verbe Dans le processus de guérison, il y a toute l’action guérir, qui vient des langues germaniques, tout raisonnée de la médecine, de la chirurgie, mais il y comme guerre, correspond à l’allemand wehren, a aussi de l’inexplicable. “La guérison, mon amie, la “défendre”. Les mots français guérir et guérison ont vraie guérison. Cela vient mystérieusement. On ne la été apportés dans notre langue de fonds latin par sent pas tout de suite”. C’est ce qu’écrivait Colette, les Francs, qui étaient plus portés sur le combat que dans un chapitre des Vrilles de la vigne, intitulé : “La sur la médecine. Aussi guarir, en ancien français, guérison”. Il est vrai qu’elle parlait de la guérison comme son modèle francique warjan, signifie-t-il d’un amour malheureux. Mais n’y a-t-il pas dans “défendre, protéger” ; s’il est devenu guérir, c’est par toute guérison une action secrète de la conscience l’influence du dialecte champenois. En se francisant et de l’inconscient, de la force vitale ? – on pourrait même dire en se champagnisant –, guérir s’est dédoublé, pour dire à la fois recou- La guérison est une défense réussie, une levée de vrer la santé et rétablir la santé de quelqu’un. De siège contre les attaques ; la force du traitement est même, la guérison peut être un processus naturel protectrice, et il faut qu’elle s’appuie sur l’énergie et spontané – on guérit facilement d’un rhume, en des assiégés. Pour guérir un blessé, un malade – général – ou l’effet d’une thérapeutique, qui peut verbe transitif –, il faut qu’il veuille guérir – intran- être lourde, longue, complexe – en général, encore, sitivement, absolument. on ne guérit pas tout seul d’une cardiopathie : on est guéri par la médecine. Guérison, le nom, efface Il arrive que la grammaire parle vrai. Vocabu laire >> * © Le Courrier de la Transplantation 2004;1:6. La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - n° 6 - novembre-décembre 2012 | 181