Éditorial Le meilleur de deux mondes L a création d’unités dédiées à la prise en charge spécifique des leucémies et cancers survenant dans la population AJA (Adolescents et Jeunes Adultes ; 15-25 ans), induisant de fait un rapprochement de la pédiatrie et de la médecine adulte, a eu lieu en France au début des années 2000. Comme illustré par les différents articles composant ce numéro, les prises en charge pédiatrique et adulte pouvaient, et peuvent encore, différer de façon significative, ce qui justifie en soi l’autonomisation de structures de soins dédiées à cette population permettant à la fois d’homo­ généiser les pratiques, en intégrant le meilleur de chaque "monde", et aussi de prendre en compte au mieux les caractéristiques physiologiques, psycho­logiques, scolaires et sociales des AJA, caractéristiques qui les mettent à part des autres patients aussi bien en pédiatrie qu’en hématologie adulte, et qui nécessitent également une approche spécifique. Les progrès thérapeutiques à attendre de cette démarche sont d’ores et déjà parfai­tement démontrés pour les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL), où des approches pédiatriques ont profondément modifié le ­traitement actuel des patients AJA et très significativement amélioré leur pronostic. L’impact est à ce jour moins net pour les autres hémopathies malignes, mais on peut espérer que la création très récente d’une association, GO-AJA (Groupe d’onco-hématologie adolescents jeunes adultes ; www.go-aja.fr), et la mise en place de protocoles spécifiques pour les patients de cette tranche d’âge permettront in fine d’améliorer leur pronostic. Au-delà de la mise en place de protocoles de chimiothérapie spécifiques, ces unités AJA et les médecins qui les animent devront aussi améliorer la prise en charge d’aspects “non médicaux” plus spécifiques à cette population. Parmi ceux-ci, il faut en particulier s’intéresser à la compliance, ou plutôt, comme on préfère actuellement la dénommer, à l’adhésion au traitement. L’absence d’adhésion au traitement des patients adolescents est en effet bien connue des pédiatres pour de nombreuses pathologies chroniques, comme le diabète insulinodépendant ou les anémies nécessitant un support transfusionnel et une chélation. En hématologie maligne, cette adhésion est particulièrement importante pour les hémopathies nécessitant la prise quotidienne et continue d’un traitement, et une mauvaise adhésion thérapeutique peut ici avoir un impact dramatique, comme l’illustrent le cas clinique d’un patient AJA atteint d'une leucémie myéloïde 104 Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VII - n° 3 - juillet-août-septembre 2012 Éditorial Sang Moelle 1,0 E + 03 Imatinib Dasatinib 1,0 E + 02 1,0 E + 01 1,0 E + 00 1,0 E – 01 1,0 E – 03 Juillet Septembre Novembre Janvier Mars Mai Juillet Septembre Novembre Janvier Mars Mai Juillet Septembre Novembre Janvier Mars Mai Juillet Septembre 1,0 E – 02 2007 2008 2009 chronique (figure) ou les résultats impressionnants de l’étude du COG (Children Oncology study Group ; ÉtatsUnis) dans laquelle les auteurs démontrent qu’une mauvaise adhésion au traitement, et même une adhésion simplement “non parfaite”, multiplie par 3 à 4 le risque de rechute d’adolescents atteints de LAL (cf. la revue de presse, p. 108). Idéalement, l’évaluation prospective de l’adhésion du patient à son traitement devrait faire partie des protocoles spécifiques aux AJA. La recherche d’une 2010 Figure. Évolution du transcrit BCR-ABL chez un AJA non adhérent au traitement. Patient AJA initialement traité par imatinib. Réascension du transcrit faisant rechercher une mutation du domaine ABL (absente) et changer le traitement pour le dasatinib. Après une réponse initiale favorable, nouvelle réascension du transcrit amenant à proposer une allogreffe au patient. Effrayé par cette option thérapeutique, l’AJA avoue finalement avoir arrêté son traitement à 2 reprises et de façon prolongée, ce qu’il avait toujours farouchement nié jusqu'alors, aussi bien devant son médecin que devant ses parents… mauvaise adhésion au traitement doit en tout cas être systématiquement réalisée lors d’une consultation AJA, y compris, chaque fois que possible, par des méthodes objectives (surveillance des examens complémentaires, dosages des médicaments). Bonne chance et bonne route à nos nouveaux collègues, les hémato-AJA-logues ! T. Leblanc Service d'hématologie pédiatrique, hôpital Robert-Debré, Paris AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. 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