D O S S I E R Quelle surveillance après traitement pour cancer du sein et guérison apparente ? What kind of follow-up after the treatment and complete remission of breast cancer? ● P. Bey* Mots-clés : Surveillance, Cancer du sein, Rapport bénéfice-efficité. Keywords: Follow-up, Breast neoplasm, Effectiveness measures. a découverte d’un cancer du sein amène un bouleversement dans la vie de celles qui en sont atteintes. Les traitements sont toujours agressifs. Si la rémission complète, guérison apparente, est la règle après traitement initial d’un cancer du sein localisé, le risque de rechute locale, régionale et/ou métastatique est réel : globalement autour de 20 % avec une variation de 5 à 60 % selon les caractéristiques initiales de la tumeur. Cette période de rémission au fil du temps se transformera en guérison ou bien conduira à une rechute. Nous sommes dans l’incapacité de prévoir actuellement avec certitude la non rechute ou la rechute et son délai d’apparition. Notre connaissance n’est que probabiliste. Elle ne résout rien pour un cas particulier. L La surveillance post-thérapeutique en cancérologie est ancrée dans la pratique médicale et souhaitée par les malades avec l’objectif principal d’être rassurés. Pour les médecins, la surveillance permet d’évaluer les traitements et leurs effets secondaires. Elle est donc indispensable. La surveillance post-thérapeutique après cancer du sein peut répondre à différents objectifs d’utilité variable : 1. Détecter précocement une rechute locale (sein conservé ou paroi thoracique) et/ou un nouveau cancer du sein homolatéral ou controlatéral par examen clinique et mammographie annuelle : a priori l’utilité est comparable à celle du dépistage systématique. 2. Détecter précocement une évolution métastatique par des examens systématiques : aucune démonstration n’existe à ce jour d’un bénéfice en termes de survie globale, de qualité de survie par la pratique d’examens systématiques, répétés périodiquement par rapport au déclenchement de ces examens en présence de symptômes ou signes découverts par l’interrogatoire et/ou l’examen clinique et/ou la patiente elle-même. On connaît l’effet anxiogène de ces examens, l’effet désastreux des faux positifs, le coût de ces examens qui, compte tenu du nombre de patientes concernées (environ 400 000 pour la France), est considérable. Un bilan annuel complet peut représenter une dépense inutile de plusieurs centaines de millions d’euros. * Institut Curie, Paris. 26 3. Prendre en compte les effets secondaires des traitements, les retentissements psychiques et sociaux de la maladie : l’utilité semble évidente. Si l’on s’en réfère à la médecine fondée sur les preuves, seuls les points 1 et 3 paraissent justifiés. Ils nécessitent, selon les recommandations habituelles, un interrogatoire et un examen clinique semestriel pendant 5 ans, annuel pendant 10 ans et une mammographie annuelle à vie. La règle est une surveillance par les cancérologues, le plus souvent en alternance entre les différents thérapeutes : chirurgien, oncologue radiothérapeute, oncologue médical. Le nombre rapidement croissant de femmes à surveiller (doublement de l’incidence du cancer du sein en 20 ans, augmentation du pourcentage de rémission complète après traitement qui dépasse 90 % actuellement) pose une vraie difficulté organisationnelle. Les surveillances déléguées, totalement ou partiellement, par les gynécologues et les généralistes dans des conditions précises avec une évaluation, démontrent leur validité. Elles doivent être encouragées. Il faudra peut-être aller plus loin et expérimenter un transfert de compétences, par exemple vers des infirmières formées à cette surveillance clinique. L’optimisation des compétences est une nécessité pour l’avenir. Nous savons tous que la limitation de la surveillance à l’utile du moment est de pratique quotidienne parfois difficile. On met souvent en avant la demande, voire l’exigence des patientes, qui obtiendraient de la part de leur gynécologue ou de leur généraliste ce qu’elles n’ont pas toujours obtenu de leurs spécialistes de la cancérologie. En fait, les spécialistes de la cancérologie sont loin d’avoir un discours cohérent, entretenant de fait la confusion. Beaucoup de patientes, par manque d’informations clairement explicitées, confondent bilan systématique avec prévention des métastases, comme elles assimilent la mammographie de dépistage à une action de prévention du cancer du sein. La communication autour du dépistage n’est d’ailleurs pas à l’abri de quelques dérapages. Il me semble que la plupart des femmes traitées pour un cancer du sein et en rémission complète après ce traitement sont aptes à entendre et comprendre : – que la surveillance est nécessaire et utile et qu’elle doit être prolongée ; La Lettre du Sénologue - suppl. 1 au n° 29 - juillet-août-septembre 2005 – qu’elle doit se limiter à ce qui est démontré utile pour elles, en termes d’examens, de périodicité et de qualité de ceux qui exercent cette surveillance ; – qu’une possibilité d’éducation leur est offerte ; – que ce qui est démontré inutile aujourd’hui est susceptible d’évoluer (en particulier en fonction des progrès diagnostiques et thérapeutiques). Cette adhésion à ces principes de la part des femmes, des gynécologues et des généralistes sera d’autant plus facile que le discours des différents spécialistes en cancérologie sera sans ambi- guïté et que leur pratique au quotidien sera conforme au discours et aux référentiels qu’ils écrivent. Cette adhésion sera d’autant plus facile que la surveillance et ses modalités seront expliquées très tôt dans la prise en charge et qu’elles figureront sur le programme personnalisé de soins remis à la patiente. On comprend aussi la nécessité d’évaluer périodiquement les différentes stratégies prenant en compte les progrès des moyens diagnostiques et thérapeutiques. La construction d’essais comparatifs, même si cela n’apparaît pas facile, est une nécessité impérieuse. ■ Les articles publiés dans “La Lettre du Sénologue” le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction par tous procédés réservés pour tous pays. EDIMARK SAS © juin 1998 Imprimé en France - Imprimerie CLERC - Saint-Amand - Dépôt légal à parution. ABONNEZ-VOUS ABONNEZ-VOUS ABONNEZ-VOUS p. 22 La Lettre du Sénologue - suppl. 1 au n° 29 - juillet-août-septembre 2005 27