Anthropologie religieuse. Deus sol Nicole

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Nicole
Anthropologie religieuse. Deus sol
In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 3, 1902. pp. 325-333.
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Nicole . Anthropologie religieuse. Deus sol. In: Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, V° Série, tome 3, 1902. pp. 325333.
doi : 10.3406/bmsap.1902.6049
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bmsap_0301-8644_1902_num_3_1_6049
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l'état du développement dentaire chez ce sujet aussi bien que du dévelop
pement osseux du maxillaire rien ne peut faire croire que l'évolution
dentaire soit plus tardive chez nos ancêtres Gaulois que chez nous, il est
permis d'affirmer que cette sépulture renfermait les restes d'un enfant de
10 à 11 ans et j'ajoute que pour cet âge l'état de la dentition est aussi
normale que possible.
Je remercie notre président, de m'a voir permis de faire cette très inté
ressante
étude beaucoup plus intéressante comme je disais en commenç
ant
que s'il s'était agi d'un cas d'anomalie, car elle nous permet de nous
prémunir contre une cause d'erreur quand nous nous trouvons en pré
sence
de squelettes d'enfants à un certain moment de leur développe
ment.
Erreur assez facile, vous voyez, puisque des personnes dont nul ne
conteste la compétence ont pu s'y tromper et se laisser prendre à des
apparences contre lesquelles il faut savoir se tenir en garde. Je termine
en priant mes collègues de vouloir bien excuser ma présomption si les
études spéciales auxquelles je me suis livré m'ont permis d'affirmer une
opinion qui n'était pas la leur, je n'oublie pas du tout la modestie qui doit
être et qui est mon lot vis-à-vis d'eux.
ANTHROPOLOGIE RELIGIEUSE
DEUS SOL
Par M. Paul Nicole.
Je me propose de faire quelques communications à la Société, touchant
l'Anthropologie religieuse, c'est-à-dire l'étude de l'homme envisagé
comme auteur ou adhérent des religions.
La présente a pour objet le Deus Sol, ce grand Dieu, qui se recom
mande à nos recherches et à nos méditations^ par son culte antique, sa
théologie savante, son évolution triomphale. Je ne manquerai pas de
signaler au passage, les questions de théologie, d'histoire et de critique,
qui se rattachent à la religion solaire, si importante, si suggestive, au
milieu de toutes les autres religions.
Le Dieu Soleil, Deus Sol, Sol Oriens, Solselernus, a été le plus vénéré
des anciens dieux, et de nos jours encore-, il est adoré dans un certain
nombre de pays.
Assimilé à un personnage humain divinisé, on lui attribuait une foule
d'aventures merveilleuses, empruntées à ses révolutions astronomiques,
fictions mystiques, allégories sacrées, imaginées par l'ignorance des lois
naturelles ; ainsi, ses adorateurs le représentaient souvent aux quatre
principales époques de l'année, sons les traits de l'homme aux quatre
époques principales de la vie, savoir : l'enfance, la jeunesse, la maturité
et la vieillesse.
La figure de l'enfance était celle qu'on lui donnait au solstice d'hiver,
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au moment où il paraissait le plus éloigné de la terre et où les jours
devenus les plus courts allaient commencer à croître. C'est alors qu'on
célébrait dans les mystères antiques la naissance du dieu, qu'on pré
sentait
à l'adoration des peuples sous l'image d'un enfant nouveau-né.
Cet enfant était censé naître avec l'année solaire au premier instant
du premier jour, c'est-à-dire à minuit chez la plupart des peuples. La
célébration de cet événement avait été fixée chez les Romains, gens de
ponctualité administrative^ à la date invariable du 23 décembre. Le
calendrier publié par Constantin relate cette date, que les nations
modernes ont conservée. P.Hochart dans ses Eludes rel. 2i7, fait observer
que cette fête était parfois ajournée au 1er janvier, pour la faire coïncider
avec le commencement de l'année civile.
Macrobe, le grand érudit du ve siècle, raconte que chaque année
au 25 décembre, une foule de confréries célébraient par tout l'empire
ce qu'on appelait la Nativité du Soleil.
Des processions parcouraient les villes et les campagnes. Les initiés
vêtus de costumes symboliques, portaient triomphalement l'enfant divin
couché dans le van mystique ou dans la corbeille sacrée qui lui servait
de berceau. Tout le monde l'entourait en chantant et criant, comme on
le fait encore de nos jours en certaines contrées : Ànnouël ou Noël,
c'est-à-dire un dieu nous est né, suivant l'explication de Ferdinand Hoefer
(loc. cit.)
Des fêtes solennelles en l'honneur du Seigneur Soleil avaient également
lieu le 25 mars, au moment de l'équinoxe du printemps, lorsque le dieu
revenait aux régions boréales et aux signes célestes qui formaient le
royaume de la lumière.
L'équinoxe du printemps était pour nombre de peuples et notamment
pour les Egyptiens, chez qui la religion consista longtemps dans ce que
M. Pierret a nommé le drame solaire, l'occasion d'une très grande fête.
Ce retour triomphal du Soleil s'effectuait par son passage dans le signe
du Bélier ou de l'Agneau, suivant les Perses. Les adorateurs du Soleil,
comme le fait observer Jamblique, avaient coutume de le représenter avec
les attributs des signes, auquel il s'unissait alternativement pendant sa
révolution ; il en résulta que le Soleil de l'équinoxe du printemps dut
offrir les attributs du Bélier ou de l'Agneau.
Ainsi, on représentait le Soleil, considéré d'ailleurs comme étant alors
dans sa pleine jeunesse, sous la forme d'un jeune homme conduisant un
Bélier ou ayant à ses côtés un Bélier; d'autres fois, on coiffait le jeune
homme des cornes du Bélier, comme le dieu Ammon. Rappelons ici,
qu'environ quatre mille ans avant l'ère, on figurait le Dieu sous la forme,
et avec les attributs du taureau céleste, où l'astre solaire avait son exal
tation
au printemps. De là, les cornes de taureau attribuées au Dieu
chaldéen Marduk ; de là, ces dieux cornus et même les déesses Astarté
Tauropos, Artemis ïaurique, et la Diane latine, dite Regina bicorais,, etc.
Les cornes étaient devenues le symbole de la divinité et de la sou-
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veraineté. A noire avis, le Moïse cornu que vous avez pu admirer à
Rome, à l'église St-Pierre ès-liens, n'a pas non plus d'autre origine.
Mais il venait un moment où le Soleil, après avoir régné glorieusement
pendant les mois de lumière, descendait vers le pôle abaissé comme on
disait alors, sous lequel on plaçait la partie inférieure du monde, pour y
disparaître, s'y éteindre et mourir.
A cette époque avaient dû exister des fêtes de deuil que, par des
raisons qui nous sont inconnues, on avait reculées jusqu'à quelques jours
avant l'équinoxe du printemps. C'était donc au moment de célébrer
l'exaltation du Soleil et sa résurrection, que l'on pleurait sa mort.
Macrobe fait expressément remarquer à ce sujet, que ces fêtes con
sacrées
au triomphe du Soleil et que les Romains nommaient Hilaries,
étaient partout précédées de quelques jours de deuil où l'on pleurait la
mort du Dieu. La croyance à la divinité du Soleil, était encore vivace au
v° siècle de l'ère, a en juger par l'hymne au Soleil, de Martianus Capella :
«. 0 Soleil, s'écrie le poète, premier-né du père inconnu, source de notre
« intelligence, origine de la lumière, tu es la gloire des Dieux et tu
« prouves leur existence. Tu es l'œil du monde, la splendeur de l'Olympe
« et il t'est permis de voir le Père et de contempler le grand Dieu, C'est à
« toi qu'obéit le cercle du Zodiaque et c'est toi qui en règle le mouce vement dans ses courbes immenses.
« Les Latins t'appellent Sol, parce que seul honoré par eux après le
« Père du monde, tu es la perfection et la kimière...
« Le Nil te vénère sous le nom de Sérapis, Memphis sous celui d'Osiris.
« D'autres adorateurs t'appellent Mithra.
« Le bel Atys, c'est encore toi, ainsi que l'enfant bienfaisant à qui nous
« devons la charrue recourbée. C'est toi l'Ammon de l'aride Lybie et
« l'Adonis de Byblos. Ainsi, tout l'univers t'invoque sous des noms
« différents. »
L'idée de Martianus Capella, de faire du Soleil le fils premier-né de
Dieu n'est point une simple fiction poétique, elle est conforme à la théo
logie la plus ancienne.
Ce même dieu Soleil est désigné dans l'Orphisme sous le nom de
Phanès et de Protogone, le rayon primitif de la lumière éternelle qui
éclaire le cahos. Mais d'après notre poète, le Soleil ne serait pas le pre
mier dieu, il a son Père qui est le Père invisible placé au-delà des sphères
et que lui seul peut voir. Ce trait fait songer à la réflexion d'Origène au
sujet du Christ. Nemo agnovit patrem, nisi filius. Pour ces grandes asso
ciations
de théosophes et de cosmologues auxquels on donna dans la
première moitié du second siècle le nom de gnostiques, le soleil était éga
lement
le grand médiateur émané de Dieu, intelligence pure et être
vivant à la fois — en d'autres termes le Logos de Platon. (Secundus Revillout 8.)
Mais si certains théologiens considéraient le Soleil comme le fils du dieu
inconnu, la majorité de ses adorateurs l'envisagea toujours comme un
grand dieu et même comme un dieu suprême ■: Qui es élevé dans le ciel
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« disaient les théologiens d'Assyrie en s'adressantau dieu Samas le Soleil?
« Toi seul es élevé. Qui est élevé sur la terre? Toi seul est élevé. Ton com« mandement glorieux a retenti dans le ciel. Les dieux se prosternent...
« Les génies baisent le sol. Ton glorieux commandement qui vient me
« l'enseigner? Qui vient me le faire connaître? » En Egypte où la rel
igion solaire obtint, vous le savez, un si puissant rayonnement, Ra l'un
des dieux solaires fut envisagé comme le dieu suprême et les hymnes en
son honneur le qualifiaient de fort, de vivant, grand, lumineux, bon,
puissant, bienfaisant, resplendissant, flamboyant.
Les Egyptiens récitaient au nom des morts une prière ainsi conçue :
« 0 Soleil le maître de toutes choses, et vous tous les autres dieux qui
« donnez la vie aux hommes, recevez-moi et faites que je sois admis dans
« la société des dieux éternels. » Porphyre, de Abstinentia IV, 16.
Il faudrait un ouvrage étendu pour raconter l'histoire des Dieux So
laires,
fournir des données précises sur leur culte, leurs emblèmes, faire
apprécier les dévotions passionnées et parfois cruelles dont ces divinités
ont été l'objet, enfin décrire leurs divers ennemis serpentiformes, rappe
lantle Dragon maléfique d'Automne.
Au fond des religions sémitiques comme au fond des religions aryennes,
les principaux mythes sont des mythes solaires. Max Muller dit à ce su
jet : « Plus on pénétrera dans la nature intime des mythes primitifs, plus
on se convaincra qu'ils se rapportent pour la plus grande partie, au
Soleil. »
Parmi les noms donnés au Soleil nous citerons les suivants : Hercule,
Bélus, Ammon, Osiris, Saturne, Ra, Jupiter, Pan, Sérapis, Esculape,
Mithra, Pluton, Apollon, Astrochyton, Atys, Bacchos, Panthée, Liber,
Thésée, Jason, Jaô, etc. On l'appela aussi Thammouz ou Adonis, Mânou,
Krishna, Bouddha. Il reçut également les qualifications de dieu du Temps,
de dieu brillant, de dieu éther, dé dieu aux mille noms. Le Soleil fut
vénéré en outre comme un dieu poisson : Dagon en effet personnifiait le
Soleil qui, d'ailleurs, dans certains pays, notamment chez les Papous, est
considéré actuellement comme un dieu aquatique aussi bien que céleste.
Pour certains critiques le Christ serait également une divinité solaire,
et si l'opinion est juste à. nos yeux, nous reconnaissons qu'elle n'est pas
exprimée avec la clarté désirable.
Le mot christianisme repose en effet sur la confusion des désignations
suivantes : Chrestos, le Dieu Bon, d'où chrestien, chrestient, Christos l'Eon
suprême, d'où christianisme, et le pseudo-christos judéo-chrétien traduc
tion
par à peu près de Messias ou Shilo.
Or, J. B. Mitchell, critique anglais qui a étudié attentivement 1287 ins
criptions
phrygiennes de chrestianoi et de christianoi déclare que le chrisme,
emblème solaire antérieur au christianisme proprement dit représentait
le Dieu bon Chrestos.
Ajoutons que l'Eon suprême Christos fut également un personnage sojaire, d'après la plus ancienne théologie, et que le Christ-Messie, comme
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cela résulte de différents passages des Evangiles fut intentionnellement
assimilé à différents dieux solaires.
On sait en effet que le héros des Evangiles voit le jour, comme Mithra,
dans une grotte, et qu'il naît le 25 décembre ainsi que les Dieux solaires
Osiris (Egypte), Adonis ou Adonaï (Phénicie) Atys (Phrygie) Dionysos ou
Bacchos (Lydie et Grèce) etc.
Remarquons en outre que suivant Mathieu le seul Evangile où il soit
question de la légende des Mages ce fut bien de l'or, de l'encens, et de la
myrrhe que l'on présenta à l'enfant royal (sic) et que c'étaient là les
offrandes réservées au Dieu Soleil, d'après les Rits.
On ne peut nier d'ailleurs que le pseudo-Christos devenu le Dieu des
chrétiens n'ait été adoré par ceux-ci, comme étant le Dieu Soleil (Lettres
de Pline, d'Hadrien etc.)
Notre collègue Vinson rapporte (Relig. actuelles 28) qu'au xvne siècle,
des matelots chrétiens, et surtout les Dieppois, avaient coutume de se
tourner respectueusement vers le soleil levant, en ôtant leur bonnet.
Les Eglises Christiano-catholiques présentent encore, de nos jours,
différents symboles, qui témoignent des rapports étroits de la théologie
chrétienne, et de la théologie solaire, savoir : le bon pasteur, image sym
bolique
du soleil à l'équinoxe du printemps, le chrisme antique emblème
solaire, la fleur de lys, succédané du lotus, l'agneau égorgé avec ses sept
plaies, allusion mystique aux sept planètes, le coq qui luit encore sur
tous les clochers etc.
Sous le bénéfice de ces observations, nous partageons, on le voit, l'op
inion des critiques qui font du Christ un Dieu solaire.
Mithra rangé ci-dessus parmi les dieux solaires avait commencé par
être la Lumière ou le dieu de la Lumière, ce qui fait songer à la genèse
hébraïque où la lumière apparait distincte du Soleil. On raconte même
dans les vieilles légendes théologiques de l'Iran qu'il avait existé à l'or
igine un conflit entre le dieu de la Lumière et le Soleil, que celui-ci fut
vaincu et que d'ailleurs le différend finit par un touchant accord.
Mais comme le fait remarquer Hovelacque (Avesta 194), à faire de Mi
thra Dieu de la Lumière un Mithra solaire, il n'y avait qu'un pas et ce
pas fut franchi comme le démontre la glose d'Hésychius que confirment
une foule d'autorités.
C'était sous son propre nom d'astre divin que le Soleil recevait un culte
dans le magnifique temple d'Hiérapolis, mais il n'y possédait pas de sta
tues par la raison que ses adorateurs pouvant contempler le dieu avec
leurs yeux, il était tout à fait superflu de recourir à des simulacres.
On l'adorait également sous la forme du lion, siège de son domicile.
Le lion dans l'Apocalypse est d'abord désigné pour ouvrir le livre des
sept sceaux, mais on lui préfère l'agneau, le signe royal, le lieu ou le
soleil a son exaltation. (Apoc. V. 5 6).
Sol Elagabalus, le grand Dieu d'Emèse était adoré sous la forme d'une
pierre noire conique, sur laquelle on a cru distinguer une représentation
du Cteis. (R. H. R. XV, 236.)
soc. d'anthrop. 1902.
%'î
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Le Dieu Soleil avait également reçu les honneurs divins dans le tem
pleée Jérusalem à l'entrée duquel étaient placés les chars et les chevaux,
emblèmes de ce dieu, (II, Rois XXIII-5-2.)
Chez les Grecs, le dieu Soleil, que la mythologie védique avait fait
entrer dans le Syncrétisme d'Agni occupait un rang subalterne.
L'Odyssée nous le montre quittant chaque matin le lac où il baigne ses
coursiers « pour s'élancer vers le Ciel tout d'airain afin d'éclairer les Im
mortels,
et les hommes mortels répandus sur la terre féconde. »
Lorsque les compagnons d'Ulysse ont tué ses génisses, le Soleil se
plaint à Jupiter et ce sont les dieux qui vengent l'offense.
Toutefois Homère Croyait le Soleil capable d'entendre les prières des
Mortels lorsqu'il plaçait cette invocation dans la bouche d'Agamennon :
« 0 Soleil qui vois et entends tout. »
Bien que les Grecs reconnussent au Soleil une personnalité divine,
Apollon le dieu solaire éclatant de lumière (Phoibos) n'en possédait pas
• moins la sienne. Au premier siècle de l'ère nous voyons encore le pieux
Apollonius de Tyane adorer à la fois Apollon et le Soleil. Les Romains qui
d'abord tournèrent quelque peu en ridicule les dieux solaires égyptiens
ne le vénéraient-ils pas sous d'autres noms?
Nous pouvons dire d'ailleurs d'une manière générale que l'ignorance
des individus et des peuples sur l'objet de leur culte ne saurait prouver
autre chose que cette ignorance.
L'Anthropologie religieuse doit consulter d'autres éléments.
Les croyances orientales étaient venues avec le temps amplifier la per
sonnalité
et les attributs du dieu Soleil, jusqu'au jour où sous l'influence
des prêtres, des mystagogues et des prêcheurs accourus d'Orient à Rome
et dans l'empire, il devint la divinité prépondérante, ce qui eut lieu au
nie et ive siècle de l'ère.
Les dieux de l'Olympe s'étaient peu à peu modelés sur cette nouvelle
majesté divine.
Jupiter lui-même qu'Homère nommait déjà le Père des Dieux et des
Hommes et dont Plutarque avait fait récemment un dieu éternel et tout
puissant (V.'Isis et Osiris) dut à son tour être assimilé au Soleil.
Le Soleil devint donc soit sous son propre nom, soit sous d'autres
divines appellations le vrai dieu, le dieu national, le seigneur de l'empire
romain; aussi les empereurs qui étaient en même temps que les chefs
politiques, les chefs religieux de l'empire et les souverains pontifes furentils amenés à se proclamer les parèdres, les collègues du Soleil, de même
que le Roi des Perses, le Roi des Rois se disait son frère. Nombreuses
sont les médailles des Empereurs où le Soleil est glorifié.
En 273, Aurélien fondait à côté des mystères de Mithra, un culte pu
blic largement doté en l'honneur du Sol inviclus.
Constantin qui, malgré la légende de son baptême in extremis dans un
faubourg de Nicomédie, ne se fit jamais chrétien, fut après sa mort, lors
de son apothéose officielle représenté avec le manteau sacerdotal et monté
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sur le Char Solaire, qui l'emportait au Ciel. (Cf. Hochart, Études rel.,
307etsuiv.)
L'empereur Gratien ayant refusé le Souverain Pontificat en 382, sui
vant Beugnot, cette juridiction fut dévolue aux grands pontifes et au
Préfet de Rome. Mais malgré l'abandon des Empereurs devenus chré
tiens, le culte du Soleil n'en persista pas moins.
La fête du nouveau-né du Solstice d'hiver continua de se célébrer pen
dant longtemps encore en différents lieux, à Naples, en Grèce, chez les
Perses qui appelaient cette fête la nuit de lumière, etc.
Le Soleil recevait chez les autres peuples aryens les mêmes honneurs
que chez les Romains et les Grecs, ou des honneurs analogues.
Les Hindous assimilèrent le Soleil à un dieu, au char d'un dieu ou à la
demeure d'un dieu, ce qui fait songer au mot des psaumes : posuit tabernaculuiii in Sole.
On nomma aussi le soleil l'œil du Père.
Parmi les dieux solaires chez les Hindous, citon? Sourga, Hvare, Savitri, etc.
La religion des Gaulois suivant Diodore de Sicile, Strabon, Pline, etc.
aurait présenté des analogies avec les croyances religieuses des Perses.
Ils adoraient le soleil sous le nom de Bel, Belus ou Belenus. Au sujet
des Germains, Tacite représente un de leurs chefs faisant appel au soleil,
et aussi aux autres corps célestes, contre une injustice dont le menaç
aient les Romains.
Chez les Lithuaniens et les anciens Prussiens on distinguait deux per
sonnifications
divines du Soleil, le dieu Patrimpo, joyeux et bienfaisant,
suivant le professeur Tie.le (Manuel des Religions, 260) et Pecollos dieu du
feu solaire, caché dans le monde souterrain.
Les Slaves avaient plusieurs dieux solaires tant masculins que fémi
nins.
Le culte du Soleil, nous l'avons dit plus haut, fut également commun
aux peuples sémitiques.
Samas, le dieu du Soleil dans le Panthéon Babylonien-Assyrien, avait
été originairement, d'après Tiele, une déesse chez les Sémites.
Chez les Sabéens de l'Arabie méridionale, il existait pareillement une
divinité solaire féminine du nom de Shamsh.
Des critiques ont fait du dieu des Juifs Jahvé, un dieu solaire, mais on
pourrait également le considérer comme un dieu de l'orage, du feu, du
vent, de l'atmosphère etc.
Il fut, a l'origine, adoré à Silo, sous la forme d'une pierre, à Beth-El
sous celle d'un jeune taureau et à Jérusalem sous la figure d'un serpent.
Jahve, suivant nous, ne fut pas exclusivement une divinité solaire, ou
même un dieu de la lumière, mais une fusion de plusieurs anciens dieux
ou plus exactement un dieu ancien amplifié avec le temps d'attributs
empruntés à d'autres divinités.
Dans l'Amérique centrale, chez les Aztecs, le Soleil comme dieu su
prême
était adoré sous les noms d'Uitzilopochitli, soleil de la saison
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17 AvaiL 1902
chaude et féconde, et de Têzcultipoca, soleil de la saison froide et sèche.
L'évolution religieuse avait conduit au Pérou comme ailleurs le Soleil
à la divinité suprême. On le vénérait sous le nom d'Inti, et ses prêtres,
suivant André Lefèvre, étaient rattachés à la race solaire. C'était dans les
temples dlnti que reposaient les momies royales.
En Amérique, le soleil est encore vénéré chez les non civilisés où il
occupe le plus souvent un rang élevé parmi les dieux, et joue un rôle
bienveillant. A Taïti, c'était une divinité h, forme humaine et pourvue
d'une chevelure rappelant celle de Samson, le héros solaire juif.
En Polynésie il est personnifié dans le dieu Maui, célèbre par ses aven
tures merveilleuses, et représenté en Nouvelle-Guinée par le Dieu Konoré.
Les légendes finnoises reprochent au dieu Soleil de les tourmenter par
la chaleur pendant l'été, et de les laisser souffrir du froid en hiver.
En Chine, le Soleil est un grand dieu, mais non le dieu suprême; au
Japon c'est une grande déesse. Chaque matin les Tartares de Tobolsk se
tournent vers le soleil levant, en lui disant : « Ne me tue pas! » Dans
l'Jnde. chez les Khonds, règne encore le vieux couple souverain du dieu
Soleil et de la déesse terre.
Il est une particularité digne de remarque, c'est que dans certains
panthéons anciens et modernes, le Soleil est l'époux de la Lune envisagée
comme un dieu masculin — Deus Lunus.
Un conte d'Extrême-Orient fait du Soleil un simple mortel, et de la
Lune une femme. On le désigne en certains pays d'ocident par des noms
familiers qui l'assimilent à un véritable personnage. On le numme par
exemple, d'après Paul Sébillot (Rev. des Tradit. populaires, t. XVII, fé
vrier
1902, p. 84) : Jean le Roux, le Bourguignon, Monsieur Durand, etc.
Les marins de la Manche croient qu'il se couche dans la mer avec le bruit
d'un fer rouge, plongé dans de l'eau, afin de reprendre de nouvelles
forces et de paraître plus brillant le lendemain (loc. cit.). Il subsiste dans
l'Indre un rit du Printemps, pratiqué aux Lacs près La Châtre, consis
tant
à faire des pelotes de primevères et à les lancer en chantant une
vieille prière dont le refrain est : « Grand Soulé! P'tit Soulé ! » (Grand
Soleil ! Petit Soleil !)
En d'autres pays, on attribue encore de nos jours au Soleil une
influence surnaturelle. On croit, par exemple, dans l'Inde septentrionale
que les femmes peuvent concevoir du Soleil ; dans l'Ile de Sambava on
lui attribue un pouvoir magique.
Au culte du Soleil se rattache un usage, ou si l'on veut un rit à peu
près général qui touche à la question de l'orientement des cadavres et des
édifices religieux. On a vu plus haut que le christianisme primitif domic
iliait Christ en Orient et Satan en Occident. L'Orient est en effet la
région où se lève le Soleil, région riante et joyeuse : au contraire on a
partout relégué à l'Occident la demeure des morts et les enfers.
L'un des problèmes de l'anthropologie religieuse est de savoir quels
furent, en matière de religion et de culte, les débuts des primitifs. Au
point de vue du dieu Soleil nous rappellerons que des Mythographes ont
PAUL NICOLE.
ANTHROPOLOGIE RELIGIEUSE
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>■
prétendu que ses premiers adorateurs avaient été frappés et subjugués
par la beauté, la chaleur féconde, la clarté bienfaisante de cet astre lumi
neux qui leur apparaissait comme l'auteur de leur vie, et de la vie. On
imagina encore que les dits adorateurs avaient eu comme un pressent
iment
de cette vérité moderne, exprimée en ces termes par Tyndali :
que nous sommes non plus dans un sens poétique, mais dans un sens
purement mécanique, les enfants du Soleil.
Malgré l'attrait poétique de telles considérations, nous déclarons qu'il
ne nous est pas possible de nous y associer.
Lorsque nous voyons des sauvages modernes envisager le Ciel et le
Tonnerre comme de gros oiseaux et le Soleil comme un taureau, comme
un grand requin qui plonge dans la mer, comme l'ancêtre (sous quelle
forme?) de diverses familles humaines, nous estimons avoir le droit de
croire que les premiers hommes qui commencèrent par penser et par
vivre en animaux, ne purent apprécier et honorer le Soleil que d'une
façon aussi stupide qu'absurde et fantastique, ce que confirment encore
les grossiers racontars, signalés il y a un instant, et attribués à des civi
lisés de notre temps. Quanta essayer de dire ce que furent les conceptions
et les formes qui hantèrent ce passé inconnu, on conçoit bien que nous
n'y pouvons songer. Toutefois nous croyons pouvoir avancer, sans nous
compromettre, qu'il a fallu des siècles et des siècles aux dieux solaires
primitifs pour atteindre à la suprême majesté du Deus Sol.
CONSIDÉRATIONS ANTHROPOLOGIQUES
SUR LA CORSE ACTUELLE, ANCIENNE ET PRÉHISTORIQUE.
Par le Dr Adolphe Bloch.
Corse actuelle.
Pendant notre séjour en Corse, lors du Congrès de l'Association pour
l'avancement des sciences, qui s'est tenu à Ajaccio au mois de septembre
dernier, nous eûmes l'occasion de voir réunis un grand nombre d'enfants
de tout âge, au sujet desquels nous avons pu faire certaines remarques
anthropologiques.
Voici dans quelles conditions : II existe à Ajaccio certains quartiers peu
passagers où les enfants se tiennent presque tous dans la rue pour s'amus
er
ensemble, et comme c'était à l'époque des vacances scolaires, ils y
restaient une grande partie de la journée.
Il m'a donc été possible de les observer tout a l'aise et à plusieurs
reprises différentes. Or, je remarquai, non sans surprise, qu'un grand
nombre d'entre eux avaient les cheveux tout blonds et des yeux de cou
leur claire, bleuâtre ou grisâtre. De plus, leur teint était d'un blanc rosé,
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