B Mélanome et immunothérapies : des avancées importantes

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DOSSIER THÉMATIQUE
Oncodermatologie
Mélanome
et immunothérapies :
des avancées importantes
Melanoma and immunotherapy: huge advances
A.C. Knol 1, N. Labarrière 1, A. Khammari 1, 2, B. Dréno 1, 2, 3
B
ien que le mélanome soit le moins fréquent des
cancers de la peau, il en constitue la forme la
plus sévère, notamment en raison de sa capacité à métastaser. Le mélanome provoque environ
75 % des décès par cancer cutané (1, 2). Au cours du
xxe siècle, l’incidence du mélanome dans les populations d’origine européenne a augmenté plus vite
que celle de n’importe quelle autre tumeur solide, à
l’exception du cancer du poumon (3). La survie varie
largement en fonction du stade, depuis une pathologie
hautement curable lorsque le mélanome est détecté
précocement jusqu’à une pathologie au pronostic
sombre aux stades avancés et inopérables (4).
Le mélanome est une des tumeurs malignes pour
lesquelles le système immunitaire paraît jouer un
rôle crucial dans le contrôle de l’évolution de la
maladie. Des cas de régression spontanée ont ainsi
été rapportés, suggérant un rôle du système immunitaire, indirectement conforté par la preuve de la
présence d’infiltrats lymphocytaires dans la tumeur
primitive, associée à une régression tumorale.
Au stade de tumeur primitive et d’envahissement
ganglionnaire, le traitement classique du mélanome repose principalement sur la chirurgie. Au
stade métastatique, le pronostic devient sombre, les
chimiothérapies classiques n’ayant encore à ce jour
que des taux de réponse de l’ordre de 10 à 15 %, avec
une survie globale (SG) de moins de 8 mois, faisant
ainsi rechercher d’autres voies thérapeutiques. Le
mélanome est en effet une tumeur fréquemment
étudiée en raison de l’identification d’antigènes du
mélanome, mais aussi grâce à la disponibilité de
lignées tumorales et de clones cellulaires T qu’il est
possible d’obtenir à partir des cellules sanguines ou
des lymphocytes ganglionnaires, utilisables pour les
études immunologiques in vitro (5). De nombreux
antigènes de tumeur, reconnus par des lymphocytes T, ont ainsi pu être identifiés et caractérisés
au cours de ces 15 dernières années (6, 7), rendant
possible le développement de protocoles d’immunothérapie antitumorale (tableau I).
Les cytokines
Interleukine 2
L’interleukine 2 (IL-2) est une des cytokines les plus
utilisées dans le domaine de l’oncologie. Il s’agit
d’une glycoprotéine qui se lie au récepteur à l’IL-2
présent sur les lymphocytes T helper, effecteurs et
régulateurs, induisant la prolifération et la survie
des lymphocytes T. Son utilisation a été approuvée
en 1998 dans le mélanome, par la FDA (Food and Drug
Administration), sur la base de l’étude de phase II (8)
rapportant un taux de réponse de 16 % et une survie
1 Inserm U892, Centre régional de
recherche en cancérologie NantesAngers, Nantes.
2
Unité de cancéro-dermatologie,
Centre d’investigation clinique biothérapie, Inserm 0503, CHU HôtelDieu, Nantes.
3
Unité de thérapie cellulaire et génique, CHU Hôtel-Dieu, Nantes.
Tableau I. Classification des antigènes de tumeurs dans le mélanome.
Antigènes
de la famille
cancer testis
Antigènes
de différenciation
Protéines
structurellement
anormales
Antigènes
ubiquitaires
surexprimés
Famille BAGE
Melan-A/MART-1
CDK4
HER-2/neu
Famille LAGE
gp100
β-caténine
MUC-1
Famille MAGE
Tyrosinase
Caspase 8
P53
Famille GAGE
gp75/TRP-1
Famille Ras
Télomérase
Famille RAGE
TRP-2
PRAME
NY-ESO-1
Na88-A
La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 |
575
Résumé
Mots-clés
Mélanome malin
Immunothérapie
Thérapie adoptive
Vaccins
Cytokines
Immunomodulation
Summary
Protocols of tumor immunotherapy have been largely
developed over the past years,
thus enabling various treatment
options to melanoma patients.
Although optimal methods for
this promising mode of therapy
are not well known, the precise
immunological follow-up of
these patients constitutes a
potent major breakthrough
in this field for the future.
Development of novel therapeutic approaches, along with
optimization of existing therapies, continues to hold a great
promise in the field of melanoma therapy research. This
review reports recent advances
in the immune anti-melanoma
therapy, including cytokines,
adoptive immunotherapy with
TIL, vaccines using dendritic
cells, tumor lysates, peptides
or recombinant proteins and
immunomodulatory strategies
such as monoclonal antibodies
(anti-CTLA-4, anti-PD-1, antiCD40) and innate immunity
molecules (TLR).
Keywords
Malignant melanoma
Immunotherapy
Adoptive therapy
Vaccines
Cytokines
Immunomodulation
Les protocoles d’immunothérapie antitumorale se sont largement développés au cours des dernières
années, permettant ainsi de proposer plusieurs options aux patients atteints de mélanome. Bien que
les modalités optimales d’utilisation de ce mode de thérapie aux résultats encourageants ne soient pas
encore toutes identifiées, le suivi immunologique précis des patients ainsi traités constitue une possibilité
d’avancée majeure dans ce domaine pour le futur. Cette revue présente une analyse des avancées dans le
domaine de l’immunothérapie du mélanome, incluant l’immunothérapie non spécifique avec les cytokines,
l’immunothérapie adoptive par TIL (Tumor Infiltrating Lymphocyte), la vaccination par lysat tumoral et
l’immunothérapie ciblée avec les clones, la vaccination par cellules dendritiques chargées, la vaccination
par peptides ou protéine recombinante et les stratégies d’immunomodulation telles que l’utilisation
d’anticorps monoclonaux (anti-CTLA-4, anti-PD-1, anti-CD40) et d’agonistes de molécules impliquées dans
l’immunité innée (TLR [Toll-Like Receptor]).
prolongée pour les 6 % de patients présentant une
réponse complète. Dix ans après la fin du traitement,
les deux tiers des patients ayant présenté une réponse
complète étaient toujours en rémission, au point que,
avec l’IL-2, on parle de véritables guérisons (8). Avec
l’introduction de nouveaux inhibiteurs de tyrosine
kinase, molécules immunomodulatrices, cytokines,
vaccins, on note un intérêt croissant à combiner
ces stratégies thérapeutiques avec l’IL-2. Cependant, malgré sa capacité à prolonger la survie de
certains patients, la toxicité de l’IL-2 peut être sévère
(hypotension, hypoxie, défaillance rénale, arythmie
cardiaque). Il faut également savoir que cette cytokine
a une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans
le mélanome aux États-Unis, mais que ce n’est pas
le cas en France. Enfin, une étude récente a rapporté
une augmentation de la SG chez des patients HLA-A2
traités par l’association IL-2 à forte dose et vaccin
gp100 comparativement à l’IL-2 seule, avec un gain de
8 mois, mais avec des effets secondaires importants
liés à l’IL-2 (9).
L’interféron
L’interféron α (IFNα) a été la première cytokine
recombinante utilisée dans le traitement du mélanome métastatique. Les études originales de phase I-II
ont rapporté des taux de réponse globale d’environ
16 %. L’utilisation de l’IFNα en traitement adjuvant
chez les patients porteurs de mélanomes est basée sur
l’hypothèse que la présence de micrométastases peut
être la cause d’une future rechute. La dernière métaanalyse a été publiée en 2010 : elle a examiné l’effet
de l’IFNα sur la survie sans rechute (SSR) et la SG de
patients atteints de mélanomes de stades II et III selon
l’AJCC 6e et 7e éditions (Americain Join Committee on
Cancer) et s’est intéressée à 14 essais randomisés et
contrôlés conduits entre 1990 et 2008 (10). Chez ces
patients, le traitement adjuvant par IFNα montre une
amélioration significative de la SSR, mais aussi de la
SG. L’hypothèse aujourd’hui est que l’IFNα a un effet
dans une sous-population de patients probablement
très restreinte, ce qui explique la difficulté à mettre
en évidence le bénéfice et la nécessité de l’identifier
par des biomarqueurs manquant encore à ce jour. Sur
la base de travaux récents utilisant l’IFN pégylé α2b,
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forme retard d’IFNα, et rapportant une médiane de
SSR de 34,8 mois dans le groupe de patients traités
par IFN pégylé α2b versus 25,5 mois dans le groupe
non traité, cette molécule vient d’obtenir une AMM
aux États-Unis en situation adjuvante dans les mélanomes avec envahissement ganglionnaire microscopique ou macroscopique (stade III a, b, c) [11].
Autres interleukines et cytokines
(IL-12, IL-21, GM-CSF)
L’IL-12 est une cytokine multifonctionnelle qui a
été utilisée au cours d’essais de phase I dans le
mélanome, avec des réponses relativement limitées (12, 13).
L’IL-21 est une cytokine activatrice qui a été utilisée
dans un essai de phase II chez 40 patients porteurs
d’un mélanome de stade IV : 9 patients ont présenté
une réponse clinique et 16 patients une stabilisation de la maladie, accompagnée d’effets secondaires modestes (myalgie, diarrhée, fatigue) [14].
Ce résultat encourageant devrait être suivi d’autres
essais de phase II.
Le GM-CSF (Granulocyte Macrophage Colony Stimulating Factor) a été utilisé en traitement adjuvant
au cours d’un essai randomisé de phase III chez
815 patients. Bien que statistiquement non significative, la SG médiane des patients ayant reçu du
GM-CSF était plus élevée que celle des patients n’en
ayant pas reçu (72 versus 59,8 mois) [15]. Il serait
donc intéressant d’évaluer l’efficacité du GM-CSF
en traitement adjuvant à des stades moins avancés
de la maladie.
Immunothérapie cellulaire
adoptive
(ACT [adoptive T-cell therapy])
Par injection de lymphocytes
infiltrant la tumeur
Développée en cancérologie au début des années
1980 sur la base des travaux de S. Rosenberg,
l’immuno thérapie cellulaire passive consiste à
DOSSIER THÉMATIQUE
générer et à amplifier ex vivo des populations
lymphocytaires infiltrant la tumeur, ou TIL (Tumor
Infiltrating Lymphocytes). Ces lymphocytes, isolés à
partir des fragments de la tumeur du patient, sont
amplifiés en grandes quantités par culture ex vivo
puis réinjectés au patient, en combinaison avec des
injections d’IL-2, destinées à favoriser la survie et la
multiplication des TIL in vivo (figure 1) [16, 17]. Le
groupe de S. Rosenberg a ainsi montré que 34 %
des patients atteints de mélanome métastatique
et traités par TIL et IL-2 présentaient une réponse
clinique partielle ou complète, alors que 17 % des
patients recevant de l’IL-2 seule répondaient au
traitement (18). Cependant, en raison des rechutes
rapides, les essais se sont tournés vers les patients
présentant une charge tumorale moins élevée, avec
une utilisation en situation adjuvante (19). L’étude
de notre groupe a ainsi été mise en place afin d’évaluer l’efficacité clinique de ce traitement après un
curage ganglionnaire locorégional chez des patients
atteints de mélanome de stade III (AJCC 2007) : cette
étude a montré une corrélation entre le nombre de
ganglions envahis et l’efficacité des TIL, avec une
augmentation significative de la SG et de la SSR dans
la sous-population de patients recevant des TIL et
n’ayant qu’un seul ganglion envahi (19). Avec un suivi
de 7 ans, nous avons observé que, chez les patients
Prélèvement
ganglionnaire
Processus TIL
Préparation
de l’injection (AH 4 %)
n’ayant qu’un seul ganglion envahi, la SSR et la SG
sont significativement plus longues (pour la SSR,
p ajusté = 0,0219 ; pour la SG, p ajusté = 0,0125)
dans le bras TIL + IL-2 que dans le bras IL-2 seule (20).
Cependant, la pertinence de ces essais n’a longtemps reposé que sur l’évaluation clinique, car il
est demeuré longtemps impossible de savoir si les
TIL migraient bien vers le site de la tumeur et s’ils
contenaient réellement des lymphocytes spécifiques
d’antigènes de tumeur pour tous les patients, et en
quelle proportion. Le développement de nouvelles
techniques a permis de quantifier les lymphocytes T
spécifiques d’antigènes de mélanome injectés à des
patients atteints de ce cancer. Deux études ont en
effet montré que ces lymphocytes pouvaient survivre
plusieurs semaines à plusieurs mois chez les patients
et coloniser la tumeur (21, 22). Par ailleurs, notre
groupe s’est intéressé à la spécificité des TIL injectés :
nous avons ainsi observé que 19 des 27 patients recevant des TIL et de l’IL-2, pour lesquels la lignée tumorale a pu être établie, avaient reçu des lymphocytes T
spécifiques d’antigènes tumoraux, et que la SSR
était significativement corrélée à l’injection de TIL
spécifiques, mais que ce bénéfice concernait principalement la sous-population de patients recevant
des TIL et n’ayant qu’un seul ganglion envahi (23).
Ces résultats suggèrent donc que le transfert de
Labo d’anatomopathologie
Injection
intraveineuse
Découpe
du ganglion
Congélation
Culture
des fragments
AMPLIFICATION
Congélation
pour injection 2
Multiplateaux
60 plaques
de 96 puits
LAZ Irr +
CMN Irr
AH : albumine humaine ; CMN Irr : cellules mononucléées irradiées ; LAZ Irr : cellules LAZ irradiées (lignée de lymphocytes B transformée par le virus
d’Epstein-Barr).
Figure 1. Processus de production des TIL à usage thérapeutique.
La Lettre du Cancérologue ̐ Vol. XX - n° 9 - novembre 2011 |
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DOSSIER THÉMATIQUE
Oncodermatologie
Mélanome et immunothérapies : des avancées importantes
TIL induit un bénéfice thérapeutique qui dépend du
stade de l’envahissement ganglionnaire mais aussi
de la présence de lymphocytes T spécifiques de la
tumeur au sein des TIL injectés. Plusieurs modèles
animaux ayant montré que la thérapie adoptive
des tumeurs est plus efficace après un traitement
immunosuppresseur, le groupe de S. Rosenberg a
étudié l’effet d’une lymphodéplétion sévère sur
l’efficacité clinique de TIL injectés en combinaison
avec de fortes doses d’IL-2 (24). Sur le plan clinique,
des réponses objectives, complètes, partielles ou
mixtes ont été observées, parfois associées à des
réponses auto-immunes de type vitiligo ou uvéite.
Une autre approche de la thérapie adoptive consiste
à utiliser des lymphocytes T autologues modifiés
pour exprimer des TCR (T-Cell Receptor) spécifiques
de différents antigènes de tumeur ou pour sécréter
des cytokines. Cependant, les taux de réponse
clinique n’étaient pas supérieurs aux taux de réponse
observés lors de l’injection de lymphocytes T non
modifiés (25, 26). Les nouvelles pistes de recherche
s’orientent donc vers l’optimisation des méthodes
d’expansion des TIL, ou les combinaisons avec antiCTLA-4 (anti-Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen 4),
inhibiteur de BRAF ou d’autres thérapies.
Par injection de clones lymphocytaires T
Dans le mélanome malin, de nombreux antigènes
tumoraux sont désormais connus et peuvent être
utilisés comme cibles pour l’immunothérapie. L’antigène Melan-A, qui appartient à la famille des antigènes de différenciation mélanocytaire, constitue
une cible antigénique idéale, en raison de sa forte
Biopsie tumorale pour
contrôler l’expression
de l’antigène Melan-A
Injection
Lymphocytes T
Prélèvement
sanguin
Expansion des clones
lymphocytaires T réactifs
Clonage des lymphocytes T
spécifiques de l’antigène
Cellule tumorale +
peptide
Stimulation
des lymphocytes spécifiques
Figure 2. Processus de production des clones T à usage thérapeutique.
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immunogénicité et de son haut niveau d’expression
par de nombreuses tumeurs (7). Plusieurs études ont
montré l’intérêt du transfert adoptif de lymphocytes
spécifiques du mélanome (figure 2) : au cours d’un
essai de phase II, sur 14 patients au stade métastatique ayant reçu des clones T autologues spécifiques
de Melan-A, notre groupe a observé 6 réponses
cliniques objectives, dont 2 rémissions complètes de
longue durée (5 ans et 28 mois), toutes les réponses
cliniques étant associées à une expansion in vivo du
répertoire T spécifique de Melan-A (27). Le groupe
de N.N. Hunder a également utilisé cette approche
pour traiter un patient qui a reçu des injections de
clones T autologues CD4+ spécifiques de NY-ESO-1,
et a rapporté une rémission clinique durable associée
à la présence d’une réponse endogène dirigée contre
d’autres antigènes de mélanome que NY-ESO-1 (28).
Vaccination
Cellules tumorales et lysats tumoraux
La vaccinothérapie cellulaire est une forme
d’immunothérapie cellulaire qui bénéficie d’acquis
scientifiques récents. À l’origine, ce traitement
était fondé sur l’utilisation de cellules tumorales
autologues ou allogéniques inactivées par irradiation. Cependant, les essais réalisés sur un nombre
limité de patients ont démontré un taux de réponse
clinique faible (29).
Peptides
Depuis le clonage de MAGE-1 (Melanoma-Associated
Antigen-1) en 1991 – premier antigène de tumeur
identifié comme pouvant être reconnu par les
lymphocytes T –, de nombreux autres antigènes
ont été caractérisés. Des peptides provenant de ces
antigènes peuvent être présentés par les molécules
du CMH et induire une réponse immunitaire. Les
peptides utilisés actuellement proviennent essentiellement de protéines mutées ou surexprimées
ou de protéines de différenciation et se lient essentiellement à la molécule HLA-A*0201, présente
chez 50 % des patients caucasiens. Depuis l’un des
premiers essais conduits en 1998 par le groupe
de S. Rosenberg, rapportant un taux de réponse
objective de 42 % chez les patients vaccinés par
peptides dérivés de l’antigène gp100 en combinaison
avec des injections d’IL-2 (30), les essais cliniques
utilisant des peptides seuls ou en association avec
DOSSIER THÉMATIQUE
des cytokines ou des adjuvants pour augmenter
leur immunogénicité ont permis d’observer des
réponses chez certains patients. Les inconvénients
de la vaccination peptidique reposent en effet sur
l’instabilité des peptides, la nécessité de réaliser
le typage HLA du patient et celle de connaître le
profil antigénique de la tumeur. Dans un essai récent
“multi-épitope” (Melan-A, gp100 et tyrosinase), les
peptides utilisés en association avec GM-CSF et/ou
IFNα-2b ont permis d’observer une survie médiane
prolongée chez les patients présentant une réponse
immune dirigée contre au moins 1 des antigènes par
rapport aux patients ne présentant pas de réponse
immune (21,3 versus 13,4 mois ; p = 0,046). Aucune
différence n’était observée entre les patients ayant
reçu le vaccin seul et ceux ayant reçu le vaccin en
combinaison avec les cytokines (31). À ce jour,
aucune étude clinique randomisée n’a démontré
l’efficacité d’un vaccin par peptide, ganglioside ou
lysat tumoral.
Cellules dendritiques
De nouveaux outils ont permis l’élaboration de
stratégies plus complexes, telles que la vaccination
par cellules dendritiques (DC) autologues chargées
d’antigène tumoral sous la forme de peptides ou de
préparations cellulaires globales (lysats tumoraux
ou corps apoptotiques). Les DC appartiennent à la
famille des cellules présentatrices d’antigène (CPA).
De nombreux essais thérapeutiques de phases I et II
ainsi qu’un essai de phase III ont utilisé la vaccination
par DC dans le mélanome (32, 33). Toutes ces études
ont permis de montrer que la vaccination par DC
était non toxique à court et moyen terme et qu’elle
permettait d’induire une réponse immunologique,
mais seulement parfois une réponse clinique, le
plus souvent sous la forme d’une stabilisation de
la masse tumorale.
Dendritomes
Une autre approche est représentée par les cellules
hybrides, fusion d’une cellule tumorale et d’une
cellule présentatrice d’antigènes. À ce jour, les essais
cliniques utilisant la vaccination par dendritomes
dans le mélanome sont peu nombreux (34-36)
et rapportent qu’ils peuvent être administrés aux
patients atteints de mélanome métastatique en
toute sécurité tout en semblant induire une réponse
immunologique et une réponse clinique.
Utilisation d’anticorps
monoclonaux
Anti-CTLA-4
Le CTLA-4 joue un rôle important dans la régulation du système immunitaire comme régulateur
négatif de l’activation des cellules T. La molécule
de costimulation CTLA-4, exprimée à la surface des
cellules T, entre en compétition avec la molécule
CD28 pour la liaison à la molécule B7 exprimée à
la surface des cellules présentatrices d’antigène,
constituant un signal inhibiteur. Plusieurs études ont
démontré que des anticorps anti-CTLA-4 induisaient
une régression des tumeurs dans divers modèles
murins. L’utilisation d’anticorps humanisés antagonistes de CTLA-4 a été étudiée de manière plus
approfondie chez des patients atteints de mélanome métastatique. Une étude récente comparant
l’anti-CTLA-4 avec le vaccin gp100 et l’association
des 2 démontre un gain sur la SG de 3,6 mois chez
les patients traités par anti-CTLA-4 seul (37). Une
deuxième étude récente comparant l’anti-CTLA-4
associé au DTIC (dacarbazine) avec le DTIC seul
rapporte une augmentation de 2,1 mois de la
SG (38). Sur la base de ces observations, l’ipilimumab (anti-CTLA-4) vient d’obtenir une AMM
aux États-Unis dans le mélanome à un stade avancé
et en deuxième ligne de traitement.
Anti-PD-1
PD-1 (Programmed-Death 1) est une autre molécule inhibitrice exprimée à la surface des cellules T
et qui a pour ligands PD-L1 et PD-L2. Des études
précliniques ont montré que l’utilisation d’anticorps
dirigés contre PD-1 augmentait les fonctions immunitaires des cellules T spécifiques de la tumeur en
induisant la production de cytokines et la cytolyse de
la tumeur (39). Des essais cliniques de phase I sont
actuellement en cours. Des études combinant antiCTLA-4 et anti-PD-1 sont également programmées,
sur la base d’expériences menées chez la souris (40).
Anticorps monoclonal agoniste de CD40
La molécule CD40 est un membre de la superfamille des récepteurs au TNF exprimé par les DC,
les lymphocytes B, les monocytes et de nombreuses
cellules tumorales. La liaison de CD40 à son ligand
naturel, CD40-L exprimé à la surface des lympho-
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DOSSIER THÉMATIQUE
Oncodermatologie
Mélanome et immunothérapies : des avancées importantes
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DOSSIER THÉMATIQUE
Oncodermatologie
Mélanome et immunothérapies : des avancées importantes
cytes T CD4+ activés, induit la production de cytokines et augmente l’expression de molécules de
costimulation nécessaires à une activation efficace
des cellules T. L’utilisation d’anticorps agonistes de
CD40 a été rapportée dans des modèles murins,
induisant une augmentation de l’activation cellulaire T et de l’immunité antitumorale qui conduit
à une régression tumorale. Un essai de phase I a
montré que les anticorps anti-CD40 sont bien tolérés
et biologiquement actifs, car associés à une activité
antitumorale (41).
Agonistes des TLR
Les TLR (Toll-Like Receptors) sont des molécules qui reconnaissent des motifs moléculaires
conservés présents sur des pathogènes et sont
capables d’influer sur l’activité des DC et d’induire
des réponses cellulaires T. Des ligands capables
de stimuler les TLR sont actuellement évalués sur
leur capacité à stimuler l’activation des DC et les
réponses immunes antitumorales.
TLR-9
Le premier essai clinique a combiné un oligonucléotide synthétique activant TLR-9 (PF-3512676
ou CpG 7909) à une vaccination par peptide
Melan-A/MART-1, et a rapporté une augmentation des cellules T CD8+ circulantes spécifiques
de Melan-A chez les patients traités par agoniste
de TLR-9 combiné au peptide Melan-A par rapport
aux patients traités avec le peptide seul (45). Au
cours d’un essai de phase II, les réponses cliniques
observées étaient associées à une stimulation de la
cytotoxicité par les cellules NK et à une augmentation de l’activation des DC, induisant la production
de cytokines pro-inflammatoires et une augmentation de la présentation antigénique (46). Un essai
ayant utilisé l’administration locale de PF-3512676
et incluant 24 patients aux stades I à III a rapporté
l’induction d’une réponse de type T CD8+ spécifique
d’au moins 1 antigène de mélanome chez 50 % des
patients traités, versus 0 % des patients du groupe
contrôle (produit salin) [47].
Conclusion, perspectives
TLR-7/TLR-8
L’imiquimod, agoniste synthétique de TLR-7 et de
TLR-8, combiné à une vaccination par peptides
Melan-A, tyrosinase et NY-ESO-1, a induit des
réponses T CD8+ chez 5 patients sur les 8 évalués,
et une réponse clinique partielle a été observée
chez 1 patient sur 12 (42). Plusieurs cas de réponse
clinique complète de lésions métastatiques locales
ont été rapportés après utilisation topique d’imiquimod 5 %, seul (43) ou en combinaison avec du
tazarotène en crème (44).
L’immunothérapie représente un réel espoir thérapeutique pour le mélanome, avec l’avantage de
combiner à l’heure actuelle plusieurs approches,
augmentant ainsi les chances de succès de ce mode
de traitement. Une meilleure connaissance des
mécanismes d’immunotolérance mis en place par
la tumeur ainsi que l’identification de marqueurs
de la réponse thérapeutique permettant de sélectionner les patients les plus adaptés à ces approches
permettront d’espérer le succès des traitements par
immunothérapie dans le mélanome.
■
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