Hommage au Docteur Guy Da Silva. Vous dire l`immense tristesse à

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Hommages
Hommage au Docteur Guy Da Silva.
Lu aux funérailles du Docteur Da Silva
Vous dire l'immense tristesse à l'idée que nous ne verrons plus
jamais le docteur Da Silva à la SPM, comme tous les collègues qui
nous ont déjà quittés d'ailleurs. Cette réalité ne va pas de soi. Elle
nous heurte et nous bouscule, malgré le fait que nous connaissons
tous notre finitude.
Vous dire aussi le fait que depuis son absence de la SPM, nous
pensions à lui, espérant qu'il ne souffre pas trop de l'affront que lui
faisait la maladie. Le docteur Da Silva nous manque, ce qu'il était
nous manque, mais plus que tout, la manière dont il "était" nous
manque et nous manquera à jamais. En effet, il y avait une
"manière" Da Silva, une "façon d'être" éminemment singulière, une
manière si personnelle d'être lui.
La manière Da Silva était unique, particulière, comment dire? Une
manière d'étonnement. Docteur Da Silva donnait parfois l'impression
de découvrir le monde, il avait cette capacité d'étonnement qui le
gardait si jeune, si vivant. Le Dr. Da Silva s'émerveillait et cela nous
ravissait.
La manière Da Silva, celle que j'ai connue, était une manière
affectueuse, affective, il était présent, il était complètement là, il
accueillait et je dirais comme plusieurs me l'ont dit, que l'on se
sentait adopté par lui.
La manière Da Silva était une manière de candeur, une manière de
fraîcheur qui m'avait parfois fait penser qu'il était analyste d'enfants.
Pourtant, il ne l'était pas, mais il s'intéressait aux nourrissons, aux
adolescents, aux adultes, à cette continuité de l'un à l'autre dans le
temps. Il avait une créativité et une liberté de penser qui invitaient à
être soi-même.
Je l'ai un peu plus connu durant ma fréquentation de son séminaire
Bion auquel il m'avait chaleureusement invitée. J'y ai découvert un
analyste authentique et passionné. Il nous a introduits à ses auteurs
et à ses mentors, Freud, Bion, Meltzer, Henri Rey, Scott pour en
nommer quelques-uns. Ce séminaire était un terrain
d'expérimentation par son aspect clinique, et d'apprentissage par la
fréquentation des textes. Nous y étions dans un espace feutré, calme
et respectueux de chacun de nous, un lieu pour y faire des
"expériences émotionnelles" au sens de Bion.
La manière Da Silva ne sacrifiait rien à la rigueur, il nous rappelait
l'importance de notre engagement envers les patients, nous
soulignait ce que la méthode analytique a en propre: point d'analyse
sans une investigation du transfert, point d'analyse sans la protection
totale de l'espace privé, un espace pour "penser les pensées", cet
espace était sacré pour le docteur Da Silva. Il en faisait un lieu à
protéger contre toute intrusion extérieure, même celle de la loi. Il
nous rappelait qu'en séance nous sommes devant une scène interne
où se côtoient les parties infantiles et les parties adultes du patient
comme de l'analyste. Il insistait sur le développement d'une capacité
de contenance pour accueillir les difficiles identifications projectives.
Il nous rappelait la patience qu'exige notre métier et la si nécessaire
tolérance à l'impuissance, à laquelle il nous confronte si souvent.
La manière Da Silva c'était aussi un certain regard sur le groupe. Par
rapport à nos désenchantements et à nos désillusions groupales,
s'appuyant sur Bion et ses présupposés de base, il nous invitait à
rester au travail, il ne jugeait pas, il cherchait le recul, j'ai souvenir
de ses nombreuses interventions faites dans ce sens.
La manière Da Silva, c'était ce regard différent sur notre société, un
regard "revenu" d'ailleurs, car il avait fait sa formation du côté
anglais, d'abord à Boston, puis au Quebec English. Cela lui donnait
certainement une autre perspective, une autre manière de voir. Il
empruntait des avenues différentes. Il nous surprenait.
La manière Da Silva, c'était la délicatesse et le raffinement dans
l'approche de l'autre. Ni autoritaire, ni dogmatique, il était accessible,
invitant, même rassurant, il savait nous accompagner. Vous dire le
chagrin que cela représente de perdre un aîné qui a été comme un
père pour plusieurs d'entre nous.
La manière Da Silva, c'était l'humour, il était drôle, souvent pincesans-rire, il avait la capacité d'alléger les pires atmosphères, de faire
rire et sourire et de rire à son tour.
La manière Da Silva, c'était une manière de tendresse retenue,
parfois de vulnérabilité que l'on sentait toute proche et qui peut-être
expliquait sa grande sensibilité à la souffrance de l'autre.
La manière Da Silva, c'était une prise de parole originale, vraie,
c'était la finesse du verbe. Parfois… c'était de l'art!
J'ai souvenir de lui en 2003, arrivant avec un timbre à l'effigie du
premier immigrant Da Silva, en terre de Nouvelle France. Ce premier
arrivant était un messager. Le docteur Da Silva était fier, très fier et
il ne cachait pas sa joie. Je trouvais qu'il était alors comme un petit
garçon. C'était sa manière. Il m'avait offert une lisière de ces
timbres, trace de ses origines et témoin d'une mémoire. Cela m'avait
beaucoup touchée.
Le Docteur Da Silva et sa manière resteront dans ma mémoire, dans
notre mémoire à tous.
Puisse-t-il reposer en paix!
Célina Deniger
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