Prédire et prévenir le diabète de type 1 dossier thématique Immunothérapie du diabète de type 1 : nouvelles pistes Immunotherapy of type 1 diabetes: new avenues Roberto Mallone* New approaches for risk stratification and early intervention may prevent β-cell destruction and limit the processus of epitope spreading (growing number of auto-antigens). d’intervention précoce doivent permettre de limiter la destruction β-cellulaire et le phénomène d’epitope spreading (exposition à un nombre croissant d’autoantigènes). »»De nouvelles approches sont en cours d’évaluation, parmi lesquelles : – le couplage d’antigènes β-cellulaires avec des cellules immunitaires autologues issues du patient lui-même ; – de nouvelles stratégies valorisant l’action protectrice des lymphocytes T régulateurs ; – l’utilisation de Lactococcus lactis, une bactérie commensale qui peut être génétiquement modifiée pour exprimer des antigènes β-cellulaires tels que la pro-insuline. Highlights p o i nt s f o rt s »»De nouvelles stratégies de stratification pronostique et Mots-clés : Lymphocytes T – Tolérance immune – Immunosuppression – Vaccination – Antigène – GAD – Insuline. Le principe de l’immunothérapie du diabète de type 1 * Institut Cochin, DeAR Lab Avenir et Hôtel-Dieu, service de diabétologie, Paris. 60 En principe, 2 stratégies sont envisageables pour prévenir le diabète de type 1 (DT1). D’un côté, les stratégies de prévention primaire, qui visent à corriger les facteurs environnementaux déclenchant la maladie. Toutefois, ces facteurs environnementaux restent à identifier avec certitude. On sait qu’ils jouent le rôle principal par rapport à la prédisposition génétique dans le développement du DT1 (1), comme le suggèrent de nombreuses études sur les jumeaux homozygotes et sur les populations migrantes ainsi que l’augmentation de l’incidence du DT1 dans tous les pays industrialisés (environ 4 % par an en France). Malgré leur attractivité, ces stratégies de prévention primaire ne sont donc pas à ce jour exploitables, la seule exception étant la correction des états d’insulinorésistance qui peuvent précipiter la maladie avec la perte de poids, l’activité physique et le traitement par la metformine et d’autres agents sensibilisateurs de l’action de l’insuline qui sont New avenues are currently explored including : – the association of β-cell antigens with autolog immune cells from the patient himself; – new strategies promoting the protective action of regulatory T lymphocytes; – the genetic modification of Lactococcus lactis, a commensal bacterium, leading to the expression of β-cell antigens such as pro-insulin. Keywords: T lymphocytes – Immune tolerance – Immuno­ suppression – Vaccination – Antigen – GAD – Insuline. testés dans différents essais cliniques. Une autre piste de prévention primaire qui commence à être explorée est la modification du microbiote intestinal, car des études menées sur des modèles animaux (2) ainsi que, plus récemment, chez l’homme (3) montrent que cette flore microbienne est déjà différente chez les individus à risque qui vont ensuite développer un DT1. En attendant une meilleure compréhension de ces facteurs environnementaux, les stratégies thérapeutiques actuelles sont de prévention secondaire, visant à corriger les mécanismes immunologiques en jeu dans la maladie. Cette correction est poursuivie en essayant d’éviter l’immunosuppression et en induisant plutôt un état de tolérance immunologique (tableau). En effet, les thérapies immunosuppressives (par exemple, la ciclosporine) induisent une inhibition généralisée des réponses immunitaires, ce qui expose à un risque accru d’infection et de tumeurs secondaires. De plus, l’immunosuppression exige un traitement de longue durée, car les effets sont perdus une fois le traitement arrêté, ce qui entraîne aussi un risque plus important Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 Immunothérapie du diabète de type 1 : nouvelles pistes Tableau. Les différences entre les thérapies immunosuppressives et les thérapies visant à restaurer la tolérance immunologique. Immunosuppression Tolérance immunologique Effet immunologique Généralisé → risque d’infections et de tumeurs secondaires Ciblé sur la cellule bêta → les autres réponses immunes sont préservées Durée du traitement À vie → l’effet est perdu après l’arrêt du traitement → risque accru d’effets adverses Courte durée → l’effet est maintenu après l’arrêt du traitement → risque réduit d’effets adverses Mécanisme Effet passif → les réponses immunes sont “artificiellement” inhibées Effet actif → les mécanismes naturels de tolérance immunitaire sont stimulés d’effets adverses liés aux médicaments utilisés (par exemple, la nephrotoxicité dans le cas de la ciclosporine). Dernier point, il s’agit d’un effet passivement induit, où toutes les réponses immunitaires sont artificiellement inhibées. Au contraire, les thérapies visant à restaurer la tolérance immunologique vis-à-vis de la cellule β exploitent des mécanismes actifs du système immunitaire, en les amplifiant de façon thérapeutique (par exemple, à l’aide des “vaccinations” avec des antigènes β-cellulaires). L’état d’inhibition qui s’ensuit ne touche donc pas toutes les réponses immunitaires, mais seulement les réponses auto-immunes pathologiques dirigées contre la cellule β. Par conséquence, le système immunitaire reste capable de monter une réponse contre des agents infectieux ou des cellules tumorales. De plus, il s’agit de traitements limités dans le temps, dont l’effet thérapeutique devrait perdurer une fois le traitement arrêté. Le risque d’effets indésirables liés au traitement est donc plus limité. À qui s’adressent les essais cliniques d’immunothérapie dans le diabète de type 1 ? Idéalement, la population visée est celle des sujets à risque, qui devraient être identifiés le plus tôt possible pour différentes raisons. En premier lieu parce que, au moment du diagnostic clinique du DT1, la majorité de la masse cellulaire β (60 à 80 %) a déjà été détruite. Même des agents capables de contrôler de façon complète l’auto-immunité β-cellulaire seraient donc capables de sauver seulement une partie limitée du patrimoine β-cellulaire. En deuxième lieu, les traitements devraient être le plus précoces possible pour éviter le phénomène appelé “epitope spreading” (figure 1). En effet, l’attaque initiale des cellules β est perpétrée par un nombre limité de lymphocytes T autoréactifs, qui reconnaissent un nombre limité d’antigènes, voire un seul. Cette première attaque conduit à une destruction des cellules β et au relargage d’antigènes additionnels, qui peuvent à leur tour activer d’autres lymphocytes T capables de reconnaître ces antigènes. Au fur et à mesure que cette attaque auto-immune progresse, le nombre des lymphocytes T autoréactifs impliqués dans la réaction devient plus important, ainsi que le nombre de leurs cibles antigéniques. Il est donc plus simple d’éteindre cette réaction dès le début plutôt qu’à des étapes plus tardives, une fois que la réaction s’est propagée et a gagné en complexité. Ce souhait idéal de traiter les sujets à risque de DT1 le plus tôt possible se confronte aujourd’hui à plusieurs difficultés. La première limite est le fait que la stratification pronostique qu’on peut faire vis-à-vis du développement ultérieur d’un DT1 n’est pas optimale. Cette stratification est fondée surtout sur les marqueurs d’autoanticorps anti-îlots. Toutefois, cette estimation du risque de développer un DT1 n’est précise que chez les individus qui sont positifs pour plusieurs autoanticorps (plus Lymphocytes T auto-immuns (un seul antigène reconnu) Ilôt pancréatique 1 Relargage d’antigènes 3 2 Lymphocytes T auto-immuns (plusieurs antigènes reconnus) Figure 1. Le mécanisme d’epitope spreading. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 61 Prédire et prévenir le diabète de type 1 dossier thématique de 3), mais moins chez les sujets qui ont seulement 1 ou 2 anticorps positifs. Ces sujets présentent un risque faible mais significatif de développer la maladie et posent aujourd’hui un défi pronostique majeur. La deuxième limite est le fait que les autoanticorps ne renseignent pas sur le moment où le DT1 se développera dans les années suivantes. L’identification de biomarqueurs additionnels pour améliorer la stratification pronostique constitue donc un besoin clinique urgent. Cette nécessité est dictée par le fait que la décision éthique de traiter par immunothérapie des sujets qui ne sont pas encore diabétiques est particulièrement délicate. Il s’agit en effet d’une maladie qui n’engage pas le pronostic vital et dont l’espérance de vie s’approche de plus en plus de celle de la population générale. La considération de cette balance risque/ bénéfice vis-à-vis des traitements dont on ne connaît pas les risques – ni, d’ailleurs, les bénéfices – à long terme est particulièrement critique. C’est pour cette raison que les essais cliniques de prévention tentés à ce jour sont restés limités et ont recruté surtout des sujets à très fort risque de DT1, c’est-à-dire des individus qui sont déjà positifs pour plusieurs autoanticorps (donc avec un epitope spreading avancé) et qui souvent montrent déjà les premières altérations métaboliques de la phase précoce de sécrétion d’insuline. La majorité des essais cliniques reste donc ciblée sur des patients diabétiques de type 1 recrutés au moment du diagnostic. Il faut garder à l’esprit que, chez ces patients, la marge thérapeutique est limitée. Devant ce défi éthique de préserver un rapport coût/ bénéfice avantageux, les stratégies de “vaccination” sont particulièrement attractives, car elles ne présentent pas de risque majeur d’effets adverses. Quel est le message à retenir sur les essais cliniques en cours ? Face à des essais cliniques de traitement et de prévention dont le succès reste à ce jour limité, il est important d’interpréter ces résultats non seulement vis-à-vis des effets cliniques, mais aussi vis-à-vis des modifications immunologiques induites avec les agents testés. En effet, les études mécanistiques qui sont conduites sur les sujets recrutés demeurent essentielles pour comprendre si les effets immunologiques qu’on souhaite déclencher avec le traitement ont été obtenus. Un exemple particulièrement illustratif est offert par les études immunologiques associées aux essais cliniques de “vaccination“ avec de l’insuline intra-nasale effectuées en Australie par le groupe de L.C. Harrison (4). L’hypothèse de départ de ces essais cliniques est que la voie intra-nasale 62 de “vaccination“ pourrait induire une tolérance immunologique vis-à-vis de l’antigène administré. Il s’agit donc d’un traitement qui vise à induire un effet opposé à celui d’une vaccination classique. Nous avons regardé quel était l’effet de cette vaccination sur les réponses immunologiques vis-à-vis de l’insuline. L’insuline a été employée dans plusieurs protocoles de vaccination parce qu’elle demeure un antigène cible majeur, et probablement initiateur, de l’auto-immunité du DT1 (1). Nous avons pu observer que le traitement par insuline intra-nasale conduisait à la disparition complète des réponses T autoimmunes vis-à-vis de l’insuline, disparition qui n’était, au contraire, pas observée chez les sujets traités par placebo (figure 2A) [4]. De plus, cet effet restait spéficique de l’insuline, car il n’était pas observé pour des réponses T vis-à-vis d’antigènes de contrôle comme la toxine tétanique. Certaines de ces études ont été effectuées chez des sujets présentant un DT1 à lente évolution (aussi appelé LADA [Latent Autoimmune Diabetes in Adult]), c’est-à-dire des patients ayant bien des anticorps positifs au moment du diagnostic sans être encore insulino­ dépendants. Le but de ces essais était de vérifier si la masse β-cellulaire encore présente au moment du diagnostic, probablement plus importante chez les patients atteints de LADA, pouvait être préservée par cette vaccination intra-nasale. Les essais n’ont pas donné d’effet clinique significatif. Donc, au fil du temps, ces patients devenaient insulino­dépendants et commençaient leur traitement par insuline sous-­cutanée. Ces injections quotidiennes sont équivalentes à des ­vaccinations classiques répétées, conduisant à une apparition d’anticorps vis-à-vis de l’insuline. Effectivement, les patients traités auparavant par un placebo ont montré une augmentation significative des titres d’anticorps anti-insuline exogène, augmentation qui n’était pas observée chez les patients qui avaient été traités auparavant par insuline intra-nasale (figure 2B). Cette observation démontre une fois de plus que la vaccination par insuline intra-nasale est capable d’induire un état de tolérance immunologique spécifique pour l’insuline, et que cette tolérance est maintenue après l’arrêt du traitement, y compris en présence d’une immunisation répétée quotidienne par injection sous-cutanée d’insuline (4). Pourquoi alors n’y a-t-il pas de bénéfice clinique significatif malgré le fait que l’effet immunologique souhaité est induit de façon efficace ? Une explication possible est celle selon laquelle le diagnostic survient déjà à une étape trop tardive de la maladie auto-immune. Même quand il s’agit d’essais de prévention, il ne faut pas oublier que ces patients sont souvent recrutés parce qu’ils sont positifs pour plusieurs autoanticorps, ce qui les rend à haut risque de développer un DT1 dans un court délai. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 Immunothérapie du diabète de type 1 : nouvelles pistes Réponses T anti-insuline Réponses T anti-toxine tétanique Insuline intra-nasale Placebo intra-nasal 300 200 100 60 IFN-γ + cellules T/106 PBMC 80 60 40 40 20 20 p = 0,03 0 1 2 3 Temps (mois) 0 p = 0,31 1 2 3 Temps (mois) B Changement des anticorps anti-insuline après le début de l’insulinothérapie (U/ml) A 35 Placebo intra-nasal Insuline intra-nasale 30 25 20 15 10 5 0 –5 Figure 2. Modifications des réponses immunitaires des lymphocytes T (A) et des anticorps (B) après vaccination par insuline intra-nasale. Cette présence de plusieurs autoanticorps signifie aussi que la réponse auto-immune est déjà suffisamment diversifiée pour cibler plusieurs antigènes β-cellulaires. Il est donc également probable que la vaccination par un seul antigène tel que l’insuline ne soit plus suffisante pour restaurer une tolérance immunologique complète vis-à-vis d’autres antigènes β-cellulaires. En effet, tous les essais de vaccination mis en œuvre à ce jour ont utilisé un seul antigène (l’insuline ou la GAD [Glutamic Acid Decarboxylase]) [5]. Toutefois, les réponses auto-immunes sont beaucoup plus complexes, surtout aux étapes avancées ciblées par la majorité des essais cliniques. Il est probable qu’un cocktail d’antigènes β-cellulaires serait plus efficace pour induire une tolérance plus complète. Quelles sont les nouvelles pistes thérapeutiques en cours d’exploration ? Les nouvelles pistes actuellement à l’étude suivent le même principe, à savoir de maintenir un rapport coût/ bénéfice qui soit le plus favorable possible, surtout dans une perspective de prévention. Pour la même raison, ces nouvelles pistes sont d’abord testées dans des essais d’intervention destinés à des patients atteints de DT1 nouvellement diagnostiqués. Ainsi, une stratégie qui reçoit actuellement beaucoup d’attention consiste à coupler des antigènes β-cellulaires avec des cellules immunitaires autologues du sang circulant issues du même patient. Ce couplage par voie chimique induit un état d’apoptose sur les cellules déco- rées avec l’antigène, en leur permettant d’être phagocytées très efficacement par des cellules présentatrices d’antigène telles que les cellules dendritiques. Cette phagocytose – et la présentation d’antigène aux lymphocytes auto-immuns qui s’ensuit en l’absence de stimulus inflammatoire – rend les cellules dendritiques capables de lancer un signal tolérogène aux lymphocytes T qui reconnaissent l’antigène couplé et, de ce fait, d’obtenir un effet potentiellement protecteur vis-à-vis du DT1. Cette stratégie a déjà été testée avec succès dans différents modèles murins de sclérose en plaques ainsi que de DT1 (6). Des essais cliniques sont déjà en cours pour la sclérose en plaques (ClinicalTrials.gov NCT01414634) et seront prochainement lancés pour le DT1, en couplant les cellules immunitaires autologues avec de l’insuline. Une deuxième approche vise à exploiter les cellules T régulatrices (Tregs), qui sont de véritables gardiens de l’auto-immunité en situation physiologique (7). Plusieurs études chez la souris ont montré que des populations de Tregs peuvent être produites in vitro en quantité pour être ensuite injectées in vivo. Les Tregs ainsi injectés sont capables de protéger du DT1 quand leur spécificité est ciblée sur des antigènes β-cellulaires. Cela n’est au contraire pas le cas quand les Tregs représentent une population polyclonale reconnaissant plusieurs antigènes d’origine différente. Des essais cliniques chez l’homme sont en cours avec des Tregs produits in vitro (ClinicalTrials.gov NCT01210664). Mais, à ce jour, la technologie disponible permet seulement de produire des Tregs sans spécificité antigénique sélective vis-à-vis de la cellule β. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 63 Prédire et prévenir le diabète de type 1 dossier Références 1. Brezar V, Carel JC, Boitard C, Mallone R. Beyond the hormone: insulin as an autoimmune target in type 1 diabetes. Endocr Rev 2011;32:623-69. 2. Wen L, Ley RE, Volchkov PY et al. Innate immunity and intestinal microbiota in the development of Type 1 diabetes. Nature 2008;455:110913. 3. De Goffau MC, Luopajarvi K, Knip M et al. Fecal microbiota composition differs between children with β-cell autoimmunity and those without. Diabetes 2012 (epub ahead of print). 4. Fourlanos S, Perry C, Gellert SA et al. Evidence that nasal insulin induces immune tolerance to insulin in adults with autoimmune diabetes. Diabetes 2011;60:1237-45. 5. Axelsson S, Cheramy M, Hjorth M et al. Long-lasting immune responses 4 years after GAD-alum treatment in children with type 1 diabetes. PLoS One 2011;6:e29008. 6. Culina S, Boitard C, Mallone R. Antigen-based immune therapeutics for type 1 diabetes: magic bullets or ordinary blanks? Clin Dev Immunol 2011;2011:286248. 7. Culina S, Mallone R. Pathogenic and regulatory T cells in type 1 diabetes: losing self-control, restoring it, and how to take the temperature. Curr Diab Rep 2011;11:426-33. 8. Saadoun D, Rosenzwajg M, Joly F et al. Regulatory T-cell responses to low-dose interleukin-2 in HCV-induced vasculitis. N Engl J Med 2011;365:2067-77. 9. Zhou X, Bailey-Bucktrout SL, Jeker LT et al. Instability of the transcription factor Foxp3 leads to the generation of pathogenic memory T cells in vivo. Nat Immunol 2009;10:1000-7. 10. Takiishi T, Korf H, Van Belle TL et al. Reversal of autoimmune diabetes by restoration of antigen-specific tolerance using genetically modified Lactococcus lactis in mice. J Clin Invest 2012;122:1717-25. 64 thématique Une approche conceptuellement similaire est utilisée par des essais cliniques visant à administrer aux patients de l’interleukine (IL) 2 à basses doses, car cette cytokine est capable de stimuler les Tregs directement in vivo. Une preuve de principe a déjà été fournie dans les vascularites induites par le virus de l’hépatite C (8), et des essais cliniques sont en cours dans le DT1 (ClinicalTrials.gov NCT01353833). Un point critique à éclaircir dans ces différents essais cliniques est de savoir si le phénotype de Tregs induits in vitro ou par administration d’IL-2 est stable in vivo, car des études chez la souris suggèrent que ces Tregs pourraient se transformer en lymphocytes pathogènes et, de ce fait, conduire à des effets opposés à ceux souhaités (9). Par ailleurs, l’IL-2 pourrait aussi être capable d’activer des cellules du système immunitaire inné (par exemple, les cellules NK), potentiellement délétères pour l’état d’inflammation du pancréas. Les résultats des essais cliniques en cours sont attendus pour répondre à ces questions. Une autre approche prometteuse se base sur Lacto­ coccus lactis, une bactérie commensale déjà largement utilisée dans l’industrie laitière et qui ne présente pas de pathogénicité connue chez l’homme. Cette bactérie peut être aisément modifiée génétiquement pour exprimer des antigènes β-cellulaires tels que la pro-insuline. Une étude a été effectuée chez la souris NOD (modèle animal de choix pour le DT1) en utilisant un L. lactis génétiquement modifié, exprimant la proinsuline ainsi que l’IL-10, cytokine régulatrice. L’IL-10 est capable de détourner la reconnaissance de la proinsuline envers une tolérance immunitaire. L’avantage de cette approche est double. D’un côté, l’administration par voie orale ne présente qu’un risque minime d’effets adverses. De l’autre, une fois administrées, ces bactéries sont capables de produire la pro-insuline et l’IL-10 pour une période de temps prolongée, améliorant ainsi la biodisponibilité des 2 principes actifs. L’administration de ces bactéries parallèlement à un anticorps anti-CD3 à basse dose a montré des résultats très encourageants chez la souris NOD vis-à-vis de la prévention du DT1 ainsi que de sa régression une fois la maladie manifeste (10). Malheureusement, l’association avec l’anticorps anti-CD3 est pour l’instant nécessaire. Il sera intéressant de vérifier si l’utilisation d’un cocktail d’antigènes pourrait être plus efficace que la pro-insuline seule. Toutes les stratégies de traitement qui ont été testées à ce jour exploitent les mécanismes dits de “tolérance périphérique”, par exemple en stimulant les Tregs. Toutefois, d’autres mécanismes de tolérance entrent en jeu bien plus tôt dans la vie. Ils ont lieu dans le t­ hymus, où une sélection préliminaire des lymphocytes T potentiellement autoréactifs est effectuée en leur présentant de façon proapoptotique les antigènes, par exemple la pro-insuline, qui ne doivent pas être reconnus pour éviter l’auto-immunité. Nous testons actuellement au laboratoire des stratégies d’administration de ces antigènes à une étape très précoce, pendant la vie fœtale ou néonatale, c’est-à-dire au cours du développement du système immunitaire. Cette administration très précoce, par l’intermédiaire de la mère à travers le placenta ou directement au nouveau-né à travers l’épithélium intestinal, pourrait donc “apprendre“ au système immunitaire à tolérer ces antigènes à une étape très précoce et, de ce fait, empêcher plus tard l’activation du système immunitaire. À cette étape précoce, les cellules β sont encore intactes, et le mécanisme d’epitope spreading n’est pas encore actif. Comment peut-on faire mieux ? Plusieurs essais cliniques d’immuno-intervention ou de prévention ont montré des modifications immunologiques en accord avec les effets souhaités. Toutefois, les bénéfices cliniques qui ont suivi sont restés limités. Il sera donc en premier lieu primordial de développer des stratégies de stratification pronostique et d’intervention permettant de traiter les patients le plus tôt possible afin de limiter la destruction β-cellulaire ainsi que l’epitope spreading. Deuxièmement, les efforts actuels visent en outre à développer des immunothérapies personnalisées fondées sur le profil d’auto-immunité de chaque patient (par exemple, en n’administrant une vaccination tolérogène à l’insuline qu’aux patients qui montrent une auto-immunité active vis-à-vis de l’insuline). Le troisième et dernier point important sera d’associer différentes stratégies immunologiques, notamment en vaccinant avec des antigènes β-cellulaires multiples, ou en associant aux stratégies de vaccination des immunomodulateurs (par exemple, les anticorps anti-CD3 à faible dose). Des stratégies immunologiques pourraient aussi être associées à des traitements visant à régénérer ou à remplacer la masse β déjà détruite. Dans cette perspective, il sera extrêmement utile de disposer de biomarqueurs immunologiques “abrégés” permettant de suivre les effets immunologiques induits à court terme et de prédire les effets cliniques à long terme, en optimisant ainsi le rapport coût/­ bénéfice. ■ Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013