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Ses travaux sur « la puissance du marché et de la régulation » ont donc été couronnés par la plus haute distinction de sa discipline. Il est le troisième Français à obtenir cette récompense : avant lui Gérard Debreu (1983) et Maurice Allais (1988) avaient également été primés. Grands Dossiers N° 36 sept-oct-nov 2014 « On n'est pas très bon juge de ses propres travaux et donc ce n'est pas quelque chose sur lequel je comptais », a déclaré à l’AFP l'économiste de 61 ans, quelques minutes après avoir appris la nouvelle. Ci-après, nous vous proposons de (re)découvrir un entretien que nous avions réalisé en 2008. Entretien avec Jean Tirole : «La concurrence ne doit pas être une religion» Propos recueillis par Xavier De La Vega La nouvelle économie industrielle se penche autant sur la stratégie des entreprises que sur la régulation de la concurrence. Rencontre avec Jean Tirole, économiste, médaille d’or du CNRS en 2007. La firme Microsoft peut-elle être accusée d’abus de position dominante ? Les opérateurs de téléphonie mobile ont-ils violé les principes de la concurrence par des pratiques de collusion ? Fournir un cadre théorique pour répondre à ce type de question, c’est la raison d’être de l’économie industrielle, dont Jean Tirole, médaille d’or du CNRS 2007, est l’un des représentants français les plus renommés. S’inscrivant à la suite des lauréats du prix Nobel 2007, Leonid Hurwicz, Eric Maskin – qui fut son patron de thèse au MIT (Massachusetts Institute of Technology, États-Unis) – et Roger Myerson, l’économiste toulousain a contribué à renouveler l’économie industrielle en y introduisant de nouveaux outils comme la théorie des jeux et la théorie de l’information. Ces innovations mettaient à bas deux postulats cruciaux de la théorie économique : la concurrence parfaite et l’information parfaite. Ce faisant, la « nouvelle économie industrielle » a permis de rapprocher considérablement la théorie des enjeux économiques les plus concrets. J. Tirole et les économistes de TSE (Toulouse-Sciences économiques), qu’il dirige, et de l’IDEI (Institut d’économie industrielle), dont il est directeur scientifique, s’intéressent autant à la stratégie des entreprises de la nouvelle économie qu’à la régulation de la S'identifier Mensuel N° 263 octobre 2014 autant à la stratégie des entreprises de la nouvelle économie qu’à la régulation de la concurrence, domaine dans lequel ils sont régulièrement sollicités par la Commission européenne. Auteur de contributions notables dans des domaines aussi variés que la finance, la théorie des organisations ou la communication, J. Tirole est également partie prenante de l’essor récent de la psychologie économique, un champ de recherche qui reconsidère un autre postulat de la théorie économique : l’Homo œconomicus. En quoi consiste la nouvelle économie industrielle ? Elle se penche sur des questions aussi diverses que les ententes entre les entreprises, les « regroupements de brevets », le modèle économique de Google… Sur chacune de ces questions, nous étudions les deux dimensions du problème. D’un côté, nous analysons la stratégie des entreprises : quelles sont les meilleures décisions de leur point de vue ? De l’autre, nous menons une analyse en termes de « bien-être social » : à quelles conditions les décisions des firmes conduisent-elles à un résultat satisfaisant pour les consommateurs ? Quelles règles les pouvoirs publics doivent-ils mettre en œuvre pour atteindre cet objectif ? Prenons un exemple. Quel est le point commun entre Google, les quotidiens gratuits et les fichiers PDF ? Ce sont des activités dans lesquelles l’un des côtés du marché – celui des consommateurs – est caractérisé par la gratuité. Vous ne payez pas pour utiliser le moteur de recherche de Google, ni pour lire un quotidien gratuit ou consulter un fichier PDF. Mais ces services s’adressent aussi à d’autres clients, des sociétés qui elles devront payer cher pour placer une publicité ou pour créer un fichier PDF. Un côté du marché est gratuit, l’autre payant : c’est la caractéristique des « marchés bifaces ». Devant de telles activités, le théoricien peut dégager un cadre de réflexion, ce que nous avons fait, avec Jean-Charles Rochet, en montrant que ces activités répondent à un même modèle économique général. Il peut ensuite aider les entreprises à trouver la bonne stratégie sur ces marchés. Les firmes apprennent par l’expérience : elles tâtonnent, choisissent un modèle économique, le modifient jusqu’à converger vers celui qui assurera la rentabilité de l’activité. Mais elles peuvent aussi apprendre de la théorie. Par exemple, l’un des enseignements de nos travaux est qu’il convient d’accorder des conditions avantageuses au côté du marché qui, d’une part, est le plus sensible aux prix (les utilisateurs de Google déserteraient le site s’ils devaient payer) et dont, d’autre part, la présence est particulièrement prisée par l’autre coté du marché (ici les annonceurs). Le théoricien s’adresse aussi au décideur public qui se pose quant à lui la question de la réglementation de la concurrence. Deux firmes fusionnent : quelles en seront les conséquences sur le prix de vente des produits, sur l’innovation ? Le nouveau groupe aura-t-il tendance à freiner l’introduction de nouveaux produits, à réduire sa dépense de recherche-développement ? Si c’est le cas, la fusion risque d’être défavorable à l’efficacité économique. La Commission européenne a chargé l’IDEI d’éclaircir ces questions, afin de l’aider à définir dans quels cas une fusion est dangereuse ou pas. L’économie n’est pas une science exacte, mais elle peut offrir des repères très utiles aux politiques publiques. Vous avez également beaucoup travaillé sur les « monopoles naturels » que sont par exemple l’électricité, les télécommunications, la poste. L’introduction de la concurrence est-elle toujours bonne à prendre ? La concurrence ne doit pas être une religion. J’y suis favorable, mais il s’agit d’un moyen et non d’une fin. L’introduction de la concurrence est un bienfait lorsqu’elle suscite l’apparition de produits nouveaux, fait baisser les prix, oblige l’opérateur historique à sortir de sa torpeur. Mais, mal conçue, elle peut tout aussi bien avoir des effets néfastes. Par exemple, la libéralisation du secteur de l’électricité en Californie a donné lieu à une véritable catastrophe : pendant l’été 2001, le sous-investissement dans la production d’électricité s’est soldé par une pénurie de courant, des coupures massives d’électricité… Le cas de la déréglementation électrique californienne illustre parfaitement à quel point la concurrence peut être dangereuse lorsqu’elle devient une religion. Des économistes de renom avaient été consultés pour mener à bien cette réforme, mais ils ont peu été écoutés et l’affaire a été menée en dépit du bon sens. Si l’introduction de la concurrence était si facile que cela dans des industries de réseaux comme l’électricité, elle aurait été effectuée il y a un siècle. Ces industries avaient été délibérément laissées aux mains de monopoles. Avant de libéraliser de tels secteurs, il convient de savoir dans quel segment de l’industrie cela pourra marcher, comment introduire de la concurrence de façon efficace, etc. On peut montrer que la concurrence marche plutôt bien dans les domaines de la production d’électricité. En revanche, il vaut mieux, à mon avis (ce sujet fait l’objet de débats) que le transport soit assuré par une Feuilletez un mensuel Feuilletez un Grands Dossiers mieux, à mon avis (ce sujet fait l’objet de débats) que le transport soit assuré par une seule entreprise régulée, car les lois de l’électricité font que les lignes installées créent beaucoup d’externalités* entre elles : il est par exemple périlleux d’éviter les « congestions » du réseau en l’absence d’un opérateur central chargé de superviser l’équilibre entre production et consommation d’électricité, la tension des lignes, etc. On vous doit aussi depuis une dizaine d’années des travaux à la lisière de l’économie et d’autres sciences humaines. Vous vous intéressez particulièrement à la psychologie économique, champ de recherche qui met en question les postulats de l’Homo œconomicus… La théorie économique considère généralement que les gens sont rationnels, qu’ils maximisent leur utilité, alors qu’en pratique ils ne le font pas toujours. Elle suppose par ailleurs que l’information est toujours utile, alors qu’en pratique, les gens peuvent refuser d’acquérir de l’information, avoir des croyances tout à fait sélectives, s’enferrer à conserver des croyances erronées sur eux-mêmes ou sur la société. Il existe par exemple de véritables tabous dans la vie économique. Faut-il créer un marché pour les organes humains ? Certains, comme l’économiste Gary Becker, le pensent. N’estil pas absurde, avance-t-il, que des gens meurent en raison d’une pénurie d’organes ? Ne sauverait-on de nombreuses vies en acceptant que les organes soient rémunérés ? Pourtant, à défendre de telles propositions, les économistes sont souvent considérés comme des gens immoraux. Cela dit, les tabous sont utiles, dans la mesure où ils signalent toujours des problèmes sensibles. Mais ils ont aussi un coût important. Certaines réformes économiques favoriseraient le bien-être général, mais se heurtent à des blocages psychologiques. Voulez-vous dire que les croyances sont des rigidités qui empêcheraient les sociétés ou les individus d’atteindre un optimum ? Ce n’est pas toujours le cas. Les individus ont par exemple souvent intérêt à entretenir une bonne image d’eux-mêmes, en demeurant imperméables aux informations qui menaceraient une telle croyance. Platon pensait qu’il est toujours mauvais de se mentir à soi-même. Depuis le xxe siècle, les psychologues considèrent de leur côté que l’estime de soi est importante. Roland Bénabou et moi avons proposé un modèle saisissant l’impact de telles croyances. Considérons un individu qui voudrait entreprendre quelque chose. Nous avons trouvé que vouloir préserver à tout prix une bonne estime de soi est bénéfique pour celui qui a une forte tendance à la procrastination (remettre au lendemain…), car cela le motive à sortir de sa léthargie. En revanche, celui qui en souffre peu risque d’entreprendre des activités trop ambitieuses lorsque ses croyances sont trop optimistes : celui-là ferait mieux d’écouter Platon ! Qu’est-ce que l’économiste peut apporter au psychologue ? Il peut contribuer à comprendre certains comportements et aider à engendrer des comportements prosociaux. Il apporte aussi sa connaissance des interactions interindividuelles. J’ai par exemple travaillé avec R. Bénabou sur les idéologies. Si vous interrogez des Américains sur l’origine de la réussite individuelle, ils répondent unanimement : c’est l’effort. Les pauvres ne font pas exception : lorsque, dans les enquêtes d’opinion, on leur demande s’ils méritent leur situation, la plupart répondent oui. On trouve le biais opposé en Europe : la réussite s’explique toujours par les circonstances, la chance, les relations, etc. R. Bénabou et moi avons essayé de comprendre pourquoi. Notre réponse est que l’on a souvent intérêt à adopter les mêmes croyances que les autres membres de la société. S’ils croient que l’effort détermine la réussite, ils ne votent en général pas en faveur de politiques très redistributives car elles risqueraient de décourager l’effort. Du coup, les individus n’ont pas de filet de sécurité auquel se raccrocher et ils ont tout intérêt à se convaincre que l’effort paie, sans quoi ils vont au-devant de grosses difficultés. Inversement, si vous vivez dans une société où la plupart des gens pensent que la chance l’emporte, alors la redistribution est nécessaire, mais dans ce cas, bénéficiant d’un filet de sécurité, vous n’êtes pas obligé de vous convaincre que l’effort paie. Dans un article récent, vous appelez à reformuler le modèle du choix rationnel en tenant compte des apports de la psychologie économique. Vos travaux ne vont-ils pas pourtant dans la direction inverse : analyser des questions psychologiques ou sociologiques en leur appliquant la méthode du choix rationnel ? Je suis convaincu que les autres sciences sociales ont beaucoup à apprendre aux économistes, mais je pense aussi que la méthodologie économique peut enrichir les autres sciences sociales, en fournissant un cadre de réflexion. Elle l’a déjà fait par le Un thérapeute français dévoile sa méthode pour retrouver un poids idéal. Minceur123 Votre partenaire souffre d'éjaculation précoce ? Découvrez comment lui en parler garderlecontrole.fr Luttez contre la pauvreté tout en réduisant votre ISF : découvrez la DTU Fondation Caritas France Publicité autres sciences sociales, en fournissant un cadre de réflexion. Elle l’a déjà fait par le passé en science politique ou en droit économique. Les anthropologues, les sociologues, les psychologues, les économistes traitent au fond d’un même sujet : les comportements et les relations humaines. Il serait catastrophique qu’il n’y ait pas d’échange entre les disciplines. Il devrait au fond n’y avoir qu’une seule science humaine. Un défenseur du marché Il n’en fait pas mystère : Jean Tirole est un défenseur obstiné du marché. Introduire de la concurrence dans les secteurs administrés par des monopoles publics, instituer des marchés nouveaux pour traiter les problèmes environnementaux (le marché des « droits à polluer » ou « droits d’émission négociables »), renforcer la liberté de licenciement, quitte à faire payer les entreprises qui licencient, tels ont été quelques-uns des chevaux de bataille de l’économiste au cours des vingt dernières années. Cela fait-il pour autant de lui un ultralibéral, qui ne jurerait que par l’autorégulation du marché ? Certes pas. S’il partage avec les tenants de l’école de Chicago, de Milton Friedman à Gary Becker, les mêmes prémisses méthodologiques (celles de la théorie néoclassique), J. Tirole se range plutôt dans la tradition des économistes de la côte est des États-Unis, consacrant ses recherches à formuler, dans chacun des domaines abordés, les conditions d’une bonne intervention de l’État. À ses yeux, dès lors que l’on quitte la fiction d’une économie où aucun agent n’aurait de pouvoir sur les prix (hypothèse de concurrence parfaite), et où tous auraient en tout moment accès aux mêmes informations (hypothèse d’information parfaite), l’action régulatrice de l’État reprend ses droits. Pourtant, plus qu’un critique de la théorie néoclassique, J. Tirole en est l’un des continuateurs, poursuivant l’analyse sous des hypothèses plus réalistes. Dès lors, par exemple, que l’information n’est plus ouverte à tous (asymétrie d’information), l’équilibre économique n’est plus nécessairement un optimum social. Par quels moyens peut-on réinstaurer cet optimum ? Quelles réglementations, quel régime d’incitation sont nécessaires pour faire en sorte que les décisions des entreprises soient compatibles avec l’intérêt des consommateurs ? Telles sont les questions que se pose le théoricien. La problématique de la nouvelle économie industrielle s’inscrit à cet égard dans le droit fil de Léon Walras (1824-1910), l’un des fondateurs de la théorie néoclassique, si ce n’est dans l’outillage théorique, du moins dans l’esprit : une fois que l’économie pure a établi la norme d’une économie parfaitement concurrentielle, il appartient à l’économie appliquée de rapprocher la réalité au plus près de cette norme. Comme l’économie appliquée de L. Walras, la nouvelle économie industrielle est donc une discipline au service d’un État auquel incombe la mission de poser les fondations de l’économie de marché et de veiller à son bon fonctionnement. Jean Tirole C’est au MIT (Massachusetts Institute of Technology), l’un des centres de la recherche économique contemporaine, que Jean Tirole a fait ses premières armes d’économiste. Après un doctorat soutenu en 1981 sous la direction du colauréat du prix Nobel 2007, Eric Maskin, ce polytechnicien y devient professeur en 1984. C’est là qu’il contribue à jeter les bases de la « nouvelle économie industrielle ». L’économiste toulousain Jean-Jacques Laffont, aujourd’hui décédé, le convainc en 1992 de rejoindre le laboratoire CNRS d’économie mathématique (Gremaq) et l’IDEI qu’il a créés dans la ville rose. J. Tirole est aujourd’hui à la tête de ce pôle de recherche, incontournable dans le domaine de l’économie industrielle et de l’économie d’entreprise. Il a récemment publié : The Theory of Corporate Finance, Princeton University Press, 2006. Partager : Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share Share More 9 Vos Vacances à -70% Meuble & Déco La Redoute Profitez de l’offre ! 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