D ossier thématique Infections transmises par le greffon Coordinateur : Y. Calmus Infections transmises par la greffe de cellules souches hématopoïétiques Infections transmitted during hematopoietic stem cell transplantation ● P. Ribaud* Les infections provenant du donneur Résumé Pour les virus rapidement mortels – West Nile virus, chikungunya, parvovirus –, des précautions ont été mises en place pour éviter la transmission. La transmission du virus de l’hépatite B (VHB) peut être à l’origine d’événements hépatiques graves. Il existe des recommandations simplifiées (protocole dérogatoire de l’Afssaps) pour l’utilisation de dons de donneurs porteurs du VHB (contexte de greffe apparentée uniquement) chez des receveurs naïfs. Pour le VHC, il est utile de traiter le donneur (greffe apparentée) avant le don afin de diminuer la charge virale. Pour le prion, le risque théorique et les précautions sont les mêmes que pour le don de sang. Le risque de développer une lymphoprolifération EBV est augmenté chez le receveur séronégatif. Le risque lié à l’infection à CMV est réduit grâce aux traitements, mais la survie des patients CMV+ reste inférieure à celle des patients CMV–. Les greffes de cellules souches hématopoïétiques ne posent pas de problème majeur en termes de transmission d’infection bactérienne, du fait de la mise en place de procédures strictes. En revanche, il n’existe pas de réglementation pour l’élimination des sangs placentaires contaminés. Tableau I. Donneur : infections actives. C ontrairement aux greffes ­d’organes, les greffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) se font toujours à partir d’un donneur vivant et en dehors du contexte de l’urgence extrême. Il existe des règles strictes, garantes des bonnes pratiques. Parmi les infections transmises, on distingue celles provenant du donneur et celles provenant du greffon. * Service d’hématologie-greffe de moelle, hôpital Saint-Louis, Paris. 61 CT N°2 2008.indd 61 Les infections virales actives (tableau I) Parmi les virus actifs, la transmission du virus de l’hépatite B (VHB) est à l’origine d’événements hépatiques potentiellement graves. Le risque de transmission du VHB, qui est moindre si le patient est porteur d’anticorps antiHBs+, est fortement lié à la charge virale du donneur. La détection de l’ADN viral se fait dans les 4 semaines postgreffe. Les complications hépatiques apparaissent à 3 mois en moyenne, au début de la reconstitution immunitaire (1-3). Le risque d’hépatite fulminante est de 10 %. Globalement, la mortalité postgreffe est augmentée en cas de transmission virale B. Virus des hépatites B/C EBV West Nile Chikungunya Parvovirus Il existe des recommandations (protocole dérogatoire de l’Afssaps) pour l’utilisation de greffons provenant de donneurs ayant été en contact avec le VHB. Cette situation n’apparaît que dans le contexte de greffes apparentées, car ces donneurs sont bien sûr exclus des banques de donneurs non apparentés (idem pour l’hépatite C). Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n o 2 - avril-mai-juin 2008 30/06/08 18:34:50 D ossier thématique Tableau II. Recommandations selon le statut du donneur (receveur séronégatif). Receveur Donneur Négatif Négatif Recommandation Anti-HBc+ Ag HBs– anti-HBs+/– Exposition antérieure à VHB Dosage DNA Si – : OK Si + : 1) TT antiviral D 2) TT antiviral R systématique Surveillance R Ag HBs+ Infection active 1) TT antiviral D ? 2) TT antiviral R systématique Surveillance R Protocole dérogatoire Afssaps 2005 Le tableau II rappelle quelles sont les recommandations pour des receveurs VHB négatifs en fonction du statut du donneur (4). L’effet des immunogloblines anti-HBs, seules ou en association avec un traitement antiviral, n’est pas clairement établi en greffe de CSH, contrairement à la transplantation d’organes solides. Probabilité L’étude de l’évolution de l’hépatite C après allogreffe de CSH montre que l’hépa­tite biologique est rarement grave dans les trois premiers mois. En revanche, on peut noter l’apparition d’une hépatite tardive, associée à la baisse de l’immuno­ suppression. Il est souvent souhaitable de réaliser une biopsie hépatique afin de faire le diagnostic différentiel entre hépatite active et réaction du greffon contre l’hôte, car la charge virale peut ne pas être informative (2). L’hépatite chronique virale C est associée à un risque élevé de cirrhose précoce chez le receveur par rapport à la population non transplantée (supérieur à 20 % à 20 ans) [figure 1] (4). En outre, le traitement du transplanté (par l’association interféronrivabarine) est délicat du fait du risque de réactivation de la réaction du greffon contre l’hôte. Le risque de transmission du VHC est majeur si le donneur est virémique. Dans ce cas, il est hautement souhaitable de traiter le donneur avant le prélèvement (par l’asso­ciation ribavirine-interféron) pendant deux à trois mois afin de diminuer la charge virale, avec arrêt de l’interféron au moins une semaine avant la greffe (2, 5). Les infections virales latentes Elles ont un effet délétère, mais peuvent également avoir un effet positif. Concernant les effets délétères (6, 7), le risque de développer une lymphoprolifération EBV est inférieur à 1 %, mais peut atteindre 15 à 20 % dans certains types 0,4 Transplantés 0,2 Non transplantés 0,0 0 5 10 Années 15 20 25 Figure 1. Incidence cumulée de cirrhose chez les patients VHC+ ayant reçu un greffon VHC+ comparés aux patients VHC+ non transplantés. 62 CT N°2 2008.indd 62 de greffe. Cette lymphoprolifération est le plus souvent liée au donneur. Parmi les facteurs de risque, on note : ✓ l’incompatibilité HLA ; ✓ la déplétion T du greffon ; ✓ l’utilisation de sérum antilymphocytaire (mais pas celle d’alemtuzumab) ; ✓ et peut-être la sérologie EBV : risque plus élevé chez le receveur séronégatif avec un donneur séropositif. La lymphoprolifération après greffe de CSH est précoce (inférieure à 3 mois) et à l’origine d’une mortalité importante, d’où la nécessité d’une surveillance étroite du receveur et d’un traitement préemptif par rituximab. Les deux facteurs majeurs d’infection à cytomégalovirus (CMV) après allogreffe sont la séropositivité du receveur et la réaction du greffon contre l’hôte. Les conséquences de cette infection/réactivation du CMV sont la maladie à CMV et l’augmentation globale de la mortalité postgreffe. Avant 1990, l’infection à CMV chez le receveur représentait le risque de mortalité infectieuse (par pneumopathie) le plus fréquent après allogreffe. Grâce au diagnostic précoce de l’infection et au traitement, ce risque a été ramené à moins de 5 %, mais la survie des patients CMV+ reste inférieure à celle des patients CMV– (8). Certaines études récentes ont montré que la séropositivité du donneur pouvait également avoir un impact. Les patients D+/R+ ont une mortalité à un an augmentée par rapport aux D–/R–. Mais les patients D+/R– ont aussi une mortalité plus importante, liée à une augmentation des infections bactériennes et fongiques. Cette étude évoque la possibilité de primo-infections subcliniques à CMV et du rôle immunosuppresseur du CMV (8). Il existe également pour le CMV des effets positifs possiblement liés au transfert d’immunité (figure 2) [9], que l’on retrouve également pour le virus Herpes simplex (figure 3) [10]. Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n o 2 - avril-mai-juin 2008 30/06/08 18:34:50 D ossier thématique 1,0 0,8 Probabilité de survie V. Vanneaux et son équipe (12) se sont intéressés aux greffes de moelle entre 2003 et 2006. Les germes trouvés étaient majoritairement d’origine cutanée, sans conséquence pour le receveur. La cause de la transmission était vraisemblablement liée à une asepsie insuffisante au moment du prélèvement. > 1970 7 000 R CMV+ 6 000 greffes géno-identiques 1 000 greffes non apparentées 0,6 0,4 Donneur positif CMV 0,2 Donneur négatif CMV Même survie pour les greffes géno-identiques quelle que soit la sérologie CMV du D Tableau IV. Infections bactériennes des greffons : étude de Minneapolis (19902004). Pour les greffes non apparentées, 0 la survie est meilleure 0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 si le donneur est CMV+ Mois ✓ 36 greffons contaminés (1,2 %) ✓ S treptocoque coagulase négatif (19/38), Bacillus sp. (5), K. pneumoniae (1), E. coli (1), P. cepacia (1) ✓ 3 5 patients sans problème, un épisode de choc septique létal Figure 2. Effets positifs liés au transfert d’immunité – CMV. A B Réactivation HSV-1 Donneur HSV-1– Probabilité 0,5 0,4 Donneur HSV-1+ 0,3 0,2 0,1 0 0,6 Maladie à HSV-1 0,5 Probabilité 0,6 0,4 0,3 0,2 0,1 0 Donneur HSV-1– Donneur HSV-1+ 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Mois Mois 396 R HSV-1– 33 % de D HSV-1– Enfin, l’étude de Minneapolis (19902004) a porté sur 2 935 greffons, avant transfusion, avant cryopréservation et après décongélation (13). Les résultats sont rapportés dans le tableau IV. ■ R é f é r e n c e s b i b l i o g r a p h i q u e s 1. Locasciulli A et al. Blood 1995;86:3236-40. Figure 3. Effets positifs liés au transfert d’immunité – Herpes simplex (HSV). 2. Strasser SI et al. Blood 1999;93:3259-66. Infections bactériennes transmises par le greffon de CSH Les greffons sont soumis à des contrôles bactériens lors des principales étapes de préparation : recueil, manipulations au laboratoire, congélation/décongélation éventuelles. Il existe des procédures strictes permettant de limiter le risque d’infection. L’arrêté du 16 décembre 1998 porte sur l’homologation des règles de bonnes pratiques relatives au prélèvement, au transport et à la transformation (y compris la conservation) des cellules CSH issues du corps humain et des cellules mononucléées sanguines utilisées à des fins thérapeutiques. De nombreuses études ont évalué les taux de contamination des greffons. L’étude Oklahoma s’est intéressée au taux de contamination des greffons entre 1998 et 2003 (tableau III) [11]. Aucun germe n’a entraîné d’infection majeure chez le receveur. Tableau III. Infections bactériennes des greffons : étude Oklahoma (1998-2003). Type Nombre de greffon de contaminés Moelle 8/177 CSP 21/532 Cordons 22/375 Littérature 332/10 888 (M + CSP) 63 CT N°2 2008.indd 63 % 4,5 3,9 15,4 3 Sepsis 3. Lau GK et al. Blood 2000;96:452-8. 4. Peffault de Latour R et al. Blood 2004;103: 1618-24. 5. Surapaneni SN et al. Am J Gastroenterol 2007; 102:449-51. 6. Hale G et al. Blood 1998;91:3079-83. 7. Wagner HJ et al. Blood 2004;103:3979-81. 8. Nichols WG et al. J Infect Dis 2002;185: 273-82. 9. Ljungman P et al. Blood 2003;102:4255-60. 10. Nichols WG et al. J Infect Dis 2003;187: 801-8. 11. Kamble R et al. Transfusion 2005;45:874-8. 3 (0,027 %) 12. Vanneaux V et al. Cytotherapy 2007;9: 508-13. 13. Klein MA et al. Biol Blood Marrow Transplant 2006;12:1142-9. Le Courrier de la Transplantation - Volume VIII - n o 2 - avril-mai-juin 2008 30/06/08 18:34:51