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N° CR 2016-04
R É P U B L I Q U E
F R A N Ç A I S E
GROUPES INTERPARLEMENTAIRES D’AMITIÉ ET GROUPES D’INFORMATION INTERNATIONALE
TAÏWAN À L’HEURE DU CHANGEMENT
Compte rendu du déplacement du groupe d’information et d’échanges
Sénat - République de Chine - Taïwan à Taïpei, Tainan et Taichung
_____
17 au 22 juillet 2015
Une délégation du groupe d’information et
d’échanges Sénat - République de Chine Taïwan s’est rendue à Taïwan du 17 au
22 juillet 2015. Conduite par son président,
M. Alain Richard, elle était composée en outre
de MM. Philippe Kaltenbach et Claude Raynal,
membres du groupe. Au cours de ses visites à
Taipei, Tainan et Taichung, la délégation a pu
faire le point sur la situation politique et
économique de Taïwan, à six mois des
élections présidentielles et législatives, et
évoquer avec différents interlocuteurs les voies
de consolidation des liens qu’entretiennent
Taïwan et la France.
Lors de ses déplacements à Tainan et
Taichung, la délégation a également étudié les
politiques de développement territorial en
matière culturelle, touristique et industrielle,
notamment dans le secteur des technologies
de pointe (technologies de l’information et de
la communication, aérospatiale, innovation
industrielle).
La délégation sénatoriale a ainsi rencontré des
responsables
politiques,
des
acteurs
économiques,
et
visité
des
centres
technologiques et des installations culturelles.
Ces entretiens ont été l’occasion d’échanges
fructueux avec M. Ma Ying-jeou, Président de
la République, M. Kao Kuang-chi, Ministre de
la Défense nationale, M. Lin Chu-chia, Viceministre du Conseil des Affaires continentales
et Mme Vanessa Shih, Vice-ministre des
Affaires étrangères. La délégation a également
rencontré des responsables des deux
principaux partis politiques, M. Joseph Wu,
Secrétaire général du Parti Démocratique
Progressiste (PDP), et M. Philippe Yang,
collaborateur de la candidate du Kuomintang
(KMT) à l’élection présidentielle. Elle s’est
aussi entretenue avec Mme Pan Wei-kang,
Présidente du groupe d’amitié Taïwan-France
du Parlement taïwanais, et plusieurs membres
du groupe.
Au cours de cette mission, les sénateurs se
sont principalement intéressés aux questions
des relations inter-détroit, ainsi qu’aux
politiques énergétiques dans le cadre de la
Conférence
des
Parties
CDP-COP21
organisée à Paris au mois de décembre 2015.
Source : Ministère des Affaires étrangères et du
Développement international
Sénat – 15, rue de Vaugirard - 75291 Paris Cedex 06 - www.senat.fr
TAÏWAN À L’HEURE DU CHANGEMENT
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I. Une économie aux bases
solides, à la recherche d’un
second souffle
La
croissance
économique
taïwanaise
e
e
(25 économie mondiale et 6 en Asie), est
dynamique ; après avoir dépassé 10 % en
2010, elle tend cependant à ralentir. L’activité
économique de Taïwan, dont le principal
moteur est le commerce extérieur, est
fortement
dépendante
des
relations
commerciales avec la Chine continentale. À
titre
d’illustration,
environ
40 %
des
exportations taïwanaises sont à destination du
continent. La signature en juin 2010 de
l’accord-cadre de coopération économique à
travers le détroit (« Economic Cooperation
Framework Agreement », ECFA), qui porte sur
quatre
domaines
(biens,
services,
investissements et règlement des différends),
a
fortement
accru
l’interdépendance
économique
des
deux
partenaires.
er
Matérialisée par l’ouverture le 1 janvier 2013
de bureaux de représentation commerciale sur
chacune des rives, cette politique est
aujourd’hui critiquée par l’opposition, qui juge
sévèrement cette dépendance à la Chine
continentale.
Il ambitionne notamment d’encourager les
industries établies sur le territoire taïwanais, et
de développer les énergies renouvelables et
l’emploi des jeunes, afin de renforcer la
demande intérieure. À cet égard, le
vieillissement de la population constitue une
véritable difficulté à laquelle le PDP a invité les
Taïwanais à réfléchir. Taïwan possède en effet
l’un des taux de natalité les plus bas du monde
et dans dix ans, la population de l’île devrait
commencer
à
décliner.
Ces
enjeux
économiques
et
démographiques
sont
insuffisamment pris en compte par le pouvoir
en place, estime le PDP.
II. Taïwan, à l’aube
nouvelle ère politique
d’une
Le Président Ma Ying-jeou, élu à la présidence
de Taïwan en 2008 et reconduit en janvier
2012, a mené au cours des dernières années
une politique de rapprochement avec la Chine,
dont il a souhaité rappeler à la délégation ses
bienfaits pour Taïwan. Il a souligné les risques
de tensions inter-détroit qui pourraient survenir
si celle-ci devait être remise en cause.
Si le chômage et l’inflation restent modérés, le
ralentissement de la demande mondiale est
pénalisant pour l’économie taïwanaise. Le
Gouvernement a donc mis en place, durant
l’année 2015, des mesures de soutien du
pouvoir d’achat des ménages afin d’éviter que
sa diminution ne pèse sur la demande
intérieure.
Au cours de ses rencontres, la délégation a pu
percevoir certaines limites du modèle
économique taïwanais. En effet, l’industrie des
technologies de l’information et de la
communication a perdu une partie de ses
avantages comparatifs, et la forte dépendance
vis-à-vis de la Chine continentale semble
désormais préjudiciable, malgré une tentative
d’ouverture
à
d’autres
partenaires
économiques, illustrée notamment par la
signature d’accords de libre-échange en 2013
avec Singapour et la Nouvelle-Zélande. Le
statut de Taïwan induit en effet des difficultés
dans l’établissement de zones de libreéchange et ralentit son développement
économique.
Face au ralentissement économique, le Parti
Démocratique Progressiste (PDP) souhaite
fonder un nouveau modèle de croissance basé
sur l’innovation plutôt que de miser sur les
avantages comparatifs d’une main d’œuvre
« bon marché ».
Rencontre de la délégation sénatoriale
M. Joseph Wu, secrétaire général du
Démocratique Progressiste (PDP)
avec
Parti
Cette politique se heurte néanmoins à des
oppositions au sein de la société taïwanaise,
qui a été traversée au printemps 2014 par un
important mouvement de protestations : près
de 500 000 manifestants se sont rassemblés
lors du « mouvement des Tournesols », afin de
protester contre l’Accord de libéralisation des
services entre la Chine et Taïwan. Les
manifestations, qui ont également ciblé la
normalisation des relations avec Pékin, la
libéralisation économique ou encore le
développement de l’énergie nucléaire, ont
déstabilisé le gouvernement du Kuomintang
(KMT), qui a connu une défaite aux élections
locales du 29 novembre 2014.
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TAÏWAN À L’HEURE DU CHANGEMENT
Les échéances électorales suivantes étaient
les élections présidentielles et législatives de
janvier 2016. C’est donc dans une période de
pré-campagne électorale que la délégation a
rencontré un certain nombre de responsables
1
politiques .
3
également tenu à rappeler que Taïwan et la
France partageaient les mêmes valeurs
(démocratie, droits de l’Homme, paix).
Lors de ses entretiens, elle a constaté la
volonté de changement politique des
Taïwanais après huit années de pouvoir du
Kuomintang. En 2016, pour la première fois, à
des fins d’économies budgétaires, les élections
législatives et présidentielles se sont déroulées
le même jour, le 16 janvier, conférant à cette
échéance électorale une force plus importante.
Les débats pré-électoraux se sont structurés
autours des questions relatives au rapport à la
Chine continentale et aux relations entre les
deux rives du détroit. Si la politique qui
gouverne ces relations est le « consensus de
1992 »
(« une
seule
Chine,
deux
interprétations »),
conformément
à
la
Constitution de la République de Chine, le
possible retour au pouvoir du PDP soulève la
question de la politique que ce parti plus
« indépendantiste » pourrait mener à l’égard
de la Chine continentale. Son secrétaire
général a rappelé à la délégation que les
relations entre les deux rives étaient bien plus
subtiles
que
la
simple
dichotomie
unification/indépendance. La question centrale,
selon le PDP, est celle du niveau de
dépendance de Taïwan à la Chine. Alors que
le KMT prône un développement des relations
économiques et politiques avec le continent,
même au prix d'une forte dépendance, le PDP
souhaite ouvrir Taïwan au monde et diversifier
ses partenariats, notamment en intégrant
l’Accord de partenariat transpacifique et en
signant des accords de libre-échange avec
l’Australie et le Japon, tout en renforçant ses
relations avec l’Union européenne.
III. Une relation bilatérale à
développer
Sans entretenir de relations bilatérales
officielles, la France et Taïwan ont des liens
étroits. Taïwan représente pour la France un
enjeu important en termes d’échanges
économiques. L’île est le cinquième partenaire
commercial de la France en Asie de l’Est
(après la Chine, le Japon, la Corée et
Singapour). La France et Taïwan développent,
en outre, un large éventail de coopérations
dans les domaines culturel, scientifique et
technique. Se félicitant de la qualité des
relations bilatérales en matière économique et
culturelle, le Président Ma Ying-jeou a
Audience avec M. Ma Ying-jeou, Président de la
République de Chine-Taïwan
Le Président Ma Ying-jeou a sollicité le soutien
de la France afin de participer à l’Organisation
de l’Aviation Civile Internationale (OACI) et à la
Convention-Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques (CCNUCC). Il a
rappelé que le Parlement taïwanais avait
adopté, le 16 juin dernier, une loi sur la
réduction des émissions de gaz à effet de
serre, fixant un objectif de réduction de ces
émissions de 50 % d’ici à 2050 par rapport au
niveau de 2005. Cet engagement concret
illustre, selon le président, la détermination de
Taïwan à s’engager aux côtés de la
communauté internationale dans la lutte contre
le réchauffement climatique, et à soutenir
l’accord mondial que la France a promu dans
le cadre de la Conférence des Parties CDPCOP21 de décembre 2015.
En matière économique, dans les secteurs de
pointe pour lesquels Taïwan occupe une
position de leader au niveau international
(électronique, optronique, informatique et
biotechnologies), le développement des
échanges franco-taïwanais est susceptible
d’avoir des retombées importantes pour les
entreprises et les laboratoires français.
________________________
(1)
Au moment du déplacement sénatorial, le scrutin
présidentiel devait opposer Mme Tsai Ing-wen,
candidate du PDP, à Mme Hung Hsiu-chu, candidate
du KMT. Cette dernière ayant obtenu des scores
médiocres lors des derniers sondages, elle a été
remplacée, le 17 octobre 2015, par M. Éric Chu. C’est
finalement Mme Tsai Ing-wen (PDP), qui a été élue
avec 56,12 % des voix contre 31,04 % pour M. Éric
Chu, le candidat du KMT, parti qui a également perdu
sa majorité au Parlement.
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TAÏWAN À L’HEURE DU CHANGEMENT
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La délégation a pu mesurer l’importance de
ces secteurs et de leur capacité d’innovation et
d’agrégation de l’innovation encouragée par le
Gouvernement lors de la visite de l’Institut
National Chung-Shan de Science-Technologie
et du Parc Scientifique et Industriel de
Hsinchu. Si quelque cent-soixante entreprises
françaises sont déjà installées à Taïwan –
principalement dans la distribution, les biens
de consommation, les hautes technologies et
l’environnement–, le Gouvernement taïwanais
exhorte la France à considérer Taïwan comme
une terre d’opportunités pour les entrepreneurs
hexagonaux, invités à s’installer en plus grand
nombre sur l’île.
Le Président du groupe d’information et
d’échanges, M. Alain Richard, a indiqué à ce
sujet à ses interlocuteurs que les autorités
françaises étaient favorables à un tel dispositif,
les modalités d’adoption devant être précisées
dans les mois à venir.
A la veille d’une alternance politique déjà jugée
très probable au moment de la visite de la
délégation (en juillet 2015, le PDP dominait le
KMT de plus de 20 points dans les sondages
pour les élections législatives et présidentielles
de janvier 2016), Taïwan faisait face à
plusieurs défis qui engagent son avenir. Il lui
faut trouver aujourd’hui un modèle économique
et politique lui permettant de sauvegarder sa
relation apaisée avec Pékin tout en limitant sa
dépendance
économique
à
la
Chine
continentale afin d’être moins exposée aux
aléas conjoncturels de l’économie de son
premier partenaire commercial. Cette attente
forte d’une majorité de Taïwanais est doublée
de la volonté de sauvegarde du modèle
politique
et
institutionnel
unique
que
représente Taïwan dans la région. Ce fut l’un
des thèmes centraux des récentes élections
présidentielles et législatives taïwanaises.
*
Visite par la délégation sénatoriale de l’Aerospace
industry development corporation (AIDC)
Enfin, le Président Ma, la Vice-ministre des
Affaires étrangères, Mme Vanessa Shih, et la
présidente
du
groupe
d’amitié
interparlementaire, Mme Pan Wei-kang, ont
souligné l’importance de la mise en place par
la France d’un visa « vacances travail » en
faveur des jeunes français désirant se rendre à
Taïwan, rappelant que treize pays ont déjà
signé un tel accord avec Taipei, dont huit pays
européens.
*
*
La France, qui encourage un dialogue
constructif entre les deux rives afin de trouver
un règlement pacifique à la question de
Taïwan et assurer la stabilité et la prospérité
dans la région, a des atouts à faire valoir en
matière de coopération économique, culturelle
et universitaire avec Taïwan. La délégation
sénatoriale
entend
contribuer
à
leur
développement, l’intensification des échanges
parlementaires pouvant être l’un des vecteurs
de cette démarche.
Composition de la délégation
M. Philippe Kaltenbach
Sénateur des Hauts-de-Seine
(Socialiste et républicain)
M. Alain Richard
Président du groupe
Sénateur du Val-d'Oise
(Socialiste et républicain)
M. Claude Raynal
Sénateur de la Haute-Garonne
(Socialiste et républicain)
Composition du groupe d’amitié : http://www.senat.fr/groupe-interparlementaire-amitie/ami_623.html
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