APPAREILLAGE DE LA STATION ASSISE PAR CORSET SIEGE EN FONCTION DES TROUBLES RESPIRATOIRES ET DE LA DEGLUTITION P. FORGEAT Ambrois Orthopédie - Grenoble Afin de rendre la réflexion constructive entre, le corset siège, les troubles respiratoires ainsi que de la déglutition, il est intéressant de réaliser un parallèle avec des pathologies pourvoyeuses d’appareillages de la station assise ou les préoccupations aéro-digestives sont importantes. Les maladies neuromusculaires avec en particulier la myopathie de DUCHENE DE BOULOGNE, l’amyotrophie spinale infantile ainsi que les lésions cérébrales aboutissant au polyhandicap sont des exemples importants permettant d’aborder une partie des problèmes aérodigestifs. Les maladies neuromusculaires se définissent par la lésion d’un des constituants de l’unité motrice, et la lésion cérébrale étant à l’origine des atteintes neuromotrices. Ces lésions exposent le patient aux complications orthopédiques, respiratoires et digestives qui ne sont pas que simplement juxtaposées, mais qui interfèrent et se potentialisent. Les déformations du rachis ont des répercussions sur la fonction respiratoire, et la compression abdominale qui peut survenir chez le patient en position fléchie peut entraîner des problèmes de reflux gastro-oesophagien. Cette situation se complique avec l’apparition des troubles de la déglutition. En ce qui concerne les maladies neuromusculaires, elles se définissent donc par la lésion d’un des constituants de l’unité motrice. Il existe de nombreuses maladies neuromusculaires mais elles ont toutefois une expression clinique commune : la faiblesse et la fatigabilité musculaire. Ces affections ne se limitent pas exclusivement aux muscles squelettiques, elles peuvent intéresser le myocarde ; ni aux muscles striés, elles peuvent toucher les muscles lisses. Ainsi, les fonctions vitales dépendant d’une activité musculaire : fonction respiratoire, cardiaque et digestive, peuvent être affectées par ces maladies ou leurs conséquences. L’atteinte des muscles respiratoires est fréquente dans les maladies neuromusculaires. En état stable, les patients confinés en fauteuil électrique ont des dépenses énergétiques, donc des besoins ventilatoires très faibles, qui leurs permettent de bien supporter une capacité vitale moindre. Le développement de l’insuffisance respiratoire dans les maladies neuromusculaires étant parfois insidieux. Cette insuffisance respiratoire est compliquée par la survenue du processus scoliotique. Le processus scoliotique entraîne une déformation tridimensionnelle de la colonne vertébrale associant le thorax et le bassin, perturbant ainsi la cinétique du diaphragme et la mécanique respiratoire. Il semble aussi important d’effectuer un rappel physiologique simple sur la respiration afin de mieux cerner les répercussions des déformations. Schématiquement, on peut dire que l’appareil pulmonaire est composé de trois parties : un soufflet, une tuyauterie et un échangeur. Premièrement, le soufflet : - La cage thoracique est fermée en bas par un muscle qui en constitue le fond c’est le diaphragme. Il est situé un peu au-dessus de la taille. Fait essentiel, il est mobile et ferme le thorax comme le piston d’une seringue. Lorsque le diaphragme se contracte, il descend et cela équivaut à tirer sur le piston, et l’air va entrer dans la cage thoracique, c’est l’inspiration. Lorsque le diaphragme se relâche, il remonte, cela équivaut à pousser sur le piston et l’air va sortir de la cage thoracique, c’est l’expiration. Les mouvements alternés et ininterrompus du diaphragme produisent ce mouvement de va et vient de l’air qui caractérise la respiration. Deuxièmement, la tuyauterie : - pour amener l’air de l’extérieur jusqu’à l’intérieur des poumons, des conduits sont nécessaires. La trachée est un gros tuyau qui prend naissance juste au-dessous de la gorge et qui descend dans le cou et pénètre dans le thorax. Elle s’y divise en une bronche droite et une bronche gauche destinées à chacun des poumons. Chacune de ces bronches se divise en deux plus petites et ainsi de suite jusqu’au plus profond du poumon ou se trouvent de très petites bronches extrêmement fines. Troisièmement, l’échangeur : - Au bout de chacune des bronches, les plus petites se trouvent alvéolées, chacun de ces alvéoles qui sont plusieurs millions et dont la paroi est d’une extrême minceur est entouré de vaisseaux sanguins. L’échange des gaz se fait tout seul à travers cette paroi. Le gaz carbonique passe du sang dans l’air de l’alvéole et l’oxygène de l’air de l’alvéole dans le sang. La musculature des voies aériennes supérieures peut également être affectée, avec le risque de troubles de la déglutition. Les fausses routes sont une complication de plus en plus fréquente, cette tendance étant paradoxalement la conséquence de l’efficacité de la prise en charge médicale. En effet, si le traitement palliatif, respiratoire et nutritionnel, permet d’augmenter considérablement l’espérance de vie dans les affections sévères, il n’a aucun impact sur l’évolution propre de la maladie neuromusculaire qui continue donc d’évoluer s’étendant, en particulier aux muscles oropharyngés, avec une aggravation progressive. La prévention reste cependant la meilleure arme contre les fausses routes. Elle est basée notamment sur la compréhension du processus de la déglutition, l’adaptation de l’alimentation, de la position assise du patient dans son fauteuil roulant et des conditions du repas. Les différents temps de la déglutition doivent être connus. Classiquement il y a quatre temps pour la déglutition. Le temps de la préparation buccale permet de transformer ce qu’il y a dans l’assiette en un bol alimentaire homogène, compact et lubrifié par la salive. Le temps buccal, qui est un temps volontaire, débute par une forte ascension de la langue qui va se plaquer sur toute la surface palatine, puis la base de la langue va reculer, ce travail de piston va provoquer une forte élévation des pressions intra-pharyngées ayant pour résultat d’entraîner vigoureusement le bol alimentaire vers le pharynx. Non seulement l’action de la langue vide la bouche, mais elle joue un rôle important dans la préparation du temps pharyngien. Son ascension va entraîner celle de l’os hyoïde sur lequel elle est insérée permettant une remontée du larynx. La bascule de l’épiglotte est provoquée par le recul de la langue et l’ascension de l’os hyoïde. Le temps pharyngien est un temps réflexe. La fermeture vélo-pharyngée, en séparant le rhinopharynx, va prévenir le reflux nasal des aliments. La fermeture laryngée, par la bascule de l’épiglotte va empêcher toute pénétration d’aliments dans le larynx. L’élévation du larynx va l’amener sous la base de la langue et permettre l’ouverture de la région crico-pharyngée, qui présente le sphincter de l’œsophage, simultanément est réalisée la fermeture des cordes vocales. Le temps oesophagien est sous la dépendance des fibres végétatives du nerf pneumogastrique et échappe au contrôle de la volonté. Cette suite bien réglée des différents temps de la déglutition permet d’entrevoir que les malpositions de la tête ou les problèmes de la commande volontaire ou réflexe vont avoir des répercussions. Par exemple, en position d’extension du rachis cervical l’épiglotte est verticale, le larynx est en bas et en arrière, les abaisseurs de l’os hyoïde et les muscles du plancher sont étirés, enfin l’étirement des muscles du larynx entrave la toux. Ces cervicales en extension gênent alors la remontée du larynx lors des déglutitions. Or cette remontée protège des fausses routes. Cette attitude souvent rencontrée doit être corrigée au mieux lors de l’adaptation des divers appareillages. L’appareillage de la station assise doit aussi tenir compte des problèmes d’origine digestive. L’appareil digestif est un organe de brassage, de propulsion et d’évacuation, il peut être le point de départ de complications liées à l’hypomotilité, aux déformations du cadre osseux, entraînant une gêne au transit intestinal ou la décompensation d’une pathologie de reflux gastro-oesophagien. En effet tout encombrement abdominal retentit sur la cinétique diaphragmatique et peut conduire à un tableau de détresse respiratoire ou de désadaptation à la ventilation. L’aérogastrie et l’aérocolie sont des complications fréquentes de la ventilation mécanique. Si elles deviennent importantes et gênantes elles se combattent par le réglage de la pression de l’appareillage respiratoire mais aussi en travaillant l’installation du patient et en proposant éventuellement le port d’une contention abdominale. Le mécanisme de compression intermittente du duodénum par une portion de rachis déformé faisant billot peut provoquer un obstacle mécanique et un tableau d’occlusion haute. Ces épisodes peuvent être diminuer par la recherche d’un positionnement assis plus favorable et par le changement d’angulation en position assise et la verticalisation. Mais chaque patient est différent, il n’y a donc pas une solution unique et simple à appliquer. L’appareillage classique est toujours d’actualité et des améliorations techniques et les matériaux récents viennent contribuer à augmenter l’efficacité de l’appareillage et son confort. Par exemple dans cette pathologie la scoliose est souvent traitée par corset Garchois comme le décrit Madame DUVAL-BEAUPERT. Un traitement correcteur de ce type, a pour but de maintenir la réductibilité scoliotique et de mener ainsi l’enfant paralysé scoliotique, dans des conditions orthopédiques et respiratoires les meilleures jusqu'à l’age ou l’arthrodèse peut être faite dans de bonnes conditions. L’adaptation du corset Garchois est difficile particulièrement dans les formes s’accompagnant d’obésité et la tolérance des appuis thoraciques est souvent médiocre. Cependant il assure une bonne équilibration du rachis et du bassin, limite l’effondrement rachidien et évite d’avoir recours à des appuis costaux intempestifs grâce à sa têtière. Ce corset présente de plus l’avantage de sa simplicité de mise en place et de l’extensibilité en hauteur susceptible de suivre les effets de la croissance. L’utilisation du corset à têtière n’est toutefois pas sans danger. La têtière peut favoriser la lordose cervicale et consécutivement le rétrécissement antéro-postérieur du défilé cervico-thoracique et son réglage doit tenir compte du processus de déglutition. Quelques moyens peuvent être employés pour rendre la têtière avec la mentonnière plus supportable au cours de la journée. Cette dernière peut être montée sur l’ossature du corset de telle façon qu’elle puisse être réglable en hauteur, démontable, amovible facilement, sans être obligé d’enlever le corset. La solution du bandeau frontal en tissu élastique fixé sur la partie postérieur est une solution temporaire qui peut soulager les pressions dues à la traction pour certaines activités. La suspension de tête peut aussi être une solution temporaire pouvant donner au patient un espace de liberté. D’autres améliorations peuvent être apportées sur la mentonnière seule en donnant de la souplesse ou de la facilité pour ouvrir cette dernière. D’autres corsets comme les corsets en polyéthylène peuvent être utilisés, ils sont souvent moins efficaces mais assurent le meilleur compromis entre un corset mal toléré et un autre moins pointu mais mieux porté. Mais l’installation assise dans cette pathologie ne se limite pas à la contention de la scoliose. Il faut aussi étudier sur quelle base roulante vont être installé les patients afin de compléter la prise en charge orthopédique du patient par une installation adaptée du bassin, des membres inférieurs et des membres supérieurs. Cet exemple de prise en charge permet de mettre le patient dans des conditions orthopédiques et aéro-digestives satisfaisantes. Le corset siége classique est encore utilisé avec toutes les adjonctions possibles. Depuis 4 années, sous l’impulsion d’une collaboration canadienne nous avons mis en œuvre un corset siége permettant d’être évolutif dans le temps afin de pouvoir répondre à différents positionnements en fonction des difficultés respiratoires digestives rencontrées et dans une ultime limite en cas de non-port du corset de scoliose (Fig 1). Fig1 Le corset siège évolutif est en fait un concept simple. Fig1 Dans un premier temps il est essayé comme un corset siège classique monobloc sur un socle. Dans un deuxième temps, et suivant les recommandations du cahier des charges pluridisciplinaires instruites par le médecin prescripteur les futures découpes des mains d’appuis constituant le corset siège sont tracées. Le corset siège à maintenant sa configuration évolutive et présente : - L’assise est montée sur son socle ou avec un système d’encrage pouvant être spécifique à la base roulante. - Le dossier est constitué des mains d’appuis avec son interface comprenant le système de réglage des mains d’appuis. Celui-ci est constitué d’un inter-face en bois rigide avec 2 lumières verticales recevant les autres inter-faces en bois rigides avec 2 lumières horizontales sur lesquelles sont fixées les mains d’appuis. Par le jeu des lumières le mouvement des mains d’appui est possible de gauche à droite de bas en haut et en rotation. L’assise et le dossier sont raccordés par une liaison rigide ou réglable en inclinaison ce qui peut permettre d’affiner l’angle tronc cuisse. La structure éclatée permet d’utiliser plusieurs types de mousses à divers endroits du corset siège. Par exemple il est possible d’affiner au mieux le coussin de l’assise en le sculptant dans divers matériaux comme les mousses de polyuréthane. Chez le polyhandicapé c’est la lésion cérébrale qui est à l’origine de la sévérité des atteintes neuromotrices. Les complications orthopédiques, respiratoires, digestives s’interfèrent et se potentialisent. Le travail effectué par Christian VALETTE à l’hôpital SAN SALVADOUR à HYERES en juin 2002 permet une approche pratique des troubles de la déglutition responsable des fausses routes et des troubles digestifs chez le patient polyhandicapé. Les troubles de la déglutition responsables des fausses routes et les troubles digestifs illustrent ce cercle vicieux qui s’installe aux conséquences pulmonaires souvent redoutables. Les causes de ces troubles de la déglutition et digestif sont multiples : - Le décubitus et les difficultés de verticalisation. - Les malformations thoraciques et vertébrales qui entraînent des perturbations anatomiques du diaphragme et des remaniements viscéraux. - Les troubles moteurs. - Les dystonies, la spasticité, les contractions en hyper-extension qui induisent et facilitent le passage de l’œsophage abdominal et de l’estomac dans le thorax. - L’augmentation de la pression abdominale due à la constipation. - Le retard de l’évacuation du contenu gastrique. - L’insuffisance du sphincter inférieur de l’œsophage.. Nous avons déjà vu la physiologie de la déglutition et le mécanisme de la fausse route en extension, aussi est-il important de connaître le mécanisme du reflux gastro-oesophagien et préciser la situation anatomique de l’œsophage et de l’estomac afin de mieux l’intégrer dans la conception de l’appareillage de la station assise par exemple en évitant des zones de compression abdominale. L’œsophage se divise sommairement en 3 parties : - L’œsophage cervical est situé immédiatement en arrière de la trachée et est séparée de la colonne par du tissu conjonctif lâche. - L’œsophage thoracique s’étend de D1 à l’hiatus oesophagien du diaphragme. En avant il reste intimement lié à la trachée jusqu’à la bifurcation bronchique située à hauteur de D5. - L’œsophage abdominal va de l’hiatus oesophagien du diaphragme au cardia. L’axe de l’œsophage forme avec le bord interne de l’estomac un angle aigu dénommé angle de His. L’œsophage est fixé en deux points, en haut au cartilage cricoïde par le muscle cricopharyngien et par les fibres longitudinales propres de l’œsophage ; en bas, au diaphragme par la membrane phréno-oesophagienne. L’estomac se décrit en une portion verticale et une portion horizontale. La portion verticale située à gauche de la colonne vertébrale est divisée en deux parties par un plan horizontal passant par le bord supérieur du cardia : la grosse tubérosité en haut, le corps gastrique en bas. La portion horizontale de l ‘estomac croise la ligne médiane en se dirigeant en haut et à Droite. Elle se rétrécit progressivement jusqu’à l’anneau pylorique, transition entre œsophage et le duodénum. Etant donné ces éléments anatomiques la conjonction de nombreux facteurs comme par exemple, la flatulence et la constipation, les déviations du rachis dorso-lombaire positivent fortement les pressions intra-abdominales alors que la pression intra-thoracique reste le plus souvent négative. Au cours de cette guerre des pressions, l’étage abdominal l’emporte largement sur l’étage susdiaphragmatique et le contenu gastrique est refoulé en permanence vers un orifice oesophagien lui-même défaillant. La gravité du reflux gastro-oesophagien chez l’enfant polyhandicapé est liée à la survenue de complications évolutives qui altèrent immédiatement le confort de l’enfant et peut mettre en jeu son pronostic vital. Ces complications sont digestives, respiratoires ou mixtes. Plus particulièrement si le contenu gastrique reflue jusqu’au niveau du pharynx, il peut être inhalé dans les voies aériennes et provoquer des symptômes respiratoires, meme en l’absence de vomissements. Une des mesures pour limiter l’apparition du reflux est de limité les conséquences mécaniques de l’insuffisance du sphincter inférieur de l’œsophage en évitant les différentes circonstances qui pourraient augmenter le gradient de pression gastro-oesophagien. Il s’agit entre autre de lutter contre l’état grabataire en concevant des sièges permettant de bonnes conditions de repas, sans oublier la verticalisation en appareillage ainsi que les appareillages de nuit. Dans la conception du corset siège il faut être vigilant à la position de la tête et de la nuque pour conserver, comme nous l’avons vu, un angle de sécurité de 35-40 degrés par rapport au tronc ce qui revient à placer la nuque en légère flexion (fig2). Fig2 Fig2 L’attitude cyphotique est corrigée par un baudrier préclaviculaire fixé en arrière plus haut que le moignon de l’épaule. A l’inverse l’attitude en hyper-extension est corrigée par une posture en enroulement des épaules et de la nuque avec maintien des membres supérieurs. Selon le cas le relâchement cervical est favorisé par un siège moulé en forte flexion de hanche voire un siège assis tailleur, encore faut-il prendre en compte les problèmes de reflux car dans cette position la pression intra-abdominale peut être augmentée. L’inclinaison du tronc est réglée empiriquement. Un dossier trop vertical va majorer l’effort de tenue de tête accentuant l’attitude cyphotique et la lordose cervicale compensatrice. L’inclinaison du siège sur sa base roulante peut être alors assez importante. De plus l’antépulsion souvent exesive des épaules doit être contenue et on les placera en rotation interne, l’avant bras étant en pronation avec le bras et la main soutenues. Toutes ces différentes postures montrent que les problèmes aérodigestifs peuvent être pris en comptes dans l’appareillage de la station assise mais que cela nécessite des dispositifs techniques de réglage des appareillages, provisoires ou définitifs, ainsi qu’un cahier des charges pluridisciplinaire le plus précis possible.