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Dispositif d’annonce d’un diagnostic de cancer :
des médecins à l’écoute des malades
L. Choné*
u j o u rd’hui encore, l’annonce d’un diagnostic de
cancer et la période qui l’entoure constituent pour
de nombreux malades un traumatisme majeur.
L’accès à une consultation longue, spécifique, réservée aux
annonces de diagnostic, de plan thérapeutique ou de rechute de
la maladie a d’ailleurs été l’une des priorités des malades énoncée lors des premiers États Généraux des Malades du Cancer. La
mesure 40 du Plan Cancer Présidentiel a repris cette demande en
soulignant la nécessité de “permettre aux patients de bénéficier
de meilleures conditions d’annonce du diagnostic de leur maladie”. Fin 2003, la DHOS, soutenue par les associations de
malades, a lancé une expérimentation devant permettre d’améliorer ces conditions d’annonce. Le processus relationnel autour
de la consultation d’annonce étant complexe, il ne s’agit pas de
définir ou d’imposer une méthodologie d’annonce précise mais
plutôt de mettre en place une organisation d’équipe médicale et
soignante qui s’articule autour de trois temps dont deux sont
médicaux.
Le premier de ces trois temps est représenté par l’annonce proprement dite du diagnostic de cancer. Il s’agit d’une consultation
longue, dédiée à l’annonce du diagnostic, réalisée par un médecin sénior, acteur du traitement oncologique (oncologue, chirurgien ou spécialiste d’organe). Elle représente un moment fort de
la relation de confiance entre soignants et patients, qui contribue
à renforcer la prise en charge globale des patients atteints de cancer. Cette consultation a pour but d’info rmer le malade sur sa
m a l a d i e, d’identifier les conditions psych o l ogiques et sociales
dans lesquelles se trouvent le malade et surtout de permettre un
réel dialogue avec le patient et éventuellement son entourage
autour de cette annonce tout en respectant le poids de celle-ci et
les émotions qu’elle peut susciter. Le médecin doit également à
cette occasion informer le malade sur les différentes alternatives
thérapeutiques et lui proposer que son dossier soit soumis à une
concertation pluridisciplinaire. Le malade sera ensuite, dans un
délai le plus court possible, convié à une seconde consultation
où sera explicité le projet thérapeutique retenu.
Le second temps de l’annonce est en effet dédié à la proposition d’une stratégie thérapeutique et d’un programme personnalisé de soins. En se situant après la réunion de concertation plu-
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* Service d’hépato-gastroentérologie, CHU de Nancy.
ri d i s c i p l i n a i re, il ga rantit au patient que la strat é gie thérap e u t i q u e
qui va lui être proposée s’est appuyée sur des protocoles validés
et a été choisie en concertation avec plusieurs professionnels, qui
sont acteurs du diagnostic et seront, pour certains, acteurs de son
t raitement. Au cours de cette consultation, le médecin ou l’équipe
médicale informe le patient sur les bénéfices et risques attendus
des différentes altern atives thérap e u t i q u e s , ainsi que sur le déro ulement dans le temps des diff é rents traitements. Il fo u rnit au
patient les éléments nécessaires à la prise des décisions concernant sa santé, y compris l’accès au dossier médical, un éventuel
délai de réflexion et la consultation d’un deuxième avis médical
s’il le souhaite. Il est important de souligner qu’à cette étape, en
plus de la prise en ch a rge purement oncologique, la prise en
compte des problèmes sociaux ou la mise en place de soins de
support doivent être envisagées si nécessaire. Ces éléments doivent être au mieux fo rmalisés et remis au patient dans ce qui
constituera son programme personnalisé de soins.
Le troisième temps consiste à la mise à disposition d’une équipe
soignante paramédicale. Cette équipe peut être constituée d’un
infi rmier et/ou d’un psych o l ogue et/ou d’un travailleur social.
Elle permet au patient ou à ses proches d’avoir accès, immédiatement après ou à distance des deux précédents temps de consultation, à des soignants disponibles qui pourront reformuler certains éléments des deux précédents temps de consultation ou
encore assurer une prise en charge psychologique, un lien avec
l’assistante sociale, et remettre au patient des supports d’information sur sa maladie et son traitement. Les coordonnées des
médecins, de l’équipe soignante et des personnes re s s o u rces telles
que les associations de malades seront également fo u rnies au
patient. L’accès à cette équipe doit être possible dès la première
consultation médicale à un moment où le patient se retrouve souvent seul face à cette annonce.
Par ailleurs, l’information du médecin traitant en temps direct au
décours de chacun de ces diff é rents temps de la consultation d’annonce est l’un des éléments indispensables à la mise en place
d’un réseau cohérent autour du malade et constitue pour le pat i e n t
un gage de sécurité et de continuité des soins.
Ce dispositif s’appuie très souvent sur un travail en réseau entre
p ro fessionnels, les diff é rents temps de l’annonce pouvant être
assurés par des médecins et des soignants de services ou même
d’établissements différents.
La mise en place encore expérimentale de ce dispositif s’articule
autour de 37 projets représentant 58 établissements qui ont été
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re t e nus à la suite d’un appel à projets lancé par la DHOS en
n ove m b re 2003. Cette ex p é ri m e n t ation qui fait l’objet d’une éval u ation se term i n e ra en décembre 2004 et la généra l i s ation du
dispositif est prévue dès 2005.
Ce dispositif peut sembler un peu compliqué au regard de toutes
les difficultés qui perdurent par ailleurs dans la prise en charge
concrète des patients atteints de cancer, que ce soit au niveau de
l’accès aux soins spécifiques ou de support ou au niveau de la disponibilité de certains outils diagnostiques. Il ne faut cep e n d a n t
pas perd re de vue que la nécessité d’améliorer les conditions d’annonce a été considérée par les patients eux-mêmes comme une
des priorités dans la prise en charge des cancers. La mise en place
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de ce dispositif ne vise pas à enfermer le médecin dans un carcan
d’obligations qui finirait par l’éloigner du malade mais simplement à sensibiliser la communauté médicale sur la nécessité, audelà de l’hyperspécialisation de la pratique médicale actuelle,
d’une prise en charge plus globale des malades et d’une communication avec le patient plus efficace, voire plus humaine.
Le temps des premiers mots énoncés dans l’annonce d’une mauvaise nouvelle, et en particulier d’un cancer, est unique, essentiel, fondateur. Il marque à tout jamais la re l ation médecinmalade-maladie et s’il n’existe pas de “bonnes” fa ç o n s
d’annoncer une mauvaise nouvelle, certaines sont probablement
moins dévastatrices que d’autres.
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