QUIZZ QUIZZ Proposé par 1 les Docteurs Olivier GILBERT , Fanny DEPASSE2 Service de Pneumologie1, Ophtalmologie2 CHU de Charleroi Madame XX vient en oxygénothérapie…. Oeil « pique », voit brouillé « mais çà va d’aller, Docteur…. » RDV en Ophtalmo pris pour 4 mois plus tard Envoyée en Urgence en Ophtalmo Votre diagnostic RMC-2014 1 1 QUIZZ 1er diagnostic différentiel à évoquer face à un œil rouge c’est le glaucome aigu. D+, réflectique ? pas de réelle mydriase …. un aspect de petit chalazion de la paupière supérieure …. un aspect de ligne courbe à concavité vers l’angle interne de l’œil créant un effet de corps étranger transparent ... U ne patiente de 66 ans est envoyée en urgence début novembre par son pneumologue pour avis concernant son œil gauche. Elle a été hospitalisée du 27 juillet au 6 août dans le service de pneumologie pour une bronchopneumonie. Elle a remarqué une rougeur de son œil gauche à peu près à cette période. Son médecin traitant puis le remplaçant lui ont conseillé d’instiller des larmes artificielles. Au niveau général, elle souffre d’une BPCO emphysémateuse, d’une sténose de la valve aortique, d’un « cœur pulmonaire chronique », d’une HTA. Elle est porteuse d’un pace maker (BAV 2d degré), et est ancienne consommatrice d’alcool en sevrage. Elle a donc été hospitalisée en été suite à une bronchopneumonie à Mycoplasme. Son traitement médical consiste en asaflow, zocor, tildiem retard, pantomed, xanthium, befact forte, seretide, medrol (pendant l’hospitalisation à doses dégressives stoppé actuellement), spiriva, duovent, oxygénothérapie, onbrez, burinex. RMC-2014 1 2 QUIZZ Quels sont les éléments anamnestiques importants à préciser devant l’aspect de l’œil ? (voir photo) Quelles structures peut-on observer à l’œil nu pour estimer la gravité de l’atteinte ? A l’anamnèse spécifique, il est important de préciser l’existence de : Présence et type de douleur au niveau de l’œil, sensation de corps étranger ? Trouble visuel associé Port de lentille de contact, circonstances de survenue (traumatisme) ? A l’examen externe (à la lampe de poche), on précise : L’unilatéralité ou la bilatéralité de l’atteinte La présence de lésions cutanées associées La localisation de la rougeur Le reflet de la cornée La pupille et son réflexe photomoteur On peut éventuellement cacher un œil et l’autre pour comparer qualitativement la vision. Notre patiente ne présente pas de douleur (elle se porte plutôt bien et est très souriante), se plaint de voir un peu plus trouble. Les circonstances d’apparition ne sont pas très précises. Il n’y a pas de notion de traumatisme. A l’examen externe, il n’y a pas de lésion cutanée. La rougeur est diffuse mais avec une localisation préférentielle autour de la cornée. L’œil droit n’est pas rouge. Le reflet de la cornée est très irrégulier et n’est plus tout-à-fait transparent. La pupille est réflectique et ronde. RMC-2014 1 3 QUIZZ Faut-il donc envoyer cette patiente en ophtalmologie de façon urgente ? Oui, l’atteinte cornéenne nécessite une prise en charge urgente en ophtalmologie ! L L’EXAMEN DE L’OPHTALMOLOGUE ’examen de l’ophtalmologue à la lampe à fente permet de préciser le niveau de l’atteinte. Chaque structure du segment antérieur de l’œil va être examinée et décrite. La tension de l’œil va être mesurée ainsi que l’acuité visuelle. L’ensemble du tableau clinique (les symptômes et les signes) permettent de déterminer l’étiologie (parfois confirmée par des examens paracliniques). L’acuité visuelle est 10/10 œil droit et <1/20 œil gauche (« compte les doigts » à 2m). L’examen à la lampe à fente confirme l’atteinte cornéenne (endothélite, ulcère géographique propre au centre à bords surélevés, kératite ponctuée superficielle diffuse). La perte de transparence cornéenne rend l’examen des structures plus profondes difficile. Une inflammation intraoculaire est suspectée. La sensibilité cornéenne est nulle à gauche. Le diagnostic de kératite herpétique avec uvéite antérieure probable est posé. Le traitement instauré consiste en zovirax 800mg po 5x/j, diamox 250 mg po ¼ co/ j, tropicol collyre 3x1goutte/j OG, terramycine onguent 3 à 5x/j OG. L’évolution est favorable. 4 jours plus tard, l’acuité est de 1/20. L’épithélium cornéen est fermé. On note un tyndall positif en chambre antérieure. L’examen du fond d’œil est trouble mais possible et ne montre pas de foyer infectieux. 10 jours plus tard, l’acuité est de 2/10. La tension intraoculaire est mesurée et normale. Le tyndall diminue et on voit des précipités rétrodescemétiques. Le fond d’œil est normal. La patiente commence à avoir mal. On arrête le diamox, le zovirax est diminué à 3x/j et on change la terramycine pour terracortril 3x/j. 15 jours plus tard, l’acuité est de 4/10. Les précipités rétrodescemétiques sont bruns. Le tyndall est négatif. RMC-2014 1 4 QUIZZ L exique : Ulcère cornéen géographique : ulcération des couches superficielles et de proche en proche vers les couches plus profondes de la cornée, avec un périmètre irrégulier, comme une forme de continent sur une carte géographique. Endothélite : inflammation de la couche la plus profonde de la cornée (l’endothélium) qui entraîne une formation de plissements ou un engorgement liquidien de la cornée. Kératite ponctuée superficielle : atteinte superficielle de l’épithélium cornéen donnant un aspect de petits points colorés à l’instillation de fluorescéine. Effet tyndall : visualisation des cellules inflammatoires et infectieuses dans la chambre antérieure de l’œil, flottant dans l’humeur aqueuse, comme de la poussière dans un rai de lumière. Précipités rétrodescemétiques : amas de cellules inflammatoires, collées contre la face interne de la cornée. Fluorescéine : colorant orange instillé dans les larmes, qui s’accroche sur les zones de cornée désépithélialisées, révélé par une lumière bleue fluorescente. Trouble de la sensibilité cornéenne : diminution de la réaction trijéminale à la présence d’un stimulus. La sensibilité est testée en évaluant la réponse à la mise en contact d’un corps étranger (coin de mouchoir propre par exemple) avec la cornée, comparativement entre les 2 yeux. Après lecture de l’histoire de cette patiente, pouvez-vous répondre aux questions suivantes ? RMC-2014 1 5 QUIZZ En ophtalmologie, une faible rougeur de l’œil est-elle moins grave qu’une forte rougeur ? L’absence de plaintes d’un patient est-elle de bon pronostic ? Parmi les traitements reçus par la patiente, y en a-t-il qui présentent un risque pour l’œil ? Quel est le pronostic pour l’œil de la patiente ? Il n’y a pas de corrélation entre l’importance de la rougeur de l’œil et la gravité de l’atteinte. Certaines affections ophtalmologiques (comme une hémorragie sous-conjonctivale) entraînent une forte rougeur et sont sans gravité pour l’œil. La localisation de la rougeur peut permettre une orientation diagnostic. Ainsi, la rougeur périkératique ou périlimbique (autour du limbe) oriente vers la présence d’une atteinte cornéenne ou une uvéite antérieure. L’absence de plaintes de la patiente, dans ce cas, n’est pas un élément de bon pronostic. L’herpès entraîne une anesthésie cornéenne par atteinte du trijumeau. La lésion cornéenne n’est pas ressentie et progresse insidieusement. L’absence de douleur est un élément d’orientation diagnostic. En effet, les autres causes d’atteinte cornéenne sont généralement douloureuses, de même que les autres causes de rougeur à localisation périlimbique (comme le glaucome aigu par fermeture de l’angle, l’uvéite antérieure,…). La conjonctivite se présente généralement avec une rougeur diffuse, une gêne généralement douloureuse et devient bilatérale (asymétrique) dans la plupart des cas. Le Medrol reçu durant l’hospitalisation, comme tous les médicaments à base de cortisone, peut engendrer des effets secondaires au niveau ophtalmologique : cataracte, glaucome. Plus spécifiquement chez notre patiente, un traitement à base de cortisone avec kératite herpétique non traitée par antiviral fait « flamber » l’herpès cornéen. RMC-2014 1 6 QUIZZ L ’atteinte cornéenne habituelle, la kératite dite « dendritique », qui dessine une sorte d’arborescence en feuille de fougère sur la cornée s’élargit et s’approfondit en ulcère géographique dans ce cas. Il est donc formellement contre-indiqué d’instiller des collyres à base de cortisone sur un œil rouge avant d’avoir exclu une atteinte herpétique par un examen ophtalmologique. Un traitement topique cortisoné est parfois introduit par l’ophtalmologue dans un second temps pour diminuer la réaction inflammatoire, toujours sous couverture d’un antiviral. Le pronostic de notre patiente est une guérison de l’atteinte cornéenne active, mais au prix d’un traitement long et délicat, qui nécessitera des contrôles réguliers et une diminution progressive du traitement. D’autre part, des séquelles sont possibles : taie cornéenne, kératite stromale (opacification du stroma de la cornée), kératite dite neurotrophique (sécheresse chronique de la surface, par diminution de la sécrétion lacrymale régulée par le rijumeau), récidives. La cornée restera donc fragile. RMC-2014 1 7