E Épidémiologie des infections et maladies génitales à HPV chez les femmes

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DOSSIER
Épidémiologie de l'infection par HPV
Épidémiologie des infections
et maladies génitales
à HPV chez les femmes
sans suivi gynécologique
Epidemiology of HPV infections and genital diseases
among women without cervical cancer screening
P. Descamps*, R. Rouzier**
E
n France, le dépistage des lésions précancéreuses et du cancer du col de l’utérus repose
sur la pratique d’un frottis cervico-utérin tous
les 3 ans chez les femmes âgées de 25 à 65 ans après 2
frottis normaux effectués à 1 an d’intervalle (1). Dans la
plupart des régions, ce dépistage est individuel, spontané et non organisé. Il est effectué à la suggestion d’un
médecin, à la demande de la femme elle-même, ou
lors d’une consultation pour d’autres raisons de santé.
État des lieux du dépistage en France
* Service gynécologie-obstétrique,
CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49100
Angers.
** Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Tenon, 4, rue de la
Chine, 75020 Paris.
Des disparités régionales en termes de pratique
de frottis sont également observées (5). Elles sont
probablement liées pour partie à la variabilité de la
répartition géographique des gynécologues sur le
territoire national, ces derniers ne pouvant répondre
à la demande dans certaines régions françaises (6).
Absence de suivi et risque
de cancer du col de l’utérus
Chaque année, près de 5 millions de frottis sont
effectués en France, ce qui correspond au nombre
théorique d’examens nécessaires pour surveiller
toutes les femmes de 25 à 65 ans (environ 16 millions
de femmes) à raison d’un frottis tous les 3 ans.
Ce chiffre global cache cependant en pratique une répartition inégale : une proportion non négligeable de femmes
ne se soumettent qu’occasionnellement, voire jamais,
à cet examen, alors que d’autres ont des frottis à une
fréquence plus élevée. Ainsi, pour la période de 2003 à
2006, le taux de couverture global était seulement de
58,7 % (2) pour le frottis cervical utérin chez les femmes de
25 à 65 ans. Ce taux a été estimé au moyen des données
d’un échantillon de bénéficiaires de l’assurance maladie.
L’absence de frottis de dépistage constitue un facteur
de risque majeur de cancer du col de l’utérus. Deux
études rétrospectives sur les antécédents de dépistage cytologique de patientes traitées pour un cancer
du col de l’utérus de stade évolué ont montré qu’environ 70 % d'entre elles n’avaient jamais eu de frottis
ou n’étaient suivies qu’occasionnellement (dernier
frottis cervico-utérin remontant à plus de 3 ans avant
la découverte du cancer) [7, 8].
La prévalence du cancer du col utérin est plus élevée
chez les femmes peu diplômées, alors même qu’il
n’y a pas de différence entre les femmes diplômées
et non diplômées sur la prévalence de l’infection
HPV. Cela s’explique par un moindre suivi (4) et
une contamination plus précoce (l’activité sexuelle
chez ces femmes débutant généralement plus tôt).
Facteurs influençant le dépistage
Épidémiologie de l’infection par HPV
Les femmes sans frottis ou sans frottis réguliers sont
généralement âgées de plus de 50 ans, issues de milieux
socioprofessionnels défavorisés (3) et peu diplômées (4).
L’épidémiologie de l’infection à HPV chez les femmes
non suivies ou suivies de façon irrégulière est peu
documentée.
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Mots-clés
Points forts
»» En France, le dépistage des lésions précancéreuses et du cancer du col de l’utérus repose sur le frottis
cervico-utérin. Ce dépistage n’est pas organisé, et on estime que 40 % des femmes de 25 à 65 ans ne sont
pas suivies régulièrement.
»» Les femmes peu ou pas suivies sont généralement âgées de plus de 50 ans, issues de milieux socioprofessionnels défavorisés et/ou peu diplômées.
»» Un mauvais suivi constitue un facteur de risque majeur de cancer du col utérin.
»» Les rares données épidémiologiques recueillies chez les femmes peu ou pas suivies suggèrent qu’elles
sont infectées plus fréquemment que la population générale, mais que les génotypes d’HPV sont identiques.
»» Améliorer le dépistage dans cette population de femmes est une priorité de santé publique.
Une étude publiée en 2010 réalisée auprès d’une
population de femmes des quartiers nord de Marseille
n’ayant pas eu de frottis cervico-utérin au cours des
3 dernières années et appelées à pratiquer un autoprélèvement vaginal apporte quelques éléments
d'information (9). Sur les 5 360 femmes invitées à
se faire dépister par un autoprélèvement, seules 123
ont participé à l’étude, témoignant des difficultés
de recrutement dans cette population. Ces femmes,
âgées de 35 à 69 ans, étaient toutes issues de l’immigration et/ou d’un milieu à faible niveau socioéconomique. La prévalence des infections à HPV,
déterminée dans cette population à partir des 120
prélèvements analysables, était supérieure à la prévalence généralement observée chez les femmes de 30
à 70 ans : 23,3 % (28/120) contre moins de 10 %.
En l’absence de groupe contrôle, ce chiffre relativement élevé était difficile à interpréter. Néanmoins,
les raisons pouvant expliquer cette prévalence sont
le faible niveau socio-économique de ces femmes,
réticentes à tout examen gynécologique, la réactivation d’une infection latente après la ménopause due
à une diminution de l’immunité spécifique et/ou la
survenue de nouvelles infections chez les patientes
âgées de plus de 35 ans sexuellement actives.
La prévalence des infections à haut risque oncogène
était de 14,1 % et celle des infections multiples à
HPV de 21,4 %. L’HPV-16 était le génotype à haut
risque oncogène (HPV-HR) le plus fréquent (25 %),
suivi de l’HPV 53 (17,8 %), 31 (14,3 %), 18 (7,1 %), 58
et 66 (3,5 %). Les génotypes HPV de faible risque
oncogène (HPV-LR) étaient, par ordre de fréquence :
l’HPV 6 (21,4 %), 61 (17,8 %), 70 et 81 (7,1 %). Ces
génotypes correspondent à ceux retrouvés dans les
études épidémiologiques conduites récemment en
Europe. Aucune différence d’âge n’a été mise en
évidence entre les patientes non infectées, les
patientes infectées par un HPV-HR, les patientes
infectées par un HPV-LR et les patientes infectées
par plusieurs HPV (p = 0,6).
Conclusion
Près de 40 % des Françaises de 25 à 65 ans ne se
soumettent jamais ou se soumettent de façon très
irrégulière au dépistage du cancer du col utérin,
pour des raisons culturelles, socio-économiques,
ou simplement par refus de subir un examen gynécologique sous spéculum en l’absence de symptômes. Ce défaut de suivi constitue un facteur
de risque majeur de cancer du col utérin. Les
quelques données épidémiologiques recueillies
chez ces femmes suggèrent qu’elles sont infectées par des HPV de génotypes identiques à ceux
retrouvés dans la population générale. Augmenter
le taux de couverture et toucher cette population
spécifique de femmes devient une priorité de santé
publique. Les stratégies à considérer pour pallier
ces insuffisances de dépistage, dont les causes sont
multifactorielles, sont le recours aux autoprélèvements, déjà testés à petite échelle aux Pays-Bas, et
la mise en place d’un dépistage organisé comme
cela est instauré dans certains départements français (Alsace par exemple). L’acceptation du vaccin
contre les papillomavirus dans cette population est
inconnue à ce jour.
■
Dépistage
Épidémiologie
Femme
Frottis cervical
Papillomavirus
humain (HPV)
Keywords
Screening test cancer
Epidemiology
Woman
Cervical smear
Human papillomavirus (HPV)
Références bibliographiques
1. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé. Conduite à tenir devant une patiente ayant un
frottis cervico-utérin anormal. Actualisation. Recommandations pour la pratique clinique. Paris: ANAES, 2002.
2. Institut de veille sanitaire, Duport N. Données épidémiologiques sur le cancer du col de l’utérus. État des
connaissances – Actualisation 2008. Saint Maurice: INVS; 2008. http://www.invs.sante.fr/publications/2008/
cancer_col_uterus_2008/cancer_col_uterus_2008.pdf.
3. Duport N, Serra D, Goulard H, Bloch J. Quels facteurs influencent la pratique du dépistage des cancers
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Sante publique 2008;56:303-13.
4. Franceschi S, Plummer M, Clifford G et al. International Agency for Research on Cancer Multicentric Cervical
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5. Rousseau A, Bohet P, Merlière J et al. Évaluation du dépistage organisé et du dépistage individuel du cancer
du col de l’utérus : utilité des données de l’assurance maladie. BEH 2002;19:81-3.
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www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_col_inca.pdf.
7. Lavoué V, Gautier C, Piette C et al. Histoire cytologique de 191 patientes atteintes d’un cancer invasif du
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8. Mubiayi N, Bogaert E, Boman F et al. Histoire du suivi cytologique de 148 femmes atteintes d’un cancer
invasif du col utérin. Gynecol Obstet Fertil 2002;30:210-7.
9. Tamalet C, Richet H, Carcopino X et al. Testing for human papillomavirus and measurement of viral load of
HPV 16 and 18 in self-collected vaginal swabs of women who do not undergo cervical cytological screening
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