L Effets indésirables cutanés des anti-TNFα TRAITEMENT DIFFICILE

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TRAITEMENT DIFFICILE
Effets indésirables cutanés
des anti-TNFα
Cutaneous adverse events during anti-TNFα therapy
H. Montaudié*, T. Passeron*, J.P. Lacour*, P. Bahadoran**
L
es anti-TNFα ont apporté un bénéfice considérable dans la prise en charge des pathologies inflammatoires, digestives (maladie de
Crohn [MC], rectocolite hémorragique [RCH]),
articulaires (polyarthrite rhumatoïde [PR], spondylarthrite ankylosante [SPA], arthrite chronique
juvénile [ACJ] et rhumatisme psoriasique [RP]) et
cutanées (psoriasis cutané [PsO] modéré à sévère).
Actuellement, 3 molécules bloquant le TNFα, une
cytokine pro-inflammatoire, sont disponibles en
France : 2 anticorps monoclonaux (l’infliximab [Remicade®], anticorps monoclonal chimérique, et l’adalimumab [Humira®], anticorps monoclonal humain)
et 1 récepteur soluble (l’étanercept [Enbrel®]).
L’utilisation de ces produits a fait l’objet de rapports
dans la littérature de ces dernières années pour ses
effets indésirables variés, en particulier sur le plan
cutané. De façon schématique, on peut classer ces
effets indésirables en 2 groupes. Le premier inclut les
réactions “classiques” : hypersensibilité, infections et
néoplasies. Ce type d’effets indésirables s’explique en
premier lieu par l’effet immunomodulateur/immunosuppresseur des anti-TNFα. Le deuxième groupe
concerne les effets indésirables dits “paradoxaux”,
à savoir l’apparition de pathologies habituellement
guéries ou améliorées par les anti-TNFα. Celles-ci
sont bien documentées du point de vue clinique,
mais leurs mécanismes physiopathologiques restent
encore mal connus.
Effets indésirables
dits “classiques”
Infections cutanées
* Service de dermatologie, centre
de recherche clinique (CRC), hôpital
Archet, CHU, Nice.
** Service de dermatologie, CRC,
hôpital Archet, CHU de Nice, INSERM
U1065 équipe 12.
Le risque infectieux est augmenté au cours d’un
traitement par anti-TNFα. Cette observation s’explique par le rôle central de cette cytokine dans
les mécanismes de défense anti-infectieuse : dans
la stimulation de la production de cytokines proinflammatoires (IL-1, IL-6), dans la stimulation du
190 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013
relargage d’enzymes protéolytiques, dans la lyse
d’organismes intracellulaires, dans la formation
de granulomes par l’induction de l’apoptose des
cellules infectées et dans l’expression des molécules
d’adhésion (1). Seules les infections cutanées seront
abordées ici.
Dans le registre de la British Society for Rheumatology, seules les infections cutanées et les infections
des parties molles avaient une incidence accrue
chez les patients traités par anti-TNFα par rapport
aux patients sous traitements conventionnels
(RR = 4,28 ; IC95 : 1,06-17,17) [2]. Dans une étude
rétrospective réalisée sur 709 patients traités avec
un anti-TNFα pour une MICI, une PR ou une SPA, les
infections cutanées représentaient 21 % de toutes
les infections. Dans 53 % des cas, il s’agissait d’une
infection bactérienne (impétigo, folliculites), dans
30,5 %, d’une infection virale (par le virus de l’herpès
simplex 1 ou 2 ou le virus varicelle-zona), et, dans
6,5 %, d’une infection fongique (mycoses superficielles cutanées, muqueuses et unguéales). Il s’agissait le plus souvent d’infections bénignes (3). La très
grande majorité des patients présentant ce type de
complications peut continuer le traitement.
Plus rarement, des observations d’infections cutanées opportunistes ou sévères ont été décrites,
généralement chez des patients recevant, en plus du
traitement par anti-TNFα, un traitement immunosuppresseur. Ainsi, une étude publiée en 2009 répertoriait 7 cas d’infection (dont 3 chez des patients
atteints de MC) par Mycobacterium marinum chez
des sujets traités par anti-TNFα. Parmi ces patients,
6 recevaient de l’infliximab, et 1, de l’étanercept ;
4 avaient également un traitement immunosuppresseur associé (2 du méthotrexate, 1 de l’azathioprine,
1 du léflunomide). L’évolution a été favorable pour
tous après une antibiothérapie prolongée et l’arrêt de
l’anti-TNFα, à l’exception du patient atteint de SPA,
chez qui le traitement biologique a pu être maintenu (4). D’autres mycobactérioses atypiques de
localisation cutanée (M. mucogenicum, M. abscessus
ou M. chelonae) ont été décrites et concernaient
les 3 types d’anti-TNFα (5). De nombreuses autres
Points forts
Mots-clés
» Les infections cutanées bénignes sont les effets indésirables cutanés les plus fréquents, elles autorisent
le plus souvent la poursuite de l’anti-TNFα.
» Le risque de carcinomes cutanés est augmenté sous anti-TNFα. Il semble que le risque de mélanome
soit également augmenté.
» Les réactions psoriasiformes sont les réactions paradoxales les plus fréquentes, elles autorisent le plus
souvent la poursuite de l’anti-TNFα.
» La survenue de vascularité est rapportée sous anti-TNFα et impose le plus souvent l’arrêt du traitement
et le recours à un traitement spécifique (corticothérapie/immunosuppresseur).
» Il est important de déclarer à la pharmacovigilance la survenue d’une réaction paradoxale.
complications sont rapportées de manière isolée :
un cas de lèpre chez un patient traité par étanercept pour une PR (6) ou bien encore une cryptococcose cutanée à Cryptococcus albidus (7) chez un
adolescent traité par étanercept pour un PsO. Ces
infections cutanées imposent l’arrêt de l’anti-TNFα,
la réintroduction pouvant être envisagée une fois
l’infection guérie.
survenue d’un carcinome spinocellulaire ou, a fortiori,
d’un mélanome, impose l’arrêt du traitement par antiTNFα. Des exceptions peuvent se discuter au cas par
cas, en fonction du rapport bénéfice/risque, en réunion
de concertation pluridisciplinaire d’oncologie.
Il y a très peu de données sur l’association possible
entre lymphomes cutanés primaires et anti-TNFα. Les
seules données concernent les lymphomes cutanés T.
Les différents types d’anti-TNFα sont impliqués (12).
Néoplasies
Réactions d’hypersensibilité systémique
Le rôle du TNFα dans la cancérogenèse est un sujet
très controversé. À l’exception de 2 méta-analyses
des essais de phase III des anti-TNFα dans la PR,
où un surrisque de cancer sous anti-TNF apparaît
possible (8), tous les résultats actuels sont concordants et ne retrouvent pas d’augmentation du risque
de cancer en dehors d’une augmentation du risque de
carcinome cutané et un doute sur une augmentation
du risque de mélanome. Les principales données
concernent des patients atteints de MC et de PR.
Dans une cohorte belge de 734 malades atteints
de MICI sous infliximab, suivis en médiane pendant
58 mois, tous cancers confondus, il n’y avait pas de
différence avec le groupe sans infliximab. Néanmoins, parmi les 15 cancers diagnostiqués dans
le groupe infliximab, 8 étaient des carcinomes
cutanés (9).
Dans le registre américain de la National Data Bank
for Rheumatic Diseases (NDBRD), le risque de carcinomes cutanés sous anti-TNFα est plus élevé (OR =
1,5 ; IC95 : 1,2-1,8) [10]. De même, dans un registre
de 20 648 vétérans américains atteints de PR, dont
4 088 traités par anti-TNFα, le risque de cancer cutané
(hors mélanome) est plus élevé sous anti-TNFα que
sous traitement classique (HR = 1,42 ; IC95 : 1,24-1,63).
Il s’agit d’un risque significatif, mais dans une population probablement très exposée au soleil (11). La
puvathérapie préalable (à partir de doses cumulées
de 2 500 J) en association avec la ciclosporine pourrait
augmenter ce risque. Les données concernant le risque
de mélanome vont dans le sens d’un surrisque sous
anti-TNFα ; le risque relatif est de 1,7 (IC95 : 1,0-2,9),
et l’OR, de 2,3 (IC95 : 0,9-5,4 ; p = 0,07) dans 2 études
(10). À l’exception des carcinomes basocellulaires qui
ne sont pas une contre-indication aux anti-TNFα, la
Ces réactions sont observées principalement lors
du traitement par infliximab, mais, en théorie, elles
sont possibles avec l’adalimumab et l’étanercept.
Les réactions allergiques immédiates surviennent
pendant la perfusion ou immédiatement après, dans
les 2 heures qui suivent. Elles sont observées chez 15
à 20 % des patients (elles ne sont sévères que dans
moins de 1 % des cas). Les symptômes caractérisant ces réactions sont de gravité variable : frissons,
fièvre, prurit, urticaire, signes de choc anaphylactique
(hypotension, marbrures). Les réactions d’hypersensibilité immédiates bénignes autorisent dans la
majorité des cas la poursuite du traitement. Leur
récidive n’est pas systématique. Une réaction sévère
contre-indique formellement la poursuite du traitement. L’instauration ultérieure d’un autre traitement
anti-TNFα est possible, mais elle devra se faire sous
surveillance médicale.
Les réactions d’hypersensibilité retardée surviennent
3 à 12 jours après la perfusion et se manifestent
par de la fièvre, des céphalées, des arthralgies, un
prurit, une éruption cutanée, etc. Leur incidence
est comprise entre 1 et 2 %. Leur apparition a été
corrélée à la présence d’anticorps anti-infliximab.
Ces réactions se manifestent lors de la reprise du
traitement après une interruption. Elles ont été
principalement rapportées lors du traitement de la
MC par infliximab. La présentation clinique impose,
le plus souvent, une hospitalisation en urgence,
l’arrêt immédiat de l’anti-TNFα et, parfois, une
corticothérapie générale. En raison de leur gravité
potentielle, ces réactions allergiques retardées
contre-indiquent le plus souvent la poursuite du traitement. L’utilisation ultérieure d’un autre anti-TNFα
Anti-TNFα
Réactions
paradoxales
Effets indésirables
Peau
Maladies
inflammatoires
Highlights
» Benign skin infections
constitute the most common
side effect associated with antiTNFα treatment.
» This treatment increases the
risk of cutaneous carcinoma.
Risk of melanoma also appears
to be increased.
» Psoriasiform reactions are
the most common paradoxical
reactions, but they allow antiTNFα treatments to continue.
» Vascularity occurrence has
been reported with anti-TNFalpha treatment; in most of
these cases, treatment must
be stoped.
» Recourse to a specific
therapy (corticotherapy/
immunosuppressive therapy)
is required.
» It is important to report the
appearance of all paradoxical
responses to pharmacovigilance authorities.
Keywords
Anti-TNFα
Paradoxical cutaneous
reactions
Side effects
Skin
Inflammatory disease
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
191
TRAITEMENT DIFFICILE
est possible, mais nécessite une surveillance médicale. Depuis quelques années, des prick-tests sont
réalisables (pour vérifier la responsabilité de l’antiTNFα). Une désensibilisation est parfois possible ;
elle doit être faite dans des centres spécialisés sous
surveillance médicale rapprochée.
Réactions cutanées au point d’injection
Elles sont observées avec les traitements administrés
par voie sous-cutanée (étanercept, adalimumab).
Elles surviennent dans 20 à 40 % des cas. Elles se
caractérisent par une réaction inflammatoire locale.
Elles apparaissent en début de traitement, au cours
des premières semaines. Elles ne justifient aucune
exploration. Le traitement, dans la grande majorité
des cas, peut être poursuivi ; il n’y a pas de raison
de le contre-indiquer. L’injection lente (en 1 mn) du
produit, effectuée à température ambiante, peut
permettre de limiter ces réactions.
A
B
C
Figure 1. A, B. Psoriasis palmoplantaire chez un patient traité par adalimumab pour une
maladie de Crohn. C. Éruption psoriasiforme chez un patient traité par étanercept pour
une polyarthrite rhumatoïde.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
1. Avis dermatologique ± biopsie cutanée.
2. Évaluation de la sévérité de l’atteinte cutanée et de la nécessité de l’anti-TNFα pour la pathologie sous-jacente traitée.
3. En cas d’atteinte légère à modérée : maintien de l’anti-TNFα et traitement local (émollients,
dermocorticoïdes, dérivés de la vitamine D) ou général (photothérapie, acitrétine, méthotrexate).
4. En cas d’atteinte sévère (lésions “étendues”, formes fébriles) :
• En cas d’alternative aux anti-TNFα : changement d’immunosuppresseur ;
• En cas d’absence d’alternative aux anti-TNFα :
– première intention : remplacement d’un anticorps monoclonal par un récepteur soluble (ou
vice versa) ;
– seconde intention : remplacement d’un anticorps monoclonal par un autre, ou adjonction
d’un traitement par voie générale (photothérapie, méthotrexate).
Encadré. Conduite à tenir lors de l’apparition d’une éruption psoriasiforme sous anti-TNFα.
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Effets indésirables
dits “paradoxaux”
Éruptions psoriasiformes
Le développement de lésions de psoriasis (ou psoriasiformes) de novo ou l’exacerbation d’un psoriasis
ancien constitue le type de réaction paradoxale le
plus fréquent. Environ 207 cas sont répertoriés à ce
jour. Une revue récente montrait que ces réactions
concernaient le plus souvent des femmes (65 %),
âgées de 45 ans, atteintes de PR dans 43 % des
cas, de SPA dans 26 % et de MICI dans 20 %. Les
anti-TNFα impliqués étaient dans 59 % des cas
l’infliximab, dans 22 % l’adalimumab et dans 19 %
l’étanercept. Les lésions apparaissent quelques jours
à 48 mois après l’introduction de la molécule, mais
le plus souvent au premier trimestre après l’instauration du traitement. Des cas ont même été
rapportés après l’arrêt de l’anti-TNFα. La présentation clinique est variable : psoriasis pustuleux avec
une forte incidence de l’atteinte palmoplantaire
(figure 1) dans 56 % des cas, psoriasis vulgaire dans
50 % des cas et psoriasis en gouttes dans 12 % des
cas. Un début de lésions dans les plis a été rapporté
plusieurs fois. Les atteintes unguéales sont rares mais
ont été décrites. Les patients ayant des antécédents
de psoriasis développent souvent un psoriasis de
morphologie et de localisation différentes de celui
de leur pathologie habituelle. La très grande majorité
des patients présentant ce type de dermatose peut
poursuivre un traitement par anticorps anti-TNFα
soit avec la molécule prescrite initialement, soit
avec une autre (encadré). Ainsi, dans une revue de
la littérature publiée très récemment, regroupant
47 études concernant des MICI (soit 222 patients),
une rémission complète des lésions cutanées était
obtenue dans près de 64 % des cas, le plus souvent
sans interrompre le traitement (13). Le délai d’apparition généralement court, le nombre élevé de cas
publiés, la guérison à l’arrêt du traitement et l’existence de rechutes lors de la reprise du traitement
sont autant d’arguments en faveur de la responsabilité des anti-TNFα. L’apparition de ces dermatoses
psoriasiformes semble être un effet dépendant d’une
classe médicamenteuse, plutôt que lié à une molécule donnée, puisque des cas ont été décrits avec
tous les anti-TNF commercialisés. D’autre part, la
négativité des tests allergologiques cutanés va à
l’encontre d’une réaction immunoallergique contre
l’une de ces molécules.
TRAITEMENT DIFFICILE
Éruptions eczématiformes
Ces réactions ont été décrites avec les 3 types d’antiTNFα, essentiellement chez des patients atteints de PR,
mais également de MICI et, notamment, de RCH (14).
Dans 2 études prospectives totalisant 424 patients
recevant un anti-TNF pour une PR, 27 cas de dermatose
eczématiforme ont été observés et confirmés histologiquement. Il s’agit de formes dysidrosiques, nummulaires, papuleuses et non spécifiques. Une présentation
comparable à celle de la dermatite atopique a aussi été
observée (12). Dans une étude regroupant 92 patients,
dont 55 atteints de MICI (48 MC et 7 RCH), traités
par infliximab et parmi lesquels 15 ont développé
un eczéma (dont 7 parmi ceux atteints de MICI), le
seul facteur prédictif d’une telle réaction était une
histoire personnelle d’atopie (15). Le plus souvent, ces
réactions sont modérées et peuvent être contrôlées
par les dermocorticoïdes sans qu’il soit nécessaire
d’interrompre le traitement.
Vascularites
Les anti-TNFα sont utilisés dans les vascularites
systémiques, réfractaires aux corticoïdes et/ou
aux immunosuppresseurs. Paradoxalement, des
cas de vascularites induites par les anti-TNFα
sont de plus en plus souvent rapportés, allant de
simples désordres immunologiques jusqu’à des
formes graves. Dans une étude sur 113 patients
ayant développé une vascularite sous anti-TNFα,
dont 81 % de femmes, le délai moyen d’apparition
de la vascularite après l’instauration de l’anti-TNFα
était de 38 semaines. La peau était l’organe le plus
touché chez 87 % des patients. Les lésions décrites
étaient un purpura (57 % des patients) [figure 2],
des lésions ulcérées (9 %), des nodules localisés ou
diffus (9 %), une vascularite digitale (6 %) ou un
exanthème maculopapuleux (5 %). Ces vascularites
concernaient pour l’essentiel des patients traités
pour une PR (84 % d’entre eux), plus rarement pour
une MC ou un autre rhumatisme inflammatoire. Les
3 anti-TNFα étaient impliqués, avec une prédominance de l’étanercept (52 % des cas) et de l’infliximab
(42 %), par rapport à l’adalimumab (4 %).
Les anomalies biologiques étaient multiples : cytopénies/hypercellularité, autoanticorps, cryoglobulinémie, hypocomplémentémie. Histologiquement, il
s’agissait de vascularite leucocytoclasique (63 % des
cas), de vascularite nécrosante (17 %) et de vascularite lymphocytaire (6 %) [16]. Des données assez
proches ont été publiées récemment dans une petite
série de 8 patients, dont 75 % étaient des femmes ;
50 % étaient atteints de MICI (13 % de MC et 38 %
de RCH) et 50 %, de PR.
L’organe le plus atteint était la peau (63 %) [17].
Dans ces 2 études, l’arrêt de l’anti-TNF était le
plus souvent nécessaire, de même que le recours à
une corticothérapie générale, voire à un immunosuppresseur. La survenue de ces vascularites reste
imprévisible.
Lupus induits
L’apparition d’autoanticorps, essentiellement des
anticorps antinucléaires et des anticorps anti-ADN
natif, est assez fréquente, le plus souvent sans
traduction clinique. Ces anomalies immunologiques
peuvent s’observer quelle que soit la pathologie
motivant le traitement et sont plus fréquentes sous
infliximab que sous étanercept et adalimumab.
Les autoanticorps induits apparaissent tôt, dès 4 à
10 semaines de traitement. Leur titre fluctue au cours
du temps et ils disparaissent en 3 à 6 mois à l’arrêt du
traitement. Néanmoins, de rares cas de lupus induit
ont été décrits. Dans une série de 92 cas de lupus
induit par anti-TNFα, moins de 50 % des patients
validaient plus de 4 des critères de classification du
lupus de l’American College of Rheumatology, et la
plupart étaient traités pour une PR, ce qui suggère
la possibilité d’un syndrome de chevauchement
PR-lupus et non d’un lupus induit par anti-TNFα.
La peau est l’organe le plus souvent atteint, avec
un rash malaire, une photosensibilité, des lésions
discoïdes érythématosquameuses, etc. Les atteintes
viscérales et notamment rénales sont rares (16). La
régression en quelques semaines à l’arrêt du traitement est habituelle.
Figure 2. Purpura vasculaire et nécrotique chez un patient traité par étanercept pour
un psoriasis.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XVI - n° 4 - juillet-août 2013 |
193
TRAITEMENT DIFFICILE
Autres dermatoses
De nombreuses autres affections de la peau et des
phanères ont été rapportées. On peut citer, de façon
non exhaustive, des cas de dermatoses bulleuses
auto-immunes, de pelade et de vitiligo.
Conclusion
Figure 3. Réaction lichénoïde (lichen planopilaire) chez un patient traité par adalimumab
pour une maladie de Crohn.
Coll. service de dermatologie, CHU de Nice.
Réactions lichénoïdes
L’aspect clinique peut être celui d’un lichen plan
(papules érythémateuses prurigineuses des membres
et du tronc) ou pilaire (atteinte cicatricielle du cuir
chevelu) [figure 3].
Réactions granulomateuses
H. Montaudié déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Plusieurs cas de sarcoïdose (le plus souvent cutanée
et pulmonaire), de granulome annulaire (sous forme
de papules fermes, bien limitées, de couleur rosée,
groupées en anneaux) et de dermatite interstitielle
granulomateuse (sous formes de cordons des régions
axillothoraciques) ont été rapportés avec les 3 antiTNFα (18-20). Dans la plupart des cas, le seul arrêt
de l’anti-TNFα permet la guérison. Dans quelques
cas, une corticothérapie est nécessaire.
Les anti-TNFα représentent une avancée majeure
dans la prise en charge des maladies inflammatoires, avec une efficacité documentée. Leur profil
de tolérance est particulièrement surveillé et étudié
et, de par leur place de plus en plus prépondérante
dans l’arbre décisionnel thérapeutique de ces maladies chroniques, de nombreux effets indésirables
sont apparus, notamment cutanés. Certains de ces
effets, dits “classiques”, sont clairement attribués
à l’administration de l’anti-TNFα ; en revanche,
d’autres manifestations, dites “paradoxales”, sont
encore mal comprises. Leur caractérisation et leur
compréhension sont indispensables afin de ne pas
pénaliser leur utilisation et de permettre de soulager
au mieux les patients. Cela souligne l’importance
de leur déclaration à la pharmacovigilance et de la
réalisation d’études prospectives, portant sur un
grand nombre de patients suivis sur le long terme,
pour comprendre au mieux les mécanismes à l’origine de ces réactions et pour fournir des lignes directrices pour leur prévention et leur gestion. Enfin, la
concertation multidisciplinaire, entre hépatologues,
dermatologues, rhumatologues, etc., est primordiale
dans la gestion de ces effets.
■
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