Cas clinique Œil et médecine interne Ce que cache une hémorragie du vitré Hidden by a vitreous hemorrhage C. Mazit1, N. Urier1, N. Cassoux2 (1 Cabinet Osiris, pôle Tassigny, clinique de L’Anjou, Angers ; 2 service d’ophtalmologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) Rétine • Lymphome oculocérébral • Hémorragie intra­ vitréenne. Retina • Oculo cerebral lymphoma • Intravitreous hemorrhage. U ne femme, âgée de 59 ans, est adressée en mars 2008 pour une hémorragie intravitréenne (HIV) dense de l’œil droit évoluant depuis plusieurs mois, dans les suites d’une chirurgie de hernie discale. La patiente est par ailleurs connue et suivie pour une hypertension artérielle sévère, sans autres antécédents. Examen et évolution L’examen retrouve une acuité visuelle à 3/10 P10 à droite et 9/10 P2 à gauche. L’examen biomicroscopique des segments antérieurs est normal tandis que l’examen du fond d’œil droit met en évidence un décollement du vitré dense, une rétine dont les détails sont peu visibles mais qui est à plat. Le fond d’œil gauche est normal. On réalise une vitrectomie à visée diagnostique qui ne permet pas de déterminer l’étiologie de ce trouble du vitré. La patiente récupère une vision de 8/10 P2, avec un fond d’œil clair et sans particularité. En mars 2009, la patiente est de nouveau adressée pour une HIV de l’œil gauche. L’acuité visuelle est de 7/10 P2 à droite et de 3/10 P10 à gauche. L’examen au biomicroscope retrouve un segment antérieur calme sans particularité. L’examen du fond d’œil (figures 1a et 1b) révèle à gauche un vitré trouble blanc dont les détails de la rétine sont peu visibles. L’examen de l’œil droit (ayant subi une vitrectomie un an plus tôt) montre des lésions blanchâtres ponctiformes de petites tailles, correspondant à des infiltrats sous-rétiniens. Une angiographie (figure 2) révèle la présence de lésions multiples et diffuses. Ces dernières mettent en évidence une hyperfluorescence précoce avec diffusion modérée au temps tardif, correspondant à des cicatrices d’infiltrats sous-rétiniens. Ce tableau clinique est évocateur d’un lymphome oculo-cérébral. Un dosage d’interleukines 10 (IL-10 à 573 ­pg/­ml), réalisé sur prélèvement d’humeur aqueuse, était évocateur d’un lymphome oculaire primitif. Un bilan général en médecine interne, incluant une ponction lombaire (immunochimie et immunophénotypage), un bilan sanguin et une IRM cérébrale, conclut à l’absence d’argument en faveur d’un lymphome. En septembre 2009, une biopsie du vitré est réalisée et confirme un lymphome B intraoculaire primitif isolé. Un traitement par chimiothérapie systémique est mis en place. Discussion Le lymphome primitif oculaire est une pathologie rare, souvent bilatérale et asymétrique avec une atteinte fréquente du système nerveux central. La négativité du bilan ne remet pas en cause la suspicion diagnostique. Seule une biopsie du vitré avec examen cytologique sur vitré pur permet un diagnostic de certitude. Un diagnostic tardif est souvent observé du fait des présentations cliniques hétéroclites, raisons pour lesquelles le lymphome est décrit comme un “syndrome de mascarade”. La discordance entre l’atteinte du segment postérieur et un segment antérieur calme est souvent évocatrice. Le lymphome intra-oculaire primitif isolé est une pathologie rare, engageant le pronostic vital. La confirmation du diagnostic de lymphome oculaire n’est pas aisée, ce qui nécessite souvent une prise en charge spécialisée. II 56 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 Légendes Figure 1. Fond d’œil droit (a) et fond d’œil gauche (b). Figure 2. Angiographie, infiltrats hyperfluorescents diffus. Cas clinique Œil et médecine interne 1a 1b 2 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 57