Les bâtiments et leur décor - Bibliothèque Sainte

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Détail de la structure métallique. Par Marie-Lan Nguyen (Travail personnel), CC-BY-2.0-fr, via Wikimedia Commons.
Les bâtiments
et leur décor
La nouvelle construction dans son époque
Au début du XIXe siècle l’usage du fer et de la fonte se généralise dans la construction des
bâtiments, cette évolution aboutira à ce symbole qu’est la tour Eiffel érigée à l’occasion de l’exposition
universelle de 1889. Labrouste, lorsqu’il reçoit mission d’élaborer la nouvelle Bibliothèque sainteGeneviève, a connaissance des réalisations entreprises depuis le début du siècle comme à l’époque
précédente. Il fait néanmoins œuvre de novateur à tous les titres. Non seulement il laisse la fonte
apparente en conciliant fonction et décor, mais plus largement la bibliothèque qu’il conçoit
dans une autonomie spatiale inédite a sens de manifeste. Son œuvre donne le coup d’envoi de la
modernité en architecture. Il repense les exemples du passé et invente des solutions nouvelles en
adéquation à ce projet particulier.
L’œuvre de Labrouste se situe dans un contexte historique local bien précis. Un conflit oppose
la bibliothèque, restée sur place à la révolution sous les combles des anciens bâtiments de l’abbaye,
et le lycée qui occupe depuis le début du siècle les étages inférieurs. Dès 1838, décision est prise
de déplacer la bibliothèque et Labrouste reçoit la charge de l’opération. L’ancien collège de
Montaigu, un temps prison, est partiellement transformé pour recevoir dès le mois d’octobre 1842
les collections les plus utilisées. Le reste de l’édifice est démoli afin de permettre la construction
nouvelle. Ce projet s’inscrit dans le vaste plan d’urbanisme généré autour de l’église sainte-Geneviève
de Soufflot, devenue le panthéon. La loi du 5 juillet 1844 prévoit notamment le percement de la
rue Soufflot et la construction de la mairie, réplique de l’école de droit. La nouvelle bibliothèque
est citée comme partie de l’ensemble alors que la face sud de la place est laissée à l’initiative privée.
La première pierre du bâtiment fut posée en août 1844, les travaux se poursuivant pour le gros
œuvre jusqu’en 1847. Le parti adopté pour la façade est celui d’une annonce de l’intérieur. Le rezde-chaussée, relativement fermé, donne une impression de puissance, il fait contraste avec l’étage
largement ouvert. Cette distinction correspond à une réalité fonctionnelle. Le rez-de-chaussée,
voué aux livres peu consultés ou précieux, s’orne d’une guirlande continue et mouvante. Les
fenêtres comme la porte d’entrée semblent se découper dans la muraille, leur forme même est leur
principal ornement. L’étage, destiné à recevoir la salle de lecture, s’éclaire de 41 fenêtres qui se
succèdent presque en continu et ont pour soubassement un catalogue monumental gravé. La liste
des 810 noms d’auteurs célèbres qui le composent commence avec Moïse et s’achève avec Berzélius,
savant suédois mort en 1848. Les noms répondent sur la façade aux livres placés juste derrière dans
la salle de lecture. Le caractère plan de cette façade est le signe de sa modernité, les frises, pilastres
et gravures y ajoutent une discrète élégance.
Le vestibule d’entrée
Labrouste aurait voulu aménager un jardin le long de la façade principale du bâtiment
pour « l’éloigner du bruit et de la voie publique et préparer au recueillement les personnes qui
le fréquentent ». Un tel projet ne put voir le jour faute de place. Ce jardin a été transposé par
Alexandre Desgoffe dans les peintures du pourtour qui représentent des arbres et des végétations
de tous les pays.
La pièce, tamisée, se prête à une autre interprétation, en souvenir de Dante ou dans la proximité
des convictions d’Auguste Comte. Le vestibule est alors la forêt obscure de l’ignorance, dont le
lecteur s’arrache au fur et à mesure qu’il gravit l’escalier pour atteindre la salle de lecture, temple du
savoir. Ce cheminement est encore accompagné par vingt bustes de personnages symbolisant les
différentes disciplines représentées dans les collections de la Bibliothèque. Ils sont l’œuvre de Carle
Elshoecht, Louis-Parfait Merlieux et Nicolas Mallet, le plus expressif de tous. Plusieurs ont figuré
au salon de 1849.
Les salles du rez-de-chaussée
La partie gauche contenait autrefois les collections de théologie et les doubles. Elle a gardé ce
rôle de stockage de masse, accentué, en 1931-1932, lors de l’installation d’un magasin métallique
inspiré du fameux magasin des imprimés établi par Labrouste à la Bibliothèque nationale. Avant
même la fin du XIXe siècle, il fallut se résoudre à y installer des bureaux absents des plans primitifs.
La partie droite était destinée dès l’origine à conserver les fonds précieux. On la dénommait
« salles des manuscrits et estampes ». Ce rôle lui reste en partie dévolu sous l’appellation de
Réserve. Elle abrite également la direction et le Cabinet du conservateur, dans lequel figurent
certains des objets les plus précieux de la Bibliothèque. Les boiseries et les armoires de chêne ont été
établies pour l’essentiel du temps de Labrouste en deux étapes (1850 et 1866). Une restructuration
importante a été entreprise en 1933. La salle de lecture actuelle remplaça deux vestibules abritant
des collections d’objets d’art ; la salle de lecture ancienne fut divisée en trois pour permettre l’accueil
de la bibliothèque littéraire de Jacques Doucet et la création de bureaux. Le mobilier et les objets
d’art provenant de la bibliothèque de l’abbaye sont exposés dans ces divers espaces.
L’escalier d’honneur
Cette partie du bâtiment, pleine d’ampleur et de noblesse, répond très exactement à sa vocation
de montée initiatique vers la lumière. Sur des paliers intermédiaires, deux bustes rappellent les
rôles de refondateurs joués par le cardinal de la Rochefoucauld au XVIIe siècle en ce qui concerne
les collections d’ouvrages, et par Labrouste qui, deux siècles plus tard, a conçu un lieu si approprié
à leur étude. Ils sont dus respectivement à Raymond Barthélémy (1878) et Eugène Guillaume
(1881). Les peintures décoratives sont inspirées de relevés rapportés d’Italie. D’Italie aussi viennent
les copies de Raphaël exécutées par les frères Paul et Raymond Balze. L’école d’Athènes (9,60 x 6 m)
fait pendant aux baies vitrées donnant sur la salle de lecture, illustrant à l’avance l’enrichissement
promis à ceux qui franchiront le seuil.
La grande salle de lecture
Labrouste ne disposant pas de précédents adaptés eut besoin de longues réflexions pour établir
cette partie du projet. On observera cependant que les grandes lignes sont fixées dès les premières
esquisses qui nous sont parvenues. On peut penser que la disposition en deux nefs s’inspire du
réfectoire de l’ancienne abbaye de Saint-Martin-des-Champs. Un grand nombre de proportions
sont inspirées des observations faites dans l’ancienne bibliothèque pendant la courte période où il
en assura l’entretien.
Un plafond soutenu par des piliers avait été envisagé d’abord. Mais l’attitude ouverte du conseil
général des bâtiments civils incita Labrouste, dès 1840, à le remplacer par une structure de fonte sur
colonnes supportant dans un premier temps un plafond plat en pans brisés orné de caissons, puis
finalement une voûte. L’architecte espérait par ce procédé accentuer la pénétration de la lumière
largement dispensée par 41 fenêtres jusqu’au moindre recoin de sa salle.
Le Conseil avait laissé le choix entre une voûte ou une structure de fer pour soutenir le plancher
de l’étage. C’est cette dernière solution qui fut retenue. Cette partie ne présenta pas de difficulté
majeure dans sa réalisation.
La fonte des grands arcs, considérés comme partie intégrante de la décoration de la salle, fut
autrement plus délicate. Labrouste travailla aux dessins, aux modèles d’exécution avec le concours
du serrurier Roussel et du fondeur Calla. Il y eut plusieurs prototypes dont la résistance fut
testée avec des poids avant de s’arrêter sur le choix définitif. La structure en fer du comble repose
directement sur chacun des grands arcs. Entre les arcs, un réseau de poutrelles et un maillage de fil
de fer servent de support au lit de stuc.
Le décor peint reste discret, juste présent pour mettre en valeur les livres qui doivent seuls retenir
l’attention. Les grandes armoires de chêne concourent au même but. Certaines ont disparu qui
meublaient en un épi central l’axe de la salle. De même, les tables ont changé de sens afin de gagner
en capacité d’accueil. Subsistent encore plusieurs centaines de chaises réalisées d’après le dessin de
l’architecte, à la fois classiques dans leur décor de bois tourné et modernes dans leurs proportions.
Deux éléments en vis-à-vis marquent l’entrée : le sas établi autour de la tapisserie L’Étude surprise
par la Nuit (terminée en 1853 aux Gobelins sur un carton des frères Balze) qui en détermina les
proportions et le bureau du bibliothécaire significatif par son décorum et sa position en estrade. La
force et le mystère de cette salle magnifique sont tels que les changements n’altèrent en rien l’esprit
originel auquel ils doivent se soumettre.
Le bâtiment d’administration
Sur ses plans primitifs, Labrouste avait prévu un logement pour l’administrateur et diverses
dépendances à gauche de son bâtiment. De ce projet abandonné la façade a été conservée.
Labrouste reporta de l’autre côté de la rue des Sept-Voies (aujourd’hui rue Valette) la construction
d’un bâtiment de logements pour l’ensemble des personnels et services installés jusqu’alors audessus du lycée. La relative continuité des façades des trois corps de bâtiments successifs donne
tout son sens à cette partie de la place.
Les nouveaux bâtiments
Les prévisions de Labrouste se révélèrent très rapidement insuffisantes. Il n’en fallut pas moins
attendre un siècle pour qu’un petit bâtiment de magasins fût enfin accolé à l’escalier d’honneur
en 1954. La période étant faste, une seconde construction, réalisée elle aussi par André Leconte
et reliée à l’ensemble par une passerelle, fut ajoutée en 1961. Non seulement des magasins et des
bureaux, mais encore la Bibliothèque Nordique, l’une des spécificités de la Bibliothèque SainteGeneviève, y prirent place.
Restauration et restructuration
Depuis septembre 2007 et jusqu’à la fin 2012, un certain nombre de rétablissements et
de réaménagements ont permis à la Bibliothèque de mieux rayonner. Tout d’abord la façade
principale a été restaurée et a retrouvé son éclat primitif. Ensuite, un certain nombre d’espaces ont
été restructurés par Sylvain Dubuisson et délestés de tous ajouts superflus : le vestibule d’honneur
notamment. Enfin, il a conçu un écrin pour le cabinet de curiosités qui a retrouvé un espace muséal
digne de l’intérêt des objets qu’il renferme. Au-delà, un certain nombre de salles ont été affectées à
de nouvelles fonctions : cafétéria et salle d’autoformation. Les partis de Labrouste se sont vus tout
au long de ces travaux largement confortés et honorés.
10, place du panthéon - 75005 paris
Tél. : 01 44 41 97 97 - Fax : 01 44 41 97 96 - E-mail : [email protected] - http://www-bsg.univ-paris1.fr
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