GRIO Coordonné par : T. Thomas (Saint-Étienne) w w w. gr i o. o rg La régulation du phosphore, une histoire de plus en plus complexe M. Cohen-Solal* L e phosphate est un nutriment indispensable au contrôle biologique de l’organisme, car nécessaire à la plupart des fonctions cellulaires. Le maintien d’une phosphatémie dans une fourchette normale est l’une des conditions à une minéralisation osseuse suffisante. En outre, la dérégulation du métabolisme phosphaté augmente la morbidité des patients du fait de ses conséquences à la fois osseuses, vasculaires et rénales. Une coordination de plusieurs organes L’homéostasie du phosphate est assurée grâce à un équilibre impliquant la coordination de plusieurs organes : le tissu osseux, le rein, les glandes parathyroïdes et l’intestin (1). Les apports phosphatés ne sont pas limités dans l’alimentation. Le remodelage osseux permettant un influx/efflux de 200 mg/j et l’élimination digestive étant de 900 mg/j environ, l’équilibre est assuré principalement par le rein, qui élimine les apports en excès. On savait que la parathormone (PTH) et la PTHrp contribuaient à cet équilibre par le biais de l’absorption intestinale, de l’excrétion rénale et du remodelage osseux. Cependant, la régulation du phosphate était encore mal connue jusqu’à récemment. Par exemple, la phosphatémie ne modifie pas la sécrétion de PTH. La découverte des phosphatonines et des transporteurs de phosphate sodiumdépendants a apporté une vision nouvelle de la régulation du phosphate (2). C’est grâce à des pathologies génétiques rares et aux modèles animaux qu’ont pu être mis en évidence ces éléments régulateurs : le FGF23, FGF/Klotho, le récepteur NPT2c, DMP1 et MEPE (figure). Plusieurs d’entre eux ont été identifiés comme responsables d’une pathologie spécifique par le biais de mutations, par exemple PHEX pour le rachitisme vitaminorésistant lié à l’X, le FGF23 pour le rachitisme 0T PHEX 3FJO DMP1 Inhibition SLC34A1 SLC34A3 Inhibition Sécrétion Binding FGF23 Clivage O-glycosylation GALNT3 'JHVSF Régulation de la phosphatémie (2). 246 Inhibition Inhibition CYP27B1 Stimulation SPC Klotho FGFR1(IIIc) autosomique dominant, le DMP1 pour l’hypophosphatémie autosomique récessive, la GNAS1 pour la maladie de McCune-Albright. FGF23 et NPT2c Le premier d’entre eux, le FGF23, illustre parfaitement l’interaction des 3 tissus os- parathyroïde-rein dans la régulation phosphocalcique. C’est une hormone hyperphosphaturiante stimulant l’excrétion urinaire de phosphate. La délétion du gène du FGF23 chez la souris se traduit par des troubles de la croissance et de la minéralisation ainsi que par la présence de calcifications artérielles. À l’inverse, l’hyperexpression du gène du FGF23 dans le tissu osseux induit chez la souris une hypophosphatémie, une hyperphosphaturie et des anomalies osseuses de type ostéopénique (3). Le FGF23, synthétisé par les ostéocytes, se lie au niveau du rein à un récepteur du FGF par l’intermédiaire de Klotho, une protéine membranaire impliquée dans l’apoptose et, d’une manière générale, dans le vieillissement, pour induire différents signaux cellulaires comme PI3 kinase et Erk1/2. À travers ces voies, le FGF23 inhibe l’activité 1α-hydroxylase et active les cotransporteurs rénaux NPT2a et NPT2c, réduisant à la fois l’absorption intestinale et la réabsorption rénale du phosphate, et induisant ainsi une perte phosphatée. La production de FGF23 est régulée de manière complexe, stimulée par la 1,25(OH)2 D3 et inhibée par plusieurs facteurs tels que PHEX ou DMP1. Cette hormone est particulièrement importante au cours de l’insuffisance rénale, et son taux s’élève avec le déclin de la fonction rénale. En * Service de rhumatologie, hôpital Lariboisière, Paris ; université Diderot Paris-VII. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabè Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011 La régulation du phosphore, une histoire de plus en plus complexe facilitant l’excrétion urinaire du phosphate et en inhibant l’absorption digestive, cette élévation de FGF23 pourrait freiner l’hyperphosphatémie. Les études détermineront à l’avenir si le FGF23 pourrait être à la fois un élément diagnostique des pathologies du phosphate et une cible thérapeutique. SIBLING, qui participent à la minéralisation de la dentine et des os. Leur mutation inactivatrice induit une hypophosphatémie. Celle de DMP1, également exprimée par les ostéocytes, est associée à une élévation du FGF23 sérique et osseux (4). Il apparaît donc que DMP1 est un inhibiteur de FGF23, diminuant ainsi l’excrétion urinaire de phosphate. Plusieurs pathologies sont associées à une hypophosphatémie, telles que l’ostéoporose et le diabète phosphaté. Récemment, des mutations du gène de NPT2a ont été identifiées chez des patients avec ostéopo- rose et hypophosphatémie (5). Ces données montrent la place primordiale de ces cotransporteurs dans la régulation du phosphate. and osteomalacia and identifies a role for osteocytes in mineral metabolism. Nat Genet 2006;38:1310-5. Strom TM, Jüppner H. PHEX, FGF23, DMP1 and beyond. Larsson T, Marsell R, Schipani E et al. Transgenic mice expressing fibroblast growth factor 23 under the control of the alpha1(I) collagen promoter exhibit growth retardation, osteomalacia, and disturbed phosphate homeostasis. Endocrinology 2004;145:3087-94. Curr Opin Nephrol Hypertens 2008;17:357-62. Feng JQ, Ward LM, Liu S et al. Loss of DMP1 causes rickets DMP1 et MEPE Autres phosphatonines, DMP1 et MEPE sont des protéines matricielles de la famille des Conclusion De nombreux acteurs de la régulation du phosphate ont été identifiés, les rôles du FGF23 et des cotransporteurs NPT2 semblant les plus critiques. Leur implication au cours de l’ostéoporose nécessite cependant d’être confirmée. ■ Références Prié D, Ureña Torres P, Friedlander G. Fibroblast Growth Factor 23-Klotho: a new axis of phosphate balance control. Med Sci (Paris) 2009;25:489-95. Prié D, Huart V, Bakouh N et al. Nephrolithiasis and osteoporosis associated with hypophosphatemia caused by mutations in the type 2a sodium-phosphate cotransporter. N Engl J Med 2002;347:983-91. bloc-NoTes Pour en savoir plus, consulter le site du GRIO www.diu-grio.org/pre_inscription.php Diplôme interuniversitaire en ligne du GRIO “Pathologies osseuses médicales” L’inscription est ouverte aux médecins (généralistes ou spécialistes), en exercice ou en formation, français ou étrangers francophones (issus ou non de l’Union européenne) et s’intéressant à la prise en charge des maladies fragilisant le squelette (physiopathologie, conduites diagnostiques et thérapeutiques). • Le nombre d’inscrits est limité à 60 chaque année. • Les universités permettant de s’inscrire au DIU sont les suivantes : Angers, Bordeaux-II, Caen, Lille, Lyon-I, Montpellier, Nancy-I, Paris-VII. Pour en savoir plus, contacter : Mme Patricia Halouze, secrétariat du GRIO, Centre d’évaluation des maladies osseuses, hôpital Cochin – 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques – 75014 Paris Fax : 01 44 07 01 07 XXVe Journée scientifique du GRIO 1BSJTWFOESFEJKBOWJFS Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - n° 7 - septembre 2011 247