É D I T O R I A L Vaccination contre l’hépatite B et maladies auto-immunes à expression rhumatologique. Qu’en penser ? ● J.F. Maillefert, C. Tavernier* L a survenue d’affections auto-immunes dans les suites de vaccinations contre l’hépatite B a été très commentée dans la presse médicale, mais surtout dans la presse grand public. Les feux des médias se sont certes aujourd’hui tournés vers d’autres sujets, mais de nombreuses questions restent posées, notamment en pratique quotidienne. Par exemple, peut-on vacciner un patient atteint de maladie auto-immune? Doit-on autoriser ou interdire le rappel vaccinal chez un autre dont l’affection a commencé dans les suites de la primo-vaccination ? L’interrogation principale, qui conditionne les autres, est celle de la réalité de l’induction de maladies auto-immunes. L’affection la plus volontiers mise en cause est la sclérose en plaques, bien que des études récentes n’aient pas retrouvé d’association entre cette maladie et le vaccin (1, 2). Les affections auto-immunes à expression rhumatologique sont essentiellement constituées par la polyarthrite rhumatoïde (PR) et le lupus érythémateux disséminé (LED), dont plusieurs observations ont été décrites dans la littérature, et dont des dizaines de cas ont été notifiés aux centres de pharmacovigilance français. Les maladies rapportées ne semblent pas différer des affections classiques dans leur expression clinique et sérologique. Nous manquons encore de données en ce qui concerne leur évolution. Cependant, bien que certaines observations soient * Service de rhumatologie, Hôpital Général, 3, rue du Faubourg-Raines, 21000 Dijon. La Lettre du Rhumatologue - n° 273 - juin 2001 troublantes (survenue dans les jours suivant la vaccination, aggravation après des injections de rappel), nous ne possédons pas de preuve scientifique permettant d’affirmer l’existence de ces maladies. Récemment, une étude cas-témoins réalisée à l’aide de la base de données britannique GPRD n’a pas mis en évidence d’accroissement significatif du risque de survenue de LED ou de PR dans les suites de la vaccination (3). Ce travail a inclus respectivement 2 814 patients atteints de PR versus 27 000 témoins, et 255 patients atteints de LED versus plus de 2 300 témoins. Cinquante-deux des patients atteints de PR avaient été vaccinés, contre 449 des témoins. L’odds-ratio (1,1) n’était pas significatif. Les analyses en sous-groupe étaient également négatives. Huit des patients atteints de LED avaient été vaccinés contre l’hépatite B, contre 41 des témoins. L’odds-ratio était à 1,6, non és significatif. Toutefois, les analyses en souserv és sr t i o groupes retrouvaient, chez les sujets de plus de r D © 40 ans, une fréquence de vaccinations plus importante chez les patients lupiques (6 des 8 sujets vaccinés avaient plus de 40 ans) que chez les témoins. Ces résultats ne peuvent toutefois pas être considérés comme convaincants, en raison de problèmes méthodologiques, notamment liés à la faible puissance de l’étude, compte tenu de la petite proportion de personnes vaccinées au Royaume-Uni. Comment expliquer la discordance entre les observations rapportées et les données épidémiologiques ? La première hypothèse est que le risque est nul, et que les cas décrits sont liés à des coïncidences. Si l’on considère le grand nombre de Français vaccinés, cette hypothèse est 3 É D I T O R I A L tout à fait plausible. La deuxième hypothèse est que le risque existe, mais de manière très faible, n’ayant pu être détecté par les travaux épidémiologiques. La seule certitude dont nous disposions à l’heure actuelle est donc que si la vaccination induit effectivement de telles affections, le risque est très faible. Les travaux futurs, notamment ceux des Centers for Disease Control (CDC) américains, qui vont prochainement débuter, ou ceux d’études cas-témoins françaises, permettront peut-être d’en savoir plus. En attendant, que devons-nous dire à nos patients ? Il n’existe probablement pas de réponse standardisée, mais des réponses individualisées, pouvant tenir compte de la gravité et de l’évolutivité d’une affection déjà présente, de la solidité du rapport de cause à effet entre une 4 éventuelle précédente injection vaccinale et le déclenchement de l’affection, du rapport bénéfice-risque... Enfin, aucune réponse ne saurait être faite sans une information éclairée du patient, discutant les éléments scientifiques à notre disposition, mais également les points non résolus. ■ Bibliographie 1. Ascherio A, Zhang SM, Hernan MA et al. Hepatitis B vaccination and the risk of multiple sclerosis. N Engl J Med 2001 ; 344 : 327-32. 2. Confavreux C, Suissa S, Saddier P, Bourdès V, Vukusic S. Vaccinations and the risk of relapse in multiple sclerosis. N Engl J Med 2001 ; 344 : 319-26. 3. Vaccination anti-hépatite B. Mise à jour des données et des études de pharmacovigilance. Février 2000. http://agmed.sante.gouv.fr La Lettre du Rhumatologue - n° 273 - juin 2001