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CAS CLINIQUE
Mots-clés
Hémangiome – Enfant – bêtabloquant – Propranolol
Keywords
Hemangioma – Infant – bêta-blocker – Propranolol
Efficacité du propranolol
dans le traitement de l’hémangiome
de l’enfant
Expérience du service ORL du CHU de Treichville
Efficacy of propranolol for the treatment of infantile hemangioma:
experience of the ENT unit of the CHU of Treichville
V. Koffi-Aka*, N. Dosso-Yavo*, R.M. Kprohouri-Akpa*, N.M.A. Mobio*
D
epuis sa découverte fortuite par l’équipe de LéautéLabrèze (1) en 2008, l’efficacité du propranolol dans
le traitement de l’angiome de l’enfant est actuellement mondialement reconnue (2). Les mécanismes d’action
ne semblent pas encore complètement élucidés ; cependant,
3 effets principaux sont démontrés : l’effet hémodynamique
local, qui conduit à la réduction de la perfusion de l’hémangiome, les effets antiangiogénique et antiprolifératif, qui
entraînent une diminution de l’expression du facteur de
croissance endothélial vasculaire (VEGF) et un déclenchement
de l’apoptose sur les cellules endothéliales capillaires (3). Les
doses classiquement recommandées sont de 1 à 4mg/kg/jour
pendant une durée moyenne de 6 mois. Nous rapportons notre
première expérience concernant un volumineux hémangiome
de la région parotidienne chez un nourrisson de 1 mois.
Cas clinique
Un nourrisson de sexe féminin, âgé de 1 mois, pesant 3 kg, a
été adressé le 8 novembre 2012 pour une volumineuse masse
pré-auriculaire droite constatée à une semaine de vie. Représentant initialement un nodule sous-lobaire de moins de 1 cm
de diamètre, la malformation n’a cessé d’augmenter de volume,
sans contexte infectieux, ni inflammatoire.
À l’admission dans le service, la masse était ferme, recouverte
d’une peau rougeâtre, parcourue par de nombreux lacis ­vasculaires
évoquant une malformation congénitale vasculaire. La masse
mesurait 53 x 36 mm ; elle occupait la région temporo-massé* Service ORL, CHU de Treichville, Abidjan, Côte-d'Ivoire.
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terine droite et comprimait la région prétragienne droite (figure
1). L’examen ORL était normal par ailleurs ; l’otoscopie, peu
aisée, montrait au moins que le méat acoustique externe était
perméable. L’angioscanner a confirmé la nature vasculaire de la
formation, qui s'était développée aux dépens de la région parotidienne droite, et a conclu à un angiome parotidien sans extension
locorégionale (figure 2). Aucune localisation viscérale n’était mise
en évidence à l’échographie abdominale.
Dans l’attente des résultats complémentaires, une corticothérapie
orale (bétaméthasone 10 gouttes/kg/jour, soit 30 gouttes en une
prise) avait été débutée pendant les 2 semaines suivant l’examen
initial ; elle a été sans effet. Le diagnostic d’hémangiome retenu,
à partir des données de la littérature et en collaboration avec les
cardiologues pédiatres et les pédiatres, un traitement à base de
propranolol a été décidé. La dose initiale de 1 mg/kg/jour allait être
régulièrement augmentée de 1 mg par semaine pendant 3 semaines ;
puis une dose de 3 mg/­kg/­jour a été maintenue pendant 11 mois, soit
une durée totale de 12 mois de traitement. En l’absence de forme
pédiatrique de la molécule à Abidjan, 1/2 comprimé d’Avlocardyl®
40 mg était dilué dans 5 ml d’eau minérale ; seul 1 ml était administré
oralement à l’aide de la seringue pendant la première semaine. La
deuxième semaine, l’enfant recevait 2 ml. À la troisième semaine,
comme l’enfant pesait 6 kg, la totalité des 5 ml, contenant 20 mg
(1/2 comprimé) d’Avlocardyl®, lui était délivrée. Le traitement
était effectué en ambulatoire. Le suivi était journalier pendant les
3 premières semaines ; puis hebdomadaire pendant 2 mois, et enfin
bimensuel jusqu’à la fin du traitement. Les dimensions de la masse, la
fréquence cardiaque, le poids de l’enfant étaient contrôlés à chaque
consultation. Après l’électrocardiogramme initial qui s’est révélé
normal, cet examen a été refait 1 fois par mois pendant 6 mois,
puis tous les 3 mois. La tolérance était bonne, sans retentissement
cardiaque, ni digestif.
CAS CLINIQUE
Figure 1. Volumineux hémangiome parotidien droit chez un nourrisson de
1 mois à l’admission dans le service.
Figure 3. Aspect à 6 mois de traitement.
Figure 2. Angioscanner cervicofacial (coupe axiale) montrant le point de
départ parotidien de l’hémangiome.
Figure 4. Aspect un mois après la fin du traitement.
La régression progressive de la tumeur a été effective dès la
troisième semaine de traitement, encourageant les parents à le
poursuivre sans interruption. La disparition complète a été obtenue
au bout de 6 mois, laissant en place un résidu fibro-adipeux
(figure 3). Deux mois après la fin du traitement, il n’y avait pas
de récidive (figure 4).
prématurés (22 %) semblent également plus concernés (3-5).
Habituellement spontanément résolutives, certaines formes
peuvent néanmoins exiger un traitement du fait de leur taille
ou de la topographie, à cause du risque vital, fonctionnel ou
esthétique (3-6). Plusieurs traitements ont été décrits. Les
corticostéroïdes oraux ou intralésionnels ont longtemps
constitué la première ligne de traitement, ce qui explique
notre premier choix thérapeutique. L'échec des corticoïdes a
conduit à d’autres options, comme l’utilisation d’interféron ou
l'injection de produits sclérosants avec des résultats mitigés.
Depuis les découvertes de Léauté-Labrèze sur l’efficacité des
bêtabloquants (1), le propranolol possède désormais une place
de choix dans l’arsenal thérapeutiques des hémangiomes infan-
Discussion
L’hémangiome constitue l’une des plus fréquentes malformations
vasculaires de l’enfant. Elle touche préférentiellement l’enfant
de sexe féminin (3 cas sur 5). Les sujets de peau blanche et les
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tiles. D’ailleurs, les premières constatations ont été faites au
décours de la gestion de complications de la corticothérapie.
Les effets secondaires à type de bradycardie, hypotension et
hypoglycémie constituaient les principaux freins à l’usage du
propranolol (3, 7). La multiplication des succès rapportés sans
morbidité significative explique l’adhésion actuelle, même si les
séries publiées n’excèdent pas 40 patients (2). Ces complications
sont jugées mineures comparées au bénéfice obtenu. Ce cas
clinique confirme l’efficacité du propranolol. Cette efficacité
relèverait de la triple action vasoconstrictrice, angiogénique
et anti-proliférative (3, 6). Les indications semblent étendues
à toutes les formes d’angiomes notamment ulcérées, quel que
soit le siège (1-7).
L’absence de forme galénique adéquate pour l’âge nous a conduit à
adapter la forme disponible en prenant le risque d’un sous-dosage
ou d’un surdosage. Cette expérience réussie est encourageante.
Nous démontrons également la relative innocuité du traitement,
sans minimiser la nécessité d’une surveillance en milieu médical.
Certaines équipes ont préconisé une hospitalisation initiale afin
de vérifier l’absence de risque éventuel. Nous avons opté pour le
mode ambulatoire qui convenait mieux à la famille de la patiente.
Malgré la disparition totale de la masse au bout de 6 mois, nous
avons poursuivi le traitement par bêtabloquant pour réduire
les risques de récidive, comme observé dans le cas rapporté par
E. Mantadakis et al. (4).
Conclusion
Le propranolol a réellement révolutionné le traitement des hémangiomes infantiles. Son mode d’utilisation est simple, à condition
d’une surveillance en milieu médical.
■
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
Références bibliographiques
1. Léauté-Labrèze C, Dumas de la Roque E, Hubiche
T, Boralevi F, Thambo JB, Taïeb A. Propranolol for
severe hemangiomas of infancy. N Engl J Med 2008;
358(24):2649-51.
2. Fette A. Propranolol in use for treatment of complex
infant hemangiomas: literature review regarding current
guidelines for preassessment and standards of care
before initiation of therapy. ScientificWorldJournal
2013;2013:850193.
3. Corapcioğl F, Büyükkalu-Bay S, Binnetoğlu K, Babaoğlu
A, Anik Y, Yugay M. Preliminary results of propranolol
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4. Mantadakis E, Tsouvala E, Deftereos S, Danielides V, Chatzimichael A. Involution of a large parotid
hemangioma with oral propranolol: an illustrative
report and review of the literature. Case Rep Pediatr
2012;2012:353812.
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ZN. Propanolol for treatment of infantile hemangiomas.
An Bras Dermatol 2013;88(6 Suppl 1):220-3.
6. Ferreira Rda C, Wolff Fr, Mörschbächer R. Oral propranolol as a new treatment for facial infantile hemangioma:
case report. Arq Bras Oftalmol 2011;74(3):207-8.
7. Chen TS, Eichenfield LF, Friedlander SF. Infantile
hemangiomas: an update on pathogenesis and therapy.
Pediatrics 2013;131(1):99-108.
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