D o s s i e r : ... Le syndrome de Cushing L

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Dossier : réceptologie
Le syndrome de Cushing
surrénalien secondaire a des
récepteurs hormonaux aberrants
I. Bourdeau*, A. Lacroix*
✎ La sécrétion de cortisol est normalement régulée par la corticotropine
(ACTH) qui se lie à son récepteur spécifique, ancré dans la membrane des cellules fasciculées et réticulées du cortex
surrénalien, et active la cascade de la
stéroïdogenèse.
✎ Le syndrome de Cushing est caractérisé par une production endogène supraphysiologique de cortisol. Celle-ci est le
plus souvent secondaire à une production
excessive d’ACTH provenant d’un adénome hypophysaire corticotrope (maladie
de Cushing) ou d’une sécrétion tumorale
ectopique. Une hypersécrétion surrénalienne primaire de cortisol provenant de
tumeur unilatérale (adénome, carcinome)
ou d’hyperplasie bilatérale (dysplasie
micronodulaire pigmentaire ou hyperplasie macronodulaire) entraînera par rétroaction négative une suppression de la
production hypophysaire d'ACTH.
✎ Plusieurs équipes ont récemment
démontré que, dans certains cas de syndrome de Cushing surrénalien primaire
(adénomes ou hyperplasie macronodulaire bilatérale), l’expression surrénalienne de récepteurs membranaires ectopiques ou l’activité accrue de récepteurs
eutopiques pour des hormones autres
que l’ACTH ont pour conséquence une
régulation aberrante de la sécrétion de
cortisol et autres stéroïdes.
✎ Le premier cas clinique rapporté de
régulation aberrante du cortisol a été
celui d’un syndrome de Cushing lié à
l’alimentation résultant de l’expression
surrénalienne ectopique du récepteur du
GIP (gastric inhibitory polypeptide).
✎ Les récepteurs surrénaliens aberrants
démontrés actifs in vivo, à ce jour,
incluent ceux du GIP, vasopressine (V1),
bêta-adrénergique, LH/hCG, sérotonine
( 5 - HT 4 ), et angiotensine (AT-1). Des
études in vitro ont aussi suggéré que
d’autres récepteurs tels que ceux pour
l’interleukine-1, la leptine, l’hormone
thyréotrope (TSH), etc. pourraient aussi
être impliqués.
✎ L’expression simultanée de plus d’un
récepteur aberrant a été observée chez
certains patients avec hyperplasie
macronodulaire bilatérale des surrénales
et syndrome de Cushing.
✎ L’expression aberrante de récepteurs
hormonaux semble être plus fréquente
dans les hyperplasies macronodulaires
bilatérales que dans les adénomes ou
carcinomes avec syndrome de Cushing.
✎ L’expression aberrante de récepteurs
hormonaux peut aussi être retrouvée
dans des cas d’hyperplasie macronodulaire bilatérale au stade de sécrétion
subclinique de cortisol sans syndrome de
Cushing franc.
✎ La pertinence clinique de la recherche
de récepteurs surrénaliens aberrants
résulte de la possibilité d’utiliser un traitement pharmacologique en évitant une
chirurgie. Ainsi, deux patients atteints de
syndrome de Cushing secondaire à une
hyperplasie surrénalienne macronodulaire
bilatérale, l’un avec récepteurs bêtaadrénergiques, et l’autre avec récepteurs
LH/hCG et sérotonine, ont été traités
avec succès à long terme en inhibant
pharmacologiquement le récepteur
aberrant.
* Service d’endocrinologie et département de médecine, Hôtel-Dieu du centre hospitalier de
l’université de Montréal (CHUM).
e syndrome de Cushing résulte d’une
Lde cortisol
sécrétion supraphysiologique chronique
qui procède des cellules fasciculées et réticulées du cortex surrénalien.
L’hypercorticisme est secondaire, dans 80 à
85 % des cas, à une sécrétion excessive de
corticotropine (ACTH), provenant, le plus
souvent, d’un adénome corticotrope hypophysaire (maladie de Cushing) ; plus rarement, elle naît de diverses tumeurs extrahypophysaires (sécrétion ectopique d’ACTH),
ou très rarement résulte d’une sécrétion de
corticolibérine (CRH) par des tumeurs non
hypothalamiques (1).
Une étiologie surrénalienne primaire est
impliquée dans environ 15 à 20 % des syndromes de Cushing endogènes. Le cortisol
est sécrété par un adénome ou un carcinome
unilatéral ou, plus rarement, par une hyperplasie micronodulaire ou macronodulaire
bilatérale (1). Dans le syndrome de Cushing
surrénalien, la sécrétion excessive de cortisol
entraîne, par rétroaction négative, une
suppression de la synthèse de CRH et
d’ACTH. La régulation de la sécrétion de
cortisol par les tumeurs ou hyperplasies surrénaliennes fut longtemps considérée
comme autonome, puisque l’ACTH est
complètement supprimée. Des études
récentes nous permettent maintenant de
mieux comprendre les mécanismes pathophysiologiques qui modulent la production
de cortisol et la prolifération cellulaire de
ces lésions dans un sous-groupe de patients.
Des études in vitro ont démontré que
l’adénylcyclase et la stéroïdogenèse pouvaient être stimulées par diverses hormones,
autres que la corticotropine, dans des adénomes ou carcinomes surrénaliens (2, 3) ;
la notion de récepteur ectopique (aberrant,
illicite) fut proposée pour expliquer la stéroïdogenèse en l’absence d’ACTH (2). Des
études in vivo plus récentes confirment que
la sécrétion de cortisol peut être, chez
certains patients atteints d’hyperplasie
macronodulaire bilatérale ou d’adénomes
unilatéraux, sous le contrôle d’une diversité
d’hormones, dont le récepteur membranaire,
couplé aux protéines G, est exprimé de
façon ectopique et entraîne une stéroïdogenèse excessive (3).
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002
Dossier : réceptologie
Syndrome de Cushing secondaire
à l’expression aberrante
de récepteurs membranaires
surrénaliens
Les premières descriptions cliniques d’un
syndrome de Cushing secondaire à récepteurs
surrénaliens aberrants furent celles de la
sécrétion de cortisol liée à l’alimentation, où
une relation temporelle fut démontrée entre
l’ingestion des repas et la sécrétion de cortisol
(4-6). La sécrétion de cortisol suivait l’augmentation physiologique du GIP (gastric
inhibitory polypeptide ou glucose-dependent insulinotropic peptide) en postprandial,
engendrant une cortisolémie basse à jeun
(ACTH et GIP bas) et une hypercortisolémie après les repas. Puisque le GIP n’induit
pas de sécrétion de cortisol du cortex surrénalien normal, il fut proposé que cela résulte
de l’expression surrénalienne ectopique de
récepteurs pour le GIP (5, 6). Le syndrome
de Cushing GIP-dépendant peut survenir
tout autant dans des hyperplasies macronodulaires bilatérales (3, 5-9) que dans des
adénomes unilatéraux (3, 4, 7, 10-12). L’expression ectopique du récepteur non muté
du GIP a été démontrée par plusieurs
équipes dans le tissu surrénalien GIPdépendant (3, 6-13). Lorsque la maladie est
diagnostiquée en début d’évolution, la nature
intermittente de l’hypercorticisme postprandial n’engendre qu’une suppression
incomplète de l’ACTH et la cortisolémie à
jeun n’est pas abaissée (14). Récemment,
une sécrétion postprandiale d’androgènes
surrénaliens et de cortisol a été retrouvée
chez une patiente avec hirsutisme, syndrome
de Cushing fruste et un adénome surrénalien ; il a été supposé que la cellule initiale
dans laquelle le récepteur du GIP est exprimé
de façon ectopique est localisée dans la
zone réticulée du cortex (zone responsable
de la production des androgènes surrénaliens) (15).
D’autres récepteurs hormonaux aberrants
ont été identifiés dans le syndrome de
Cushing surrénalien. Le récepteur V1a de la
vasopressine est normalement exprimé dans
le cortex surrénalien, mais n’induit qu’une
stimulation très faible, non perceptible, des
niveaux plasmatiques de cortisol chez l’humain. Il a été démontré que ce récepteur
eutopique (normalement présent) peut être
surexprimé ou être hyperfonctionnel et
engendrer une réponse exagérée en cortisol
à la suite de l’administration exogène de
vasopressine ou pendant des élévations physiologiques, tel l’orthostatisme, chez environ
25 % des cas de Cushing surrénalien (3, 1618). L’ expression ectopique de récepteurs
ß-adrénergiques dans le cortex surrénalien
entraîne un syndrome de Cushing, où la
sécrétion de cortisol est augmentée pendant
des élévations physiologiques des catécholamines plasmatiques, telles que celles dues
au stress, à l’orthostatisme ou à l’hypoglycémie
à l’insuline (3, 19). Une patiente avec une
hyperplasie macronodulaire surrénalienne
bilatérale a présenté une symptomatologie
suggestive de syndrome de Cushing transitoire durant ses quatre grossesses, mais
l’hypercorticisme clinique et paraclinique
n’est devenu permanent qu’une dizaine
d’années après le début de sa ménopause
(20). La sécrétion de cortisol était stimulée
par l’injection de gonadolibérine (GnRH),
de gonadotropique chorionique (hCG),
d’hormone lutéotrope (LH), mais pas par
celle d’hormone folliculostimulante (FSH).
L’administration orale de deux agonistes du
récepteur 5-HT 4 de la sérotonine, soit le
cisapride et le métoclopramide, augmentait
également significativement la sécrétion de
cortisol chez cette patiente, suggérant la
fonction aberrante concomitante de récepteurs LH/hCG et sérotoninergiques de type
5-HT4. L’hypothèse retenue est qu’une augmentation transitoire des niveaux d’hCG
pendant les grossesses, et une augmentation
permanente de la LH, suivant la ménopause,
ont activé la croissance et la stéroïdogenèse
du cortex surrénalien entraînant le syndrome
de Cushing (3).
Un cas récent de syndrome de Cushing
comportait une hyperplasie macronodulaire
bilatérale, où la sécrétion de cortisol et
d’aldostérone était stimulée par l’orthostatisme et semblait médiée par un récepteur
AT-1 de l’angiotensine (21). Des études in
vitro ont indiqué la stimulation aberrante de
sécrétion de cortisol médiée par des récepteurs pour l’interleukine-1 (22) ou la leptine
(9). Finalement, la présence concomitante
de plusieurs récepteurs hormonaux aberrants
a été décrite dans des hyperplasies macronodulaires des surrénales : LH/hCG et sérotonine 5-HT4 (20), vasopressine-V1a et ßadrénergique (23), GIP et leptine (9),
vasopressine-V1a et sérotonine 5-HT4 (23),
LH/hCG, sérotonine 5-HT4 et vasopressineV1a (23), ainsi que, possiblement, LH/hCG
et GIP (24). L’expression d’un ou de plusieurs récepteurs aberrants a aussi été
retrouvée dans des cas d’hyperplasie macronodulaire bilatérale identifiés au moment où
les patients ne présentaient qu’une sécrétion
subclinique de cortisol (cortisolurie dans les
limites de la normale, suppression anormale
par la dexaméthasone) sans signe ni symptôme de syndrome de Cushing (23).
Comment identifier la présence
des récepteurs aberrants ?
Un protocole d’investigation clinique a été
élaboré afin de mettre en évidence la présence de récepteurs membranaires surrénaliens aberrants (25). Il est proposé à tous les
patients avec syndrome de Cushing secondaire à un adénome unilatéral ou à une
hyperplasie macronodulaire bilatérale. Les
stimulations utilisées en dépistage permettent de rechercher la présence de récepteurs
aberrants qui ont déjà été décrits dans les
études in vitro ou in vivo précédentes (2, 3).
La stratégie consiste à procéder à des stimulations physiologiques et pharmacologiques
de différents ligands. S’il y a des récepteurs aberrants couplés à la stéroïdogenèse
dans le cortex surrénalien, ils seront révélés
par la liaison de leurs ligands. Le cortisol
plasmatique et autres stéroïdes ou hormones
pertinentes sont mesurés aux 30-60 minutes
sur une période de 2 à 3 heures (tableau I).
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Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002
Dossier : réceptologie
Tableau I. Protocole de dépistage initial de la
présence de récepteurs surrénaliens aberrants.
Temps
(minutes)
-60
Jour 1
Jour 2
Jour 3
-15
0
À jeun
couché
*
Debout*
30
60
90
120
150
180
Debout*
Debout*
Debout*
Debout*
Couché*
Repas mixte*
À jeun
couché
*
GnRH
100 µg i.v.*
*
*
*
*
À jeun
couché
*
Glucagon
1mg i.v.*
*
*
*
*
210
240
270
300
*
*
*
*
330
360
390
420
450
480
ACTH
250 µg i.v.*
*
*
*
*
Vasopressine
10 UI i.m.*
*
*
*
*
*
TRH
200 µg i.v.*
*
Métoclopramide
*
10 mg p.o.
*
*
*
*
*
*
*Prélèvements sanguins pour cortisolémie, ACTH, autres
hormones et signes vitaux.
Le test initial est un test de posture qui
consiste en un repos de 60 minutes en supination, suivi par une période d’ambulation
pendant 2 heures ; cela permet de détecter la
présence possible de récepteurs aberrants
pour l’angiotensine, la vasopressine ou les
catécholamines. Ensuite, le patient ingère
un repas mixte de glucides, lipides et protéines pour évaluer une réponse aberrante
possible à une des hormones gastro-intestinales. La première journée se termine avec
l’administration intraveineuse de 250 µg
d’ACTH 1-24 qui constitue un point de
référence de la stéroïdogenèse maximale de
la masse tumorale surrénalienne. Au cours
d’une autre journée, 100 µg de GnRH sont
administrés i.v. et évaluent la présence
potentielle de récepteurs aberrants pour la
FSH, la LH/hCG et la GnRH. Cela est suivi
par un bolus i.v. de 200 µg de TRH pour
évaluer la présence de récepteurs aberrants
pour la TSH, la prolactine ou la TRH. Lors
du troisième jour, l’administration séquentielle de glucagon (1mg i.v.), d’argininevasopressine (10 UI i.m.) et de 10 mg de
métoclopramide par voie orale permet
d’évaluer la fonction aberrante de récepteurs pour le glucagon, la vasopressine (V1,
V2 ou V3) ou la sérotonine (5-HT4).
Nous avons défini empiriquement qu’un
changement de la cortisolémie de moins de
25 % représente une absence de réponse, de
25 à 49 %, une réponse partielle et de plus
de 50 %, une réponse significative. Si une
réponse partielle ou positive est retrouvée,
le test est répété afin de vérifier la reproductibilité de la réponse et pour déterminer si
les autres stéroïdes comme l’aldostérone, le
DHEAS, la testostérone et l’estradiol sont
aussi modifiés ; de plus, les fluctuations des
ligands hormonaux potentiellement impliqués sont déterminées (catécholamines,
vasopressine, et rénine/angiotensine-II
durant la posture). Si la réponse initiale
pouvait impliquer plusieurs ligands simultanément, d’autres investigations spécifiques
sont effectuées afin d’identifier précisément
le ou les ligands impliqués (tableau II).
Chez qui doit-on rechercher la
présence de récepteurs
surrénaliens anormaux ?
Des études prospectives systématiques ont
démontré que la présence de récepteurs hormonaux aberrants surrénaliens est prévalente
chez les patients avec hyperplasie macronodulaire des surrénales (23, 26). Des études
furent réalisées chez douze patients atteints
d’hyperplasie macronodulaire bilatérale,
incluant six patients avec syndrome de
Cushing franc et six avec sécrétion subclinique de cortisol ; la présence d’au moins
un récepteur aberrant a été démontrée in
vivo chez tous les patients dépistés (23, 26).
Les six patients présentant un syndrome de
Cushing subclinique étaient référés pour
incidentalomes surrénaliens bilatéraux. Ils
présentaient des cortisoluries normales, une
suppression anormale aux tests à la dexaméthasone et des niveaux d’ACTH plasmatique partiellement abaissés. Des treize
patients évalués avec syndrome de Cushing
secondaire à un adénome surrénalien unila-
Tableau II. Stratégie d'investigation complémentaire pour la caractérisation des récepteurs surrénaliens
aberrants.
Stimulations
Physiologiques
Pharmacologiques
Inhibition /
Ligands
Récepteurs aberrants
absence de réponse
repas
infusion de GIP
somatostatine
glucose IV
GIP
GIP
stress
hypoglycémie
insulinique
infusion d’isoprotérénol
inhibition par les
β-bloqueurs
catécholamines
β-adrénergiques
administration de
GnRH, hCG, LH
pas de réponse à FSH hCG placentaire
orthostation
grossesse
ménopause
inhibition à long terme
par des agonistes GnRH LH
orthostation
vasopressine exogène
déshydratation
infusion de salin
hypertonique
vasopressine
endogène
inconnu
cisapride,
métoclopramide
inhibition par une
surcharge en eau
pas de réponse à
la desmopressine
inhibition par des
antagonistes V1 de
la vasopressine
LH/hCG
vasopressine
vasopressine V1
sérotonine
sérotoninergiques de
type 4 (5-HT4)
122
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Dossier : réceptologie
téral, seulement trois présentaient des
réponses partielles aux différentes stimulations (26). Des résultats semblables ont été
récemment présentés par une autre équipe
qui a démontré la présence de récepteurs
aberrants chez cinq patients avec hyperplasie
macronodulaire bilatérale et syndrome de
Cushing (24). Bien que moins prévalente, la
présence de récepteurs aberrants pour la
vasopressine, le GIP et la LH a été rapportée dans des cas de syndrome de
Cushing avec adénome unilatéral (3, 18). Il
est certain que des mécanismes autres que
celui des récepteurs hormonaux aberrants
sont impliqués dans la pathophysiologie des
tumeurs surrénaliennes sécrétant du cortisol,
tels que des altérations de la voie de signalisation de l’AMP cyclique (protéines G,
PKA, CREB), des oncogènes et des antioncogènes (27-29).
Traitement pharmacologique
potentiel
L’identification de récepteurs surrénaliens
aberrants chez des patients avec syndrome
de Cushing ACTH-indépendant peut, dans
certains cas, permettre l’utilisation d’un
traitement pharmacologique en alternative à
la chirurgie. Le traitement médical est d’autant
plus intéressant lorsque l’atteinte surrénalienne est bilatérale, puisque son efficacité
pourrait éviter la surrénalectomie bilatérale
et les risques inhérents à une insuffisance
surrénalienne définitive. Le traitement a
pour objectif soit d’inhiber la production du
ligand, soit de bloquer l’activation du récepteur aberrant. Dans les cas de syndrome de
Cushing GIP-dépendant, de l’inhibition de
la sécrétion de GIP par l’administration
chronique d’octréotide, il a résulté une amélioration clinique et biochimique pendant
quelques semaines chez certains patients (6,
10) ; cependant, une absence d’efficacité
de l’octréotide a nécessité le recours à
une surrénalectomie. L’administration de
propranolol, un ß-bloquant, a permis de
normaliser à long terme la sécrétion de cortisol d’un patient avec hyperplasie macronodulaire des surrénales et syndrome de
Cushing secondaire à l’expression de récepteurs β-adrénergiques aberrants (19).
L’administration répétée toutes les quatre
semaines de la forme dépôt d’acétate de leuprolide a maintenu les niveaux de cortisol
urinaire dans les limites de la normale chez
la patiente atteinte d’un syndrome de
Cushing LH-dépendant (20). Elle a récupéré
un axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
normal en une période de six mois suivant
le début du traitement. Chez les deux patients
que nous venons d’évoquer, le syndrome de
Cushing clinique a disparu, mais la taille
radiologique des surrénales n’a pas régressé
deux à quatre ans après l’amorce du traitement. La stabilité de la taille des surrénales
peut s’expliquer par le fait que des doses
minimales de propranolol étaient requises
pour normaliser les cortisoluries, ne bloquant ainsi que partiellement les récepteurs
aberrants ; des doses plus élevées ont induit
un hypocorticisme. L’acétate de leuprolide a
inhibé complètement la production de LH,
Tableau III. Traitement pharmacologique potentiel du syndrome de Cushing associé à des récepteurs
surrénaliens aberrants.
Récepteurs aberrants
GIP
β-adrénergiques
TSH
LH/hCG
Vasopressine V1
Sérotoninergiques de type 5-HT4
Angiotensine-II
Traitement pharmacologique potentiel
somatostatine
β-bloqueurs
L-thyroxine
analogue GnRH
antagoniste V1-vasopressine
antagoniste sérotonine 5-HT4
antagoniste AT-1
mais la présence de récepteurs sérotonine 5HT4 concomitante est possiblement responsable du maintien de l’hyperplasie macronodulaire. Bien que le rôle des récepteurs
aberrants sur la stéroïdogenèse anormale
soit maintenant bien démontré, son rôle sur
la croissance tumorale reste à élucider. Finalement, le développement pharmacologique
de nouveaux antagonistes de ligands ou de
récepteurs aberrants laisse entrevoir de nouvelles avenues thérapeutiques (tableau III).
Conclusion
Le syndrome de Cushing demeure une
maladie rare et complexe autant dans son
investigation que ses traitements. Le
concept de régulation anormale du cortisol
par des récepteurs aberrants dans ses étiologies surrénaliennes primaires (adénome,
hyperplasie macronodulaire) n’a été démontré qu’au cours des dix dernières années et
est certainement encore sous-diagnostiqué.
Nous suggérons que le dépistage systématique, in vivo, de la présence de récepteurs
aberrants soit réalisé chez tous les patients
avec une hyperplasie macronodulaire bilatérale des surrénales, et soit considéré dans
les cas d’adénomes surrénaliens avec syndrome de Cushing.
Plusieurs aspects moléculaires et génétiques
restent à explorer dans la compréhension de
la tumorigenèse des lésions surrénaliennes
associées à l’expression aberrante de récepteurs hormonaux (3). Ces progrès, couplés
au développement de nouvelles molécules
capables d’inhiber de façon sélective les
récepteurs hormonaux impliqués, laissent
entrevoir des perspectives intéressantes pour
le traitement du syndrome de Cushing
surrénalien.
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u
t
o
2. Vrai ou faux ?
Le syndrome de Cushing dépendant
de l’alimentation peut entraîner une
cortisolémie basse le matin à jeun.
3. Vrai ou faux ?
Les récepteurs surrénaliens aberrants
sont retrouvés plus fréquemment
-
t
e
s
t
dans les adénomes que dans l’hyperplasie macronodulaire bilatérale des
surrénales.
4. Vrai ou faux ?
La présence de certains récepteurs
surrénaliens aberrants permet parfois
de traiter le syndrome de Cushing en
inhibant pharmacologiquement le
récepteur aberrant de façon transitoire ; cependant, aucun patient n’a
pu bénéficier d’un traitement pharmacologique à long terme.
2. Vrai
a
1. Vrai ou faux ?
Les récepteurs surrénaliens aberrants
sont impliqués dans la physiopathologie de la maldie de Cushing.
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Résultats :
2. Hingshaw HT, Ney RL. Abnormal control in
124
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume VI, n° 3, mai-juin 2002
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