intérieur 21/03/02 09:43 Page 8 Actualités S. Cartalat-Carel Les neuropathies paranéoplasiques S. Cartalat-Carel* Pourquoi connaître les Quand évoquer un syndrome syndromes paranéoplasiques ? paranéoplasique ? En dépit de leur rareté (1,5 % des patients porteurs d’un cancer), les SNP sont importants à connaître pour différentes raisons : - dans au moins la moitié des cas, la neuropathie apparaît avant le cancer ; reconnaître la neuropathie paranéoplasique contribue au diagnostic et donc au traitement plus précoce de la néoplasie sous-jacente ; - le traitement du cancer entraîne parfois une régression du SNP, mais ce n’est pas la règle ; la mise en rémission complète du cancer permet une stabilisation neurologique dans 70 % des cas ; - chez un patient ayant un cancer, un SNP peut simuler une atteinte métastatique et réciproquement ; - le handicap lié au SNP est en général plus sévère que celui dû au cancer ; - lorsqu’il s’accompagne d’un SNP, le pronostic du cancer est généralement meilleur, surtout s’il s’agit d’un cancer du poumon à petites cellules. Plusieurs arguments cliniques en faveur d'un SNP : - les manifestations cliniques sont souvent sévères et invalidantes. Une atteinte discrète et peu gênante relève a priori d’une autre cause ; - certaines neuropathies paranéoplasiques, telle la neuronopathie sensitive subaiguë, sont très caractéristiques ; toutefois, aucun syndrome n’est réellement spécifique. Un tableau anatomoclinique superposable peut s’observer en l’absence de tout cancer ; - l’évolution est en général subaiguë (quelques semaines à quelques mois) ; - l’étude du LCR montre une hyperprotéinorachie, parfois associée à une pléiocytose et à une élévation du taux d’immunoglobulines. L’hypercytose tend à disparaître au cours de l’évolution ; Tableau I. Les neuropathies paranéoplasiques. * Stéphanie Cartalat-Carel est neurologue dans le service des professeurs Delattre et Meininger à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Elle travaille plus particulièrement sur les syndromes neurologiques paranéoplasiques et vient d’achever une thèse sur l’association polyradiculonévrite chronique et cancer. Note : CPCP = carcinome pulmonaire à petites cellules. Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 2, février 2002 Neuropathies Motrices : • neuropathie motrice subaiguë • neuromyotonie • syndrome de Lambert-Eaton Polyneuropathies Tumeurs Lymphomes, CPCP, rein CPCP, thymome CPCP Sensitives : • neuropathie sensitive subaiguë • neuropathie distale Carcinomes, lymphomes Sensitivomotrices : • aiguë (Guillain-Barré) • à rechute/chronique Maladie de Hodgkin Lymphomes (carcinomes) Autonomiques : • pandysautonomique • obstruction digestive CPCP CPCP CPCP Focales et Plexopathie Maladie de Hodgkin multifocales Multinévrite Lymphomes, carcinomes 8 Actualités L e terme de syndrome neurologique paranéoplasique (SNP) désigne un ensemble de troubles neurologiques associés à un cancer et dont la cause est inconnue. Cette définition élimine les neuropathies par compression ou infiltration des nerfs, les neuropathies associées à une méningite carcinomateuse, ou les neuropathies d’origine iatrogène (chimiothérapie, radiothérapie, ou postchirurgicale), métabolique ou carentielle. intérieur 21/03/02 09:43 Page 9 Tableau II. Les anticorps antineuronaux. Neuropathies Tumeurs Immunologie Neuropathie sensitive subaiguë CPCP AC anti-Hu AC anti-CV2 AC anti-Hu IgM anti-GM1 AC anticanaux calciques voltage dépendants Neuropathie motrice CPCP lymphome Syndrome myasthénique de Lambert-Eaton CPCP Polyradiculonévrite aiguë (GuillainBarré) et chronique CPCP Thymome Lymphopathie Waldenstrom Myélome/Castleman Mélanome IgM anti-MAG TNF-α, IL1, IL6 IgM polyclonales anti-GM2 Syndrome CAR CPCP AC antirétine2 Neuromyotonie AC anticanaux K+ Tableau III. Neuropathie sensitive subaiguë de Denny-Brown (NSSP). Cancer Physiopathologie Clinique Symptômes associés EMG LCR Évolution CPCP dans 75 % des cas, découvert plusieurs mois ou années après les premiers symptômes neurologiques dans les 2/3 des cas. Mécanisme auto-immun avec présence d’anticorps anti-Hu dans le sang et le LCR, dirigés contre le noyau des neurones. Récemment, Molinuevo et al. ont montré que la spécificité des AC anti-Hu dans les NSSP était de 99 % et sa sensibilité de 82 %. Atteinte de la sensibilé propioceptive au premier plan, mais toutes les modalités sensitives sont atteintes. Abolition des ROT. Syndrome cérébelleux. Encéphalite lymbique. Dysautonomie Atteinte de la corne antérieure. Atteinte du tronc cérébral. Potentiels sensitifs diminués ou absents. Hyperprotéinorachie < 2g/l. Pléiocytose modérée. Évolution ascendante des symptômes. Médiane de survie de 8 à 10 mois. l'hyperprotéinorachie est plus durable ; - même si le tableau clinique est dominé par la neuropathie, il est fréquent d’observer des signes discrets d’atteinte plus diffuse du système nerveux ; d’où les termes d’“encéphalomyélite”, en cas d’atteinte centrale, de “neuromyopathie” en cas d’atteinte périphérique, ou “d’encéphalomyélonévrite” si l’atteinte est diffuse. Comment prendre en charge une neuropathie paranéoplasique ? L’évolution est en règle sévère, en quelques semaines ou mois, associant une aggravation des troubles sensitifs, responsables d’une ataxie majeure, et une atteinte plus diffuse du névraxe. La médiane de survie est de 8 à 10 mois. Le décès est le plus souvent de cause neurologique secondaire à l’état grabataire ou par arrêt cardiorespiratoire d’origine dysautonomique. La tumeur est généralement de petite taille, sans métastase, et de progression lente. Si elle n’est pas connue, sa découverte se fait généralement dans les deux ans, avec un maximum de quatre ans. Dans une étude récente, seule une réponse tumorale complète semble permettre une stabilisation du tableau neurologique dans 70 % des cas. L’utilisation d’immunosuppresseurs ou d’immunomodulateurs n’a pas fait la preuve de son efficacité. Références • Antoine JC, Honnorat J. Les syndromes neurologiques paranéoplasiques affectant le système nerveux périphériques XIIes Journées francophones d’électromyographie. Genève, 2000. • Croft PB, Wilkinson M. The incidence of carcinomatous neuromyopathy in patients with various types of carcinoma. Brain 1965 ; 88 : 427-34. • Keime-Guibert F, Graus F, Broet P et al. Clinical outcome of patients with anti-Hu associated encephalomyelitis after treatment of the tumor. Neurology 1999 ; 53 : 1719-23. • Molinuevo JL, Grauss F, Serrano C et al. Utility of anti-Hu antibodies in the diagnosis of paraneoplastic subacute sensory neuronopathy. Ann Neurol 1998 ; 44 : 976-80. • Posner JB. Neurologic Complications of Cancer. Monograph : FA. Philadelphia : Davis Company, 1995. 9 Actualités Actualités