SOMMAIRE Organisateur: B. SASTRE (Marseille) 1. Le devoir d’information F. CIANFARANI (Marseille) 2. Le consentement à l’acte médical et les modalités de recueil C. GOUILLAT (Lyon) 3. Les conséquences d’un défaut d’information A. BEDELET (Grenoble) L’information du patient Pr Cianfarani (Marseille) « Le droit à l’information constitue le corollaire inséparable de l’exigence du consentement du patient à l’acte médical, puisque pour être valable ce consentement doit être libre et éclairé ». Ce droit affirmé dans les déclarations internationales (Helsinki 1964 et Tokyo 1975) et les conventions européennes a été consacré juridiquement : Par la jurisprudence : x judicaire : *La première fois par l’arrêt TEYSSIER rendu le 28 janvier 1942 par la chambre des requêtes de la Cour de cassation : « M Teyssier s’étant fracturé un avant-bras fut soigné par un chirurgien qui procéda d’office à une ostéosynthèse, alors qu’une alternative thérapeutique par appareillage plâtré était possible. L’ostéosynthèse ayant provoqué une infection, le membre gangrené a dû être amputé. M. Teyssier avait engagé une action en responsabilité contre le chirurgien pour ne pas l’avoir informé de ce risque et du fait qu’une alternative thérapeutique ne comportant pas le risque de gangrène, ou le minorant, existait. Cette responsabilité a été retenue dans des termes, qui non seulement sont toujours d’actualité, mais qui ont été repris ou, en tout cas, confortés par la loi du 4 mars 2002. L’arrêt Teyssier affirme en effet, pour la première fois dans l’histoire du droit français, qu’il existe des « droits du malade » dont le fondement éthique repose sur le respect de la personne humaine : x il énonce, d’abord, qu’un chirurgien « est tenu, sauf cas de force majeure, d’obtenir le consentement du malade avant de pratiquer une opération dont il apprécie, en pleine indépendance, sous sa responsabilité, l’utilité, la nature et les risques ; qu’en violant cette obligation, imposée par le respect de la personne humaine, il commet une atteinte grave aux droits du malade, un manquement à ses devoirs médicaux puis, il précise qu’un chirurgien doit informer son patient de la nature exacte de l’opération qu’il va subir, de ses conséquences possibles et des alternatives thérapeutiques (choix entre les deux méthodes curatives existant dans le cas de Teyssier, c’est-àdire l’appareillage plâtré ou l’ostéosynthèse) ; enfin, il tranche la question du préjudice réparable, car le chirurgien contestait le lien de causalité entre le défaut d’information et la gangrène, en ces 1 termes : « attendu que la cour d’appel a déclaré que l’opération de l’ostéosynthèse, pratiquée sans le consentement du malade, a été à l’origine des accidents infectieux et de la gangrène qui a nécessité l’amputation de l’avant-bras du malade, que de cette constatation souveraine, la Cour a pu déduire que le fait illicite commis par le chirurgien, sans lequel ce dommage ne se serait pas produit, en était la cause génératrice ». ** un arrêt du 7 octobre 1998 ((Cass. civ. 1ère, 7 octobre 1998, pourvoi numéro 97-10.267, Mme C. c/ Clinique du Parc et autres :« … hormis les cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé, un médecin est tenu de lui donner une information loyale, claire et appropriée sur les risques graves afférents aux investigations et soins proposés et (il) n’est pas dispensé de cette obligation par le seul fait que ces risques ne se réalisent qu’exceptionnellement » x Administrative : Conseil d’État Séance du 10 décembre 1999, lecture du 5 janvier 2000 N° 198530 - ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS : « Lorsque l'acte médical envisagé, même accompli dans les règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. (La Haute Assemblée confirme ainsi l'arrêt Guilbot du 9 juin 1998 de la cour administrative d'appel de Paris qui avait anticipé ce revirement de jurisprudence et qui avait été très remarqué). Par la LOI *Le code de déontologie médicale (qui est d’ordre réglementaire) dans son édition de décembre 1995 à l’Article 35 énonçait : : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination. Un pronostic fatal ne doit être révélé qu'avec 2 circonspection, mais les proches doivent en être prévenus, sauf exception ou si le malade a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite." * L’obligation d’une information préalable a également été formulée dans les lois pour : x Les recherches biomédicales x Les prélèvements d’organes x L’assistance médicale à la procréation x L’interruption volontaire de grossesse. La Loi du 04 mars 2002 (Loi Kouchner) a consacré toutes les reconnaissances ponctuelles de l’obligation d’informer dans son article L.1112-1 du CSP : «Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. Les mineurs ou les majeurs sous tutelle ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision dans la mesure de leurs facultés Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé. 3 En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. L'établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie. En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. L'établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie. Auteurs de l’information : x Le 25 février 1997 un arrêt de la 1ère ch. Civile de la cour de Cassation,(Arrêt Hedreul) frappé au coin du bon sens, a mis à la charge du médecin la preuve qu’il a exécuté son obligation d’information car jusque-là, les décisions jurisprudentielles faisaient peser sur le patient la preuve de l’absence de la preuve d’information. Ce renversement de la preuve se fondait sur un principe de large portée contenu dans l’article 1315 du CC : « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ». x Cette décision jurisprudentielle a été confirmée et confortée par la loi du 04 mars 2002 qui dans son article L.1111-2 (déjà cité) indique : « Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. x Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. 4 x La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission ». Sur les produits de santé (médicaments) obligation d’info du producteur (notice, Vidal), mais le médecin n’est pas dispensé de donner l’information sur les risques ou effets secondaires signalés en revanche dans un arrêt de 23 janvier 2014, 1ère ch. civ la Cde Cass a indiqué qu’un médecin n’avait pas l’obligation d’informer son patient sur le risque d’apparition d’une SLA à la suite d’une vaccination contre l’hépatite B car non signalé dans la notice et le Vidal . NB : mise à jour de l’art R. 4127-35 Alinéa 2 par n° 2012-694 du 7 mai 2012 : C’est le malade qui décide et non le médecin qui décide pour lui. (Même si la famille s’est expressément opposée à cette information : Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination. Destinataires de l’information : x Le patient majeur et capable : est le destinataire exclusif en raison du secret professionnel mais s’il est accompagné de la « personne de confiance » (qu’il a désigné par écrit et qu’il peut révoquer à tout moment) celle-ci en est également destinataire). x Le patient inconscient : informer la personne de confiance, la famille ou les proches mais si urgence et impossibilité de les contacter l’acte doit être accompli. x Le patient mineur non émancipé : le ou les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur mais le mineur également s’il a le degré de maturité ou de discernement suffisant afin de pouvoir participer à la décision. Le mineur peut s’opposer à ce que ses parents soient informés sur son état de santé mais si le traitement ou l’intervention s’impose pour sauvegarder sa santé le médecin doit « s’efforcer de le convaincre », s’il persiste dans son refus le praticien délivre les soins nécessaires mais le mineur doit se faire accompagner d’une personne majeure de son choix (qui recevra l’information). 5 x Le patient majeur protégé : * S’il est placé sous « Sauvegarde de Justice » ou « Curatelle » l’information doit lui être délivrée ; cependant dans les cas où il doit être assisté de son curateur l’information est donnée à ce dernier puisqu’il participe à la prise de décision. ** S’il est placé sous « Tutelle » l’information est donnée au tuteur car c’est lui qui prend la décision de consentir ou non aux actes préconisés. x En cas de diagnostic ou pronostic grave (L.1110-4 al 11CSP) Peuvent être informés : la famille, les proches ou la personne de confiance pour leur permettre d’apporter un soutien direct au patient sauf si celui-ci s’y est opposé. C’est une faculté pour le médecin et non une obligation ! La famille ne peut invoquer aucun préjudice personnel résultant du défaut d’information à son égard. (Cass 1ère ch. civ 06 décembre 2007). x Si patient décédé : Ses ayants droit peuvent avoir accès aux informations contenues dans le dossier médical si elles leur sont nécessaires pour leur permettre soit de connaitre les causes de la mort, soit de défendre la mémoire du défunt, soit de faire valoir leurs droits, à condition que le patient ne s’y soit pas opposé de son vivant ! (mais accès limité aux seules informations utiles pour le demandeur, pas l’ensemble du dossier). x Information partagée entre professionnels de santé dans l’intérêt du malade (continuité des soins, meilleure prise en charge sanitaire) sauf opposition du patient. Au sein des établissements de santé le secret est réputé confié à l’équipe de soins (qui a bien entendu accès au dossier médical du patient sauf opposition de celui-ci. Contenu de l’information : (Art L.1111-2) «Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé » Mais « La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission » (c’est donc au malade qu’incombe le choix de recevoir ou non l’information, ce n’est plus le médecin qui décide pour lui, et sa famille ne peut pas s’opposer à la révélation d’un diagnostic ou d’un pronostic :c’est un droit du malade) 6 « Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus* ». *le médecin engage sa responsabilité s’il accepte trop facilement la volonté du malade ! Donc information exhaustive telle qu’elle est imposée par le texte ! Le défaut d’Information sur les risques liés à l’intervention ou au traitement est une source croissante de responsabilité pour les P de S. En effet « lorsque l’un des risques non révélés se réalise, le patient victime d’un préjudice et qui souhaite obtenir une indemnisation ne peut que plaider l’insuffisance d’information puisque la réalisation du risque relève, par hypothèse, de l’aléa et ne peut être imputée à aucune faute de technique médicale » [Dictionnaire permanent santé, bioéthique…] Pour la jurisprudence postérieure à la loi Kouchner : Cass 1ère ch. Civ, 17 décembre 2009 : le risque prévisible est le risque dont l’existence était connue à la date des faits. Un risque, même de réalisation exceptionnelle, constitue un risque prévisible dès lors que son existence est connue, notamment par le biais de publications médicales. Exemple : Cass 1ère ch. Civ, 18 décembre 2002 : Pas de responsabilité du médecin pour défaut d’information dès lors que les complications dont avait été victime la patiente à la suite de l’extraction d’un calcul de l’uretère pelvien étaient « totalement imprévisibles ». Donc si l’information doit être donnée par le médecin «sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles » cette information doit se limiter « aux risques inhérents à l’acte médical envisagé » c’est-à-dire à un acte d’investigation, de traitement ou de prévention. (NB : la CAA Lyon 6ème ch. 19 avril 2012 : a en déduit qu’un accouchement par les voies naturelles n’est pas un acte médical et que les praticiens ne sont pas tenus à une obligation d’information !! (Cf. infra !) ; la cour de Cass précise que l’obligation d’information est limitée aux risques inhérents à l’intervention proposée et ne porte pas sur les autres risques pouvant se produire à l’occasion de cette intervention : Cass 1ère ch. Civ, 18 mars 2003 : pas d’obligation d’information sur le risque 7 lié à l’ablation d’un fragment osseux découvert dans le canal rachidien lors de l’ablation d’un matériel d’ostéosynthèse d’une greffe inter somatique, dès lors que ce risque n’était pas inhérent à l’intervention projetée ». Obligation d’information renforcée : Art L.6322-2 « pour toute prestation de chirurgie esthétique, la personne concernée, et, s'il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l'intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications. Cette information est accompagnée de la remise d'un devis détaillé. Un délai minimum* doit être respecté par le praticien entre la remise de ce devis et l'intervention éventuelle. Pendant cette période, il ne peut être exigé ou obtenu de la personne concernée une contrepartie quelconque ni aucun engagement à l'exception des honoraires afférents aux consultations préalables à l'intervention. * Article D6322-30 En application de l'article L. 6322-2, un délai minimum de quinze jours doit être respecté après la remise du devis détaillé, daté et signé par le ou les praticiens devant effectuer l'intervention de chirurgie esthétique. Il ne peut être en aucun cas dérogé à ce délai, même sur la demande de la personne concernée. Le chirurgien, qui a rencontré la personne concernée, pratique lui-même l'intervention chirurgicale, ou l'informe au cours de cette rencontre qu'il n'effectuera pas lui-même tout ou partie de cette intervention. Cette information est mentionnée sur le devis. Les dispositions du présent article sont reproduites sur chaque devis. 8 Le consentement à l’acte médical et les modalités de recueil Professeur Christian Gouillat Service de chirurgie digestive, Hôpital Edouard Herriot (Lyon) Expert près la Cours d’Appel, Expert agréé près la Cours de Cassation, Expert en accidents médicaux La finalité de l’information qui doit être dispensée avant un acte médical est de permettre au patient de délivrer un consentement éclairé au protocole de soins qui lui est proposé. Le défaut consentement éclairé, de plus en plus souvent allégué dans les recours, constitue une faute médicale car l’information est non seulement un devoir déontologique mais aussi une obligation légale. Les seules limites admises pour cette information sont l’urgence vraie, le refus du patient ou l'annonce d'un diagnostic grave. Le contenu de l'information, progressivement défini par la jurisprudence, a été fixé par la loi du 4 mars 2002 qui dispose que l'information doit porter sur les actes proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles et les autres solutions possibles (1). Les modalités de l'information ont également été progressivement définies (2). L'information doit être délivrée dans le cadre d'un entretien individuel, ce qui signifie qu'elle est de nature essentiellement orale. Elle est délivrée au patient et à lui seul, sauf exception (mineur, patient sous tutelle, état incompatible). Elle ne peut pas être déléguée. Elle peut être aidée par des supports écrits. Le médecin doit s'assurer qu'elle est comprise et laisser au patient un délai de réflexion suffisant. La preuve de l'information, dont la charge incombe au médecin (ou à l’hôpital public), est difficile à apporter car les moyens permettant d'apporter cette preuve ne sont pas précisément définis. Par ailleurs, il apparaît difficile d'apporter la preuve écrite d'une information délivrée oralement. 9 La jurisprudence indique qu'elle peut être apportée par tout moyen et semble retenir la présomption de preuve sur un faisceau d’éléments tracés dans le dossier (2). Il résulte de l’expérience des expertises et de la jurisprudence que le désormais classique formulaire de consentement est utile mais jamais suffisant. De même faire signer une fiche d'information ou des schémas est sans valeur juridique. Une fiche d'information est toujours utile mais n'est pas suffisante. Le document le plus utile est en fait un courrier adressé au médecin et au patient, dicté en présence du patient, précisant que ce dernier a reçu une information dont les différents éléments du contenu doivent être énoncés en mentionnant un éventuel risque majoré. En pratique le plus simple et le plus pratique est d'expliquer au patient, au mieux avec un schéma, la pathologie dont il souffre et ses risques évolutifs, l’intervention proposée et ses bénéfices attendus, les risques de complication dont la fréquence et surtout la gravité doive être précisées en indiquant si le risque est majoré dans le cas particulier, avant de conclure par la balance bénéfice/risque. On peut ensuite reprendre point par point tous ces éléments en dictant le compte rendu de la consultation en présence du patient. Références : 1- LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé JORF du 5 mars 2002 page 4118 http://www.legifrance.gouv.fr/ 2- Délivrance de l’information à la personne sur son état de santé Principes généraux Recommandations pour la pratique clinique HAS mai 2012 http://www.has-sante.fr/ 10 LES CONSEQUENCES D’UN DEFAUT D’INFORMATION Mme A. BEDELET (Grenoble) Premier conseiller des Tribunaux administratifs, Présidente de la CCI – Paca ---Le médecin qui ne respecte pas son obligation d’information s’expose à la fois à : x une sanction ordinale (prononcée par la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins). A ce titre, il convient de rappeler les dispositions de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique qui dispose : « Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. Toutefois, lorsqu'une personne demande à être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic, sa volonté doit être respectée, sauf si des tiers sont exposés à un risque de contamination (…) », x à une condamnation pécuniaire par une juridiction (administrative ou judiciaire selon la juridiction compétente) ou par le biais d’un avis de la commission de conciliation et d’indemnisation médicaux (C.C.I). Le présent document ne portera que sur les conséquences du défaut d’information par les juridictions ou les C.C.I. Cette question a fait l’objet ces dernières années d’évolutions jurisprudentielles et a fait l’objet d’un rapprochement entre les juridictions administratives et judiciaires. Toutefois, certaines divergences persistent entre les deux ordres de juridiction. A titre préliminaire, il convient de rappeler que tout manquement au devoir d’information ne conduit pas automatiquement à une réparation pécuniaire. D’une part, il existe des exceptions au devoir d’information (le refus du patient d’être informé, l’urgence et l’impossibilité [inconscience]). D’autre part, il faut que le défaut d’information ait porté sur « un risque fréquent ou grave normalement prévisible » au sens de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique (y compris les risques exceptionnels). Ainsi, un patient ne pourra pas obtenir réparation au titre d’un défaut 11 d’information si le risque n’était pas connu au moment où l’information sur les risques liés à l’intervention devait être délivrée : Civ. 1ière 26 septembre 2012 n°11-22.384. Il en va de même du risque qui n’est pas inhérent à l’intervention proposée (exemple d’un fragment osseux découvert dans le canal rachidien et ayant provoqué une déficience neurologique mais qui provenait d’une affection indépendante de la greffe osseuse réalisée par le chirurgien en cause : Civ. 1ière 7 juillet 1998 n°96-19.927). Par ailleurs, l’obtention d’une réparation pécuniaire au titre d’un défaut d’information sur le(s) risque(s) encouru(s) en cas d’intervention est subordonnée à la réalisation de ce(s) risque(s) : cf infra. En revanche, hormis les hypothèses susmentionnées et sous certaines conditions, tout manquement au devoir d’information au sens de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique peut donner lieu à réparation. La perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé : Traditionnellement, une indemnisation n’était accordée que lorsque le médecin avait manqué à son devoir d’information et que ce manquement avait entraîné une perte de chance de se soustraire au risque qui s’était réalisé. Dans un tel cas, la faute commise par le médecin qui omet d'informer le patient des risques encourus fréquents ou graves normalement prévisibles à raison d'un acte médical n'entraîne pour le patient qu’une perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé. Le manquement au devoir d’information ne peut donc entraîner une réparation intégrale des préjudices découlant de la complication survenue. En effet, comme le souligne Didier Chauveau, conseiller d’état, il semble difficile de justifier une indemnisation intégrale alors que le défaut d’information, qui n’est pas la cause immédiate de l’accident, a seulement pu conduire le patient à s’y exposer en acceptant l’intervention : CE Sect. 5 janvier 2000 n°181899 et 198530. Il en résulte que la réparation du dommage résultant de la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis, fraction correspondant au pourcentage de chance estimée perdue : CE Ass. 19 mai 2004 n°216039. 12 Ainsi, si le manquement à l’obligation d’information n’a entraîné aucune perte de chance de se soustraire au dommage, aucune indemnisation n’est retenue par le juge. Toutefois, c’est seulement dans le cas où l’intervention était impérieusement requise, de sorte que le patient ne disposait d’aucune possibilité raisonnable de refus que les juges peuvent nier l’existence d’une perte de chance : CE 24 septembre 2012 n°339285. Par ailleurs, le Conseil d’Etat a jugé que la réparation pour perte de chance du fait du manquement au devoir d’information et l’indemnisation sur le fondement de la solidarité nationale sont cumulables (défaut d’information sur une complication constitutive d’un accident médical au sens de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique : CE 24 septembre 2012 n°339285). La naissance d’une nouvelle sanction : préjudice autonome/préjudice d’impréparation -Puis, le 3 janvier 2010, la Cour de Cassation a jugé qu’indépendamment des cas dans lesquels le défaut d’information sur les risques a fait perdre au patient une chance d’éviter le dommage résultant de la réalisation d’un de ces risques, le non-respect de son devoir d’information par un professionnel de santé cause à celui auquel l’information était due, un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation : Civ. 1ière 3 juin 2010, Bull. civ. I, n°128. La Cour de Cassation a fondé son raisonnement notamment sur les articles 16 (dignité de la personne humaine) et 16-3 du code civil (atteinte à l’intégrité du corps humain). Par cet arrêt, la Cour de Cassation a considéré que le manquement au devoir d’information constituait un préjudice autonome indemnisable, quand bien même il serait établi que, dûment informé, le patient aurait accepté de courir le risque et qu’il n’existait pas d’autre alternative thérapeutique. Ainsi, le non-respect du devoir d’information est en lui-même une source de préjudice. -Par un arrêt du 10 octobre 2012, le Conseil d’Etat s’est rapproché de la solution de la Cour de Cassation sans s’aligner complètement sur cette solution. Par cet arrêt, le Conseil d’Etat a jugé qu’« indépendamment de la perte d’une chance de refuser l’intervention, le manquement des médecins à leur obligation d’informer le patient des risques encourus ouvre pour l’intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d’obtenir réparation des 13 troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité, notamment en prenant certaines dispositions personnelles » : CE 10 octobre 2012 n°350426. Contrairement à la position de l’époque de la Cour de Cassation, la réparation de ce préjudice n’est pas automatique et est subordonnée à la condition que le risque se soit réalisé. Cependant, la Cour de Cassation s’est aligné sur ce point sur la position du Conseil d’Etat dans un arrêt du 23 janvier 2014 : Civ. 1ière 23 janvier 2014, n°12-22123. Par ailleurs, pour le Conseil d’Etat, si le patient a droit d’obtenir réparation des troubles qu’il a pu subir du fait qu’il n’a pas pu se préparer au risque, il lui appartient d’établir la réalité et l’ampleur de ce préjudice (CE 10 octobre 2012 n°350426). Ainsi, alors que le défaut d’information était allégué, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé que ce défaut d’information n’avait pas à donner lieu à indemnisation dès lors que la perte de chance ne pouvait être retenue en raison de l’absence de possibilité raisonnable pour le requérant de refuser l’intervention et du fait que le requérant « n’alléguait pas avoir subi des troubles du fait qu’il n’a pas pu se préparer à l’éventualité du risque » : CAA Nancy 28 mai 2014 n°13NC01409. La solution des juridictions administratives divergent sur ce point de la position des juridictions judiciaires pour qui, le défaut d’information semble entraîner de manière automatique un préjudice autonome. -Certains tribunaux ont été jusqu’à accorder un cumul d’indemnisation au titre de la perte de chance et du préjudice autonome (TGI Bobigny 13/07/12 et CA Aix en Provence 18/04/12). Distinction de la réparation du défaut d’information et de la réparation du défaut de consentement : Les notions de défaut d’information et de défaut de consentement sont souvent confondus alors que le devoir d’information a pour objet de conforter un autre principe qui intervient en amont, celui du consentement préalable du patient. Il s’agit donc de deux notions différentes qui n’impliquent pas la même réparation en cas de manquement. En effet, hors les cas d’urgence ou d’impossibilité de consentir, la réalisation d’une intervention à laquelle le patient n’a pas consenti oblige l’établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l’intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l’intervention (CE 24 septembre 2012, n° 336223) alors que le défaut d’information ne peut conduire, en l’état actuel, qu’à l’indemnisation d’une perte de chance et/ou d’un préjudice autonome. 14 BIBLIOGRAPHIE : Article L. 1111-2 du code de la santé publique HAS Recommandation de bonne pratique : Délivrance de l’information à la personne sur son état de santé mai 2012. G. Mémeteau, Le devoir d’information ou les moulins à vent, LPA 2013 n°5, p. 4. Xavier Barella, Le droit à l’information médicale, vers la reconnaissance d’un droit subjectif du patient, AJDA 29 octobre 2012. p.1991. Françoise Alt-Maes, La réparation du défaut d’information médicale : métamorphose et effets pervers, JCP 2013. 547. 15