ACTUALITÉS RECHERCHE Une défensine contre la dysbiose ! Rédigé par

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Rédigé par
M. Chamaillard, Inserm U801, CHRU de Lille
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Commentaire
Une défensine contre la dysbiose !
Le tube digestif est en contact permanent avec la flore intestinale, ce qui conditionne le
maintien de sa physiologie et l’éducation des diverses facettes du système immunitaire.
Dans ce contexte, les peptides antimicrobiens sont des acteurs essentiels de la réponse
immunitaire : parmi eux, l’α-défensine humaine HD-5 sécrétée par les cellules de Paneth
participe à la défense de l’hôte contre certains entéropathogènes. Récemment, des études
cliniques ont permis de mettre en évidence une dysbiose et une déficience en HD-5 au niveau
de la muqueuse iléale des patients atteints de maladie de Crohn. Il restait à démontrer le
rôle de ce médiateur de l’immunité sur l’écologie de la flore intestinale. L’expression de
l’α-défensine humaine HD-5 suffit à modifier la diversité moléculaire de la flore intestinale
chez la souris aux dépens des Clostridia, des Bacilli et des Erysipelotrichi. En particulier, la
quasi-absence chez les souris exprimant HD-5 de la bactérie commensale connue sous le
nom de Segmented Filamentous Bacteria (SFB) est corrélée à la réponse inflammatoire
de type TH17 qui joue un rôle essentiel dans la pathogenèse de la maladie de Crohn. En
revanche, aucune modification du nombre total de bactéries n’a été observée en présence
d’HD-5 ni en l’absence d’α-défensines fonctionnelles chez la souris.
Au-delà de leur rôle sur la défense contre des
entéropathogènes, cette étude dévoile un rôle
sous-estimé de certains peptides antimicrobiens,
dont la sécrétion est défectueuse au niveau de
la muqueuse intestinale des patients atteints
de maladie de Crohn, sur la diversité de la flore
microbienne et sur l’intensité de la réponse inflammatoire de type TH17. Cette découverte ouvre la
voie à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles pour la maladie de Crohn
en visant à restaurer l’expression de ces peptides
antimicrobiens ou à corriger les changements de
leur flore digestive pro-inflammatoire.
Référence
Salzman NH, Hung K, Haribhai D et al. Enteric defensins
are essential regulators of intestinal microbial ecology. Nat
Immunol 2009 [Epub ahead of print].
De la flore au carcinome hépatocellulaire…
Le cancer du foie reste la troisième cause de mortalité par cancer sur le plan mondial.
L’incidence du carcinome hépatocellulaire est plus importante en zone d’endémie pour le
virus de l’hépatite B et après ingestion d’aflatoxine B1, un puissant carcinogène retrouvé
dans la nourriture contaminée par Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus. Cependant,
l’incidence du carcinome hépatocellulaire chez les patients chroniquement infectés par le
virus de l’hépatite C n’est pas constante, ce qui suggère que d’autres facteurs de risque
restent à identifier. Par une approche expérimentale réalisée au laboratoire de l’université
de Caroline du Nord, le travail dirigé par A.B. Rogers a révélé que la colonisation intestinale
par la bactérie commensale Helicobacter hepaticus accélère le développement d’hépatocarcinomes induits par l’infection par le virus de l’hépatite C ou par l’aflatoxine B1, que ce soit
chez la souris mâle ou femelle. À l’inverse, aucune entéropathie particulière n’a été décelée
chez ces mêmes souris. Les auteurs ont également démontré que l’incidence des tumeurs
n’est corrélée ni à l’induction d’une hépatite ni à une augmentation de la translocation de
cette bactérie commensale chez la souris. En revanche, la colonisation par H. hepaticus est
liée à l’induction au niveau de la muqueuse iléale d’un sous-groupe de gènes, incluant la
protéine réactive C, les chémokines CCL1 et CCL12, les récepteurs aux chémokines CCR7
et CCR8, l’interféron γ, l’ostéopontine, l’interleukin 1 family member 6 et l’interleukine 10.
Commentaire
Ces résultats suggèrent l’existence d’autres bactéries commensales qui potentialise le développement de carcinomes hépatocellulaires. Avant
d’envisager le développement de nouvelles cibles
antitumorales, il reste néanmoins à déterminer
les mécanismes par lesquels ces bactéries ou leur
détection par le système immunitaire contribuent
à promouvoir le développement d’hépatocarcinomes.
Référence
Fox JG, Feng Y, Theve EJ et al. Gut microbes define liver cancer risk in mice exposed to chemical and viral transgenic
hepatocarcinogens. Gut 2009 [Epub ahead of print].
La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XII - n° 6 - novembre-décembre 2009 | 231
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