traitement oral de la carence en fer : quand le mieux est peut

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réussite et l’extension des programmes de
prévention dans les pays de forte endémie
et d’accès aux soins limité. « Le problème
majeur n’est pas tant la disponibilité des
antiviraux que l’accès aux soins de la
femme enceinte » résume le Pr Blanche.
C’est dire l’ampleur de la tâche qui reste à
accomplir. Mais c’est aussi, dans le même
temps, dire ce qui a été accompli en bien
peu de temps.
En 2014, l’OMS estimait que plus de
500 000 femmes enceintes infectées par le
VIH avaient reçu un traitement antirétroviral – sur près d’un million de femmes à
l’échelle de la planète. On sait que ces
­remarquables progrès – inimaginables il y
a moins de dix ans – permettent à l’OMS
de « théoriser une possible éradication
­virtuelle de la transmission du virus de la
mère à l’enfant à moyen terme ». « Au vu
de la diffusion actuelle des antirétroviraux chez l’adulte – près de dix millions
Traitement oral de la carence en
fer : quand le mieux est peut-être
l’ennemi du bien
La supplémentation en fer par voie orale est
un thème fréquent en médecine de premier
recours, qui pose souvent problème en raison
d’effets indésirables, de difficultés d’obser­
vance et d’échecs de traitement. Sur le plan
physiologique, l’administration de fer produit
une augmentation aiguë de l’hepcidine, pep­
tide régulateur qui inhibe le transport du fer
de la cellule intestinale vers le sang. Partant de
ce constat, les auteurs de cette étude ont
cherché à savoir dans quelle proportion et
avec quelle cinétique ce mécanisme influençait
l’absorption du fer à différentes posologies et
lors de différents schémas d’administration. Ils
1Oleske J, Minnefor A, Cooper R, et al. Immune
deficiency syndrome in children. JAMA 1983;249:2345-9.
2Rubinstein A, Sicklick M, Gupta A, et al. Acquired
immunodeficiency with reversed T4 / T8 ratios in infants
born to promiscuous and drug-addicted mothers. JAMA
1983;249:2350-6.
3 Barré-Sinoussi F, Chermann JC, Rey F, et al. Isolation
of a T-lymphotropic retrovirus from a patient at risk for
acquired immune deficiency syndrome (AIDS). Science
1983;220:868-71.
4Connor EM, Sperling RS, Gelber R, et al. Reduction of
maternal-infant transmission of human immunodeficiency virus type 1 with zidovudine treatment. Pediatric AIDS
Clinical Trials Group Protocol 076 Study Group. N Engl J
Med 1994;331:1173-80.
5 Mandelbrot L, Tubiana R, Le Chenadec J, et al. No
perinatal HIV-1 transmission from women with effective
antiretroviral therapy starting before conception. Clin
Infect Dis 2015;61:1715-25.
ont enrôlé 54 jeunes femmes avec carence
martiale sans anémie, et mesuré notamment le
profil d’augmentation de l’hepcidine, ainsi que
la quantité de fer absorbée (marquage radio­
actif), d’une part, avec des doses uniques allant
de 40 à 240 mg, d’autre part, avec des doses
­répétées (60 mg) une ou deux fois par jour
respectivement. En premier lieu, leurs résul­
tats montrent une augmentation de la quantité
absolue de fer absorbée lors de posologies
croissantes, une augmentation d’absorption d’un
facteur 3 se faisant néanmoins au prix d’une
multiplication par 6 de la dose administrée.
Lorsque la même dose (60 mg) est administrée
deux fois à 24 h d’intervalle, l’absorption de la
seconde dose est fortement réduite (35 %). De
même, l’administration de deux doses de fer
(60 mg) par jour n’augmente pas l’absorption
par rapport à une seule dose matinale. Enfin, la
cinétique d’augmentation de l’hepcidine mon­tre
un retour au baseline à 48 h.
Commentaire : Malgré un nombre limité de
patients, un setting excluant les patients ané­
miques et une incertitude sur le comportement
de l’hepcidine lors d’une supplémentation au
long cours, cette étude rend pertinente l’idée
– à confronter avec la réalité clinique – d’un
schéma d’administration à jours alternés.
Dr François Chautems
Policlinique médicale universitaire, Lausanne
Moretti D, et al. Oral iron supplements increase
hepcidin and decrease iron absorption from daily or
twice-daily doses in iron-depleted young women.
Blood 2015;126:1981-9.
www.revmed.ch
3 février 2016
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d’adultes traités – cette utopie apparaît
­réalisable » estime, en ce début de l’année
2016, le Pr Blanche. Trente-trois ans après
les deux premiers papiers du JAMA.
lu pour vous
D.R.
vention de la transmission du virus de la
mère à l’enfant ne peut être considérée
comme achevée, a-t-il affirmé devant l’Aca­
démie. L’immense majorité des enfants
“ exposés-non infectés ” ne pose à ce jour
aucun souci de santé. Une attention par­
ticulière pour ces enfants est toutefois
­justifiée. L’enfant est potentiellement sous
la double influence – au moins théorique –
de la maladie maternelle et surtout de
l’impact biologique de l’exposition in utero
et postnatale aux antirétroviraux. Cette
exposition est susceptible d’induire chez
le nouveau-né des perturbations biologiques similaires à celles observées lors
de son usage en dehors de la grossesse.
Les effets biologiques peuvent aussi être
inattendus, liés à une pharmacologie fœtale particulière et / ou à l’immaturité d’un
organe. »
Il faudra aussi établir le risque d’une
toxicité à long terme qui ne serait pas décelable dans les premiers mois de vie.
« Plusieurs biomarqueurs détectables à la
naissance témoignent d’une génotoxicité
sans qu’il soit possible encore d’en évaluer
précisément l’impact clinique à long terme,
observe le Pr Blanche. De nombreuses
molécules dont la tolérance fœtale et néonatale est encore peu ou pas étudiée, sont
désormais utilisées durant la grossesse
­selon les recommandations de poursuivre
un traitement en place avant la grossesse.
Cette recherche d’une optimisation de la
tolérance doit aussi intégrer d’autres ques­
tions non résolues. »
Pour le Pr Blanche, ces questions sont
connues. Y a-t-il nécessairement besoin
d’un passage transplacentaire des antirétroviraux pour protéger l’enfant, lorsque
la charge virale maternelle est durablement
indétectable ? Si oui, l’accumulation de
certains antirétroviraux dans le liquide
amniotique est-elle un problème pour la
santé du fœtus ? Quelle est la durée de
traitement optimale en prépartum avec
les molécules les plus puissantes ? Y a-t-il
toujours besoin d’un renforcement perpartum ? Le traitement postpartum restet-il nécessaire en l’absence d’allaitement ?
L’allaitement maternel sous antirétroviraux,
aujourd’hui conseillé dans les pays du Sud,
pourra-t-il paradoxalement être envisagé
dans les pays riches ? L’immunothérapie
et / ou la vaccination – quand elles seront
disponibles – auront-elles une place ?
« Essais, cohortes et analyses biologi­
ques fines permettront de comparer les
molécules entre elles, résume-t-il. Il faut
progresser pour proposer aux femmes
­enceintes un traitement efficace et parfaitement toléré en minimisant l’empreinte
qu’il laisse sur le fœtus et le nouveau-né ».
Sans oublier l’autre combat, majeur : la
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