UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2002-2003 UNIVERSITE DE NANTES LES MUSCLES EPITROCHLEENS Par Laurène LECLAIR LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LEBORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • Pr. O. ARMSTRONG Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. J.P. MOISAN Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. O. RODAT Ceran : Mlle M.GARCON – Assistant Ingénieur Laboratoire : S. LAGIER et Y. BLIN – Collaboration Technique UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MAITRISE EN SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES M.S.B.M MEMOIRE POUR LE CERTIFICAT D’ANATOMIE, D’IMAGERIE ET DE MORPHOGENESE 2002-2003 UNIVERSITE DE NANTES LES MUSCLES EPITROCHLEENS Par Laurène LECLAIR LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. J. LEBORGNE Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • Pr. O. ARMSTRONG Pr. P. COSTIOU Pr. D. CROCHET Pr. A. DE KERSAINT-GILLY Pr. B. DUPAS Pr. Y. HELOURY Pr. J.P. MOISAN Pr. N. PASSUTI Pr. R. ROBERT Pr. O. RODAT Ceran : Mlle M.GARCON – Assistant Ingénieur Laboratoire : S. LAGIER et Y. BLIN – Collaboration Technique SOMMAIRE INTRODUCTION I. RAPPELS ANATOMIQUES A. Disposition globale des muscles antébrachiaux B. Vascularisation du segment antébrachial II. DISSECTIONS A. Matériel et méthode B. Rapports de dissection 1. 2. 3. 4. 5. 6. Vue d’ensemble des muscles épitrochléens Le muscle rond pronateur Le muscle fléchisseur radial du carpe Le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts Le muscle long palmaire Le muscle fléchisseur ulnaire du carpe III. ANATOMIE FONCTIONNELLE A. Action globale des muscles épitrochléens B. Action du rond pronateur C. Action du fléchisseur radial du carpe D. Action du fléchisseur commun superficiel des doigts E. Action du long palmaire F. Action du fléchisseur ulnaire du carpe IV. APPLICATIONS CLINIQUES ET CHIRURGICALES A. B. C. D. E. Les syndromes des loges du segment antébrachial Les ténosynovites des muscles fléchisseurs La maladie de Dupuytren Traitement chirurgical des rétractions en flexion du coude Le syndrome du canal carpien BIBLIOGRAPHIE INTRODUCTION Les muscles de l’avant-bras commandent à distance l’unité anatomique fondamentale qu’est la main ; leurs insertions se situent à divers niveaux et selon des orientations variables mais tous concourent à la mobilisation harmonieuse de la main, permettant ainsi un mouvement délié et fin reposant sur des bases stables et solides. Cette masse musculaire présente un plan superficiel, directement au contact du revêtement cutané, et un plan profond, au contact du squelette antébrachial : le radius et l’ulna. On distingue schématiquement deux ensembles fonctionnels pour les muscles superficiels du segment antébrachial : les muscles de la loge postérieure et latérale ayant principalement une fonction d’extension du poignet et de supination de l’avant-bras et les muscles de la loge antérieure et médiale réalisant la flexion du poignet et la pronation de l’avant-bras. Ces deux ensembles fonctionnels correspondent aussi à des ensembles anatomiques : les muscles postérieurs et latéraux sont appelés les épicondyliens en raison de leur insertion sur l’épicondyle (latéral) de l’humérus ; les muscles antérieurs et médiaux sont les muscles épitrochléens car ils s’insèrent sur l’épitrochlée ou épicondyle médial de l’humérus. Nous allons étudier l’ensemble anatomique que sont les muscles épitrochléens. Ceux-ci sont au nombre de cinq, avec de dehors en dedans : le rond pronateur (ou pronator teres), le fléchisseur radial du carpe, le fléchisseur commun superficiel des doigts, le long palmaire, et le fléchisseur ulnaire du carpe. Les muscles épitrochléens sont les muscles de l’avant-bras s’insérant proximalement à la face antérieure de l’épitrochlée ou épicondyle médial. L’épitrochlée est une saillie osseuse située à la partie médiale de la palette humérale, en dedans de la trochlée humérale. La nappe musculaire constituée par les muscles épitrochléens recouvre la partie antérieure et médiale du segment antébrachial et s’étend jusqu’au radius et à la main. I. RAPPELS ANATOMIQUES A. Disposition globale des muscles antébrachiaux Selon les auteurs, il est possible de différencier deux ou trois loges regroupant les muscles du segment antébrachial. Ainsi, H.ROUVIERE et A.DELMAS individualisent trois groupes musculaires : antérieur, externe et postérieur tandis que P.Kamina considère les deux loges antérieure et postérieure. • • • La classification selon H.ROUVIERE est axée à des fins fonctionnelles. Il distingue : le groupe musculaire antérieur constitué par les épitrochléens, le fléchisseur commun profond des doigts, le long fléchisseur du pollex et le carré pronateur ; le groupe musculaire externe avec le supinateur, le court extenseur radial du carpe, le long extenseur radial du carpe, et le muscle brachio-radialis ; le groupe musculaire postérieur avec un plan profond (long abducteur du pollex, court extenseur du pollex, long extenseur du pollex, extenseur propre de l’index) et un plan superficiel (muscle extenseur commun des doigts, extenseur propre du cinquième doigt, extenseur ulnaire du carpe, et l’anconé). Le groupe musculaire antérieur a principalement une fonction de flexion de la main et des doigts et une fonction de pronation. Le groupe musculaire externe réalise principalement la supination de l’avant-bras, l’extension et l’abduction du carpe, par ailleurs le brachio-radialis est responsable de la flexion du poignet. L’extension et l’adduction sont globalement effectuées par le groupe musculaire postérieur. P.KAMINA répartit les muscles du segment antébrachial en loge antérieure (regroupant les muscles antérieurs de la classification de ROUVIERE en y ajoutant le brachio-radialis et le supinateur) et loge postérieure (groupe musculaire postérieur, long extenseur radial du carpe et court extenseur radial du carpe). Cette classification semble moins judicieuse que la précédente, car elle est uniquement topographique, de plus les muscles supinateur et brachio-radialis prennent leur insertion à la partie postérieure de l’épicondyle huméral (pour le supinateur) ou de la partie distale de la diaphyse humérale, puis viennent recouvrir la partie latérale du segment antébrachial d’avant en arrière. Par ailleurs, à partir de la classification de ROUVIERE, les ensembles anatomiques et fonctionnels épicondyliens et épitrochléens sont mieux mis en évidence. Les muscles épicondyliens sont représentés par le plan superficiel du groupe musculaire postérieur, ainsi que le supinateur et le court extenseur radial du carpe. Ils sont recouverts par le brachio-radialis et le long extenseur radial du carpe (groupe musculaire externe). Muscle biceps brachial Muscle brachioradialis Rond pronateur Fléchisseur radial du carpe Long palmaire Fléchisseur ulnaire du carpe Fléchisseur commun superficiel des doigts Rétinaculum des fléchisseurs Artère brachiale Artère radiale Fléchisseur commun superficiel des doigts Artère ulnaire Figure 1a et 1b : Vue antérieure du segment antébrachial (a : muscles superficiels, b : muscles profond) • • • • Pour le groupe antérieur, H.ROUVIERE et A.DELMAS distinguent quatre plans : le plan des muscles épitrochléens, ou épicondyliens médiaux, superficiels : le pronator teres, le fléchisseur radial du carpe, le long palmaire, le fléchisseur ulnaire du carpe ; Le plan du muscle fléchisseur commun superficiel des doigts ; Le plan des muscles fléchisseurs profonds : le fléchisseur commun profond des doigts, les muscles lombricaux, le muscle long fléchisseur du pollex ; Le plan profond, représenté par le rond pronateur. Ainsi, selon ROUVIERE, les muscles épitrochléens ne sont que les quatre muscles du plan superficiel, nous y adjoindrons le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts. En effet nous avons constaté dans nos dissections que le tendon huméral du fléchisseur commun superficiel était solidaire des tendons des autres épitrochléens, de plus d’autres descriptions de référence considèrent cinq muscles épitrochléens. Selon la disposition modale, au niveau du plan superficiel, on retrouve de dehors en dedans : le muscle rond pronateur, le fléchisseur radial du carpe, le long palmaire, et le fléchisseur ulnaire du carpe. Ils naissent tous par un tendon commun au niveau de l’épitrochlée (ou épicondyle médial) où ils sont unis puis se séparent et forment une nappe musculaire antérieure et médiale qui occupe toute la largeur de l’avant-bras. A la partie profonde de ces quatre muscles, s’étend le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts dont le tendon huméral est joint à celui des autres épitrochléens à leur partie profonde et inférieure. Nous étudierons plus loin le détail des insertions décrites dans la littérature comparativement à nos dissections. B. Vascularisation du segment antébrachial Nous allons rappeler la disposition de la vascularisation du segment antébrachial, afin de pouvoir apprécier les différents rapports entre les pédicules vasculo-nerveux et les muscles épitrochléens. 1. Vascularisation artérielle La vascularisation du membre supérieur dépend essentiellement de l’artère brachiale, ou artère humérale. En effet, elle fait suite à l’artère axillaire au bord inférieur du muscle grand pectoral, puis descend dans la région antérieure et médiale du bras, accompagnée du nerf médian, pour traverser le sillon bicipital médian. Le sillon bicipital médian est un espace séparant le muscle pronator teres (médialement) du muscle biceps brachial (latéralement), l’artère brachiale chemine dans ce sillon, à la surface du muscle brachial. Elle se termine enfin à environ 3cm au-dessous du pli du coude et se divise en une artère radiale et une artère ulnaire. L’artère humérale laisse une branche artérielle importante, l’artère brachiale profonde, à la moitié supérieure de l’humérus ; celle-ci participera à la vascularisation du segment antébrachial par des anastomoses avec les artères radiale et interosseuse commune, participant ainsi au cercle artériel péri-articulaire du coude. Trois artères prennent en charge la vascularisation de la face antérieure du segment antébrachial, de dedans en dehors : • L’artère ulnaire est la première branche naissant de la division terminale de l’artère humérale, elle est responsable de la vascularisation de la partie médiale de l’avant-bras. Son calibre est habituellement supérieur à celui de l’artère radiale. Elle s’engage à sa naissance sous le muscle rond pronateur puis sous l’arcade du fléchisseur commun superficiel et descend médialement dans la région antérieure de l’avant-bras ; elle a alors pour rapports les tendons du fléchisseur commun superficiel et du fléchisseur ulnaire du carpe. Au niveau du poignet, l’artère ulnaire chemine avec le nerf ulnaire dans le canal ulnaire ou loge de Guyon, recouvert par une expansion palmaire du rétinaculum des extenseurs. • L’artère interosseuse antérieure naît du tronc interosseux commun, branche collatérale de l’artère ulnaire, se divisant au-dessus de la membrane osseuse antébrachiale. Elle descend verticalement en avant de cette membrane, dans l’interstice qui sépare le muscle fléchisseur profond des doigts du muscle long fléchisseur propre du pollex, à la face profonde du fléchisseur commun superficiel des doigts. A la partie inférieure de l’avant-bras, elle traverse la membrane interosseuse et se termine en s’anastomosant avec l’artère interosseuse postérieure à la face dorsale du poignet. • L’artère radiale est l’artère principale latérale de l’avant-bras, elle chemine entre en avant le ventre du muscle brachio-radialis pour sa partie supérieure, et en arrière de nombreux muscles dont le supinateur, le rond pronateur, le fléchisseur commun superficiel des doigts, le long fléchisseur propre du pollex, et le carré pronateur. Elle parcourt ensuite la gouttière du pouls radial, entre les tendons du brachio-radialis en dehors et du fléchisseur radial du carpe en dedans. Les artères ulnaire et radiale se terminent au niveau du carpe en formant les arcades palmaires superficielle et profonde, responsables de la vascularisation des muscles intrinsèques de la main. De l’arcade superficielle, partent une artère principale du pouce, une artère radiale de l’index, des artères digitales palmaires communes (pour les doigts II, III, IV, V). Ces artères s’anastomosent avec les artères métacarpiennes palmaires (issues de l’arcade palmaire profonde) puis se divisent en deux artères digitales palmaires propres et cheminent en avant du plan nerveux, le long des bords adjacents des doigts. 2. Vascularisation veineuse : Le réseau veineux du membre supérieur est réparti en deux plans : les veines superficielles et les veines profondes. Ce sont deux réseaux qui communiquent par de nombreuses anastomoses dépourvues de valvules ; ils se rejoignent au niveau du creux sous-claviculaire, quand l’artère céphalique (superficielle) se jette dans l’artère axillaire (profonde) pour former l’artère subclavière. • Les veines superficielles sont nombreuses, indépendantes des artères et sont situées au-dessous du fascia superficiel. Le réseau veineux superficiel de la main se draine dans trois artères principales au niveau de l’avant-bras, qui sont, de dedans en dehors : la veine basilique, la veine céphalique, et la veine médiane du coude. Elles cheminent à la face antérieure du segment antébrachial jusqu’au pli du coude pour former le M veineux, puis les deux veines superficielles du bras. • Les veines profondes accompagnent les artères et portent le même nom qu’elles. Les deux veines correspondant à une artère sont reliées en elles, de distance en distance, par de courtes anastomoses transversales. L’anatomie des troncs nerveux sera vue au cours du rapport des dissections, le trajet des nerfs périphériques étant moins complexe que la vascularisation du membre supérieur. II. DISSECTIONS A. Matériel et méthode Nos dissections ont été réalisées sur trois pièces anatomiques : un membre supérieur gauche d’un sujet féminin frais puis formolé un membre supérieur gauche injecté au latex rouge d’un sujet masculin formolé un membre supérieur droit d’un sujet féminin frais (dont aucune photo ne figure dans ce mémoire) La figure 15 est issue du travail de dissection de Pierre-Henri DACULSI, il s’agit d’un membre supérieur droit d’un sujet féminin frais. • • • Le schéma d’incision est le suivant : • Une grande incision médiane antérieure partant du milieu de l’humérus descendant jusqu’à l’articulation radio-ulno-carpienne. • quatre incisions transversales : - à la moitié de l’humérus - 2 cm au-dessus du coude - 2 cm au-dessous du coude - au niveau du poignet • La main a été incisée selon deux schémas différents : - trois incisions partant de la partie proximale du carpe jusqu’à chacun des quatre espaces interdigitaux, - une incision médiane allant de la partie proximale du carpe jusqu’au troisième espace interdigital. Nous avons utilisé afin de réaliser nos dissections : - un bistouri avec des lames de taille 23 - des pinces à disséquer - de nombreuses pinces à clamper : pinces repères, pinces en cœur, ombres d’âne, etc… - porte-aiguille avec du safil green, ou dagrofil, ou monocryl… - paires de ciseaux Les photos de dissections sont toutes des vues antérieures (antéro-médiales et antéro-latérales) de membres supérieurs gauches disposés selon une même orientation : dehors (bord radial) haut (épitrochlée, bras) bas (main) dedans (bord ulnaire) B. Rapports de dissection 1. Vue d’ensemble des muscles épitrochléens Les muscles épitrochléens forment, au premier abord, une nappe musculaire solidaire, à la partie médiale et antérieure de l’avant-bras. Cet ensemble est recouvert d’une aponévrose commune, fibreuse et solide, dont on distingue deux plans : un superficiel transversal s’étendant au tiers proximal du segment antébrachial et un profond longitudinal s’étendant au contact des corps musculaires sur toute leur longueur. Le muscle long palmaire Le muscle brachioradialis Le rond pronateur Le muscle fléchisseur radial du carpe L’épitrochlée humérale Rétinaculum des fléchisseurs L’aponévrose palmaire L’olécrâne de l’ulna Le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts Le muscle fléchisseur ulnaire du carpe Figure 2 : vue antérieure du segment antébrachial • • • • • • L’ensemble des muscles épitrochléens a pour rapport : En dedans : le fascia superficiel, le réseau veineux superficiel, le tissu sous-cutané et la peau ; En dehors : les muscles brachio-radialis et long extenseur radial du carpe, l’artère radiale et les veines radiales, et le segment proximal du nerf médian ; Recouvrant les muscles : le fascia superficiel, le réseau veineux superficiel, le tissu sous-cutané et la peau ; A la partie profonde des muscles : le fléchisseur commun profond des doigts et le muscle fléchisseur propre du pollex ; En haut : les muscles fléchisseurs du coude : le biceps brachial et le muscle brachialis ; En bas : le rétinaculum des fléchisseurs, les muscles intrinsèques de la main, et le carpe. Nerf médian Fléchisseur commun superficiel des doigts Rond pronateur Fléchisseur radial du carpe Long palmaire Epitrochlée Fléchisseur ulnaire du carpe Nerf ulnaire Figure 3 : insertion des muscles épitrochléens sur l’épitrochlée humérale On délimite artificiellement des aponévroses respectives pour chacun des muscles épitrochléens afin d’individualiser les corps musculaires. Nous observons de dehors en dedans : le muscle rond pronateur, le muscle fléchisseur radial du carpe, le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts, le muscle long palmaire, et le fléchisseur ulnaire du carpe. Le long palmaire étant un muscle très inconstant et variable, il est retrouvé dans la plupart des cas dans un plan antérieur et superficiel au muscle fléchisseur commun superficiel des doigts. 2. Le muscle rond pronateur Le rond pronateur est le plus latéral des muscle épitrochléens, et sa forme est grossièrement celle d’un trapèze, avec une base large, divisée en deux chefs, et un sommet étroit représenté par son tendon distal unique. Ainsi l’insertion proximale est composée de deux chefs : le premier, huméral, est le chef superficiel, d’épaisseur importante, prenant son insertion sur l’épitrochlée humérale en dehors des autres muscles épitrochléens et sur le septum intermusculaire qui le sépare du muscle fléchisseur radial du carpe; tandis que le chef profond ulnaire, beaucoup plus fin, s’insère sur la coronoïde de l’ulna (son tendon est visible sur la figure 14). Après la réunion de ces deux chefs, au niveau de la face antérieure de l’ulna, le rond pronateur continue sa direction oblique de dedans en dehors, et de haut en bas ; pour aller s’insérer sur le radius, au niveau proximal de la diaphyse (à l’union du tiers proximal et du tiers moyen), sur une largeur d’environ 2cm. Le tendon du rond pronateur se constitue progressivement, et au niveau de son insertion sur le radius, on trouve, pour la moitié superficielle, des fibres tendineuses et, pour la moitié profonde, d’authentiques fibres musculaires. Le muscle brachio-radialis surélevé Diaphyse radiale à l’union 1/3 proximal-1/3 distal Nerf médian Fléchisseur radial du carpe Artère radiale Epitrochlée Figure 4 : Insertions proximale et distale du rond pronateur et corps musculaire Le rapport immédiatement antérieur du rond pronateur est le passage de l’artère radiale et des veines radiales (celles-ci sont réclinées latéralement sur la figure 5). L’artère radiale abandonne de nombreuses branches vascularisant le rond pronateur sur toute sa longueur, la partie proximale reçoit aussi quelques branches artérielles provenant de l’artère humérale. Les veines, issues du rond pronateur, se drainent vers les veines radiales, satellites de l’artère, qui rejoindront le réseau veineux superficiel. Artère radiale Veines satellites de l’artère radiale Artère humérale Le muscles rond pronateur soulevé et retourné Nerf médian Rameaux nerveux Figure 5 : Vascularisation et innervation du rond pronateur Le nerf médian qui provient de la face antéro-latérale du coude passe entre les deux chefs musculaires du rond pronateur (voir figure 6). Il rejoint ensuite la partie antérieure et médiane du segment antébrachial, où il circulera à la face profonde du fléchisseur radial du carpe, puis du muscle fléchisseur commun superficiel des doigts. Avant de traverser le canal formé par les deux couches musculaires, le nerf médian laisse, à la partie proximale du rond pronateur, quelques rameaux nerveux (environ quatre ou cinq branches nerveuses) qui innerveront l’ensemble du muscle. Artère radiale Chef ulnaire du rond pronateur Artère humérale Chef huméral du rond pronateur Nerf médian Figure 6 : passage du nerf médian entre les 2 chefs du rond pronateur 3. Le muscle fléchisseur radial du carpe A la partie médiale du rond pronateur nous trouvons le fléchisseur radial du carpe ; c’est un muscle fusiforme, s’étendant verticalement à la face antérieure et médiane du segment antébrachial. Ce muscle prend son insertion sur l’épitrochlée humérale en dessous de celle du rond pronateur, elle est confondue avec l’insertion du long palmaire ou celle du fléchisseur commun superficiel (si le long palmaire est à la partie médiale du fléchisseur commun superficiel, et non pas antérieure). Les fibres musculaires sont intriquées et recouvertes d’une aponévrose solide et très adhérente. Le fléchisseur radial du carpe descend verticalement, orienté de dedans en dehors, vers le bord radial de la main. Son tendon solide se forme à partir de la moitié de la longueur de ce muscle, il passe sous le rétinaculum des fléchisseurs et vient s’insérer par ses fibres tendineuses sur la face palmaire du métacarpien du deuxième doigt (l’index). On peut, par une dissection fine, dégager quelques fibres tendineuses s’étendant aux os avoisinants : le troisième métacarpien est notamment concerné par ces expansions tendineuses. Tendon du fléchisseur radial du carpe deuxième métacarpien Extensions tendineuses vers le troisième métacarpien troisième métacarpien Figure 7 : insertion du tendon du fléchisseur radial du carpe sur le deuxième métacarpien L’artère radiale chemine latéralement par rapport aux muscles rond pronateur et fléchisseur radial du carpe. Elle donne des branches artérielles assurant la vascularisation du fléchisseur radial du carpe pour la moitié distale de son corps musculaire (au niveau de la terminaison du rond pronateur). La vascularisation du tiers proximal du muscle est assurée par de petites artères perforantes, destinées au rond pronateur, qui le traversent pour atteindre le fléchisseur radial du carpe. Le tendon du fléchisseur radial du carpe est vascularisé, comme les autres tendons des épitrochléens (à l’exception du rond pronateur), par de minuscules artères visibles de façon intermittente sur la surface des gaines tendineuses recouvrant les tendons. (L’artère la plus caudale sur la figure 8 est la dernière artère, destinée au fléchisseur radial du carpe, naissant de l’artère radiale) Le drainage veineux du muscle fléchisseur radial du carpe est calqué sur le modèle artériel, on retrouve fréquemment deux veines satellites d’une artère. Rameaux vasculaires : artériels et veineux Veines satellites Artère radiale Fléchisseur radial du carpe Rond pronateur Figure 8 : vascularisation du muscle fléchisseur radial du carpe En réséquant l’aponévrose des muscles épitrochléens, nous pouvons artificiellement individualiser les corps musculaires respectifs ; ainsi, nous trouvons des artères traversant le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts afin d’atteindre, par sa face médiale, le fléchisseur radial du carpe. Ces artères proviennent de l’artère interosseuse antérieure, elle-même issue de l’artère radiale. Les veines de la face médiale suivent le même trajet, en sens inverse. Accompagnant les artères, nous découvrons deux ou trois rameaux nerveux, issus du nerf médian. Celui-ci chemine à la face profonde du fléchisseur radial du carpe, oblique vers le dedans, pour devenir médian, à la face profonde du muscle fléchisseur commun superficiel. Nous avons cherché en vain d’éventuels rameaux nerveux plus bas situés, les racines proximales sont seules responsables de l’innervation de ce grand muscle longitudinal. Branches vasculaires : artérielles et veineuses Fléchisseur radial du carpe Rond pronateur Fléchisseur commun superficiel des doigts Rameaux nerveux Figure 9 : innervation et vascularisation médiale du fléchisseur radial du carpe 4. Le muscle fléchisseur commun superficiel des doigts Le fléchisseur commun superficiel des doigts est un muscle large qui s’étend à la partie médiane du segment antébrachial de l’ulna au radius, recouvrant ainsi en partie le muscle fléchisseur commun profond des doigts et le long fléchisseur du pollex (qui recouvrent la membrane interosseuse antébrachiale). Cette grande nappe musculaire, épaisse et puissante, est située en dedans du fléchisseur radial du carpe et en dehors du long palmaire ou du fléchisseur ulnaire du carpe (selon les variations du long palmaire). En effet, dans la plupart des cas, le long palmaire s’insère sur l’épitrochlée juste en avant du fléchisseur commun superficiel des doigts. Dans d’autres situations, il peut s’insérer en dedans du fléchisseur commun superficiel (situation sur la figure 10). Fléchisseur radial du carpe Plan superficiel du muscle fléchisseur commun superficiel Les 4 tendons du fléchisseur superficiel des doigts Artère ulnaire Plan profond du muscle fléchisseur commun superficiel Nerf ulnaire Figure 10 : corps musculaire et tendons du fléchisseur commun superficiel des doigts Fléchisseur ulnaire du carpe La morphologie du corps musculaire subit quelques variations. En effet, dans notre première dissection (membre supérieur féminin), le corps musculaire est divisé en deux ventres : l’un profond destiné aux deuxième et cinquième doigts est une masse rectangulaire dont la division en deux tendons s’effectue à l’union du tiers moyen et du tiers distal du segment antébrachial ; l’autre superficiel lui est superposable, les deux tendons issus de sa division sont destinés aux troisième et quatrième doigts. De plus, la constitution des tendons débute à la division des deux ventres musculaires, ainsi quelques fibres musculaires sont encore présentes au niveau du passage des tendons sous le rétinaculum des fléchisseurs. (Cette disposition s’aperçoit sur la figure 2). En revanche, dans notre deuxième dissection (membre supérieur masculin), le corps musculaire n’est pas digastrique, mais divisé en quatre ventres correspondant à chacun des quatre tendons. Ils sont disposés en deux plans : le plan profond est constitué de deux ventres accolés destinés aux deuxième et cinquième doigts ; le plan superficiel, qui recouvre de chaque côté (latéralement et médialement) les ventres profonds, correspond aux ventres destinés aux troisième et quatrième doigts. Le passage des fibres musculaires aux fibres tendineuses est progressif et débute à la moitié du segment antébrachial ; lors du passage sous le rétinaculum des fléchisseurs, seuls des tendons sont présents. (Cette disposition est celle de la figure 10) L’insertion proximale du fléchisseur commun superficiel des doigts est relativement importante car constituée schématiquement de trois points d’insertion : deux médiaux et un latéral. On distingue ainsi un chef huméro-ulnaire et un chef radial : • Le chef huméro-ulnaire, médial, prend son insertion sur l’épitrochlée humérale en dedans du fléchisseur radial du carpe et en dehors du long palmaire ou du fléchisseur ulnaire du carpe ainsi que sur la partie proximale de l’ulna. (figure 11) • Le chef radial, latéral, s’insère sur toute la moitié proximale et antérieure du radius par des faisceaux musculaires et aponévrotiques formant des arcades dans lesquelles circulent les artères et veines assurant la vascularisation du rond pronateur. Cette insertion est recouverte par le rond pronateur et le fléchisseur radial du carpe. (figure 14) Ces deux chefs sont reliés entre eux par une arcade musculaire, recouverte d’aponévrose, concave vers le haut. Dans cette arcade passent le nerf médian pour aller à la partie profonde du fléchisseur commun superficiel, l’artère ulnaire et les veines ulnaires qui se dirigent vers la partie médiale du segment antébrachial. Fléchisseur radial du carpe Insertion humérale du fléchisseur commun superficiel Veine ulnaire Artère ulnaire Epitrochlée Nerf ulnaire Insertion ulnaire du fléchisseur commun superficiel Artère récurrente ulnaire Long palmaire et fléchisseur ulnaire du carpe Figure 11 : insertion médiale du fléchisseur commun superficiel des doigts Après leurs insertions proximales et leur réunion par l’arcade musculaire, les ventres du muscle fléchisseur commun superficiel des doigts se dirigent verticalement en direction caudale. Nous pouvons observer un changement de disposition des tendons destinés aux quatre derniers doigts. En effet, les ventres musculaires destinés aux doigts les plus éloignés de la ligne médiane (le deuxième et le cinquième) sont les ventres du plan profond donc médians, tandis que les ventres correspondant aux doigts médians (troisième et quatrième) sont les ventres superficiels latéral et médial. Ainsi, à leur naissance, les tendons du fléchisseur commun superficiel des doigts sont disposés de dehors en dedans : tendon du III, tendon du II, tendon du V, tendon du IV. Juste avant ou au niveau du rétinaculum des fléchisseurs, il se produit une inversion : les tendons du III et du IV croisent en avant respectivement ceux du II et du V vers la ligne médiane et se trouvent ainsi disposés selon l’ordre naturel des doigts. Après avoir cheminé dans le rétinaculum des fléchisseurs, les tendons se répartissent : chaque tendon vers le doigt qu’il commande. Ils circulent à la face palmaire et superficielle des doigts recouvrant le tendon du fléchisseur commun profond correspondant. Ils sont encadrés, de chaque côté, par deux rameaux nerveux issus du nerf médian pour le deuxième et le troisième doigts et la partie latérale du quatrième doigt, et issus du nerf ulnaire pour la partie médiale du quatrième doigt et pour le cinquième doigt. L’ensemble des tendons du doigt est recouvert d’une gaine fibreuse, dans laquelle nous pouvons distinguer la poulie métacarpienne, la poulie de la première phalange, la poulie de la deuxième phalange, et des croisillons. (Nous pouvons apercevoir cette gaine fibreuse sur le deuxième doigt de la figure 12). Gaine fibreuse du doigt : poulies et croisillons Tendon du fléchisseur radial du carpe Tendon du fléchisseur commun superficiel destiné au troisième doigt Tendon du fléchisseur commun profond des doigts Phalange moyenne Phalange distale Branches de division du nerf médian Tendons du fléchisseur commun superficiel Figure 12 : insertion distale du fléchisseur commun superficiel des doigts Dans le doigt, le tendon du fléchisseur commun superficiel est superficiel jusqu’à sa division à la face antérieure de la première phalange pour donner deux languettes. Ces deux languettes s’écartent et se positionnent de chaque coté du tendon du fléchisseur commun profond, elles deviennent profondes pour former une gouttière pour le tendon du fléchisseur commun profond. Elles fusionnent par leur bord médial pour former le Chiasma tendinosum Camperi puis s’insèrent à la partie distale de la deuxième phalange du doigt. Chaque tendon superficiel forme donc un anneau, appelé alors tendon perforé, dans lequel passe le tendon correspondant du fléchisseur profond, appelé tendon perforant. Rameaux nerveux (issus du nerf interosseux) Nerf médian Artère interosseuse antérieure, et ses branches Veine interosseuse et ses affluents Fléchisseur radial du carpe Fléchisseur commun profond des doigts Chef radial profond et chef ulnaire du fléchisseur commun superficiel Figure 13 : Vascularisation profonde du fléchisseur commun superficiel des doigts Le fléchisseur commun superficiel des doigts étant une masse musculaire large, à la fois ulnaire et radiale, il reçoit sa vascularisation des trois artères de la face antérieure du segment antébrachial : l’artère radiale et l’artère ulnaire, issues de la division de l’artère humérale, et l’artère interosseuse antérieure, issue de l’artère ulnaire. En effet, l’insertion médiale et les ventres médiaux sont vascularisés par l’artère ulnaire qui chemine à la face profonde des ventres médiaux du fléchisseur commun superficiel. Elle laisse au passage quelques branches destinées au fléchisseur ulnaire du carpe. La disposition veineuse suit le même trajet, la partie médiale du fléchisseur commun superficiel se drainant vers la veine ulnaire. De plus, on remarque que l’insertion médiale de ce muscle est contournée par les artères du cercle artériel péri-articulaire du coude et notamment par l’artère récurrente ulnaire. (voir figure 11) Entre le chef latéral superficiel et les ventres profonds du fléchisseur commun superficiel des doigts, se trouvent l’artère et la veine interosseuses antérieures. L’artère interosseuse antérieure donne de très nombreuses branches médianes qui se distribuent à l’ensemble du muscle et le traversent pour atteindre les zones moins bien vascularisées ; ces branches sont accompagnées d’une ou deux veines satellites. Le pédicule vasculaire interosseux antérieur suit le corps du muscle fléchisseur commun superficiel. La face latérale du muscle fléchisseur commun superficiel reçoit des branches artérielles provenant de l’artère radiale, directement (après la terminaison du rond pronateur) ou via le muscle rond pronateur. Ces quelques branches viennent en complément d’un apport vasculaire déjà important. (voir figure 14) Le fléchisseur commun superficiel des doigts reçoit son innervation par le nerf médian qui, après avoir cheminé entre les deux chefs du rond pronateur, passe à la partie profonde du fléchisseur radial du carpe puis dans l’arcade fibro-musculaire réunissant les deux chefs d’insertion du fléchisseur commun superficiel. Après son passage sous le muscle fléchisseur radial du carpe, le nerf médian laisse quelques rameaux nerveux très proximaux pour l’innervation du fléchisseur commun superficiel. Nous avons retrouvé nerveuses, à la face profonde du fléchisseur commun superficiel, de fines branches issues du nerf médian via le nerf interosseux antébrachial antérieur (que nous n’avons pas clairement identifié à la dissection). Aucune innervation du fléchisseur commun superficiel provenant du nerf ulnaire n’a été retrouvée. Les seules branches proximales et superficielles du nerf ulnaire étaient à destinée du fléchisseur ulnaire du carpe et du fléchisseur commun profond. L’innervation du fléchisseur commun superficiel des doigts est donc, contrairement à celle des autres muscles épitrochléens, une innervation importante, surtout proximale, mais qui existe aussi tout le long du corps musculaire. Fléchisseur radial du carpe Rond pronateur Chef ulnaire du rond pronateur (insertion sur la coronoïde) Branches du nerf médian destinées au fléchisseur commun superficiel Radius Chef radial du fléchisseur commun superficiel Chef ulnaire du fléchisseur commun superficiel Nerf médian Figure 14 : insertion latérale et innervation du fléchisseur commun superficiel des doigts 5. Le muscle long palmaire Le long palmaire, anciennement appelé petit palmaire, est un muscle inconstant et variable, c’est le plus grêle des muscles épitrochléens. On estime qu’il est absent dans environ 10% des cas. Il est variable dans son insertion proximale. En effet, comme nous l’avons déjà explicité, nous lui avons trouvé deux insertions différentes sur trois dissections. Sur la première et la troisième pièces anatomiques, le long palmaire s’insérait proximalement sur l’épitrochlée en dehors du fléchisseur ulnaire, en dedans du fléchisseur radial et à la partie supérieure et antérieure du fléchisseur commun superficiel ; cette disposition semble être la plus courante à la lecture de la plupart des ouvrages anatomiques. Sur la deuxième pièce anatomique (dont sont issues la majorité des photographies, notamment la figure 16), le long palmaire s’insérait entre le fléchisseur ulnaire du carpe en dedans et le fléchisseur commun superficiel des doigts en dehors, avec des fibres ancrées sur le septum intermusculaire (commun avec le fléchisseur superficiel des doigts). Ainsi, tous les muscles épitrochléens étaient quasiment sur un même plan moyen. Après son insertion sur l’épitrochlée, le long palmaire descend verticalement, légèrement orienté vers le dehors ; son corps musculaire est grêle et son tendon se constitue progressivement un peu avant la moitié du segment antébrachial Le tendon du long palmaire est fin et descend à la face palmaire du rétinaculum des fléchisseurs pour s’étaler au niveau du carpe en se continuant avec l’aponévrose palmaire. Là encore nous avons constaté des variations. En effet, dans notre deuxième dissection, le tendon du long palmaire rejoignait celui du fléchisseur ulnaire du carpe pour se confondre avec lui et s’étalait sur l’aponévrose palmaire depuis le bord ulnaire du carpe. Tendon du fléchisseur ulnaire du carpe Un des tendons du fléchisseur commun superficiel des doigts Rétinaculum des fléchisseurs Tendon du long palmaire Tendon du fléchisseur radial du carpe Figure 15 : tendon du long palmaire et aponévrose palmaire (main droite) Muscle court palmaire Aponévrose palmaire Muscle court abducteur du pouce Le long palmaire reçoit une vascularisation et une innervation proportionnelles à son faible calibre. Ainsi, nous n’avons trouvé qu’un seul rameau nerveux issu du nerf médian, ayant traversé le fléchisseur commun superficiel pour atteindre le long palmaire. De même, du point de vue vasculaire, seules quelques branches grêles assurent l’apport artériel et le drainage veineux, elles atteignent aussi le long palmaire par l’intermédiaire du fléchisseur commun superficiel. Branche du nerf médian destinée au long palmaire Corps et tendon grêles du long palmaire Chef ulnaire du fléchisseur commun superficiel Epitrochlée Nerf ulnaire Branches artérielles et veineuses du long palmaire Figure 16 : vascularisation et innervation du corps musculaire du long palmaire Fléchisseur ulnaire du carpe 6. Le muscle fléchisseur ulnaire du carpe Le muscle fléchisseur ulnaire du carpe est le plus médial des épitrochléens. Son insertion est répartie en deux chefs : le chef huméral est constitué par l’insertion du fléchisseur ulnaire du carpe sur le bord médial de l’épitrochlée, tandis que le chef ulnaire est représenté par son insertion sur l’olécrâne, et le bord médial et postérieur de la diaphyse ulnaire proximale. Ces deux chefs sont réunis par une arcade fibreuse, constituée de fibres aponévrotiques qui se continuent en recouvrant le corps musculaire. L’enveloppe aponévrotique antébrachiale adhère au corps musculaire du fléchisseur ulnaire du carpe. Nous devons réséquer aux ciseaux cette enveloppe fibreuse afin de distinguer la morphologie du fléchisseur ulnaire (voir figure 17). La forme de ce muscle est grossièrement rectangulaire, il forme une nappe allongée le long du bord ulnaire du segment antébrachial, et ses fibres musculaires sont dirigées vers le bas et le dehors. Epitrochlée Nerf ulnaire Chef huméral du fléchisseur ulnaire Chef ulnaire du fléchisseur ulnaire Olécrâne Figure 17 : insertion proximale et corps musculaire du fléchisseur ulnaire du carpe Corps du fléchisseur ulnaire du carpe Fléchisseur commun profond des doigts Le tendon du fléchisseur ulnaire du carpe se constitue à partir de son bord latéral, progressivement l’épaisseur musculaire diminue de manière importante tandis que le calibre tendineux augmente faiblement. Lors du passage sous le rétinaculum des fléchisseurs, il y a toujours une majorité de fibres musculaires par rapport aux fibres tendineuses et ce n’est que quelques millimètres avant son insertion sur l’os pisiforme que le tendon est véritablement et uniquement constitué de fibres tendineuses. Depuis son insertion sur le pisiforme, lui-même étant articulé avec le triquetrum, le tendon du fléchisseur ulnaire du carpe envoie des fibres tendineuses vers le rétinaculum des fléchisseurs latéralement ; de plus, nous pouvons éventuellement distinguer des fibres tendineuses se dirigeant vers le cinquième métacarpien. Tendon du fléchisseur radial du carpe Veine ulnaire Nerf ulnaire Tendons du fléchisseur commun superficiel Os pisiforme Tendon du muscle fléchisseur ulnaire du carpe Expansion aponévrotique (vers le rétinaculum des fléchisseurs) du tendon du fléchisseur ulnaire du carpe Fibres tendineuses dirigées vers le cinquième métacarpien Figure 18 : insertion distale du tendon du fléchisseur ulnaire du carpe La vascularisation du fléchisseur ulnaire du carpe est très particulière car presque uniquement proximale et se résumant à une branche artérielle issue de l’artère ulnaire. Cette branche artérielle part depuis le plan profond du fléchisseur commun superficiel, croise en avant le nerf ulnaire, et se dichotomise plusieurs fois (trois fois dans nos observations) avant d’atteindre le fléchisseur ulnaire du carpe. Nous avons retrouvé une branche artérielle distale très fine (visible sur la figure 17). Par ailleurs, le tendon est vascularisé, comme les autres tendons épitrochléens, par de fines artères courant à la surface des gaines tendineuses. Le drainage veineux est calqué sur le modèle artériel, les veines étant satellites des artères. La grande particularité du fléchisseur ulnaire du carpe est son rapport étroit avec le nerf ulnaire. En effet, le nerf ulnaire qui est postérieur au niveau du coude, dans la gouttière épitrochléoolécrânienne (en dedans de l’olécrâne et en dehors de l’épitrochlée) redevient antérieur : il s’insinue entre les deux chefs du fléchisseur ulnaire du carpe. Le corps musculaire du fléchisseur ulnaire barrant la partie médiale de l’avant-bras, le nerf ulnaire vient s’accoler à la face profonde de ce muscle puis chemine à la surface du fléchisseur commun profond en restant protégé par le fléchisseur ulnaire du carpe. Naturellement le nerf ulnaire va abandonner quelques rameaux nerveux destinés à l’innervation du fléchisseur ulnaire. Nous avons trouvé deux branches très proximales (mises en évidence sur la figure 19) et aucune autre branche ne naît par la suite du nerf ulnaire avant son arrivée à la partie distale du segment antébrachial (les branches qu’il donne alors ne concernent pas le fléchisseur ulnaire). Branches artérielles et veineuses du fléchisseur ulnaire du carpe Branche du nerf ulnaire destinée au fléchisseur commun profond Branches du nerf ulnaire destinées au fléchisseur ulnaire du carpe Figure 19 : vascularisation et innervation du fléchisseur ulnaire du carpe Long palmaire Nerf ulnaire Fléchisseur commun profond Fléchisseur ulnaire du carpe III. ANATOMIE FONCTIONNELLE A. Action globale des muscles épitrochléens L’insertion du groupe musculaire des épitrochléens prend son origine sur l’épitrochlée ou épicondyle médial, et selon les muscles, se termine à la face latérale du radius, à la face antérieure du carpe ou à la face antérieure des phalanges. Dès lors, les insertions des muscles et l’orientation des fibres musculaire suggèrent une action globale de flexion de la main sur l’avant-bras et de pronation de la main. B. Action du rond pronateur De part ses insertions sur l’épitrochlée humérale et la coronoïde de l’ulna, sa terminaison sur le bord latéral du radius ainsi que l’orientation de ses fibres musculaires (de haut en bas et de dedans en dehors), nous voyons que le rond pronateur tend à amener le bord latéral de la diaphyse radiale vers l’avant et le dedans et à le rapprocher de l’ulna. Ce mouvement du radius entraîne un croisement antérieur de l’ulna, et donc une rotation du bord latéral de la main en avant et en dedans ; l’action réalisée est la pronation de l’avant-bras. C. Action du fléchisseur radial du carpe Le fléchisseur radial du carpe s’insère sur l’épitrochlée pour se terminer sur le deuxième métacarpien, sa direction est donc vers le bas et le dehors. Il aura donc pour effet une flexion de l’avant-bras avec une abduction, accompagnées d’une légère pronation car il aura tendance à amener le bord radial du carpe vers la ligne médiane par l’avant. D. Action du fléchisseur commun superficiel des doigts Le fléchisseur commun superficiel prend son insertion sur l’épitrochlée, l’ulna et le radius puis barre toute la face antérieure du segment antébrachial jusqu'au passage de ses tendons sous le canal carpien. Ceux-ci cheminent à la face antérieure et superficielle des doigts jusqu’aux phalanges moyennes (des doigts II, III, IV, V) où s’insèrent les deux bandelettes tendineuses issues de la division d’un tendon. Le fléchisseur commun superficiel fléchit la phalange moyenne sur la phalange proximale puis la phalange proximale sur le métacarpien et enfin la main sur l’avant-bras. E. Action du long palmaire Le long palmaire est un muscle grêle, vertical et médian, son tendon s’étale sur l’aponévrose palmaire, sa contraction induira une tension de l’aponévrose palmaire et une flexion de la main. F. Action du fléchisseur ulnaire du carpe L’origine du fléchisseur ulnaire est l’épitrochlée, donc médiale. Il descend verticalement à la face médiale de l’avant-bras pour s’insérer sur l’os pisiforme. L’action du fléchisseur ulnaire du carpe est une flexion de la main sur l’avant-bras avec une adduction. IV. APPLICATIONS CLINIQUES ET CHIRURGICALES Afin d’illustrer notre travail d’anatomie topographique, nous avons choisi quelques exemples de pathologies et de techniques chirurgicales dans lesquels interviennent les muscles épitrochléens. A. Les syndromes des loges du segment antébrachial Les syndromes de loges sont définis par une ischémie d’un groupe musculaire des membres, par compression dans une loge ostéo-aponévrotique inextensible. On distingue trois cadres nosologiques dont le point commun essentiel est l’augmentation de la pression d’un compartiment fermé, perturbant la fonction et/ou la viabilité de ces tissus : le syndrome aigu de loge, le syndrome de loge chronique ou récurrent, et le syndrome de Von Volkmann. La physiopathologie permet d’expliquer ce phénomène qui, selon le contexte, s’explique par une augmentation du contenu (œdème lié à une ischémie locale, hématome dû à un traumatisme, augmentation physiologique du volume lors de l’effort, etc…), et/ou par une diminution du contenant (bandages, plâtres, compressions prolongées…). Le mécanisme du syndrome de loge et ses conséquences auto-entretiennent un cercle vicieux aggravant le tableau clinique. En effet la diminution de la perfusion tissulaire induit une diminution du drainage lymphatique et une souffrance musculaire favorisant l’œdème ; ces phénomènes aggravent l’augmentation de la pression intra-musculaire, responsable de l’ischémie tissulaire… Le syndrome de loge aigu correspond aux symptômes aigus présents lors de l’augmentation pathologique de la pression intra-musculaire ; le mécanisme physiopathologique une fois déclenché est irréversible. Le syndrome de loge chronique ou récurrent est retrouvé lors d’hyper-utilisation de muscles chez certains sportifs (moto, planche à voile…), les manifestations sont temporaires et réversibles à l’arrêt de l’effort. Elles sont dues à un conflit contenu-contenant qui s’explique notamment par l’augmentation du volume musculaire de 20 à 30% lors de l’effort physiologique associé à une absence de phase de récupération et de relâchement permettant d’éviter ces conflits. Le syndrome de Volkmann est l’ensemble des manifestations séquellaires, tardives et ultimes sous la forme d’une rétraction ischémique des loges musculaires de l’avant-bras. L’anatomopathologie permet d’individualiser, dans le cas des syndromes aigus, deux types d’atteintes : les lésions musculaires et les atteintes nerveuses • Le lésions musculaires sont chronologiquement : une réaction inflammatoire aiguë avec un œdème et une dégénérescence du muscle. Puis ces lésions s’aggravent et deviennent définitives au bout de 8 heures ; dans les jours qui suivent, on observe une dégénérescence myofibrillaire installée et enfin une phagocytose par les macrophages et une régénérescence myéloblastique. L’importance des lésions dépend de la sévérité et de la durée de l’ischémie due à une occlusion vasculaire. L’atteinte successive des muscles antébrachiaux débute par le compartiment antérieur profond, le compartiment antérieur superficiel des muscles épitrochléens est secondairement touché, avec une rétraction musculaire et un effet ténodèse sur les fléchisseurs des doigts. • L’atteinte nerveuse est présente très précocement, et se caractérise d’abord par des troubles sensitifs, les lésions des fibres motrices de calibre inférieur sont secondaires. Les lésions histologiques sont proportionnelles à la gravité du syndrome de loge et se présentent sous la forme de dégénérescence wallérienne : œdème endoneuronal, puis démyélinisation segmentaire et perte de la continuité axonale, survient enfin la nécrose cellulaire. La régénération axonale est impossible, elle est empêchée par la prolifération fibreuse endoneuronale et par la compression due à la fibrose musculaire périphérique. Le nerf le plus vulnérable est le nerf médian, suivi de la lésion du nerf ulnaire. L’atteinte est de type paralytique avec une attitude en flexion-pronation du coude, flexion du poignet et des interphalangiennes, pouce adductus et fléchi dans la paume. B. Les ténosynovites des muscles fléchisseurs La ténosynovite est une inflammation d’une gaine synoviale entourant un tendon. Cette gaine est un tunnel fibreux qui permet le glissement des tendons, en diminuant les forces de friction ; elle est aussi responsable de la lubrification et de la nutrition des tendons. La gaine synoviale est fermée à ses deux extrémités, où elle se réfléchit sur le tendon, et constitue ainsi une cavité virtuelle lubrifiée par le liquide synovial. Il existe des gaines digitales pour les trois doigts médians, une gaine digitocarpienne externe entourant le long fléchisseur du pollex et une gaine digitocarpienne interne qui entoure, dans le canal carpien, les tendons fléchisseurs de tous les doigts longs (entre les plans fléchisseurs superficiel et profond), elle s’étend jusqu'à la base de la troisième phalange du cinquième doigt. On distingue plusieurs mécanismes d’inflammation de cette gaine synoviale : le surmenage (dû à une utilisation intensive), l’infection aiguë, l’infection chronique, la surcharge (ou ténosynovite métabolique), l’irritation (frottement d’un tendon fléchisseur sur une épine osseuse irritative) et le doigts à ressaut, avec des formes prolifératives ou sténosantes. Nous pouvons évoquer, par exemple, le mécanisme de la ténosynovite infectieuse aiguë ou phlegmon : une plaie pénétrante ou une infection de voisinage peut être à l’origine de l’infection de la gaine synoviale. L’agent le plus classique est le Staphylococcus aureus ; cependant d’autres germes peuvent provoquer des phlegmons, dans un contexte d’immunodépression (Candida albicans, le gonocoque…), de diabète ou bien à l’occasion d’une morsure par un animal (Pasteurelles). La classification de Michon permet d’individualiser trois stades dans l’évolution de la ténosynovite. Un autre type est celui des ténosynovites de surcharge, dues à une accumulation excessive de substance. Elles sont associées au diabète, à la maladie goutteuse ou encore à la sarcoïdose ; elles se voient aussi dans l’amylose, chez les insuffisants rénaux en hémodialyse, avec des dépôts amyloïdes qui entraînent une inflammation des gaines synoviales. C. La maladie de Dupuytren La maladie de Dupuytren est une fibrose rétractile irréductible de l’aponévrose palmaire de la main avec rétraction et flexion des doigts, perceptions de nodules durs et épaississement de l’aponévrose palmaire moyenne. L’aponévrose palmaire constituée par l’étalement du tendon du long palmaire, est située entre les tendons des fléchisseurs superficiels et la peau. La maladie de Dupuytren bloque les doigts en flexion et entraîne un déficit d’extension. L’étiologie de cette maladie est encore mal déterminée. Des facteurs génétiques, des microtraumatismes professionnels, des affections nerveuses, le diabète ou encore l’alcoolisme sont évoqués. La thérapeutique de la maladie de Dupuytren peut être chirurgicale ou médicale ; le traitement chirurgical consiste en une section des tissus malades, « aponévrectomie » sélective, et la conservation des aponévroses saines recouvrant les tendons des fléchisseurs superficiel et profond des doigts. Le risque de cette intervention est la section des artères et nerfs sensitifs des doigts impliqués dans la trophicité et l’innervation des tendons des fléchisseurs. D. Traitement chirurgical des rétractions en flexion du coude Certains enfants sont atteints d’une rétraction congénitale des avant-bras et des mains en flexion maximale. L’impotence fonctionnelle induite par la flexion à environ 150° est majeure et, pour redonner une fonction au membre supérieur de ces enfants, il est possible de recourir à la chirurgie. En effet, l’intervention consiste à désinsérer l’ensemble fonctionnel et anatomique des muscles épitrochléens pour les insérer artificiellement sur la diaphyse de l’ulna. Ce geste chirurgical diminue ainsi la flexion du coude et du poignet et permet une position du membre supérieur à environ 90° de flexion, correspondant à la position fonction, c'est-à-dire celle permettant la plus grande fonction quand le membre est immobile. E. Le syndrome du canal carpien Le syndrome du canal carpien est une entité clinique en rapport avec une compression du nerf médian au poignet. Cette pathologie est fréquente chez la femme de plus de 50 ans et elle s’exprime par des acroparesthésies nocturnes. Certaines de ses étiologies concernent les muscles épitrochléens : une ténosynovite des fléchisseurs, des anomalies anatomiques musculaires (fléchisseur commun superficiel, fléchisseur radial du carpe) ou encore des causes traumatiques. Le traitement chirurgical consiste en l’ouverture du rétinaculum des fléchisseurs qui peut être associé au nettoyage des gaines tendineuses dans le cas de ténosynovites par exemple. BIBLIOGRAPHIE BLETON R. Les syndromes de loges au membre supérieur. Cahier d’enseignement de la société française de la chirurgie de la main, 1996 ; tome 8, Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS. BOUCHET A. CUILLERET J. Anatomie topographique descriptive et fonctionnelle, 3a- le membre supérieur, 1995. CHEVALIER JM. Anatomie, tome 2 Appareil locomoteur, Médecine-Sciences Flammarion, 1998. DAVID-CHAUSSE J., PICOT C. Le syndrome du canal carpien. EMC Appareil Locomoteur 41609 – 15006 A10 DHEM A. GOUAZE A. Sobotta, atlas d’anatomie humaine ; tome 1, tête, cou et membre supérieur. 4ème édition, Editions Médicales Internationales, 2000. GREEN J.H. SILVER P.H.S Manuel d’anatomie humaine, MASSON, Paris, 1986. KAMINA P. Précis d’anatomie clinique, tome 1, anatomie générale, organogenèse des membres, membre supérieur, membre inférieur. Editions Maloine, 2002 NETTER F.H. Atlas d’anatomie humaine. 2ème édition, ICON learning systems. PELISSIER P. Les ténosynovites des fléchisseurs (à l’exclusion de la polyarthrite rhumatoïde). Cahier d’enseignement de la société française de la chirurgie de la main, 2001 ; tome 13, Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS. ROUVIERE H. DELMAS A. Anatomie humaine descriptive, topographique te fonctionnelle 15ème édition, tome 3, membres. Editions Masson Nous tenons à remercier Monsieur le Professeur ROGEZ pour son attention, sa disponibilité et ses conseils lors de la réalisation de ce travail. Nous remercions Messieurs Stéphane LAGIER et Yvan BLIN pour leur gentillesse et l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée. Nous souhaitons remercier les étudiants avec qui nous avons travaillé au laboratoire pour leur soutien et leur présence ; et parmi eux, Pierre-Henri DACULSI pour le prêt d’une photographie de dissection.