28/09/11 langage, fonction et co(n)texte selon B. Malinowski (Les jardins de corail) • La principale fonction du langage n’est pas d’exprimer la pensée mais au contraire de jouer un rôle pragmatique actif dans le comportement humain … Les mots participent de l’action et sont autant d’actions Bronisław Malinowski (1884-1942) conditions qui rendent la performance d’un acte de parole efficace • L’essence de la magie est dans la formule. Mais celle-ci doit être manipulée par un magicien accrédité au cours d’un cérémonial approprié … Les mots agissent en vertu de leur ancienneté, du fait qu’ils ont été transmis régulièrement au cours d’une filiation magique ininterrompue, qu’ils ont été correctement recueillis par le nouveau magicien auprès de son prédécesseur, et qu’ils sont prononcés par une personne socialement autorisée qui observe en même temps les tabous et les restrictions nécessaires 1 28/09/11 co-texte et contexte • (i) contexte linguistique — Les phrases qui le précède [un énoncé] ou le suivent, mais c’est aussi la famille des termes affins par rapport auxquels les mots se définissent par contiguïté • co-texte syntagmatique et relations paradigmatiques • le paralangage fait également partie du contexte linguistique : gestes, ton de la voix, mimiques (ii) le contexte de la situation • l’ensemble des circonstances immédiates et perceptibles dans lesquelles est produit l’énoncé : • identité de l’énonciateur • identité des interlocuteurs • temps, lieu, etc. 2 28/09/11 (iii) l’entour culturel (« context of cultural reality ») • les réalités physiques et non physiques, outillage, matériel, équipement; mais aussi valeurs, idées, représentations, etc. • toutes réalités auxquelles les énoncés sont liés par association • La formule magique a une phonétique différente. À des très rares exceptions près, elle est toujours psalmodiée. Elle est également différente dans son contexte. C’est à dire, que le comportement du magicien et des personnes présentes n’est pas le même. Elle n’est prononcée qu’au cours d’une cérémonie rituelle complète, de séances d’enseignement, c’est à dire, quand le magicien accrédité transmet son savoir à ses successeurs, et dans les veillées funéraires. En général, les magiciens ne peuvent pas répéter leurs formules lentement, de manière fragmentaire, ou d’un ton ordinaire. Coefficient of weirdness (= degré de l’étrangeté) 3 28/09/11 Les éléments de la communication verbale (Roman Jakobson [1896-1982] “Closing statement: linguistics & poetics”) les fonctions de la communication, associées aux six éléments 4 28/09/11 les six fonctions de l’énoncé • (i) ÉMOTIVE: expression de l’attitude de l’ÉMETTEUR (les pronoms de la 1ère personne; les jurons et exclamations) • (ii) CONATIVE: fonction relative au RÉCEPTEUR, afin de l’influencer ou de le faire agir (impératifs, vocatifs; publicités) • (iii) RÉFÉRENTIELLE: faire référence au CONTEXTE (afin d’informer, de préciser, de dire la vérité). C’était la seule fonction d’intérêt aux philosophes jusqu’au 20e siècle • (iv) MÉTALINGUISTIQUE: discours concernant le CODE (choix de langue ou de registre sociolinguistique; donner des définitions ou des synonymes des expressions) 5 28/09/11 • (v) PHATIQUE: établir, confirmer et maintenir le CONTACT entre l’émetteur et le récepteur. Selon Malinowski, certains rituels de la conversation avaient la fonction d’établir la « communion phatique » entre les interactants: salutations, remarques concernant le temps qu’il fait, etc. « system requirements » pour la conversation [Goffman Forms of Talk, pg 10] • canal à deux sens • signaux de contact (ouverture et fermeture du canal) • signaux de renvoi [feedback] sur la qualité de la transmission • signaux de changement de tour [turnover] • signaux de préemption (interruption, demande de clarification) • signaux d’encadrement [framing] • normes de coopérativité • contraintes et filtres (écoute par non participants; bruit; contact visuel; proxémique) 6 28/09/11 (vi) POÉTIQUE: centrée sur le MESSAGE en tant que forme (ou objet esthétique) la philosophie du langage ordinaire Bertrand Russell (1872-1970) J. L. Austin (1911-1960) Ludwig Wittgenstein (1889-1951) John Searle (1932- ) W. V. O. Quine (1908-2000) Saul Kripke (1940- ) 7 28/09/11 Snow is white. The King of France is bald. • Critique de la philosophie positiviste du langage, qui s’intéressait aux PROPOSITIONS, qui sont « vraies » ou « fausses » (e.g. « la neige est blanche »). • Russell: Quoi faire avec des propositions comme « L’actuel roi de France est chauve », si il n’y a plus de roi de France? How to do things with words: La théorie des actes de parole • Wittgenstein: le langage fait partie de la vie; la signification des expressions est identifiée à leur USAGE dans la vie de tous les jours • J. L. Austin faisait la distinction entre deux types d’énonciations: constatifs (propositions qui sont vraies ou fausses) et performatifs: l’énonciation de la phrase est l'exécution d'une action (Quand dire p.40) J. L. Austin (1911-1960) 8 28/09/11 les performatifs explicites • produire l’énonciation est performer une action: • Je te baptise … • Je te promets (de faire X) • Je vous condamne (à la prison à perpétuité) • Je vous déclare mari et femme • Je t’adoube (chevalier) les performatifs primaires (ou implicites) • énoncés de forme non performative qui ont la fonction performative dans leur contexte d’usage • « Je serai là », ou simplement « oui » comme confirmation d’une promesse • « il fait chaud ici » comme commande implicite d’ouvrir la fenêtre; etc. 9 28/09/11 l’évaluation des performatifs: elles ne sont pas vraies ou fausses, mais plutôt réussies (efficaces) ou échouées (inefficaces) • Nous ne parlons pas d'un faux pari ou d'un faux baptême [...] (p.45) • Nous appelons la doctrine des choses qui peuvent se mal présenter et fonctionner mal, lors de telles énonciations, la doctrine des Échecs [infelicities ]. (p.48) les « conditions de bonheur » (felicity conditions) • les préalables pour qu’un acte de parole soit efficace: • (1) agents/participants autorisés • (2) procédure exécutée correctement et intégralement • (3) les autres conditions établies par la convention sont respectées (instruments, lieu, temps, etc.) 10 28/09/11 un baptême raté: les conditions de bonheur n’ont pas été respectées les trois aspects d’un acte de parole, selon Austin (pg. 28) • LOCUTION: la production de sons … auxquels sont attachés un sens et une référence • ILLOCUTION: acte conventionnel « produit en disant quelque chose », selon les normes partagées par les membres d’un groupe et d’une société • PERLOCUTION : « acte produit par le fait de dire quelque chose »; les conséquences d’un acte de parole (qui ne sont pas nécessairement conventionnelles) 11 28/09/11 la taxonomie d’actes illocutoires de J. Searle • • • • • assertifs (constats, propositions) directifs (commandes, ordres, demandes) commissifs (promesses) expressifs (condoléances, salutations, &c) déclaratifs (performatifs de mariage, baptême, condamnation, &c.) • En fin de compte, selon Austin, TOUT ÉNONCÉ socialement situé a un composant illocutoire. Chaque énoncé est produit (et interprété) selon les conventions d’une société ou d’un groupe comme acte communicatif qui contribue à la construction d’une interaction entre acteurs sociaux. • La distinction entre « constatifs » et « performatifs » n’existe que dans les théories des philosophes. 12 28/09/11 présupposition et transformation • chaque participant dans une interaction présuppose que certaines connaissances et conventions sont partagées par les autres interactants • en même temps, chaque énoncé transforme l’interaction émergente (nouvelle information, évolution de la relation entre les interactants, etc.) Michael Silverstein 13 28/09/11 Microhistoire d’un dialogue • Présupposition: langue, contexte • A. Deux institutionnel et ses normes cheeseburgers, interactionnelles, normes de politesse un café, SVP. • B. 12,50$. • A. Merci! Transformation: initiation d’une interaction, attente de réponse • Présupposition: interprétation du rôle de A (client), des ses objectifs Transformation: réponse et demande en même temps, structurant le prochain tour du client • Présupposition: normes des interactions de service, normes de politesse Transformation: terminaison de l’interaction les zones de connaissances et normes présupposables 14 28/09/11 la sémiotique de C. S. Peirce • système philosophique construit à partir de trois relations fondamentales: « firstness » (priméité), « secondness » (secondéité), « thirdness » (tiercéité) • trois modes de signification: iconique, indexical, symbolique Charles Peirce (1839-1914) 15 28/09/11 les catégories de signes 16 28/09/11 icône, indexe, symbole dans plusieurs instances, deux ou même tous les trois modes sémiotiques sont déployés dans le même signe 17 28/09/11 l’indexicalité • concept basé sur la relation indexicale en sémiologie: relation dyadique de contiguïté, cause-effet (la fumée comme indexe du feu) • l’indexicalité par rapport à la communication: les composants d’un acte communicatif qui indique l’identité du locuteur, les circonstances entourant l’interaction (choix de code ou variété; variables sociolinguistiques; marqueurs de l’âge, sexe, classe, ethnicité du locuteur …) L’interaction du langage et de la vie sociale • trois niveaux d’analyse: • (i) situation de communication — marquée par la présence (ou l’absence) de la parole (cérémonie, repas, chasse, festival …) • (ii) événement de parole — activité caractérisée par des conventions sur l’utilisation de la parole (conversation, discours formel …) • (iii) acte de parole — unité minimale (salutation, blague, invocation, commande …) Dell Hymes 18 28/09/11 grille étique pour la description de situations de communication (S.P.E.A.K.I.N.G.) • • • • • • • • • Setting & Scene (lieu, temps, scène) Participants (locuteurs, interlocuteurs, auditeurs) Ends (objectifs, conséquences) Act sequence (forme, structure, séquence ) Key (« tonalité ») Instrumentalities (canal, registre, style) Norms (normes sociales, conventions) Genres (catégorie d’événement ou d’acte de parole) (équivalent en français): P-A-R-L-A-N-T: participants, actes, raison (résultat), locale, agents (instrumentalités), normes, ton, types (genres) (i) Setting & Scene • Setting = temps, lieu, circonstances physiques entourant un événement • Scène = « cadre culturel ou psychologique » (caractérisation « émique » de la situation): fête d’anniversaire, baptême, jeu de bridge … 19 28/09/11 (ii) Participants • catégories d’interactants: locuteurs, interlocuteurs, auditeurs • types de locuteurs: énonciateur (celui/celle qui parle), source du message, rôle joué par l’énonciateur (p. ex. dans une pièce de théâtre); singulier vs. pluriel, inclusif/exclusif • types d’auditeurs: interlocuteur, auditeurs autorisés / non autorisés / présumés / potentiels (iii) Ends • objectifs de l’acte de parole et ses conséquences • Cp. Austin (« How to do things with words »): les intentions ILLOCUTOIRES et les effets PERLOCUTOIRES 20 28/09/11 (iv) Act sequence • la forme et la structure d’un acte de parole • l’axe syntagmatique • la séquence des composants de l’acte de parole (« morphologie »), et sa place dans l’événement encadrant (« syntaxe ») (v) Key • métaphore musicale: « clé » = « tonalité » à la Goffman • le « ton, manière ou esprit » d’un acte de parole: sérieux, ludique, parodie, répétition, représentation théâtrale, etc. 21 28/09/11 (vi) Instrumentalités • code: choix de langue en contexte bi-/multilingue • style, registre: niveau de formalité, traits stylistiques et sociolinguistiques (littéraire, académique, populaire, indices de classe sociale, …) • canal: oral, écrit; transmission encryptée; langages sifflés, « tambours parlants » • béarnais sifflé (vii) Normes • normes sociales et conventions réglant la performance de(s) locuteur(s) et la participations de(s) auditeur(s) • signaux régulateurs, interventions du « back channel »; normes concernant les chevauchements, interruptions 22 28/09/11 (viii) Genres • catégorie d’événement ou d’acte de parole (selon les conventions de la société): genres littéraires, narratifs, discursifs … • certains genres sont explicitement désignés comme tels par les membres de la société (« poème », « conte de fée », « blague ») 23