LA LOMBALGIE COMMUNE Définition-Epidémiologie-Prévention Diagnostic-Principes thérapeutiques Norbert TEISSEIRE - 20 C Rue Dupetit-Thouars - 49000 ANGERS CHAPITRE 1. 1.1 Généralités. ** Définition. Le terme de lombalgie commune désigne le ressenti de douleurs de la région du bassin et du segment lombaire du rachis. La définition de la LOMBALGIE pour la section "Rachis" de la Société Française de Rhumatologie est la suivante : "douleur lombo-sacrée à hauteur des crêtes iliaques ou plus bas, médiane ou latéralisée, avec possibilité d'irradiation ne dépassant pas le genou, mais avec prédominance de la douleur lombo-sacrée pendant au moins trois mois, quasi quotidienne, sans tendance à l'amélioration". La LOMBALGIE COMMUNE répond a une définition d’ordre étiologique. Elle ne peut être liée à un processus pathologique caractérisé et évolutif d’ordre tumoral, infectieux, inflammatoire, traumatique sévère,dystrophique, pouvant intéresser le rachis lui-même ou des organes voisins (algies rapportées). Elle est habituellement en rapport avec des phénomènes microtraumatiques, ou des troubles posturaux, associés plus ou moins à des phénomènes dégénératifs (intéressant en diverses proportions le disque intervertébral, ou les articulaires postérieures, ou les structures ligamentaires péri vertébrales) et relève d’une façon générale de la souffrance de tout ou partie des constituants du segment mobile. Des facteurs psycho-sociaux peuvent y participer. L’expression clinique peut se faire schématiquement sur le mode aigu ou chronique (cf chapitre de la clinique) ** Epidémiologie. Diverses enquêtes révèlent que 60 à 70 % des français ont souffert ou souffriront d’une lombalgie. Selon une étude du CREDES (1992), le nombre d’épisodes lombalgiques a triplé en France entre 1982 et 1992.L’incidence annuelle des lombalgies se situe entre 5 et 10% de la population générale adulte française. La prise en charge thérapeutique est insuffisament contrôlée. L’obtention d’un consensus est très difficile, ce qui augmente la morbidité des multiples thérapeutiques proposées, et alourdit considérablement la charge financière pour la collectivité, notamment en matière d’examens complémentaires inutiles ou mal utilisés, et de conséquences fâcheuses pour le patient (complications, séquelles éventuelles). La lombalgie serait responsable de 12 millions de journées d’arrêt de travail en maladie et 3,6 millions en AT. Elle est responsable de13% des AT et constitue la troisième cause d’entrée en invalidité. En 1991, 5600 assurés ont bénéficié d’un taux d’IPP moyen de 7,8% (5). ** Facteurs de risque Fondamentaux à individualiser pour mettre en place une prévention de qualité. Dès l’enfance : dépistage des troubles posturaux, en particulier cyphoscoliose, troubles des axes des membres inférieurs, inégalité des membres inférieurs, sports exposant à un haut risque traumatique (judo, gymnastique, sauts,…) Durant toute la vie : qualité de l’alimentation (prévention des carences en calcium et vitamine D), ergonomie au travail (qualité des sièges : enseignement primaire, secondaire, milieu professionnel), variation des activités (sport recommandés en fonction de l’activité professionnelle plus ou moins sédentaire du sujet) Le cas de Maladies Professionnelles : définition MP 98 Les activités sportives ou de loisirs à risque : sports loisirs au long de l’année, conséquences de traumatisme de sports saisonniers (Ski++), bricolage (réfection d’une vieille demeure , heures supplémentaires chez les amis le week-end ….mauvaise utilisation du repos répérateiur du week-end) Facteurs psycho-sociaux : tension neuro-musculaire, troubles du sommeil,… 1.2 Les causes. a- Facteurs héréditaires b- Facteurs traumatiques enfance : chutes (spondylolyses) et leurs conséquences à distance c- Troubles musculo-squelettiques : insuffisance musculature de soutien, rétractions musculaires sous pelviennes (fléchisseurs, ischio-jambiers), voutes plantaires, dystrophies de croissance d- Facteurs professionnels : postures fixes et asymétriques, efforts de soulèvement, travail au froid, +/- tensions d’origine psycho e- Surmenage : activité de loisir ou sport en supplément d’un travail contraignant. 1.3 Symptomatologie -Topographie de la douleur : Barre transversale tout en bas (évoque insuffisance discale), unilatérale (plutôt en faveur dérangement latéralisé dans un segment vertébral) +/- irradiation à la fesse, impression de douleur ascendante (association de DIM étagés : dérangement intervertébraux mineurs), douleurs à la base du thorax (problèmes dorsaux). - Type de la douleur : Brûlure intense (signe irritation de la dure-mère … donc compression à priori discale) , pesanteur, myalgies type courbatures + refroidissement (polyarthrose étagée et forte participation articulaire postérieure), impression d’agacement voire de démangeaison (cellulalgies très installées). - Rythme (heure, impulsivité, rôle des mvts : redressement … L’horaire nocturne, classiquement « inflammatoire », signe en fait dans la lombalgie commune la participation du rachis dorsal inférieur et moyen. L’impulsivité est « discale » : déchirure, protrusion +/- importante, hernie (+/- exclue). Lombalgie de piétinement (insuffisance discale, canal lombaire étroit ..se surajoute alors une fatigabilité dans les membres inférieurs avec l’impérieuse envie de s’asseoir, ou s’accroupir pour forcer la cyphose, d’où soulagement très rapide). Influence des mouvements : 6 grands axes élémentaires d’examen. Intérêt clinique : la recherche d’un secteur libre (3 inflexions libres du schéma de Lesage et Maigne …cf ci-dessous) susceptible de proposer un traitement manuel selon les recommandations de la SOFMMOO (société française de médecine manuelle orthopédique et ostéopathie). Une douleur au redressement (lever d’un fauteuil, relever d’une position penchée en avant) évoque un dysfonctionnement articulaire postérieur (lombaire ou dorsal inférieur) ou une insuffisance discale, surtout si l’on observe à ce moment un mouvement d’évitement latéral (baîonnette). - Signes fonctionnels associés : éveillent attention vers « lombalgies dite symptômatique » Les signes énoncés ci-après doivent rendre très prudents dans la qualification de « lombalgie commune » : - un amaigrissement inexpliquée ou une fatigue anormale - la présence de fièvre - des irradiations douloureuses intenses à distance (membres inférieurs, abdomen, petit bassin) - un syndrôme polyalgique - des troubles sphinctériens - des antécédents de pathologie maligne (K, hémopathies notamment) doivent inciter à éliminer une récidive avant de porter le diagnostic de « lombalgie commune ». - Signes d’examen clinique. LE SCHÉMA EN ÉTOILE de LESAGE et MAIGNE (le patient est exploré de dos : ici la douleur est exacerbée en extension+ rotation gauche, et plus accesoirement en rotation droite) PRESSION CONTRARIÉE DES ÉPINEUSES : INDIQUE LE SENS DU CONFLIT DANS LE SEGMENT VERTÉBRAL LUI-MÊME (ici L3 sur L4 en rotation droite de L3 sur L4). schéma de l’irritation des branches antérieure et postérieure de T12 à la manœuvre du palper rouler recherche des signes cliniques correspondants (manœuvre du pincer-rouler) : ici la branche antérieure recherche des signes cliniques correspondants (manœuvre du pincer-rouler) : ici la branche postérieure. L’examen doit obligatoirement avoir vérifié l’absence de signes neurologiques déficitaires (réflexes ostéo-tendineux notamment), ou irritation du faisceau pyramidal (voie centrale : réflexe cutané plantaire). L’étude des muscles fessiers et sous pelviens est fondamentale pour guider le traitement et mettre en évidence les signes d’entretien (facilitant le passage à la chronicité). - Signes d’examens complémentaires * Radiologie : le bilan standard devant une lombalgie d’allure bénigne comprend un cliché du rachis lombaire face + profil debout incluant les têtes fémorales (incidence dite de De Sèze) et un cliché centré dans le plan du disque lombo-sacré (permettant entre autres de bien apprécier les sacro-iliaques) En cas de douleurs un peu plus basses (fesses cuisses), un cliché du bassin de face est indispensable. Le délai de demande de ces examens est en général de 3 semaines ou davantage. La demande de radiologie plus poussée (scanner, IRM) doit être du domaine du spécialiste. * Biologie : devant la moindre altération de l’état général, ou du caractère anormalement invalidant d’une lombalgie en apparence « commune », un bilan biologique sera demandé, comprenant : VS , NFS-plaquettes, bilan phosphocalcique (PO4-Ca-P.alcalines). Si fièvre ….. un ECBU en complément est indispensable. Pour des examens plus poussés, l’avis du rhumatologue est souhaitable (électrophorèse des protides, Protéinurie, Radiographie pulmonaire, échographie abdomino-pelvienne et vasculaire ) 1.3 Evolution spontanée Le mode d’évolution est déterminant pour l’appréciation du caractère plus ou moins grave de la lombalgie. Une lombalgie aigüe qui ne s’est pas amendée en 1 semaine sous traitement antalgique simple (+/- contention lombaire) est déjà suspecte. En cas d’irradiation à distance (fesses et cuisses) l’on se situe dans le domaine du diagnostic de sciatique, et si ces douleurs sont impulsives à la toux ou la défécation, l’hypothèse d’une hernie discale (ou pour le moins d’une déchirure franche du disque) doit être soulevée sans tarder. Un examen neurologique soigneux (membres et orifices uro-génitaux externes) est la règle. En cas de lésion anatomique caractérisée (d’origine dégénérative le plus souvent), une fois l’épisode aigu passé, le passage à la chronicité est souvent la règle. Il faut toutefois ici faire la différence entre guérison apparente (le patient ne se plaint plus ou peu), et guérison réelle (même cadre mais un examen rhumatologique complet doit affirmer l’absence de signes de souffrance persistante). L’expérience de spécialistes très orientés comme les médecins diplômés en médecine manuelle et ostéopathie, montre que de très nombreux patients en apparence peu invalidés, conservent des contractures rachidiennes ou fessières, ou sous pelviennes autres, et des signes de dérangement étagés (dorsaux et même cervicaux) qui feront le lit de rechutes plus ou moins aigües, et favorisent la dégénérescence accélérée des éléments anatomiques du segment vertébral. C’est tout le problème de la décision, pour le médecin généraliste traitant, du bon moment pour « passer la main » au spécialiste le plus adapté pour prendre en charge son patient, sur un mode curatif immédiat, et sur un mode préventif. 1.4 Complications. Par définition, la lombalgie commune ne se complique pas, si les mesures précédentes ont été prises. Il est permis toutefois de considérer l’éventualité de complications : - spontanées : il ne s’agit pas d’une lombalgie commune, et c’est le profil évolutif atypique qui fera parler de complications : par exemple une cruralgie progressive compliquant une lombalgie à l’occasion d’un anévrysme de l’aorte abdominale ; ou une tumeur rénale ou colique extensive. C’est dire si le diagnostic de lombalgie commune répond à la fois à des règles cliniques rigoureuses, mais surtout à un profil évolutif simple (« non compliqué » précisément). - liées aux traitement : elles sont fréquentes, mais un grand nombre peut et doit être évité. Les prescriptions abusives d’AINS (effets directs : digestifs-rénauxvasculaires-hématologiques ; ou indirects : interactions médicamenteuses++ Les corticoïdes par voie générale : effets directs (digestifspsychiatriques), ou indirects (si prolongés : ostéoporose postcortisonique, ou par interactions médicamenteuses : hypertension artérielle, association à AINS). Les myorelaxants : ils devraient être proscrits dans toute lombalgie commune. La contracture réflexe est une défense, et par essence doit être respectée. La mise au repos des muscles surmenés doit suffire à soulager les algies dues aux contractures excessives. Double ZERO aux prescripteurs de benzodiazepines. La kinésithérapie « à tout va », et surtout de première intention, sans que le caractère commun de la lombalgie ne soit certifié. La posture sur la table du kinésithérapeute est souvent le premier facteur toxique pour un rachis qui souffre (procubitus). Sans parler du facteur dépendance (« çà me fait du bien, mais çà ne dure pas » …. Et surtout ceci finit par coûter cher ….. pour un rendement à démontrer). Les manipulations vertébrales : tout a été dit, et rien n’a été prouvé. Les non manipulateurs pensent qu’elles sont utiles chez le lombalgique aigü ; les manipulateurs pensent et savent que ce sont les lombalgies chroniques qui sont les meilleures répondeuses. En vérité, il faut savoir les utiliser, lorsque l’on découvre des signes de souffrance régionale voire plus à distance, susceptible de faire passer le patient dans une situation de chronicité. La chirurgie : voir chapitre précédent. Les indications concernent le lombalgique chronique exclusivement, et bien souvent les résultats ne sont pas à la hauteur des espoirs… car le passage à la chronicité résulte d’une prise en charge médicale défaillante… donc le problème restera posé en post-opératoire. Se méfier +++ de l’arthrodèse chirurgicale - Liées à la pratique d’examens inutiles : L’errance diagnostique du praticien qui se réfugie derrière une multitude d’examens, traduit un certain désarroi que le patient perçoit très vite ….. « on ne trouve pas la source de mon mal ». La découverte d’images non symptômatiques (hernies discales anciennes parfaitement cicatrisées, hernies intra spongieuses .. parfaitement inoffensives, même si le segment qui en est le siège peut être douloureux). Une interprétation parfois abusive de certains signes radiologiques amenant à proposer une solution interventionnelle trop rapide. Chapitre 2 : Stratégie thérapeutique 2.1 Conseils de prévention. a-Idéalement. Dès l’enfance, des conseils posturaux simples, acquis sous forme de jeux, ou tout simplement dans la cour de l’école avec le professeur, devraient permettre de prévenir au mieux les lombalgies communes. La pratique de certains sports, trop jeunes, conduit plus rapidement à une instabilité du rachis (chute en gymnastique ou sports de combat …. lyses isthmiques, contusions discales, désinsertions d’annulus,…) . La prévention passera par l’acquisition d’une bonne posture, avec des sports en décharge relative ou en traction ( vélo, piscine, grimper de corde….). L’usage de mobiliers stimulant de la musculature axiale de soutien, et ne favorisant pas l’avachissement des haubans para vertébraux et abdominaux (chaises dures, à assise stable, pieds posés au sol, plutôt assis-debout qu’assis bien au fond de son siège…..). b-Dans la pratique habituelle. Une fois la période douloureuse passée, et le retour aux activités quotidiennes normales, toutes les mesures du précédent chapitre restent valables. Toutefois chez l’adulte au travail, l’on pourra être amené à conseiller une limitation du port de charge (1/3 du poids du corps sans ceinture), ou l’aide intermittente d’une ceinture de contention (d’autant plus efficace qu’utilisée à l’effort, et qui permet ainsi un authentique renforcement de la musculature et non pas l’inverse comme l’on entend trop souvent dire ). Le meilleur conseil restant la pratique régulière d’une activité physique, allant de la marche quotidienne (1 H au moins) , à la pratique du vélo (2 fois 1H à 1 H 30 par semaine) , la musculation « douce » associée à la natation,….. 2.2 Mesures non médicamenteuses - Mobilier de travail : voir ci-dessus - véhicules de transport : privilégier une assise haute -contentions : L’étiologie principale des lombalgies dites communes est représentée par des dysfonctionnements du segment vertébral, réversible, et en l’absence de lésions anatomiques sévères (traumatiques, ou tumorales, ou infectieuses notamment). Dans ces conditions, l’on peut parler d’instabilité transitoire intervertébrale, et tout ce qui concourt à l’amélioration de la stabilité concourt à la résolution du problème. En ce sens, l’usage d’une contention semi-rigide est un élément essentiel du traitement à la phase précoce. L’usage de ceinture de contention à double réglage est préférable.Parmi les modèles bien acceptés, citons la lombacross activity, la lombostrap Axmed. Signalons que si la hauteur habituelle est de 26 cms, l’on peut obtenir des hauteurs de 32 cms, en particulier chez des sujets de plus grande taille. Par ailleurs, l’intérêt de ce type de ceinture est qu’après avoir positionné globalement la ceinture (« bord à bord » peut-on dire), l’on dispose de deux bandes latérales (avec passe-main), permettant de compléter beaucoup plus fortement le serrage au moment d’un effort plus intense (notamment port de charge). L’intérêt, même si aucune étude statistiquement significative n’a été réalisée sur le sujet, est que la ceinture permet d’augmenter la charge abdominale (caisson antérieur) de façon significative, et par ailleurs elle diminue indiscutablement les mouvements latéraux (particulièrement nocifs pour le disque intervertébral). - Médecine manuelle et ostéopathie (MMO). La plupart des publications concernant médecine manuelle et ostéopathie dans la lombalgie commune, sont d’origine anglo-saxonne, et ces études sont particulièrement imprécises sur les syndrômes cliniques rencontrés. Ceci explique les résultats extrêmement divergents, et très souvent opposés, car les auteurs des travaux étudient sous un même générique des processus physiopathologiques très différents. L’école française, sous l’impulsion de Robert MAIGNE dès le milieu des années 60, a essayé d’individualiser divers tableaux, afin de mieux poser les indications des techniques manuelles au sens large, et des manipulations vertébrales (MV) plus spécifiquement. Schématiquement, l’on peut distinguer dans les syndrômes aigus les bonnes indications (résultat favorable dès la première ou au maximum en deux séances de MV) correspondant à des atteintes discales mineures ou des syndrômes articulaires postérieurs, et les mauvaises indications (connotation clinique discale aigüe avec important syndrôme rachidien et notamment en cyphose, mauvais résultat ou récidive très rapide après deux MV). Mais il faut savoir que le MMO dispose de toute une panoplie de techniques et notamment musculaires, permettant d’obtenir des résultats favorables sans MV, au moins au départ dans la phase très aigüe où le patient est très tendu et moins « conciliant ». Quand proposer au patient le recours au MMO ? Inutile par principe durant les 4-5 premiers jours, puisque la résolution est le plus souvent spontanément favorable. Lorsque s’installe un syndrôme rachidien tenace, malgré des prescriptions médicamenteuses correctes, c’est-à-dire à partir du 8-10° jour par exemple, l’indication de principe d’une intervention manuelle doit se discuter……. auprès d’un praticien titulaire d’un Diplôme Inter Universitaire de MMO. - gymnastique médicale ou pas : n’y a-t-il pas une seule gymnastique ? La prescription d’une gymnastique dirigée par un MK peut avoir des indications, en cas de rétractions musculaires étagées (ischio-jambiers , psoas, carré des lombes, masses para vertébrales) au moins pour rendre plus réalisables des exercices d’auto-entretien de la souplesse musculaire et en bonne connaissance de soi. Ceci implique que le patient, après quelques séances « assistées » dispose d’un programme personnel (enseigné par le MK) à effectuer quotidiennement (15’ suffisent le plus souvent)…. C’est un point faible de la chaîne de soins concernant les rachialgies dans notre pays. 2.3 Traitements médicamenteux disponibles à l'officine 2.3.1 Drogues de première intention : ANTALGIQUES de PALIER I. a- Objectif : l’évolution habituelle de la lombalgie commune, notamment des premiers épisodes, réputée simple avec résolution de l’accès sur quelques jours (< 1 semaine), et très souvent sans traitement, impose un recours à des antalgiques de palier I mais à bonnes doses (Paracétamol 3-4 g ou Aspirine 2 à 3 g) b- Efficacité : constante, mais comme il s’agit souvent de la conséquence d’un dysfonctionnement, c’est le règlement de ce dernier qui résoudra totalement le problème..... donc ne pas laisser espérer que les drogues doivent résoudre tout … c’est cette vision idyllique qui pousse certains praticiens à proposer des antalgiques majeurs : ceci est une faute, le rapport bénéfice-risque étant très faible. La non-efficacité des antalgiques de palier 1, ne doit pas induire à priori de passer à des drogues plus « incisives » sans remettre en cause le diagnostic de « lombalgie commune ». c- Risque : très modeste. Quelles sont les contre-indications : Absolues : les allergies authentiques au paracétamol, ou autres molécules (floctafenine), les syndrôme de Widal (aspirine) Relatives : allaitement (hors paracetamol et sans abuser), hépatopathies, associations à certains bétabloquants d- critères de choix : une pathologie bénigne, rapidement résolutive en général, n’implique pas le recours à des drogues autres qu’antalgiques de palier 1. L’enquête sur les allergies est incontournable. Ainsi que le récapitulatif des drogues associées. e- conseils associés : Avertir le patients des signes d’alerte d’une intolérance et avant tout le prurit, malaise général, et fièvre. Une hydratation correcte s’impose (1500 ml par jour). f- Posologie. - paracetamol : 3 à 4 grammes par jour jusqu’à 1 semaine. Si besoin au-delà revoir le diagnostic - Floctafenine : 3 par jour, bien boire, attention aux insuffisants cardiaques, insuffisants rénaux, et patients sous diurétiques. Ne pas hésiter à contacter le médecin traitant. 2.3.2 Drogues de seconde intention. : AINS, infiltrations, antalgiques majeurs….. A- Anti-inflammatoires non stéroïdiens. a- Objectif : éviter le développement d’une réaction inflammatoire trop intense, susceptible d’irriter les racines rachidiennes et de faire basculer le patient au stade de lombo-sciatique. Par ailleurs toujours avoir en tête qu’une lombalgie commune n’est pas forcément la conséquence d’un banal dysfonctionnement mécanique, mais peut designer la phase initiale d’une poussée de lombarthrose, dont il est toujours difficile de prévoir la durée. b- Efficacité : doit être quasi immédiate : dans les 24 heures, à doses suffisantes bien entendu. L’inefficacité d’un AINS après 4-5 jours, doit faire remettre en question l’indication, et envisager à priori, si cela est possible le recours à un traitement local plus incisif (infiltration) … donc le recours au spécialiste (rhumatologue au premier rang) c- Risque : l’on traite ici sur des durées courtes en principe : les effets secondaires sont donc classés en fonction du risque de survenue par ordre décroissant *allergies : syndrômes généraux, ou respiratoires (O. de Quincke, asthme) *digestifs : antécédents de gastrite, mais surtout ulcère gastro-duodénal, RGO, diverticulite sigmoïdienne. Au moindre doute associer les anti-acides ou anti-sécrétoires. * rénaux : négligeables sur cures < 10 jours. Se méfier d’une infection urinaire associée, car effets très délétères des AINS, et l’infection urinaire fait mal à la région lombaire….. enquêter sur dysurie ou pollakiurie, et fièvre. *vasculaires : poussée d’HTA : si régime peu salé, sur courtes périodes quasiment pas de risque. Attention aux cardiopathies congestives (regarder les jambes du patient : oedèmes…) *hématologiques : hors réaction immuno-allergique ; pas de risque sur courtes périodes. d- critères de choix : âge x antécédents pathologiques x thérapeutiques associées AGE :Au-delà de 65 ans , privilégier systématiquement les demivies courtes. Pour les pouvoirs publics, la lombalgie commune échappe désormais au cadre de prescription des Oxicams. GROSSESSE : pas d’AINS (risque placentaire, risques directs sur embryon ATCD PATHOLOGIQUES: Essentiellement digestifs, hématologiques, rénaux, cardiovasculaires. Deux facteurs doivent être pris en compte : la demi-vie du produit, et la durée présumée du traitement. Plus le patient est « à risque », plus la demi-vie sera courte , et plus on discutera le recours aux traitements locaux (infiltrations). THERAPEUTIQUES ASSOCIEES : - Anticoagulants : risque majeur : implique si besoin impératif…petites doses de produits à ½ vie courte et surveillance tous les deux jours de plaquettes et INR. - Lithium : attention chez patients psychiatrique mal stabilisés : c’est une contre indication assez forte. - Corticoïdes : même considérations que ci-dessus. L’association de corticoïdes et AINS augmente considérablement le risque de perforation digestive et d’autant plus que le sujet est âgé. Globalement bannir ce type d’association après 70 ans. CONSIDERATIONS PHARMACOLOGIQUES : Les grands classiques : Diclofenac, Ketoprofene, naproxene, dans l’ordre des ½ vies croissantes (écarts de 1 à 7 entre diclofenac et Naproxene tout de même). Problème des dérivés à libération prolongée (à ne pas privilégier, au début en tout cas dans ce type d’indication). Problème des anti cox 2 : Celecoxib en pratique ( problème de l’efficacité réelle à 200 mg par jour). Peut être considéré comme molécule de référence chez le sujet âgé. Nabumetone : demi-vie longue , mais tolérance rénale réputée excellente. Molécule intéressante avant 65-70 ans. Nimesulide : bonne tolérance rénale également. Même problème que le précédent. e- modalités de mise en route du traitement : Au mieux drogues à libération « immédiate », et demi-vies aussi courtes que possible : meilleur moyen pour le patient d’adapter la prise médicamenteuse au profil évolutif de sa lombalgie. Quand les prescrire ? Lorsque les antalgiques de palier I à bonnes doses n’ont pas permis de soulager correctement le patient en 4-5 jours. Conserver les antalgiques, ce qui va permettre d’apprécier l’apport des AINS. En toute logique dès les premières 48 H, le niveau de consommation des antalgiques doit avoir diminuer sensiblement (> 50%). Posologie : pour les classiques : 150 mg de Diclofenac en l’absence de contre indication relative, 150 à 200 mg de Ketoprofene, 1 g de Naproxene. Pour les autres : ne plus conseiller d’emblée les Oxicams (recommandations récentes ) ; Celecoxib (200 mg) , Nabumetone (2 G en 2 prises et on module dès que possible à la baisse grâce à l’apport du dosage à 500 mg), Nimesulide (2 x 100mg) Prise aux repas ; pour mémoire meilleure disponibilité de la Nabumétone avec apport lacté. Quand les arrêter : en cas d’inefficacité au-delà de 10 jours ….. reconsidérer le diagnostic …passer la main au spécialiste B- Infiltrations Principes d’ indication : lombalgie rebelle (> 10 jours), avec syndrôme rachidien bien caractérisé (en cyphose + inclinaison latérale), et ne répondant pas à la prescription concommitante d’antalgiques et AINS. Qui doit la réaliser : dans le contexte actuel le rhumatologue est le mieux placé. La voie para vertébrale (donc extra rachidienne) est la voie habituelle …..au contact des articulaires postérieures. On associe en général quelques cc de xylocaïne à 1%. La dose de corticoïdes doit être suffisante : la référence est le flacon d’hydrocortancyl 125 mg. Résultat : l’absence totale d’effet à 5 jours, sans interdire de renouveler le geste fait poser la question soit du niveau d’injection, soit du site (intra rachidien : épidurale par exemple). Quoiqu’il en soit l’on se situe alors à la limite de la lombalgie dite commune, et plus vraisemblablement dans le cadre de la fissure discale avérée voire de la hernie discale. Effets secondaires : en général indolore ou presque. Pas de réaction douloureuse secondaire. Rares effets indésirables à type de flush cutané (rougeur du visage sans hyperthermie, de déclenchement retardé de quelques heures, spontanément résolutif en 24 à 48 heures) ; ces effets ne préjugent pas de l’effet thérapeutique. L’absence de résultat après 2 infiltrations imposent le recours à des explorations complémentaires. C- Antalgiques majeurs. Pas d’indication de principe dans la lombalgie commune. Malheureusement les antalgiques majeurs sont quelque peu galvaudés, d’où plus d’effets secondaires que de bénéfices ….. les caisses ont, à ce niveau un rôle d’information , à reprendre en main. Toutefois, en cas d’effet insuffisant mais constant des antalgiques palier I, la prescription de courte durée de Tramadol peut être indiquée, ou de dérivés codéinés (mais chez des sujets n’utilisant pas de véhicule de transport). Ne pas dépasser à notre avis 1 semaine : au-delà l’on est hors du cadre de la lombalgie commune. 2.3.3 Drogues à éviter : MYORELAXANTS Pourquoi ? Parce-que les myorelaxants « centraux » lèvent le tonus de posture, donc un mécanisme de défense. Donc les diazepines sont systématiquement à proscrire (à titre de comparaison, l’effet est encore plus délétère dans les syndômes de névralgies cervico-brachiales). Concernant les myorelaxants à effets « périphériques » (Thiocolchicoside), les réserver à la rigueur le soir au coucher, et sous couvert de lombostat. Avertir le patient des effets secondaires digestifs : tendance diarrhéique. Quand les proposer néanmoins (thiocolchicoside) En fin de phase aigûe, lorsque le syndrôme rachidien est levé : le patient n’a plus d’attitude antalgique, souffre moins, ne présente pas de radiculalgie (sciatique, cruralgie), mais plutôt une raideur marquée au lever qui tend à céder dans la journée, mais reste désagréable. Egalement en complément d’une kinésithérapie douce, si elle a été prescrite, mais ces myorelaxants ne devront pas être délivrés au-delà de deux à 3 semaines de traitement. Chapitre 3 : Patients à risques 3.1 En raison d’une pathologie associé : déminéralisation Ce chapitre n’est pas étudié dans la littérature mondiale. C’est pourquoi le SOFMMOO (Société Française de Médecine Manuelle Orthopédique et Ostéopathique) lance cette année une étude, dont les premiers éléments seront développés au cours du Congrès annuel d’Olivet à la fin du mois de Mai 2008, avec préparation de la publication de Recommandations officielles qui seront exposées au cours du Congrès de la SOFMMOO en 2009. D’ores et déjà, et en regard du problème évident du vieillissement général de la population, il est nécessaire de considérer que tout(e) patient(e) âgé de plus de 60 ans, présentant une lombalgie d’allure commune, et d’autant qu’elle est inaugurale de l’histoire lombaire de ce patient, doit faire l’objet d’une enquête diagnostique particulièrement soigneuse, et qu’aucun geste manuel ne doit être proposé sans contrôle radiographique préalable. ….. l’avis du spécialiste s’impose. 3.2 En raison de traitements déjà instaurés et au long cours Corticoïdes : même raisonnement que précédemment, à la réserve qu’il n’y a ici aucune borne d’âge, surtout si la corticothérapie (cumulée au cours de la vie du patient) est relativement importante. Patients vasculaires : le risque principal, comme l’on a vu largement plus haut, est le risque médicamenteux (problèmes de rétention hydro-sodée, insuffisance rénale fonctionnelle, prise d’anticoagulants). Mais il faut tenir compte de l’expression non rare sous forme de lombalgies de complications particulièrement graves si elles sont ignorées (Anévrysme aortique abdominal, hématome péri ou intrarachidien à l’occasion de traumatismes même mineurs, syndrôme ischémique viscéral profond à projection lombaire). Patients suivis pour hémopathies : l’on suspectera de principe une poussée évolutive de la maladie devant tout réveil d’une lombalgie, même en cas de contexte « mécanique » évocateur d’un dysfonctionnement banal. Ces patients, après la phase d’évolution spontanée des 4-5 premiers jours,et si une escalade thérapeutique médicamenteuse se profile, doivent faire l’objet d’un bilan radiographique et biologique, particulièrement soigneux. L’on doit rapprocher de ce cadre, les patients se plaignant de lombalgies , dans les suites d’un cancer à tendance ostéophiles (prostate chez l’homme, sein chez la femme, poumon dans les deux sexes, entre autres). 3.3 En fonction d’un contexte particulier. Essentiellement dans des suites traumatiques. Ceci est du domaine du diagnostic de spécialité (rhumatologue) et sans être exhaustif, nous citerons des fractures d’apophyse transverse (accident de la chute latérale banale sur l’accoudoir), des fractures costo-vertébrales postérieure de la charnière thoracique basse, des hématomes musculaires para lombaires,etc… Glossaire Anti-inflammatoires non stéroïdiens : anti-inflammatoires non cortisoniques. Arthrodèse chirurgicale : fixation de deux vertèbres, en règle générale par du matériel d’ostéosynthèse (plaques) ; le but est d’interdire le jeu intervertébral qui est responsable, dans certains cas, de douleurs insolubles par les moyens médicaux. Cyphoscoliose : le rachis est très arrondi sur le segment thoracique, et cambré sur le segment lombaire, et d’autre part il est vrillé en spirale ( expliquant la position plus haute d’une épaule : les « bossus » sont des cypho-scoliotiques) Demi-vie : temps de disparition de l’organisme, de la moitié du produit absorbé. Diplôme interuniversitaire de MMO : 16 CHU délivrent ce diplôme en France , reconnu par le Conseil National de l’Ordre des Médecins. Dure-mére : membrane très résistante entourant le système nerveux central, dont la moëlle épinière et ses émergences radiculaires ( les racines quittent le canal rachidien, par les trous de conjugaison, et ne sont plus recouvertes de tissu méningé à ce niveau). Des signes de souffrance de la dure-mère signalent donc au médecin qu’un processus pathologique se déroule à l’intérieur du canal rachidien. Dystrophique : anomalie de la constitution, qui modifie la trophicité normale d’un tissu, souvent liée à des troubles de nutrition. Dysurie : difficulté à uriner (le malade est obligé de pousser anormalement, et le jet est irrégulier) Etiologique : défini par une cause précise. Hépatopathies : maladies du foie insuffisance hépatique, hépatite chronique, cirrhose … Ischio-jambiers : muscles très puissants de la face postérieure des cuisses (fléchissent le genou ). Ostéophiles : ayant tendance à métastaser préférentiellement vers le tissu osseux. Psoas-iliaque : muscle très puissant , partant du côté de la colonne lombaire et se terminant à la partie interne de la hanche (très haut dans la cuisse et en-dedans) : rôle de fléchisseur et rotateur de hanche, donc stabilisateur du bassin, mais également rôle important de freination de la chute antéro-latérale du tronc. Manipulation vertébrale : art de mobiliser une vertèbre par rapport à sa vertèbre voisine (sus ou sous-jacente), au-delà du jeu physiologique habituel, mais en-deçà du jeu anatomique (sinon il s’agit d’une luxation), et grâce à une impulsion brève et appliquée avec une grande précision sur certains reliefs anatomiques. Ostéoporose post-cortisonique : raréfaction et amincissement des travées osseuses, sous l’effet de divers facteurs, dont la cortisone à doses supra physiologiques. Il est admis qu’un traitement de plus de trois mois à plus de 7,5 mg de prednisone par jour nécessite un traitement protecteur (notamment par Bisphosphonates ). Le nombre de patients susceptibles de bénéficier de telles mesures thérapeutiques est donc très sous-évalué. Pollakiurie : mictions multiples, et de faibles volumes, signant le plus souvent une infections urinaires basses. Spondylolyse : fracture de l’arc postérieur des vertèbres, ou non soudure avant la fin de la croissance osseuse, souvent en relation avec des traumatismes de la petite enfance : très fréquent à une époque chez les petits japonais (judo). Vitamine D : générique répondant à plusieurs composants ; en pratique le cholécalciférol (noyau cholestérol) ou vitamine D3 est fabriqué par la peau sous l’influence des rayons ultraviolets). Grande richesse dans les huilles de foie de poisson de mer (flétan,…) Bibliographie 1-Borgès Da Silva Ge, Borgès Da Silva Gi (2000) Recherche d’un consensus sur la prise en charge des lombalgies et des lombo-sciatiques communes, à partir d’une revue de la littérature mondiale - Communication au congrès de l’Union européenne de médecine d’assurance et de sécurité sociale (Gand - Belgique - Avril 2000) 2- Maigne Robert- Diagnostic et traitements des douleurs communes d’origine rachidienne, une nouvelle approche- Expansion scientifique française, 1989-Robert Laffont 1995. 3-Dictionnaire VIDAL-2008. 4-Recommandations de la SOFMMOO : www.sofmmoo.com 5- CMAJ-Aug.5, 2003 ; 169(3). Utilisation des ceintures lombaires pour prévenir la lombalgie professionnelle. Recommandations officielles du groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs. 6-J’ai une lombalgie. Que dois-je faire ? www.mediosteo.fr (Questions-Réponses)