L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 6 mai 2013 Ce document est paginé en vue d’une impression recto verso. L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Version du 6 mai 2013 © 2013 – APCHQ F00250A-004 130506-APCHQ-doc-orientation-milieux-naturels-v02.indd Mandat réalisé par CIMA+ pour le compte de l’APCHQ. L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 6 mai 2013 Table des matières 0 | Sommaire exécutif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 1 | Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2 | Mise en contexte et cadre législatif. . . . . . . . . . . . . . 5 3 | Analyse comparative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 4 | Constats et enjeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 5 | Orientations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 6 | Crédits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 i L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 0 | Sommaire exécutif Les milieux naturels sensibles constituent un patrimoine écologique d’une grande importance pour le Québec et l’APCHQ reconnaît les bénéfices environnementaux, sociaux et économiques associés à ces derniers. Depuis une trentaine d’années un cadre législatif a été mis en place en vue de favoriser la protection et la conservation des milieux humides, des cours d’eau et des ensembles forestiers d’intérêt. Récemment, le législateur a réaffirmé le pouvoir du ministre du Développement durable, de l’Environnement, et des Parcs (MDDEP) d’exiger des mesures compensatoires lors de la réalisation de travaux dans les milieux humides. Selon la pratique, les mesures compensatoires sont exigées par la direction régionale du MDDEP. Ces mesures sont constituées de dons de terrains ou de réalisations d’aménagements permettant que les interventions effectuées dans un milieu humide soient, globalement, à un coût nul pour l’environnement. Toutefois, depuis quelques années, certaines villes profitent de l’imprécision issue de l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales indiquant que les municipalités détiennent une compétence en matière d’environnement pour mettre en place des mesures dommageable pour l’industrie de la construction résidentielle, et globalement peu profitables pour la qualité des écosystèmes. Ainsi, des municipalités comme Laval ou Gatineau ont mis sur pied leurs propres régimes municipaux de compensation, et ce malgré que la récente Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique ne leur confère par expressément ce pouvoir. De plus, la Ville de Laval a implanté une mécanique permettant aux promoteur de compenser les interventions dans les milieux humides par le versement d’un don monétaire à un Fonds vert municipal. S’additionnant à des mesures de compensation « en terre » déjà exigées par le MDDEP, cette pratique suscite l’intérêt du monde municipal et plusieurs villes tentent d’implanter une approche similaire. Afin de permettre la mise en place d’un cadre efficient d’approbation des projets de développement résidentiels, l’APCHQ recommande : 1)Que le gouvernement clarifie la portée de la compétence municipale en matière d’environnement et favorise la mise en place d’un cadre uniforme à l’ensemble du territoire québécois. 2) Que les mesures de compensation soient encadrées par le gouvernement et que les doubles compensations soient prohibées. 3) Que les municipalités et le MDDEP collaborent afin de mettre en place une approche par guichet unique sur l’ensemble du territoire. 4) Qu’un dispositif d’arbitrage soit mis en place pour faciliter le règlement des litiges portant sur la protection des milieux naturels. 6 mai 2013 1 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 1 | Introduction Depuis une trentaine d’années, la protection des milieux naturels sensibles (milieux humides, cours d’eaux et plaines inondables, boisés d’intérêt écologique) est devenue un enjeu majeur en matière de planification urbaine et de gestion durable de l’urbanisation. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs du développement urbain reconnaissent la pertinence d’assurer la protection de ces éléments écologiques, ces derniers constituant des composantes essentielles d’un milieu de vie de qualité et respectueux de l’environnement. Parallèlement à cette prise de conscience et afin d’assurer la pérennité des milieux naturels sensibles, les autorités gouvernementales et municipales ont adopté un cadre législatif et des règlements de plus en plus restrictifs, notamment depuis le début des années 2000. Au niveau du gouvernement du Québec, le Ministère des affaires municipales, des régions et de l’occupation du territoire (MAMROT), ainsi que le Ministère du développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP) interviennent directement dans la gestion et la protection des milieux naturels sensibles. À ce titre, les pouvoirs du MDDEP ont été élargis au cours des années 2000 et le gouvernement a développé une expertise approfondie en matière de gestion des milieux naturels sensibles par l’embauche de nombreux professionnels. Au niveau municipal, le cadre législatif actuel permet aux villes d’intervenir à certains égards en matière de protection des milieux naturels sensibles par l’entremise du schéma d’aménagement et de développement, du plan d’urbanisme et de la règlementation municipale. À ce titre, la Loi sur les compétences municipales précise que les municipalités du Québec ont le « pouvoir d’intervenir en matière d’environnement ». Toutefois, la portée ou l’objet de de cette compétence n’est pas clairement définie à la loi. Sur la base de ce pouvoir, au cours des dernières années, certaines municipalités ont adopté des règlementations à orientation environnementale, parfois plus restrictives que les exigences fixées par le MDDEP. En contrepartie, d’autres municipalités ont quant à elles volontairement fait le choix de ne pas intervenir dans ce domaine qui est déjà régi sur une base nationale par le MDDEP. La rareté de terrains vacants et constructibles dans les secteurs centraux des municipalités fait en sorte que de nombreux développements résidentiels sont réalisés en périphérie des territoires urbanisée. Ces environnements sont fréquemment caractérisés par la présence de zones boisées, de milieux humides et de cours d’eau. L’industrie de la construction résidentielle est donc fortement concernée par les exigences relatives à la protection des milieux naturels sensibles et à ce titre, l’APCHQ souhaitent contribuer positivement à la réflexion à l’égard de cet enjeu majeur pour le développement futur de nos collectivités. Dans le cadre actuel, la multiplication des règlements de protection des milieux naturels sensibles, le dédoublement des acteurs responsables de leurs application, ainsi que la forte variabilité des exigences créent des conditions qui ne sont optimales pour la croissance de l’industrie de la construction résidentielle, et plus largement pour le développement du Québec. La multiplication des intervenants fait en sorte de complexifier les processus d’analyse et d’approbation des projets, 6 mai 2013 3 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles alors que la forte variabilité des exigences municipales en matière de protection des milieux naturels sensibles crée quant à elle des iniquités entre les territoires. Dans ce contexte, il est pertinent de réfléchir aux moyens utilisés afin de règlementer les interventions affectant les éléments écologiques, et d’évaluer l’impact concret de ces moyens sur le dynamisme de l’industrie de la construction résidentielle. 4 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 2 | Mise en contexte et cadre législatif Tel que mentionné précédemment, la protection et la préservation des milieux naturels sensibles (secteurs boisés, milieux humides, cours d’eau) est graduellement devenue, depuis une trentaine d’années, un enjeu incontournable en matière de développement urbain, principalement dans les territoires en périphérie du centre des villes. L’évolution des connaissances scientifiques a permis de mieux comprendre la complexité des écosystèmes et l’équilibre précaire sur lequel ceux-ci reposent. Des notions scientifiques telles celles de bassin versant, de corridor écologique, et de biodiversité, ont enrichi notre lecture des territoires et notre compréhension des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux attribuables aux milieux naturels sensibles (régulation des phénomènes naturels, filtration de l’eau et de l’air, biodiversité, production des ressources naturelles et fauniques, opportunités de récréation et de sport, activités scientifiques, qualité des paysages, etc.). Par ailleurs, la généralisation du concept de « développement durable » à titre de cadre de référence pour l’aménagement de nos collectivités a aussi contribué à une sensibilité nouvelle quant à l’impact du développement et des activités humaines sur l’environnement. Depuis le milieu du 20ème siècle, la croissance urbaine rapide des villes du Québec a accentué la pression sur les milieux naturels. Dans plusieurs villes, de nouveaux secteurs urbains se sont développés au détriment de secteurs boisés ou des milieux humides, mettant ainsi en péril la survie de certaines espèces fauniques ou végétales. En réponse à cette situation de dégradation accélérée des milieux naturels sensibles, le gouvernement du Québec a effectué à partir du milieu des années 1970 de nombreuses modifications au cadre législatif afin d’augmenter la portée des pouvoirs publics en matière de protection environnementale. Cadre normatif gouvernemental Certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), adoptée en 1972 et modifiée à plusieurs reprises depuis, balisent les pouvoirs du gouvernement du Québec à l’égard de la protection des milieux naturels sensibles, dont les milieux humides, les cours d’eau et les milieux riverains. D’abord, en vertu de l’article 32 de la LQE, tout travaux d’extension des réseaux d’infrastructures urbaines (égout et aqueduc) nécessite l’obtention d’une autorisation du MDDEP. Cet article fait en sorte que tout projet de développement résidentiel desservi par les infrastructures urbaines est aujourd’hui assujetti à la réalisation au préalable d’une étude de caractérisation environnementale qui identifie, entre autre, les milieux humides et les éléments d’intérêt écologiques présents sur un site. La prise en considération de l’importance des milieux humides a quant à elle été reconnue en 1993 lors de l’entrée en vigueur du 2ème alinéa de l’article 22 de la LQE alors que le gouvernement s’est accordé un droit de regard sur toutes les interventions réalisées dans ces milieux. Le législateur cherchait alors à protéger 6 mai 2013 5 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles l’équilibre écologique de ces écosystèmes, sur l’ensemble du territoire québécois, en les soumettant à un régime spécifique d’autorisation. Ce second alinéa de l’article 22 précise que : « (…) quiconque érige ou modifie une construction, exécute des travaux ou des ouvrages, entreprend l’exploitation d’une industrie quelconque, l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé industriel ou augmente la production d’un bien ou d’un service dans un cours d’eau à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un certificat d’autorisation » Dans le cadre de l’analyse d’une de demande de certificat d’autorisation, le MDDEP a depuis le pouvoir d’exiger du requérant tout renseignement, toute recherche ou toute étude supplémentaire dont il estime avoir besoin pour connaître les conséquences du projet sur l’environnement, et ainsi juger de son acceptabilité. Sur la base des informations disponibles et aux fins de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, le ministère analyse un projet afin d’évaluer s’il est acceptable au regard de la préservation de la qualité de l’environnement. Jusqu’en 2005, aucun cadre normé précis ne régulait formellement le processus d’autorisation des projets touchant en tout ou en partie à un milieu humide. Entre 2005 et 2006, un moratoire complet a été décrété par le MDDEP à l’égard de toutes activités touchant les tourbières, les étangs, les marais et les marécages, afin de permettre l’élaboration d’une procédure claire d’évaluation. Cette procédure a finalement été mise en place en 2007, sous la forme du Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, un règlement administratif qui définit les règles concernant la présentation d’une demande d’autorisation en vertu de la loi et qui précise les soustractions applicables. 6 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles L’application du règlement a fait en sorte que le MDDEP a commencé à exiger des mesures de compensation lorsque les projets touchent à certains milieux humides de taille et d’intérêt significatif. Concrètement, cette approche d’évaluation prévoit une catégorisation des milieux humides en trois « situations » selon la taille du milieu affecté et, pour chacune d’elles, une démarche d’évaluation et des principes spécifiques de compensation (voir tableau ci-contre). Situation 1 *BTSL et PLSJ Situation 2 Ailleurs au Québec Superficie du milieu humide inférieure à 0,5 hectare; Superficie du milieu humide inférieure à 1 hectare; et et Absence de liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; Absence de liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; et et Absence d’espaces menacées ou vulnérables désignées. Absence d’espèces menacées ou vulnérables désignées. *BTSL et PLSJ humide entre 0,5 et 5 hectares; et Absence de liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; et Absence d’espèces menacées ou vulnérables désignées. Situation 3 Ailleurs au Québec *BTSL et PLSJ Ailleurs au Québec Superficie du milieu humide entre 1 et 10 hectares; Superficie du milieu humide supérieure à 5 hectares; Superficie du milieu humide supérieure à 10 hectares; et ou ou Absence de liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; Liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; Liens hydrologiques avec un cours d’eau/lac; ou ou Présence d’espèces menacées ou vulnérables désignées; Présence d’espèces menacées ou vulnérables désignées; ou ou Tourbière. Tourbière. et Absence d’espèces menacées ou vulnérables désignées. La direction régionale délivre l’autorisation sur la base de la déclaration signée par un professionnel spécialisé dans le domaine de l’écologie ou de la biologie attestant que les conditions énoncées sont remplies. La direction régionale délivre l’autorisation en appliquant un processus d’analyse basé en fonction de la séquence d’atténuation « éviter et minimiser ». * BTSL = Basses terres du Saint-Laurent PLSJ = Plaine du lac Saint-Jean À noter : Après avoir reçu l’approbation des autorités du Ministère, la direction régionale délivre l’autorisation en appliquant le processus d’analyse basé sur la séquence d’atténuation « éviter et minimiser ». Ce processus d’autorisation repose sur une évaluation globale et territoriale du projet. Si le projet ne correspond pas aux critères de la situation 1 ou de la situation 2, il est régi par le processus de la situation 3. Tous les projets localisés dans les tourbières ombrotrophes ou minérotrophes sont analysés en vertu de la situation 3. Les liens hydrologiques considérés sont des liens de surface. Une espèce floristique ou faunique menacée ou vulnérable désignée est : • une espèce protégée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (L.R.Q., c. E-12.01); • et identifiée dans le Règlement sur les espèces floristiques menacées ou vulnérables et leurs habitats (E12.01, r.0.4) ou dans le Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats (E-12.01, r.0.2.3). Selon le règlement adopté en 2007, les mesures de compensation exigées lorsque des milieux de catégories 2 et 3 sont touchés peuvent comprendre : • la restauration d’un milieu humide existant; • la création d’un milieu humide semblable à celui détruit; • la protection d’un autre milieu humide (par exemple, en le cédant à un organisme de protection ou un corps public); • la protection d’un milieu naturel terrestre. 6 mai 2013 7 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Toutefois, le Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement de 2007 ne précisait pas la portée des mesures de compensation exigibles, ce qui a fait en sorte que, entre 2007 et 2012, les différentes directions régionales l’ont appliqué de manières diverses d’une région à l’autre, et parfois d’un analyste à l’autre. Par exemple, dans certains cas, les superficies exigées en compensation équivalaient à une fois la superficie du milieu humide détruit, alors que dans d’autres cas, on pouvait exiger jusqu’à trois fois sa superficie. Le caractère arbitraire de cette approche et, surtout, l’absence d’accises légales firent en sorte que de nombreux acteurs ont contesté juridiquement la validité des compensations exigées. Suite à l’invalidation de cette approche par les tribunaux en mars 2012, le gouvernement du Québec a adopté, en mai de la même année, le projet de loi 71 qui a établit un cadre législatif temporaire permettant au MDDEP de continuer à exiger des mesures compensatoires dans le cadre de projets de développement affectant des milieux humides et devant obtenir une autorisation en vertu de l’article 22 de la loi sur la qualité de l’environnement. La loi adoptée en mai 2012 prévoit que l’article réglementaire autorisant le MDDEP à exiger des mesures compensatoires cessera d’avoir effet le 24 avril 2015, dans la mesure où une nouvelle loi prévoyant des règles concernant la conservation et la gestion durable des milieux humides et hydriques est, d’ici-là, adoptée. C’est donc dire que le ministère procède actuellement à la préparation d’un nouveau cadre législatif visant à encadrer les certificats d’autorisation pour des projets réalisés dans les milieux naturels sensibles. À l’égard des rives et des plaines inondables, en vertu de l’article 2.1 de la LQE, le MDDEP a adopté une Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables qui définit les principaux paramètres encadrant les constructions et les aménagements à l’intérieur des bandes riveraines des cours d’eaux et des plaines inondables de récurrence 0-20 ans et 20-100 ans. Notamment, à l’égard des travaux réalisés dans la plaine, l’article 4.1 de la Politique prévoit que : « Toutes les constructions, tous les ouvrages et tous les travaux qui sont susceptibles de modifier le régime hydrique, de nuire à la libre circulation des eaux en période de crue, de perturber les habitats fauniques ou floristiques ou de mettre en péril la sécurité des personnes et des biens, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable. Ce contrôle préalable devrait être réalisé dans le cadre de la délivrance de permis ou d’autres formes d’autorisation, par les autorités municipales ou par le gouvernement, ses ministères ou organismes, selon leurs compétences respectives. Les autorisations préalables qui seront accordées par les autorités municipales et gouvernementales prendront en considération le cadre d’intervention prévu par les mesures relatives aux plaines inondables et veilleront à protéger l’intégrité du milieu ainsi qu’à maintenir la libre circulation des eaux ». 8 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Par ailleurs, l’article 6.1 de la politique (mise en œuvre) prévoit que, conformément aux schémas d’aménagement et de développement et aux documents complémentaires des communautés métropolitaines et des MRC qui intègrent les objectifs et dispositions de la politique, les municipalités locales doivent adopter des règlements permettant la mise en œuvre des principes de la politique, et voient à leur application, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Plus clairement, c’est donc dire que les municipalités locales sont responsables de l’application « au quotidien » de la politique, et ce par l’entremise de leurs règlements et leur pouvoir d’autorisation de projets de développement. Conformément à la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, les municipalités locales doivent interdire toutes les constructions, tous les ouvrages et tous les travaux (sauf certaines exceptions) dans la plaine inondable de récurrence 0-20. En plaine inondable de récurrence 20-100 ans, les travaux sont permis mais les fondations doivent être immunisées. Par ailleurs, il est à noter que le préambule de la Politique indique que celle-ci constitue un cadre normatif minimal. À ce titre le gouvernement « n’exclut pas la possibilité pour les différentes autorités gouvernementales et municipales concernées, dans le cadre de leurs compétences respectives, d’adopter des mesures de protection supplémentaires pour répondre à des situations particulières ». C’est donc dire que le gouvernement permet que certaines municipalités aient un cadre plus restrictif à l’égard de la protection du littoral, des rives et de la plaine inondable, lorsque cela répond à un contexte particulier. Cadre normatif municipal La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, adoptée en 1979 par le gouvernement du Québec dresse un cadre général qui confère certains pouvoirs aux MRC et aux municipalités locales en matière de protection des milieux naturels sensibles. Tout d’abord, les MRC doivent identifier, à leur schéma d’aménagement et de développement les zones à protéger en raison d’un intérêt écologique (boisés d’intérêts, milieux humides, etc.), ainsi que les zones soumises à des contraintes particulières de sécurité (dont les plaines inondables). Les schémas d’aménagement et de développement se doivent d’être en conformité avec l’ensemble des lois, politiques et orientations gouvernementales, dont notamment la LQE, et la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Des paramètres réglementaires sont intégrés aux documents complémentaires des schémas d’aménagement et de développement, ces derniers faisant ensuite office de normes minimales que doit intégrer le plan d’urbanisme et les règlements d’urbanisme de la municipalité locale. Par ailleurs, la Loi sur les compétences municipales (LCM) identifie que « l’environnement » constitue un champs de compétence à l’égard duquel les municipalités sont habilitées à intervenir (article 4 de la LCM). Les municipalités ont donc le pouvoir d’adopter des règlements leur permettant d’intervenir dans ce 6 mai 2013 9 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles domaine. Toutefois, bien que la LAU précise certaines interventions municipales (le zonage, le contrôle de l’abatage des arbres, le contrôle de l’excavation du sol et des travaux de déblais dans certains territoires), la portée définitive des pouvoir municipaux en matière d’environnement demeure floue et permet l’adoption de règlements dont la nature et la portée différe largement d’un territoire à l’autre. À titre d’exemple, certaines municipalités adoptent des normes de compensation pour les milieux humides qui sont plus exigeantes que celles adoptées par le MDDEP. D’autres exigent quant à elles que les développeurs paient des compensations monétaires pour des interventions affectant des milieux humides, en addition aux mesures compensatoires déjà exigées par le MDDEP. Depuis quelques années, sur la base de l’article 4 de la LCM, les municipalités ont multiplié les intervention en vue de règlementer les interventions affectant les milieux naturels sensibles. Cette tendance lourde a partiellement été reconnue par les tribunaux puisque des décisions récentes marquent de plus en plus ce rôle de « fiduciaire de l’environnement » qui incombe aux administrations publiques municipales. Notamment, dans la décision Corporation municipale du Canton de Hatley c. Développement Bacon’s Bay inc. le défendeur prétendait que la municipalité ne pouvait protéger intégralement les milieux humides sous tenure privée sis sur son territoire sans expropriation puisqu’une telle disposition est imprécise, constitue de l’expropriation illégale et déguisée, et va au-delà des compétences municipales en matière de règlementation. Dans sa décision, le juge a rappelé que l’alinéa 12 de l’article 113 de la LAU permet à une municipalité d’adopter un règlement de zonage permettant de régir ou restreindre, par zone, l’excavation du sol, le déplacement d’humus, la plantation et l’abattage d’arbres et tous travaux de déblai ou de remblai. Il était aussi souligné qu’une municipalité peut également protéger de la même façon des milieux boisés et que cela ne constitue pas nécessairement de l’expropriation déguisée. Par ailleurs, dans une décision portant sur la validité de dispositions réglementaires municipales régissant l’abatage d’arbres (9034-8822 Québec inc. c. Ville de Sutton), la Cour supérieure a affirme qu’un règlement municipal de portée « environnementale » doit être interprété à travers le prisme de la Loi sur le développement durable, adoptée en 2006. Les municipalités agiront donc de plus en plus afin de protéger les milieux naturels sensibles et le législateur reconnaît le rôle de ce palier administratif à cet effet. Toutefois, l’imprécision quant aux limites des pouvoirs municipaux liés à la compétence des villes en matière d’environnement fait en sorte qu’une grande variété de pratiques existent et cela illustre un manque de constance dans la façon dont sont protégés les milieux naturels sensibles sur le territoire québécois. De plus, certaines pratiques que nous illustreront dans notre analyse de cas municipaux semblent s’éloigner d’un objectif louable de protection de l’environnement et s’assimilent davantage à des questions de fiscalité municipale. 10 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Reconnaissant la pertinence de conserver et de protéger les milieux naturels sensibles, l’industrie de la construction résidentielle est préoccupée du faible encadrement législatif associé à l’exercice de la compétence municipale en matière d’environnement. À l’heure actuelle, les limites de l’action municipale en ce qui a trait à la protection des milieux naturels sensibles sont définie au cas par cas, lors de décisions des tribunaux. Ce faisant les approches règlementaires sont variées, ce qui crée des inégalités dans les marchés régionaux et joue en bout de compte sur l’accessibilité et l’abordabilité résidentielle. Afin de dresser un portrait des différentes pratiques en matière de réglementation des intervention dans les milieux naturels sensibles, nous examinerons les approches règlementaires adoptées par cinq grandes villes québécoise : Sherbrooke, Gatineau, Laval, Trois-Rivières et Québec. 6 mai 2013 11 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 3 | Analyse comparative Les municipalités du Québec peuvent intervenir à l’égard de la protection des milieux naturels sensibles à différents niveaux : plan d’urbanisme, règlement de zonage, règlement de contrôle intérimaire (dans le cas des villes-MRC), règlement sur les ententes sur relatives aux travaux municipaux, etc.). Ce pouvoir a été reconnu par la jurisprudence. Toutefois, les approches d’encadrement normatif utilisées par les villes pour assurer la protection des milieux naturels d’intérêts dans le cadre d’un développement résidentiels sont variables et font état d’un encadrement flou de la part du gouvernement. Afin d’illustrer cette situation, nous avons examiné les cadres réglementaires applicables pour cinq municipalités québécoises. 6 mai 2013 13 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ville de Sherbrooke En matière de protection des milieux humides, la Ville de Sherbrooke exige uniquement l’obtention des autorisations gouvernementales comme condition préalable à l’émission des permis de construction. Ainsi, conformément à la loi et aux pratiques du MDDEP, un projet nécessitant l’obtention d’un certificat d’autorisation est évalué par la direction régionale du MDDEP et est appelé à fournir des mesures compensatoires déterminées par cette dernière. Suite à l’analyse de la direction régionale et suite au dépôt du certificat d’autorisation par le développeur, la Ville peut ensuite procéder à l’approbation du projet. À l’heure actuelle, l’action municipale est limitée au cadre défini par le gouvernement et les développeurs résidentiels actifs sur le territoire de Sherbrooke font affaire uniquement avec le MDDEP lors d’interventions affectant les milieux humides et ne font pas face à des exigences municipales supplémentaires. Toutefois, dans le cadre de nos discussions avec les fonctionnaires responsables de l’urbanisme, il a été fait état que la Ville est en discussion avec le ministère afin que les mesures compensatoires exigées s’arriment davantage avec les objectifs municipaux d’aménagement du territoire (notamment en ce qui a trait à la planification des parcs et espaces verts, aux espaces de protection, aux équipements de rétention, etc.). 14 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Suite à l’adoption de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables par le gouvernement du Québec, la Ville de Sherbrooke a adopté un règlement de contrôle intérimaire visant, entre autres, à régir les constructions et les aménagements réalisés dans les zones visées par la politique. De manière générale, à l’égard des bandes riveraines, le RCI No. 218 prescrit des normes reprenant globalement celles de la Politique gouvernementale (bande riveraine de 10 ou 15 mètres selon la pente, interdiction de construction dans la bande riveraine à certaines exceptions près, encadrement plus strict des aménagements, etc.). La Ville de Sherbrooke n’est donc pas plus exigeante que le MDDEP en matière de protection des rives. Il en est de même pour les normes applicables aux constructions et aménagements réalisés à l’intérieur de la plaine inondable (0-20 ans et 20-100 ans). Les dispositions minimales prescrites par la politique gouvernementale sont directement reprises par la Ville de Sherbrooke dans un règlement qui n’est pas plus restrictif que celui du gouvernement. Le cadre règlementaire défini par le gouvernement est donc directement appliqué par la Ville de Sherbrooke qui ne prévoit pas, à court terme, d’augmenter ses exigences en la matière. Au terme de l’exercice de révision du schéma d’aménagement (en cours de réalisation) les dispositions du RCI devraient être intégrées intégralement au règlement de zonage de Sherbrooke. En ce qui a trait à la protection des milieux boisés, la Ville de Sherbrooke régit actuellement l’abattage d’arbre en vertu des dispositions du règlement de contrôle intérimaire No. 2000-100, adopté en 2001. Ce règlement interdit l’abattage d’arbres selon certaines conditions, pour des terrains situés à l’extérieur du périmètre urbain. À l’intérieur du périmètre urbain, les règlements de zonage des différents arrondissements encadrent la coupe d’arbre dans les zones boisées nonspécifiquement identifiées comme étant d’un intérêt écologique particulier. 6 mai 2013 15 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ville de Laval Interventionniste en matière d’environnement, la Ville de Laval a adopté en novembre 2009 la Politique de conservation et de mise en valeur des milieux naturel d’intérêt. Visant à protéger et mettre en valeur le patrimoine écologique de la municipalité, cette politique a eu un impact direct sur le processus de développement des projets résidentiels, notamment par la mise en place d’un cadre local venant dédoubler les mesures de contrôle et de protection déjà appliquées par le MDDEP. La mise en œuvre de la politique municipale s’est effectuée en deux volets, d’abord par l’adaptation des règlements d’urbanisme, et dans un second temps par l’application de mesures de compensations. En ce qui a trait à la réglementation d’urbanisme relative à la protection des milieux humides et des cours d’eau, le cadre mis en place par Laval est plus restrictif que celui de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables du gouvernement du Québec. Notamment, les dispositions du règlement de zonage L-2000 prévoient que tous les travaux dans la plaine inondable de récurrence 20-100 ans sont prohibés, et ce malgré la possibilité technique d’immuniser les fondations des constructions (comme le permet la politique provinciale). Ce faisant, une zone non-constructible de 15 mètres se situant à partir de la ligne des hautes eaux vers l’intérieur des terres est effective sur l’ensemble du territoire, nonobstant l’existence de techniques de construction permettant d’éviter l’inondation des bâtiments et 16 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles qui sont aptes à minimiser l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. À l’échelle de grands projets domiciliaires, cette perte nette de 15 mètres de terrain peut grandement affecter la rentabilité immobilière. Au niveau de la compensation environnementale, la Ville de Laval a mis en place un programme visant les cours d’eau et la totalité des milieux humides qui repose sur le principe « d’aucune perte nette écologique ». Dans les faits, tout empiètement dans un cours d’eau ou un milieu humide, quel que soit sa situation en vertu de la grille d’analyse du MDDEP, doit être compensé afin de « s’assurer à plus ou moins long terme qu’il n’y ait aucune perte écologique sur le territoire lavallois ». Ce faisant, contrairement à une pratique administrative appliquée jusqu’au 1er janvier dernier par le ministère, la Ville de Laval oblige les promoteurs à compenser des interventions réalisées dans les milieux humides d’une superficie de moins de 0,5 hectare. Par ailleurs, bien que le programme de compensation environnementale de la Ville de Laval prévoit qu’un projet puisse être compensé par divers aménagements environnementaux, la municipalité favorise que les compensations soient constituées de dons monétaires au Fonds vert lavallois. municipalité « favorise grandement » que les compensations soient constituées de dons monétaires au Fonds vert lavallois. Les montants de compensations devant être versés au Fonds vert sont calculés par l’entremise d’une formule identifiée au règlement L-10485 concernant les ententes relatives à des travaux municipaux. Notamment, pour les compensation de milieux humides de situation 1 (superficie de moins de 0,5 hectare), le don doit équivaloir à 10$ par mètre carré de superficie. Pour les milieux humides de situation 2 ou 3 (plus de 0,5 hectare) ou pour les cours d’eau, le montant du don doit équivaloir à 30 $ par m2. Toutefois, comme le rappelle la Politique de conservation et de mise en valeur des milieux naturels d’intérêt, « l’existence du programme de compensation environnementale de la Ville de Laval ne soustrait pas les projets à l’application de l’article 22 de la LQE ». Conséquemment, la Ville de Laval reconnaît que les développeurs devront, en plus des compensations exigées par la municipalité, assurer la procédure de demande de certificat d’autorisation provincial et que cela peut impliquer la réalisation d’une compensation environnementale, si exigée par le MDDEP. À ce titre, la récente Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique prévoit que le ministre peut exiger d’un demandeur de certificat d’autorisation des mesures de compensation visant notamment la restauration, la création, la protection ou la valorisation écologique d’un milieu humide, hydrique ou terrestre. Selon notre interprétation, la notion de compensation est donc rattachée à de la « terre », et non à des dons monétaires. Ce faisant, considérant l’application simultanée du régime de compensation de la Ville de Laval et celui du MDDEP, un promoteur résidentiel pourrait être obligé de faire un don monétaire d’un côté, tout en aménageant des terrains écologiques 6 mai 2013 17 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles de l’autre. Une telle situation permet de questionner les intentions réelles de la municipalité et soulève de nombreuses questions quant à la multiplication des charges attribuables aux développeurs. Dans le cas de Laval, la contribution au Fonds vert à titre de compensation pour un empiètement dans un milieu humide ou un cours d’eau s’ajoute à la compensation monétaire exigée lors d’une demande de permis de construction pour le Programme de compensation des gaz à effet de serre. Cette multiplication des taxes dites « environnementales », combinée à une multiplication des frais directs (parcs, etc.) est extrêmement négative pour la santé de l’industrie de la construction domiciliaire et affecte directement l’accessibilité résidentielle des ménages. 18 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ville de Gatineau À l’instar de la Ville de Laval, la Ville de Gatineau a adopté en 2011 le Règlement de contrôle intérimaire (RCI) prohibant toute construction sur des terrains comportant un milieu humide sans une caractérisation préalable de la part d’un expert et d’une compensation de terrain (règlement numéro 511-6-2011). Selon le préambule de ce règlement, en considération de l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales (qui confère aux municipalités locales une compétence en matière d’environnement), la Ville de Gatineau « dispose de tous les pouvoirs pour intervenir en matière d’environnement ». Les dispositions du RCI ont été intégrées au Premier projet de schéma d’aménagement et de développement révisé de la municipalité adopté à l’hiver 2013 et devraient donc être enchâssées dans le règlement de zonage suite à son adoption définitive (prévue pour le début de 2014). De façon plus précise, certains éléments du règlement de contrôle intérimaire soulèvent des questions. Notamment, la section terminologique du règlement fait état du concept de « milieu humide présumé ». Un lieu humide présumé est constitué non-seulement du milieu humide, mais aussi d’une bande supplémentaire d’une largeur minimale de quinze mètre s’additionnant au territoire normalement visé. Ne faisant pas partie formellement de l’aire compensée, l’existence de cette bande supplémentaire peut signifier des centaines ou des milliers de mètres carrés de superficie pour un projet majeur. 6 mai 2013 19 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Aux dispositions normatives du règlement, il est par ailleurs précisé qu’une intervention planifiée sur un terrain comportant un milieu humide présumé ne peut être autorisée à la condition qu’un plan d’implantation préparé par un professionnel compétent soit déposé à l’appui d’une demande de permis. Le plan d’implantation doit attester que l’intervention proposée est située à l’extérieur des limites du milieu humide présumé, donc à l’extérieur de la bande supplémentaire de quinze mètres. Si un promoteur souhaite intervenir dans le milieu humide présumé, une seconde expertise réalisée par un expert en biologie est requise en appui à la demande de permis. Dans un tel cas, si l’expertise démontre que le milieu humide est affecté en tout ou en partie, la partie touchée doit être compensée par un autre milieu humide selon les termes suivants : • Perte de superficie d’un milieu humide de situation 1 (moins de 0,5 hectare) : Compensation par un milieu naturel d’intérêt équivalente à la superficie perdue. • Perte de superficie d’un milieu humide de situation 2 (0,5 à 5 hectares) : Compensation par un milieu humide de situation 2 ou 3 à 2 fois la superficie perdue. • Perte de superficie d’un milieu humide de situation 3 (plus de 5 hectares) : Compensation par un milieu humide de situation 3 à 3 fois la superficie perdue. Alors que le MDDEP ne précise pas les niveaux de compensation acceptables et se fie plutôt au bon jugement de ses professionnels qui savent analyser les demandes au cas par cas en fonction des caractéristiques écologiques d’un lieu, la Ville de Gatineau préfère quant à elle imposer des règles simplistes de multiplicateur des superficies perdues. Par cette pratique, les caractéristiques écologiques fines associées à un milieu ne sont pas prises en considération par la Ville de Gatineau dans l’établissement de ce qui constitue une juste compensation. Finalement, il est à souligner que dans le cadre de nos discussions, nous avons été informé que la Ville de Gatineau explore la possibilité de mettre en place un régime de compensation par dons monétaires (comme à Laval), ce qui risquerait de mettre en place une double approche de compensation environnementale (à la fois au municipal et au provincial). 20 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ville de Québec En ce qui a trait à la protection des milieux naturels sensibles, la Ville de Québec dispose d’une cartographie détaillée des milieux humides et des éléments hydrographiques sur son territoire. Toutefois, plutôt que de dédoubler les mesures de contrôle et de compensation, la municipalité a décidé de ne pas mettre en place son propre régime réglementaire pour la plus grande partie de son territoire (à l’exception de la périphérie nord). Ainsi, tel que le prévoit la loi, la municipalité a identifié de règles de construction à proximité des cours d’eau, mais les prescriptions reposent essentiellement sur les éléments identifiés au cadre juridique provincial. Toutefois, pour des secteurs situés dans le nord de la ville, dans les bassins versant des prises d’eau municipales, la Communauté métropolitaine de Québec (à la demande de la Ville de Québec) a adopté en 2010 un règlement de contrôle intérimaire visant à restreindre l’impact du développement urbain sur la qualité de l’eau potable municipale (provenant principalement du lac Saint-Charles). Sous des considérations de sécurité publique, le RCI de la Communauté métropolitaine précise les conditions devant être remplies par les citoyens et les entreprises pour effectuer divers travaux à l’intérieur des bassins versants concernés. Le règlement prévoit entre autres les conditions à respecter pour toute construction située dans une plaine inondable, une rive, un littoral, un milieu humide ou un secteur de forte 6 mai 2013 21 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles pente. Des normes particulières, notamment applicables à l’abattage d’arbres en milieu résidentiel ou relatives à des opérations forestières de nature commerciale, sont également spécifiées. Applicable aux municipalités locales (Québec, Stoneham, Boischatel, Sainte-Brigittede-Laval, etc.), le règlement oblige ces dernières à appliquer de nouvelles normes plus restrictives lors de l’évaluation des projets de développement. Notamment, les projets domiciliaires situés dans le territoire d’application du RCI doivent obligatoirement être branchés au réseau d’égout et doivent disposer d’un jardin permettant de gérer in-situ les eaux pluviales, les rues doivent être minimalement à une distance de 75 mètres d’un cours d’eau ou d’un lac, et d’importantes surfaces arbustives doivent être conservées. Parallèlement, la superficie des aires de stationnement est fortement contrôlée et la construction dans les pentes est régie de façon très serrée. Les normes mises en place par le RCI ont largement complexifié le processus de planification des projets domiciliaires dans la périphérie nord de Québec. Dorénavant, un promoteur doit compter sur une armée de conseillers techniques afin de mener à terme un projet de développement et cette réalité a un impact direct sur l’accessibilité et l’abordabilité résidentielle. Toutefois, contrairement aux actions des villes de Laval et Gatineau, les mesures misent en place par la Ville de Québec respectent l’esprit de la loi et ne tendent pas à dédoubler un contrôle déjà effectué par le MDDEP. Par ailleurs, l’objectif environnemental est clair et ne relève pas de considérations d’inspiration fiscale. 22 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ville de Trois-Rivières Très active et reconnue en matière de développement durable, la Ville de TroisRivières a adopté diverses politiques et stratégies annonçant ses intentions en la matière. Notamment la municipalité dispose d’une Politique du patrimoine forestier et paysager, d’une politique de développement durable, ainsi que d’une Stratégie d’intégration des milieux naturels au développement urbain. Cette stratégie vise l’utilisation de différents outils urbanistiques et légaux afin de protéger les milieux naturels d’intérêt sur son territoire. Largement évoquée comme un succès dans le monde municipal, la Stratégie comprend l’inscription de territoires d’intérêt écologique au schéma d’aménagement, l’application de trois nouvelles mesures d’aménagement particulières (protection, conservation et conciliation) à l’intérieur des territoires d’intérêt écologique, la création de nouvelles zones PRO (protection), PROA (protection en zone agricole), CN (conservation naturelle) et AE (aires écologiques) au plan d’urbanisme, la rédaction d’un règlement sur les plans d’aménagement d’ensemble pour les zones PRO, et finalement le recours aux plans directeurs sectoriels pour tous les projets de développements. De plus, la Stratégie a été mise en œuvre dans le cadre d’une entente de principe avec la direction régionale du MDDEP. 6 mai 2013 23 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Dans la pratique, le schéma d’aménagement et le plan d’urbanisme de la Ville de Trois-Rivières identifient des « zones d’écodéveloppement » pour lesquelles des mesures de conservation, de protection et de conciliation sont établies. Pour ces zones, l’article 172 du plan d’urbanisme prévoit que les propriétaires d’immeubles doivent déposer un plan d’aménagement d’ensemble (PAE) comprenant : • Une étude hydrogéologique qualifiant les eaux souterraines et de surface; • Une étude forestière; • Une étude de caractérisation du milieu naturel, floristique et faunique. Conformément au plan d’urbanisme, le règlement de zonage reprend les territoires identifiés à titre de zone d’écodéveloppement et précise pour chacune des zones visées que pour « toute nouvelle utilisation ou réutilisation du sol d’un immeuble non desservi par un service d’aqueduc ou un service d’égout, la réalisation préalable d’une étude de caractérisation environnementale du site visé et l’assujettissement de tout projet aux conclusions de celle-ci ». La caractérisation doit comprendre une démonstration du niveau des impacts sur les différentes caractéristiques du milieu naturel du site visé, de manière à fixer les mesures à retenir et permettre la réalisation d’un projet qui « évitera, minimisera, et compensera ». C’est donc dire qu’un promoteur souhaitant réaliser un projet dans une zone identifiée à titre d’écodéveloppement devrait d’abord procéder à l’élaboration d’un PAE (comprenant les études sectorielles énumérées précédemment), avant même d’envisager d’entreprendre un processus d’ajustement de la règlementation de zonage. Cette pratique visant à obliger l’adoption d’un PAE, en plus d’alourdir le processus de développement, a des impacts directs sur la faisabilité des projets dans le cas où plusieurs propriétaires sont présents. En effet, l’outil des Plan d’aménagement d’ensemble est généralement de moins en moins utilisé par les municipalités puisque qu’il présente d’importants défis limitant une mise en œuvre rapide. Le Plan d’aménagement d’ensemble est un outil d’urbanisme discrétionnaire, introduit par le législateur en 1987 et visant l’encadrement par les municipalités de grands secteurs à urbaniser ou à transformer. Le paragraphe 7 de l’article 84 de la Lois sur l’aménagement et l’urbanisme précise que le Plan d’urbanisme peut comprendre « la délimitation à l’intérieur du territoire municipal d’aires d’aménagement pouvant faire l’objet de plans d’aménagement d’ensemble ». Par ailleurs, ce sont les articles 145.9 à 145.14 de la même loi qui font état des particularités de l’application des d’aménagement pouvant faire l’objet de plans d’aménagement d’ensemble ». Par ailleurs, ce sont les articles 145.9 à 145.14 de la même loi qui font état des particularités de l’application des plans d’aménagement d’ensemble. Notamment, l’article 145.9 indique que le « conseil d’une municipalité dotée d’un comité consultatif d’urbanisme peut adopter un règlement qui lui permet d’exiger dans une zone, lors d’une demande de modification des règlements d’urbanisme, la production d’un plan d’aménagement de l’ensemble de cette zone ». 24 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Ce règlement sur les PAE évoqué à l’article 145.9 de la loi doit : • indiquer la zone à l’égard de laquelle une modification des règlements d’urbanisme est assujettie à la production d’un PAE (article 145.10, 1°); • spécifier, pour cette zone, les usages et les densités d’occupation du sol applicables à un PAE (article 145.10, 2°); • établir la procédure relative à une demande de modification des règlements d’urbanisme lorsque la présentation d’un PAE est requise (article 145.10, 3°); • prescrire les éléments qu’un PAE doit représenter et les documents qui doivent l’accompagner (article 145.10, 4°); • déterminer les critères suivant lesquels est faite l’évaluation d’un PAE (article 145.10, 5°). Normalement, les zones visées par des PAE prévoient initialement des usages peu productifs et une densité très faible (« downzoning »), ce qui permet de retarder le développement et de forcer les promoteurs à élaborer le document de planification. Suite au dépôt par des promoteurs d’un plan d’aménagement d’ensemble pour une zone à l’égard de laquelle une modification des règlements d’urbanisme est assujettie à la production d’un PAE, le conseil municipal doit, après consultation du C.C.U., approuver ou refuser par résolution ledit plan. Outil d’urbanisme discrétionnaire vague, le PAE implique que la municipalité ait déterminé des critères d’évaluation pour l’ensemble des zones visées. Dans le cas de Trois-Rivières, ces critères reposent uniquement sur l’idée de « éviter, minimiser, et compenser » les impacts sur les milieux naturels sensibles, ce qui est très flou et laisse une grande place à la discrétion des élus. Par ailleurs, il est à souligner que l’approbation d’un PAE par le conseil municipal est uniquement le premier pas vers les ajustements réglementaires requis pour mettre en œuvre un projet. Ainsi, l’adoption d’un PAE permet d’aller de l’avant avec le processus de modification du zonage, mais n’est pas une garantie absolue que la règlementation modifiée pourra entrer en vigueur, puisque les citoyens ont toujours la possibilité de s’opposer au changement de zonage par référendum, malgré l’adoption d’un PAE… Il est aussi à noter qu’un PAE doit viser l’ensemble de la zone concernée. Ainsi, advenant que la municipalité exige pour une zone un PAE, l’ensemble des propriétaires de la zone doivent s’entendre sur une planification commune à défaut de quoi aucun projet ne peut aller de l’avant. Dans un environnement d’affaire compétitif, il est parfois difficile de s’entendre avec des partenaires ou compétiteurs sur l’avenir d’un vaste territoire, ce qui est apte à empêcher l’élaboration d’un PAE et retarder l’avancée des projets de développement. Depuis l’apparition de l’outil des PAE en 1987, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme s’est précisée et d’autres outils et techniques mieux adaptées ont été intégrés. Il est donc surprenant, à ce jour, que la Ville de Trois-Rivières mette cet outil, que plusieurs considèrent désuet, au centre de sa stratégie visant à encadrer le développement des territoires en périphérie de son centre. 6 mai 2013 25 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles Finalement, il est pertinent de rappeler que la Ville de Québec s’est graduellement éloignée de cet outil d’urbanisme pour la gestion des secteurs à développer sur son territoire. Alors que le Plan directeur d’aménagement et de développement de Québec (PDAD), adopté en 2005, préconisait le recours à l’outil des PAE pour une trentaine d’aires sur le territoire municipal, le prochain plan favorisera plutôt un contrôle de ces territoires par l’entremise d’outils réglementaires plus flexibles et mieux adaptés (PPU, PIIA, etc.). En ce qui a trait plus spécifiquement aux dispositions normatives relatives à la protection des cours d’eau et des milieux humides, la Ville de Trois-Rivières reprend à son règlement de zonage les paramètres de la règlementation provinciale. Il est à souligner que la Ville de Trois-Rivières agit à titre de guichet unique pour les promoteurs, sur la base d’une entente de principe avec la direction régionale du MDDEP. Ainsi, contrairement à Laval ou Gatineau, la municipalité n’a pas de programme de compensation autonome à celui du ministère et la quantification des mesures de compensation est centralisé, ce qui tend à faciliter les démarches des promoteurs. 26 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 4 | Constats et enjeux À la lumière de l’analyse des exigences de différentes grandes villes québécoises en matière d’encadrement réglementaire des interventions touchant les milieux naturels sensibles, certains constats et enjeux sont importants à souligner. 1)La compétence municipale en matière d’environnement est floue et ses limites sont déterminées au cas par cas, sur la base de la jurisprudence et non par un cadre législatif clair. Comme nous l’avons démontré, l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales reconnait que les municipalités disposent d’une compétence en matière d’environnement. Toutefois, les limites de cette compétence n’ont pas été établies par le législateur et la validité des initiatives municipales est cautionnée au cas par cas par les tribunaux. Cette jurisprudence établit le rôle des municipalités en matière de développement durable, mais les champs d’intervention demeurent incertains. Dans ce contexte d’incertitude et porté par une forte « volonté d’innovation » des élus municipaux en matière d’environnement et de développement durable, plusieurs municipalités adoptent des règlements dont la portée va au-delà de ce qui est normalement reconnu pour ce pallier de l’État. Notamment, certaines municipalités se sont dotées de fonds d’intervention en matière d’environnement, exigent le paiement de compensations monétaires, et fixent des exigences réglementaire dépassant largement le cadre établi par le gouvernement du Québec. À ce titre, il est intéressant de souligner que le préambule du Règlement de contrôle intérimaire adopté par la Ville de Gatineau (règlement numéro 511-6-2011) indique que « considérant le contexte évolutif de la jurisprudence et de la législation relativement aux pouvoirs des municipalités en matière de conservation des milieux naturels, il est judicieux de prétendre que les municipalités peuvent prévoir des mesures compensatoires en matière de perte de milieux humides ». C’est donc dire que les municipalités elles-mêmes considèrent que le cadre législatif actuel encadrant leurs actions en matière d’environnement est flou et repose essentiellement sur la jurisprudence, plutôt que sur des décisions politiques réfléchies. 6 mai 2013 27 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 2) Les municipalités interviennent de façon variable en matière d’encadrement des interventions dans les milieux naturels sensibles. Notre analyse de cinq municipalités québécoises permet d’énoncer que l’encadrement des projets affectant les milieux naturels sensibles relève essentiellement du niveau d’interventionnisme privilégié par les élus et les fonctionnaires locaux. Alors qu’à Gatineau et Laval des normes dépassant celles du ministère ont été mises en place pour protéger les milieux humides et les cours d’eau, d’autres municipalités comme Sherbrooke ou Trois-Rivières reprennent essentiellement les prescriptions gouvernementales. Cette variabilité fait en sorte de créer des iniquités pour les développeurs, puisque malgré la volonté de l’industrie de protéger les milieux naturels sensibles, il est impossible d’avoir une vision d’ensemble des pré requis et des meilleures pratiques sur l’ensemble du territoire québécois. Par ailleurs, la « sur protection » de certains milieux naturels sensibles par des mesures réglementaires plus strictes n’est pas basée sur une valeur écologique plus grande, mais seulement sur un choix d’outils d’urbanisme plus restrictifs. 3) On assiste à une multiplication des régimes municipaux de compensation, souvent dans un cadre s’éloignant de stricts objectifs environnementaux. La Ville de Laval a mis en place son propre régime de compensation écologique, distinct de celui relevant du MDDEP. Pour toutes les interventions dans les milieux humides ou les cours d’eau, même pour les situations 1, la municipalité exige une compensation qui peut être un aménagement écologique, un don de terrain, ou un don monétaire. Dans la pratique, la Ville de Laval favorise grandement le don monétaire à son Fonds vert. Les interventions réalisées grâce à ce fonds sont toutefois floues et il peut être difficile de lier clairement les montants payés aux actions réalisées pour l’amélioration ou le maintien d’unités écologiques. Par ailleurs, dans le cas de Laval, la compensation municipale s’additionne à une compensation déjà exigée par le gouvernement, diminuant ainsi la rentabilité des projets immobiliers. Nous notons que certaines municipalités envisagent de répéter l’approche de Laval en exigeant elles-aussi des compensation monétaires. Ne bénéficiant d’aucun encadrement gouvernemental, il nous apparaît dangereux que cette pratique se répande et en vienne à constituer à terme, dans la majorité des municipalités, une nouvelle taxe au développement. 28 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 4) Les outils utilisés pour contrôler les interventions dans les milieux naturels sensibles sont variables et parfois mal utilisé. L’absence d’un cadre national permettant de guider les municipalités dans le contrôle des interventions réalisées dans les milieux naturels sensibles fait en sorte que les outils utilisés diffèrent d’un endroit à l’autre. Par ailleurs, le choix de l’outil d’urbanisme peut avoir des conséquences néfastes sur le développement du territoire, malgré que l’objectif initial était louable. Notamment, la Ville de TroisRivières exige l’adoption d’un PAE pour la mise en valeur de zones vouées à l’écodéveloppement. Cet outil, peu utilisé par la majorité des municipalités, présente des défauts importants puisqu’il ouvre la porte à un processus de sur-consultation de la population, et force des individus ou entreprises aux intérêts divergeant à devenir des partenaires d’affaire. De la même façon, les exigences réglementaires de la Communauté métropolitaine de Québec pour les territoires situés dans les bassins versants des prises d’eau de la Ville de Québec sont tellement complexes qu’elles forcent les promoteurs à embaucher une grande variété de spécialistes, préalablement à un projet, affectant ainsi directement la rentabilité, l’accessibilité, et l’abordabilité résidentielle. 5) Certaines municipalités s’entendent avec leur direction régionale du MDDEP afin de mettre en place un guichet commun apte à faciliter les processus d’approbation. Il est nécessaire de souligner que certaines municipalités ont établi un « guichet unique » de concert avec le MDDEP pour traiter toutes les demandes relatives aux interventions dans les milieux humides. À cet effet, les villes de Trois-Rivières et Blainville ont procédé à la signature d’une entente avec le ministère leur permettant de gérer localement la démarche de compensation prévue à la loi. Cette pratique a pour effet de simplifier les démarches pour les promoteurs résidentiels et permet de gérer de façon cohérente les compensations en fonction des objectifs municipaux d’aménagement du territoire. 6 mai 2013 29 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 5 | Orientations L’APCHQ reconnait l’importance de protéger et de mettre en valeur les milieux naturels sensibles. Les milieux humides, les cours d’eau et les milieux forestiers ont une valeur écologique inestimable pour le Québec et contribuent à la qualité de notre cadre de vie. Cependant, il est important de s’assurer que la façon d’encadrer les interventions affectant ces milieux soit équitable et similaire sur l’ensemble du territoire québécois. À la lumière des informations présentées précédemment, l’APCHQ considère que les orientations suivantes devraient encadrer la façon dont sont gérées les interventions dans les milieux naturels sensibles. L’APCHQ recommande : 1)Que le gouvernement clarifie la portée de la compétence municipale en matière d’environnement et favorise la mise en place d’un cadre uniforme à l’ensemble du territoire québécois. L’article 4 de la Loi sur les compétences municipales est extrêmement vague est imprécis quant à la portée de la compétence des municipalités à l’égard de l’environnement. Ce faisant, cette capacité d’action dans ce domaine est utilisée de façon très diversifiée d’une municipalité à l’autre. Afin d’éviter que certaines municipalités outrepassent leurs pouvoirs, l’APCHQ souhaite que le gouvernement du Québec mette en place un cadre clair et uniforme à l’ensemble du territoire, balisant les interventions des municipalités en matière d’environnement. Le contexte actuel, caractérisé par une absence de cadre d’intervention, permet d’observer des situations inacceptables telles le recours à la double-compensation (à la fois monétaire et en terrains) ou l’imposition arbitraire de « bandes de protection » des milieux humides qui n’ont aucun avantage environnemental réel lorsque des aménagements adéquats des terrains sont mis en place. L’APCHQ est d’avis que les éléments régis par des politiques provinciales, dont la gestion des milieux humides, des rives et des plaines inondables, ne devraient pas faire l’objet de règlementation plus restrictives de la part des municipalités. Au même titre que l’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prescrit le contenu des outils d’urbanisme, la Loi sur les compétences municipales ou la future LAU doit baliser les actions des municipalités en matière d’environnement. Par ailleurs, l’APCHQ est d’avis que, tel que le veut l’esprit de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, l’aménagement du territoire est un acte politique. Ce faisant, il est de la responsabilité du législateur de déterminer clairement le champs d’action des municipalités en matière d’environnement, et ce pour éviter des situations abusives où des considérations écologiques louables font office de paravent à des stratégie de financement municipal ou pour éviter une surenchère environnementale sans gains réels. 6 mai 2013 31 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 2) Que les mesures de compensation soient encadrées par le gouvernement et que les doubles compensations soient prohibées. La mécanique de la compensation de superficies de terrain vise à permettre un développement du territoire à un coût globalement nul pour l’environnement. Ainsi, plus un milieu humide est de taille importante et recèle une haute valeur écologique, plus la compensation devra être importante pour « remplacer » les pertes écologiques associées au développement de ce milieu humide. À ce titre, le principe de la compensation est reconnu par l’industrie de la construction domiciliaire et est d’un grand intérêt pour s’assurer que l’empreinte des activités humaine sur l’environnement soit le plus faible possible. Selon la pratique, l’imposition de mesures compensatoires relève exclusivement des directions régionales du MDDEP. La nouvelle Loi concernant des mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique a par ailleurs accordé spécifiquement au ministre le pouvoir d’exiger ces mesures compensatoires. A nul endroit dans ce texte de loi il est fait état que les municipalité disposent aussi d’un tel pouvoir d’exiger des mesures compensatoires. Toutefois, la Ville de Laval exige depuis peu ses propres mesures de compensation et privilégie les dons monétaires à son Fonds vert. De nombreuses municipalités souhaitent emboîter le pas et voient dans les mesures compensatoires une façon d’élargir l’assiette fiscale afin de réaliser certaines interventions sur le territoire. Parallèlement, certaines municipalité vont même jusqu’à établir les « quantités requises » de compensation, ce sur quoi le MDDEP ne s’aventure même pas formellement. À titre d’exemple, la Ville de Gatineau prescrit qu’une intervention dans un milieu humide de situation 3 nécessite des mesures compensatoires équivalent à trois fois la superficie de l’aire affectée. Une telle approche ne prend aucunement en considération les particularités écologiques des milieux humides concernés et met plutôt de l’avant une approche simpliste de gestion du territoire. L’APCHQ est d’avis que le gouvernement du Québec doit prohiber l’imposition de mesures compensatoires municipales, dans la mesure où ces dernières s’additionnent à des mesures compensatoires déjà exigées par la direction régionale du MDDEP. Par ailleurs, il est souhaitable qu’un cadre national clair soit mis en place quant à la quantification des mesures de compensation, et ce de façon à favoriser une équité entre les promoteurs immobiliers des diverses régions du Québec, et en vue de protéger adéquatement les milieux humides sur l’ensemble du territoire. 32 6 mai 2013 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 3) Que les municipalités et le MDDEP collaborent afin de mettre en place une approche par guichet unique sur l’ensemble du territoire. La Ville de Trois-Rivières et la direction régionale du MDDEP ont mis en place un guichet unique permettant de simplifier le traitement des projets affectant des milieux humides. Par cette initiative, les promoteurs font affaire uniquement avec la municipalité, qui à son tour gère les relations avec le MDDEP. Ceci est apte à simplifier grandement le processus d’approbation d’un projet. L’APCHQ est d’avis que les municipalités devraient être l’unique point de réception des demandes relatives à des interventions dans les milieux humides, et ce dans le cadre des procédures usuelles d’approbation de projet. Elles devraient être en charge de transmettre ensuite ces demandes à la direction régionale du MDDEP aux fins de l’établissement de justes mesures compensatoires, en fonction d’une grille d’analyse reconnue et publique. Les mesures compensatoires exigées pourraient s’inscrire dans le cadre d’une stratégie environnementale municipale comprenant des objectifs et un des actions concrètes de mise en œuvre, dans la mesure où cette stratégie a été adoptée par le conseil municipal et est diffusée au public. 4) Qu’un dispositif d’arbitrage soit mis en place pour faciliter le règlement des litiges portant sur la protection des milieux naturels. Actuellement, les constructeurs d’habitations ont peu de recours pour contester les décisions arbitraires du MDDEP en matière de compensation pour les milieux humides, ou encore pour remettre en question la pertinence des réglementations municipales outrepassant le cadre provincial de protection des milieux naturels sensibles. La mise en place d’un organisme indépendant ayant un mandat similaire à celui de la Commission des Affaires Municipales de l’Ontario permettrait aux constructeurs d’habitations du Québec et aux associations qui les représentent d’avoir un recours impartial pour contester les décision lorsque les municipalités ou le MDDEP adoptent des approches de protection des milieux naturels trop contraignantes. 6 mai 2013 33 L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec. Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles 6 | Crédits L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec Document d’orientation Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles © 2013 – APCHQ François Bernier, Directeur – Service économique et affaires publiques Mathieu Bélanger, Coordonnateur, Associé délégué, CIMA+ Simon Desrochers, Analyste principal, Chargé de projet, CIMA+ Sylvie Roy, Révision linguistique, CIMA+ Étienne Cormier, Graphiste, CIMA+ 6 mai 2013 35