Régimes municipaux de protection des milieux naturels

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L’encadrement
réglementaire des projets
de développement
résidentiel au Québec
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection
des milieux naturels sensibles
6 mai 2013
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L’encadrement réglementaire
des projets de développement résidentiel au Québec
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Version du 6 mai 2013
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
6 mai 2013
Table des matières
0 | Sommaire exécutif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
1 | Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3
2 | Mise en contexte et cadre législatif. . . . . . . . . . . . . .
5
3 | Analyse comparative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
4 | Constats et enjeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
27
5 | Orientations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
31
6 | Crédits. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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0 | Sommaire exécutif
Les milieux naturels sensibles constituent un patrimoine écologique d’une grande
importance pour le Québec et l’APCHQ reconnaît les bénéfices environnementaux,
sociaux et économiques associés à ces derniers. Depuis une trentaine d’années un
cadre législatif a été mis en place en vue de favoriser la protection et la conservation
des milieux humides, des cours d’eau et des ensembles forestiers d’intérêt.
Récemment, le législateur a réaffirmé le pouvoir du ministre du Développement
durable, de l’Environnement, et des Parcs (MDDEP) d’exiger des mesures
compensatoires lors de la réalisation de travaux dans les milieux humides.
Selon la pratique, les mesures compensatoires sont exigées par la direction
régionale du MDDEP. Ces mesures sont constituées de dons de terrains ou de
réalisations d’aménagements permettant que les interventions effectuées dans un
milieu humide soient, globalement, à un coût nul pour l’environnement.
Toutefois, depuis quelques années, certaines villes profitent de l’imprécision
issue de l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales indiquant que les
municipalités détiennent une compétence en matière d’environnement pour
mettre en place des mesures dommageable pour l’industrie de la construction
résidentielle, et globalement peu profitables pour la qualité des écosystèmes. Ainsi,
des municipalités comme Laval ou Gatineau ont mis sur pied leurs propres régimes
municipaux de compensation, et ce malgré que la récente Loi concernant des
mesures de compensation pour la réalisation de projets affectant un milieu humide
ou hydrique ne leur confère par expressément ce pouvoir.
De plus, la Ville de Laval a implanté une mécanique permettant aux promoteur
de compenser les interventions dans les milieux humides par le versement d’un
don monétaire à un Fonds vert municipal. S’additionnant à des mesures de
compensation « en terre » déjà exigées par le MDDEP, cette pratique suscite l’intérêt
du monde municipal et plusieurs villes tentent d’implanter une approche similaire.
Afin de permettre la mise en place d’un cadre efficient d’approbation des projets de
développement résidentiels, l’APCHQ recommande :
1)Que le gouvernement clarifie la portée de la compétence municipale en
matière d’environnement et favorise la mise en place d’un cadre uniforme à
l’ensemble du territoire québécois.
2) Que les mesures de compensation soient encadrées par le gouvernement
et que les doubles compensations soient prohibées.
3) Que les municipalités et le MDDEP collaborent afin de mettre en place une
approche par guichet unique sur l’ensemble du territoire.
4) Qu’un dispositif d’arbitrage soit mis en place pour faciliter le règlement des
litiges portant sur la protection des milieux naturels.
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1 | Introduction
Depuis une trentaine d’années, la protection des milieux naturels sensibles (milieux
humides, cours d’eaux et plaines inondables, boisés d’intérêt écologique) est
devenue un enjeu majeur en matière de planification urbaine et de gestion durable
de l’urbanisation. Aujourd’hui, l’ensemble des acteurs du développement urbain
reconnaissent la pertinence d’assurer la protection de ces éléments écologiques,
ces derniers constituant des composantes essentielles d’un milieu de vie de qualité
et respectueux de l’environnement. Parallèlement à cette prise de conscience et afin
d’assurer la pérennité des milieux naturels sensibles, les autorités gouvernementales
et municipales ont adopté un cadre législatif et des règlements de plus en plus
restrictifs, notamment depuis le début des années 2000.
Au niveau du gouvernement du Québec, le Ministère des affaires municipales,
des régions et de l’occupation du territoire (MAMROT), ainsi que le Ministère du
développement durable, de l’environnement et des parcs (MDDEP) interviennent
directement dans la gestion et la protection des milieux naturels sensibles. À
ce titre, les pouvoirs du MDDEP ont été élargis au cours des années 2000 et le
gouvernement a développé une expertise approfondie en matière de gestion des
milieux naturels sensibles par l’embauche de nombreux professionnels.
Au niveau municipal, le cadre législatif actuel permet aux villes d’intervenir à certains
égards en matière de protection des milieux naturels sensibles par l’entremise
du schéma d’aménagement et de développement, du plan d’urbanisme et de
la règlementation municipale. À ce titre, la Loi sur les compétences municipales
précise que les municipalités du Québec ont le « pouvoir d’intervenir en matière
d’environnement ». Toutefois, la portée ou l’objet de de cette compétence n’est
pas clairement définie à la loi. Sur la base de ce pouvoir, au cours des dernières
années, certaines municipalités ont adopté des règlementations à orientation
environnementale, parfois plus restrictives que les exigences fixées par le MDDEP.
En contrepartie, d’autres municipalités ont quant à elles volontairement fait le choix
de ne pas intervenir dans ce domaine qui est déjà régi sur une base nationale par
le MDDEP.
La rareté de terrains vacants et constructibles dans les secteurs centraux
des municipalités fait en sorte que de nombreux développements résidentiels
sont réalisés en périphérie des territoires urbanisée. Ces environnements sont
fréquemment caractérisés par la présence de zones boisées, de milieux humides
et de cours d’eau. L’industrie de la construction résidentielle est donc fortement
concernée par les exigences relatives à la protection des milieux naturels sensibles
et à ce titre, l’APCHQ souhaitent contribuer positivement à la réflexion à l’égard de
cet enjeu majeur pour le développement futur de nos collectivités.
Dans le cadre actuel, la multiplication des règlements de protection des milieux
naturels sensibles, le dédoublement des acteurs responsables de leurs application,
ainsi que la forte variabilité des exigences créent des conditions qui ne sont
optimales pour la croissance de l’industrie de la construction résidentielle, et plus
largement pour le développement du Québec. La multiplication des intervenants
fait en sorte de complexifier les processus d’analyse et d’approbation des projets,
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alors que la forte variabilité des exigences municipales en matière de protection des
milieux naturels sensibles crée quant à elle des iniquités entre les territoires. Dans
ce contexte, il est pertinent de réfléchir aux moyens utilisés afin de règlementer les
interventions affectant les éléments écologiques, et d’évaluer l’impact concret de
ces moyens sur le dynamisme de l’industrie de la construction résidentielle.
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2 | Mise en contexte et cadre législatif
Tel que mentionné précédemment, la protection et la préservation des milieux
naturels sensibles (secteurs boisés, milieux humides, cours d’eau) est graduellement
devenue, depuis une trentaine d’années, un enjeu incontournable en matière de
développement urbain, principalement dans les territoires en périphérie du centre
des villes.
L’évolution des connaissances scientifiques a permis de mieux comprendre la
complexité des écosystèmes et l’équilibre précaire sur lequel ceux-ci reposent.
Des notions scientifiques telles celles de bassin versant, de corridor écologique,
et de biodiversité, ont enrichi notre lecture des territoires et notre compréhension
des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux attribuables aux milieux
naturels sensibles (régulation des phénomènes naturels, filtration de l’eau et de
l’air, biodiversité, production des ressources naturelles et fauniques, opportunités
de récréation et de sport, activités scientifiques, qualité des paysages, etc.). Par
ailleurs, la généralisation du concept de « développement durable » à titre de cadre
de référence pour l’aménagement de nos collectivités a aussi contribué à une
sensibilité nouvelle quant à l’impact du développement et des activités humaines
sur l’environnement.
Depuis le milieu du 20ème siècle, la croissance urbaine rapide des villes du Québec
a accentué la pression sur les milieux naturels. Dans plusieurs villes, de nouveaux
secteurs urbains se sont développés au détriment de secteurs boisés ou des
milieux humides, mettant ainsi en péril la survie de certaines espèces fauniques
ou végétales. En réponse à cette situation de dégradation accélérée des milieux
naturels sensibles, le gouvernement du Québec a effectué à partir du milieu des
années 1970 de nombreuses modifications au cadre législatif afin d’augmenter la
portée des pouvoirs publics en matière de protection environnementale.
Cadre normatif gouvernemental
Certaines dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), adoptée en
1972 et modifiée à plusieurs reprises depuis, balisent les pouvoirs du gouvernement
du Québec à l’égard de la protection des milieux naturels sensibles, dont les milieux
humides, les cours d’eau et les milieux riverains.
D’abord, en vertu de l’article 32 de la LQE, tout travaux d’extension des réseaux
d’infrastructures urbaines (égout et aqueduc) nécessite l’obtention d’une autorisation
du MDDEP. Cet article fait en sorte que tout projet de développement résidentiel
desservi par les infrastructures urbaines est aujourd’hui assujetti à la réalisation au
préalable d’une étude de caractérisation environnementale qui identifie, entre autre,
les milieux humides et les éléments d’intérêt écologiques présents sur un site.
La prise en considération de l’importance des milieux humides a quant à elle été
reconnue en 1993 lors de l’entrée en vigueur du 2ème alinéa de l’article 22 de la
LQE alors que le gouvernement s’est accordé un droit de regard sur toutes les
interventions réalisées dans ces milieux. Le législateur cherchait alors à protéger
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l’équilibre écologique de ces écosystèmes, sur l’ensemble du territoire québécois,
en les soumettant à un régime spécifique d’autorisation. Ce second alinéa de
l’article 22 précise que :
« (…) quiconque érige ou modifie une construction, exécute des travaux
ou des ouvrages, entreprend l’exploitation d’une industrie quelconque,
l’exercice d’une activité ou l’utilisation d’un procédé industriel ou
augmente la production d’un bien ou d’un service dans un cours d’eau
à débit régulier ou intermittent, dans un lac, un étang, un marais, un
marécage ou une tourbière doit préalablement obtenir du ministre un
certificat d’autorisation »
Dans le cadre de l’analyse d’une de demande de certificat d’autorisation, le MDDEP
a depuis le pouvoir d’exiger du requérant tout renseignement, toute recherche
ou toute étude supplémentaire dont il estime avoir besoin pour connaître les
conséquences du projet sur l’environnement, et ainsi juger de son acceptabilité.
Sur la base des informations disponibles et aux fins de l’exercice de son pouvoir
discrétionnaire, le ministère analyse un projet afin d’évaluer s’il est acceptable au
regard de la préservation de la qualité de l’environnement.
Jusqu’en 2005, aucun cadre normé précis ne régulait formellement le processus
d’autorisation des projets touchant en tout ou en partie à un milieu humide. Entre
2005 et 2006, un moratoire complet a été décrété par le MDDEP à l’égard de
toutes activités touchant les tourbières, les étangs, les marais et les marécages,
afin de permettre l’élaboration d’une procédure claire d’évaluation. Cette procédure
a finalement été mise en place en 2007, sous la forme du Règlement relatif à
l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, un règlement administratif
qui définit les règles concernant la présentation d’une demande d’autorisation en
vertu de la loi et qui précise les soustractions applicables.
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L’application du règlement a fait en sorte que le MDDEP a commencé à exiger des
mesures de compensation lorsque les projets touchent à certains milieux humides
de taille et d’intérêt significatif. Concrètement, cette approche d’évaluation prévoit
une catégorisation des milieux humides en trois « situations » selon la taille du
milieu affecté et, pour chacune d’elles, une démarche d’évaluation et des principes
spécifiques de compensation (voir tableau ci-contre).
Situation 1
*BTSL et PLSJ
Situation 2
Ailleurs au Québec
Superficie du milieu
humide inférieure à 0,5
hectare;
Superficie du milieu
humide inférieure à 1
hectare;
et
et
Absence de liens
hydrologiques avec un
cours d’eau/lac;
Absence de liens
hydrologiques avec un
cours d’eau/lac;
et
et
Absence d’espaces
menacées ou vulnérables
désignées.
Absence d’espèces
menacées ou vulnérables
désignées.
*BTSL et PLSJ
humide entre 0,5 et 5
hectares;
et
Absence de liens
hydrologiques avec un
cours d’eau/lac;
et
Absence d’espèces
menacées ou vulnérables
désignées.
Situation 3
Ailleurs au Québec
*BTSL et PLSJ
Ailleurs au Québec
Superficie du milieu
humide entre 1 et 10
hectares;
Superficie du milieu
humide supérieure à 5
hectares;
Superficie du milieu
humide supérieure à 10
hectares;
et
ou
ou
Absence de liens
hydrologiques avec un
cours d’eau/lac;
Liens hydrologiques avec
un cours d’eau/lac;
Liens hydrologiques avec
un cours d’eau/lac;
ou
ou
Présence d’espèces
menacées ou vulnérables
désignées;
Présence d’espèces
menacées ou vulnérables
désignées;
ou
ou
Tourbière.
Tourbière.
et
Absence d’espèces
menacées ou vulnérables
désignées.
La direction régionale délivre l’autorisation sur la
base de la déclaration signée par un professionnel
spécialisé dans le domaine de l’écologie ou de la
biologie attestant que les conditions énoncées sont
remplies.
La direction régionale délivre l’autorisation en
appliquant un processus d’analyse basé en fonction
de la séquence d’atténuation « éviter et minimiser ».
* BTSL = Basses terres du Saint-Laurent
PLSJ = Plaine du lac Saint-Jean
À noter :
Après avoir reçu l’approbation des autorités du
Ministère, la direction régionale délivre l’autorisation
en appliquant le processus d’analyse basé sur la
séquence d’atténuation « éviter et minimiser ».
Ce processus d’autorisation repose sur une évaluation
globale et territoriale du projet.
Si le projet ne correspond pas aux critères de la situation 1 ou de la situation 2, il est régi par le processus de
la situation 3.
Tous les projets localisés dans les tourbières ombrotrophes ou minérotrophes sont analysés en vertu de la
situation 3.
Les liens hydrologiques considérés sont des liens de surface.
Une espèce floristique ou faunique menacée ou vulnérable désignée est :
• une espèce protégée en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (L.R.Q., c. E-12.01);
• et identifiée dans le Règlement sur les espèces floristiques menacées ou vulnérables et leurs habitats (E12.01, r.0.4) ou dans le Règlement sur les espèces fauniques menacées ou vulnérables et leurs habitats
(E-12.01, r.0.2.3).
Selon le règlement adopté en 2007, les mesures de compensation exigées lorsque
des milieux de catégories 2 et 3 sont touchés peuvent comprendre :
• la restauration d’un milieu humide existant;
• la création d’un milieu humide semblable à celui détruit;
• la protection d’un autre milieu humide (par exemple, en le cédant à un organisme
de protection ou un corps public);
• la protection d’un milieu naturel terrestre.
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Toutefois, le Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement
de 2007 ne précisait pas la portée des mesures de compensation exigibles, ce qui
a fait en sorte que, entre 2007 et 2012, les différentes directions régionales l’ont
appliqué de manières diverses d’une région à l’autre, et parfois d’un analyste à
l’autre.
Par exemple, dans certains cas, les superficies exigées en compensation
équivalaient à une fois la superficie du milieu humide détruit, alors que dans d’autres
cas, on pouvait exiger jusqu’à trois fois sa superficie. Le caractère arbitraire de cette
approche et, surtout, l’absence d’accises légales firent en sorte que de nombreux
acteurs ont contesté juridiquement la validité des compensations exigées. Suite à
l’invalidation de cette approche par les tribunaux en mars 2012, le gouvernement
du Québec a adopté, en mai de la même année, le projet de loi 71 qui a établit
un cadre législatif temporaire permettant au MDDEP de continuer à exiger des
mesures compensatoires dans le cadre de projets de développement affectant des
milieux humides et devant obtenir une autorisation en vertu de l’article 22 de la loi
sur la qualité de l’environnement. La loi adoptée en mai 2012 prévoit que l’article
réglementaire autorisant le MDDEP à exiger des mesures compensatoires cessera
d’avoir effet le 24 avril 2015, dans la mesure où une nouvelle loi prévoyant des règles
concernant la conservation et la gestion durable des milieux humides et hydriques
est, d’ici-là, adoptée. C’est donc dire que le ministère procède actuellement
à la préparation d’un nouveau cadre législatif visant à encadrer les certificats
d’autorisation pour des projets réalisés dans les milieux naturels sensibles.
À l’égard des rives et des plaines inondables, en vertu de l’article 2.1 de la LQE,
le MDDEP a adopté une Politique de protection des rives, du littoral et des plaines
inondables qui définit les principaux paramètres encadrant les constructions et les
aménagements à l’intérieur des bandes riveraines des cours d’eaux et des plaines
inondables de récurrence 0-20 ans et 20-100 ans. Notamment, à l’égard des travaux
réalisés dans la plaine, l’article 4.1 de la Politique prévoit que :
« Toutes les constructions, tous les ouvrages et tous les travaux qui
sont susceptibles de modifier le régime hydrique, de nuire à la libre
circulation des eaux en période de crue, de perturber les habitats
fauniques ou floristiques ou de mettre en péril la sécurité des personnes
et des biens, doivent faire l’objet d’une autorisation préalable. Ce
contrôle préalable devrait être réalisé dans le cadre de la délivrance de
permis ou d’autres formes d’autorisation, par les autorités municipales
ou par le gouvernement, ses ministères ou organismes, selon leurs
compétences respectives. Les autorisations préalables qui seront
accordées par les autorités municipales et gouvernementales prendront
en considération le cadre d’intervention prévu par les mesures relatives
aux plaines inondables et veilleront à protéger l’intégrité du milieu ainsi
qu’à maintenir la libre circulation des eaux ».
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Par ailleurs, l’article 6.1 de la politique (mise en œuvre) prévoit que, conformément
aux schémas d’aménagement et de développement et aux documents
complémentaires des communautés métropolitaines et des MRC qui intègrent les
objectifs et dispositions de la politique, les municipalités locales doivent adopter des
règlements permettant la mise en œuvre des principes de la politique, et voient à leur
application, en vertu de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Plus clairement,
c’est donc dire que les municipalités locales sont responsables de l’application « au
quotidien » de la politique, et ce par l’entremise de leurs règlements et leur pouvoir
d’autorisation de projets de développement. Conformément à la Politique de
protection des rives, du littoral et des plaines inondables, les municipalités locales
doivent interdire toutes les constructions, tous les ouvrages et tous les travaux
(sauf certaines exceptions) dans la plaine inondable de récurrence 0-20. En plaine
inondable de récurrence 20-100 ans, les travaux sont permis mais les fondations
doivent être immunisées.
Par ailleurs, il est à noter que le préambule de la Politique indique que celle-ci constitue
un cadre normatif minimal. À ce titre le gouvernement « n’exclut pas la possibilité
pour les différentes autorités gouvernementales et municipales concernées, dans
le cadre de leurs compétences respectives, d’adopter des mesures de protection
supplémentaires pour répondre à des situations particulières ». C’est donc dire que
le gouvernement permet que certaines municipalités aient un cadre plus restrictif à
l’égard de la protection du littoral, des rives et de la plaine inondable, lorsque cela
répond à un contexte particulier.
Cadre normatif municipal
La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, adoptée en 1979 par le gouvernement
du Québec dresse un cadre général qui confère certains pouvoirs aux MRC et aux
municipalités locales en matière de protection des milieux naturels sensibles.
Tout d’abord, les MRC doivent identifier, à leur schéma d’aménagement et de
développement les zones à protéger en raison d’un intérêt écologique (boisés
d’intérêts, milieux humides, etc.), ainsi que les zones soumises à des contraintes
particulières de sécurité (dont les plaines inondables). Les schémas d’aménagement
et de développement se doivent d’être en conformité avec l’ensemble des lois,
politiques et orientations gouvernementales, dont notamment la LQE, et la Politique
de protection des rives, du littoral et des plaines inondables. Des paramètres
réglementaires sont intégrés aux documents complémentaires des schémas
d’aménagement et de développement, ces derniers faisant ensuite office de normes
minimales que doit intégrer le plan d’urbanisme et les règlements d’urbanisme de
la municipalité locale.
Par ailleurs, la Loi sur les compétences municipales (LCM) identifie que
« l’environnement » constitue un champs de compétence à l’égard duquel les
municipalités sont habilitées à intervenir (article 4 de la LCM). Les municipalités
ont donc le pouvoir d’adopter des règlements leur permettant d’intervenir dans ce
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domaine. Toutefois, bien que la LAU précise certaines interventions municipales
(le zonage, le contrôle de l’abatage des arbres, le contrôle de l’excavation du sol
et des travaux de déblais dans certains territoires), la portée définitive des pouvoir
municipaux en matière d’environnement demeure floue et permet l’adoption de
règlements dont la nature et la portée différe largement d’un territoire à l’autre.
À titre d’exemple, certaines municipalités adoptent des normes de compensation
pour les milieux humides qui sont plus exigeantes que celles adoptées par le MDDEP.
D’autres exigent quant à elles que les développeurs paient des compensations
monétaires pour des interventions affectant des milieux humides, en addition aux
mesures compensatoires déjà exigées par le MDDEP.
Depuis quelques années, sur la base de l’article 4 de la LCM, les municipalités
ont multiplié les intervention en vue de règlementer les interventions affectant les
milieux naturels sensibles. Cette tendance lourde a partiellement été reconnue par
les tribunaux puisque des décisions récentes marquent de plus en plus ce rôle
de « fiduciaire de l’environnement » qui incombe aux administrations publiques
municipales.
Notamment, dans la décision Corporation municipale du Canton de Hatley c.
Développement Bacon’s Bay inc. le défendeur prétendait que la municipalité ne
pouvait protéger intégralement les milieux humides sous tenure privée sis sur son
territoire sans expropriation puisqu’une telle disposition est imprécise, constitue de
l’expropriation illégale et déguisée, et va au-delà des compétences municipales en
matière de règlementation. Dans sa décision, le juge a rappelé que l’alinéa 12 de
l’article 113 de la LAU permet à une municipalité d’adopter un règlement de zonage
permettant de régir ou restreindre, par zone, l’excavation du sol, le déplacement
d’humus, la plantation et l’abattage d’arbres et tous travaux de déblai ou de
remblai. Il était aussi souligné qu’une municipalité peut également protéger de la
même façon des milieux boisés et que cela ne constitue pas nécessairement de
l’expropriation déguisée.
Par ailleurs, dans une décision portant sur la validité de dispositions réglementaires
municipales régissant l’abatage d’arbres (9034-8822 Québec inc. c. Ville de
Sutton), la Cour supérieure a affirme qu’un règlement municipal de portée
« environnementale » doit être interprété à travers le prisme de la Loi sur le
développement durable, adoptée en 2006.
Les municipalités agiront donc de plus en plus afin de protéger les milieux naturels
sensibles et le législateur reconnaît le rôle de ce palier administratif à cet effet.
Toutefois, l’imprécision quant aux limites des pouvoirs municipaux liés à la
compétence des villes en matière d’environnement fait en sorte qu’une grande
variété de pratiques existent et cela illustre un manque de constance dans la façon
dont sont protégés les milieux naturels sensibles sur le territoire québécois. De plus,
certaines pratiques que nous illustreront dans notre analyse de cas municipaux
semblent s’éloigner d’un objectif louable de protection de l’environnement et
s’assimilent davantage à des questions de fiscalité municipale.
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Reconnaissant la pertinence de conserver et de protéger les milieux naturels
sensibles, l’industrie de la construction résidentielle est préoccupée du faible
encadrement législatif associé à l’exercice de la compétence municipale en matière
d’environnement. À l’heure actuelle, les limites de l’action municipale en ce qui a
trait à la protection des milieux naturels sensibles sont définie au cas par cas, lors
de décisions des tribunaux. Ce faisant les approches règlementaires sont variées,
ce qui crée des inégalités dans les marchés régionaux et joue en bout de compte
sur l’accessibilité et l’abordabilité résidentielle.
Afin de dresser un portrait des différentes pratiques en matière de réglementation des
intervention dans les milieux naturels sensibles, nous examinerons les approches
règlementaires adoptées par cinq grandes villes québécoise : Sherbrooke, Gatineau,
Laval, Trois-Rivières et Québec.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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3 | Analyse comparative
Les municipalités du Québec peuvent intervenir à l’égard de la protection des milieux
naturels sensibles à différents niveaux : plan d’urbanisme, règlement de zonage,
règlement de contrôle intérimaire (dans le cas des villes-MRC), règlement sur les
ententes sur relatives aux travaux municipaux, etc.). Ce pouvoir a été reconnu par
la jurisprudence.
Toutefois, les approches d’encadrement normatif utilisées par les villes pour assurer
la protection des milieux naturels d’intérêts dans le cadre d’un développement
résidentiels sont variables et font état d’un encadrement flou de la part du
gouvernement. Afin d’illustrer cette situation, nous avons examiné les cadres
réglementaires applicables pour cinq municipalités québécoises.
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Ville de Sherbrooke
En matière de protection des milieux humides, la Ville de Sherbrooke exige
uniquement l’obtention des autorisations gouvernementales comme condition
préalable à l’émission des permis de construction. Ainsi, conformément à la loi
et aux pratiques du MDDEP, un projet nécessitant l’obtention d’un certificat
d’autorisation est évalué par la direction régionale du MDDEP et est appelé à fournir
des mesures compensatoires déterminées par cette dernière. Suite à l’analyse de la
direction régionale et suite au dépôt du certificat d’autorisation par le développeur,
la Ville peut ensuite procéder à l’approbation du projet. À l’heure actuelle, l’action
municipale est limitée au cadre défini par le gouvernement et les développeurs
résidentiels actifs sur le territoire de Sherbrooke font affaire uniquement avec le
MDDEP lors d’interventions affectant les milieux humides et ne font pas face à
des exigences municipales supplémentaires. Toutefois, dans le cadre de nos
discussions avec les fonctionnaires responsables de l’urbanisme, il a été fait état
que la Ville est en discussion avec le ministère afin que les mesures compensatoires
exigées s’arriment davantage avec les objectifs municipaux d’aménagement du
territoire (notamment en ce qui a trait à la planification des parcs et espaces verts,
aux espaces de protection, aux équipements de rétention, etc.).
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Suite à l’adoption de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines
inondables par le gouvernement du Québec, la Ville de Sherbrooke a adopté un
règlement de contrôle intérimaire visant, entre autres, à régir les constructions
et les aménagements réalisés dans les zones visées par la politique. De manière
générale, à l’égard des bandes riveraines, le RCI No. 218 prescrit des normes
reprenant globalement celles de la Politique gouvernementale (bande riveraine de
10 ou 15 mètres selon la pente, interdiction de construction dans la bande riveraine
à certaines exceptions près, encadrement plus strict des aménagements, etc.). La
Ville de Sherbrooke n’est donc pas plus exigeante que le MDDEP en matière de
protection des rives. Il en est de même pour les normes applicables aux constructions
et aménagements réalisés à l’intérieur de la plaine inondable (0-20 ans et 20-100
ans). Les dispositions minimales prescrites par la politique gouvernementale sont
directement reprises par la Ville de Sherbrooke dans un règlement qui n’est pas
plus restrictif que celui du gouvernement. Le cadre règlementaire défini par le
gouvernement est donc directement appliqué par la Ville de Sherbrooke qui ne
prévoit pas, à court terme, d’augmenter ses exigences en la matière. Au terme
de l’exercice de révision du schéma d’aménagement (en cours de réalisation) les
dispositions du RCI devraient être intégrées intégralement au règlement de zonage
de Sherbrooke.
En ce qui a trait à la protection des milieux boisés, la Ville de Sherbrooke régit
actuellement l’abattage d’arbre en vertu des dispositions du règlement de contrôle
intérimaire No. 2000-100, adopté en 2001. Ce règlement interdit l’abattage
d’arbres selon certaines conditions, pour des terrains situés à l’extérieur du
périmètre urbain. À l’intérieur du périmètre urbain, les règlements de zonage des
différents arrondissements encadrent la coupe d’arbre dans les zones boisées nonspécifiquement identifiées comme étant d’un intérêt écologique particulier.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Ville de Laval
Interventionniste en matière d’environnement, la Ville de Laval a adopté en novembre
2009 la Politique de conservation et de mise en valeur des milieux naturel d’intérêt.
Visant à protéger et mettre en valeur le patrimoine écologique de la municipalité,
cette politique a eu un impact direct sur le processus de développement des projets
résidentiels, notamment par la mise en place d’un cadre local venant dédoubler les
mesures de contrôle et de protection déjà appliquées par le MDDEP.
La mise en œuvre de la politique municipale s’est effectuée en deux volets, d’abord
par l’adaptation des règlements d’urbanisme, et dans un second temps par
l’application de mesures de compensations.
En ce qui a trait à la réglementation d’urbanisme relative à la protection des milieux
humides et des cours d’eau, le cadre mis en place par Laval est plus restrictif que
celui de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables du
gouvernement du Québec. Notamment, les dispositions du règlement de zonage
L-2000 prévoient que tous les travaux dans la plaine inondable de récurrence 20-100
ans sont prohibés, et ce malgré la possibilité technique d’immuniser les fondations
des constructions (comme le permet la politique provinciale). Ce faisant, une zone
non-constructible de 15 mètres se situant à partir de la ligne des hautes eaux vers
l’intérieur des terres est effective sur l’ensemble du territoire, nonobstant l’existence
de techniques de construction permettant d’éviter l’inondation des bâtiments et
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6 mai 2013
L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
qui sont aptes à minimiser l’impact des activités humaines sur les écosystèmes. À
l’échelle de grands projets domiciliaires, cette perte nette de 15 mètres de terrain
peut grandement affecter la rentabilité immobilière.
Au niveau de la compensation environnementale, la Ville de Laval a mis en place un
programme visant les cours d’eau et la totalité des milieux humides qui repose sur
le principe « d’aucune perte nette écologique ». Dans les faits, tout empiètement
dans un cours d’eau ou un milieu humide, quel que soit sa situation en vertu de
la grille d’analyse du MDDEP, doit être compensé afin de « s’assurer à plus ou
moins long terme qu’il n’y ait aucune perte écologique sur le territoire lavallois ». Ce
faisant, contrairement à une pratique administrative appliquée jusqu’au 1er janvier
dernier par le ministère, la Ville de Laval oblige les promoteurs à compenser des
interventions réalisées dans les milieux humides d’une superficie de moins de 0,5
hectare.
Par ailleurs, bien que le programme de compensation environnementale de la Ville
de Laval prévoit qu’un projet puisse être compensé par divers aménagements
environnementaux, la municipalité favorise que les compensations soient
constituées de dons monétaires au Fonds vert lavallois.
municipalité « favorise grandement » que les compensations soient constituées de
dons monétaires au Fonds vert lavallois. Les montants de compensations devant
être versés au Fonds vert sont calculés par l’entremise d’une formule identifiée au
règlement L-10485 concernant les ententes relatives à des travaux municipaux.
Notamment, pour les compensation de milieux humides de situation 1 (superficie
de moins de 0,5 hectare), le don doit équivaloir à 10$ par mètre carré de superficie.
Pour les milieux humides de situation 2 ou 3 (plus de 0,5 hectare) ou pour les cours
d’eau, le montant du don doit équivaloir à 30 $ par m2.
Toutefois, comme le rappelle la Politique de conservation et de mise en valeur
des milieux naturels d’intérêt, « l’existence du programme de compensation
environnementale de la Ville de Laval ne soustrait pas les projets à l’application
de l’article 22 de la LQE ». Conséquemment, la Ville de Laval reconnaît que les
développeurs devront, en plus des compensations exigées par la municipalité,
assurer la procédure de demande de certificat d’autorisation provincial et que cela
peut impliquer la réalisation d’une compensation environnementale, si exigée par
le MDDEP. À ce titre, la récente Loi concernant des mesures de compensation
pour la réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique prévoit que
le ministre peut exiger d’un demandeur de certificat d’autorisation des mesures
de compensation visant notamment la restauration, la création, la protection ou
la valorisation écologique d’un milieu humide, hydrique ou terrestre. Selon notre
interprétation, la notion de compensation est donc rattachée à de la « terre », et non
à des dons monétaires.
Ce faisant, considérant l’application simultanée du régime de compensation de la
Ville de Laval et celui du MDDEP, un promoteur résidentiel pourrait être obligé de
faire un don monétaire d’un côté, tout en aménageant des terrains écologiques
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
de l’autre. Une telle situation permet de questionner les intentions réelles de la
municipalité et soulève de nombreuses questions quant à la multiplication des
charges attribuables aux développeurs.
Dans le cas de Laval, la contribution au Fonds vert à titre de compensation pour un
empiètement dans un milieu humide ou un cours d’eau s’ajoute à la compensation
monétaire exigée lors d’une demande de permis de construction pour le Programme
de compensation des gaz à effet de serre. Cette multiplication des taxes dites
« environnementales », combinée à une multiplication des frais directs (parcs, etc.)
est extrêmement négative pour la santé de l’industrie de la construction domiciliaire
et affecte directement l’accessibilité résidentielle des ménages.
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6 mai 2013
L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Ville de Gatineau
À l’instar de la Ville de Laval, la Ville de Gatineau a adopté en 2011 le Règlement de
contrôle intérimaire (RCI) prohibant toute construction sur des terrains comportant
un milieu humide sans une caractérisation préalable de la part d’un expert et d’une
compensation de terrain (règlement numéro 511-6-2011). Selon le préambule de ce
règlement, en considération de l’article 4 de la Loi sur les compétences municipales
(qui confère aux municipalités locales une compétence en matière d’environnement),
la Ville de Gatineau « dispose de tous les pouvoirs pour intervenir en matière
d’environnement ». Les dispositions du RCI ont été intégrées au Premier projet de
schéma d’aménagement et de développement révisé de la municipalité adopté à
l’hiver 2013 et devraient donc être enchâssées dans le règlement de zonage suite à
son adoption définitive (prévue pour le début de 2014).
De façon plus précise, certains éléments du règlement de contrôle intérimaire
soulèvent des questions. Notamment, la section terminologique du règlement
fait état du concept de « milieu humide présumé ». Un lieu humide présumé est
constitué non-seulement du milieu humide, mais aussi d’une bande supplémentaire
d’une largeur minimale de quinze mètre s’additionnant au territoire normalement
visé. Ne faisant pas partie formellement de l’aire compensée, l’existence de cette
bande supplémentaire peut signifier des centaines ou des milliers de mètres carrés
de superficie pour un projet majeur.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Aux dispositions normatives du règlement, il est par ailleurs précisé qu’une
intervention planifiée sur un terrain comportant un milieu humide présumé ne peut
être autorisée à la condition qu’un plan d’implantation préparé par un professionnel
compétent soit déposé à l’appui d’une demande de permis. Le plan d’implantation
doit attester que l’intervention proposée est située à l’extérieur des limites du milieu
humide présumé, donc à l’extérieur de la bande supplémentaire de quinze mètres.
Si un promoteur souhaite intervenir dans le milieu humide présumé, une seconde
expertise réalisée par un expert en biologie est requise en appui à la demande de
permis. Dans un tel cas, si l’expertise démontre que le milieu humide est affecté en
tout ou en partie, la partie touchée doit être compensée par un autre milieu humide
selon les termes suivants :
• Perte de superficie d’un milieu humide de situation 1 (moins de 0,5 hectare) :
Compensation par un milieu naturel d’intérêt équivalente à la superficie perdue.
• Perte de superficie d’un milieu humide de situation 2 (0,5 à 5 hectares) :
Compensation par un milieu humide de situation 2 ou 3 à 2 fois la superficie
perdue.
• Perte de superficie d’un milieu humide de situation 3 (plus de 5 hectares) :
Compensation par un milieu humide de situation 3 à 3 fois la superficie perdue.
Alors que le MDDEP ne précise pas les niveaux de compensation acceptables et se
fie plutôt au bon jugement de ses professionnels qui savent analyser les demandes
au cas par cas en fonction des caractéristiques écologiques d’un lieu, la Ville de
Gatineau préfère quant à elle imposer des règles simplistes de multiplicateur des
superficies perdues. Par cette pratique, les caractéristiques écologiques fines
associées à un milieu ne sont pas prises en considération par la Ville de Gatineau
dans l’établissement de ce qui constitue une juste compensation.
Finalement, il est à souligner que dans le cadre de nos discussions, nous avons été
informé que la Ville de Gatineau explore la possibilité de mettre en place un régime
de compensation par dons monétaires (comme à Laval), ce qui risquerait de mettre
en place une double approche de compensation environnementale (à la fois au
municipal et au provincial).
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6 mai 2013
L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Ville de Québec
En ce qui a trait à la protection des milieux naturels sensibles, la Ville de Québec
dispose d’une cartographie détaillée des milieux humides et des éléments
hydrographiques sur son territoire.
Toutefois, plutôt que de dédoubler les mesures de contrôle et de compensation, la
municipalité a décidé de ne pas mettre en place son propre régime réglementaire
pour la plus grande partie de son territoire (à l’exception de la périphérie nord).
Ainsi, tel que le prévoit la loi, la municipalité a identifié de règles de construction à
proximité des cours d’eau, mais les prescriptions reposent essentiellement sur les
éléments identifiés au cadre juridique provincial.
Toutefois, pour des secteurs situés dans le nord de la ville, dans les bassins
versant des prises d’eau municipales, la Communauté métropolitaine de Québec
(à la demande de la Ville de Québec) a adopté en 2010 un règlement de contrôle
intérimaire visant à restreindre l’impact du développement urbain sur la qualité de
l’eau potable municipale (provenant principalement du lac Saint-Charles). Sous
des considérations de sécurité publique, le RCI de la Communauté métropolitaine
précise les conditions devant être remplies par les citoyens et les entreprises pour
effectuer divers travaux à l’intérieur des bassins versants concernés. Le règlement
prévoit entre autres les conditions à respecter pour toute construction située dans
une plaine inondable, une rive, un littoral, un milieu humide ou un secteur de forte
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
pente. Des normes particulières, notamment applicables à l’abattage d’arbres en
milieu résidentiel ou relatives à des opérations forestières de nature commerciale,
sont également spécifiées.
Applicable aux municipalités locales (Québec, Stoneham, Boischatel, Sainte-Brigittede-Laval, etc.), le règlement oblige ces dernières à appliquer de nouvelles normes
plus restrictives lors de l’évaluation des projets de développement. Notamment,
les projets domiciliaires situés dans le territoire d’application du RCI doivent
obligatoirement être branchés au réseau d’égout et doivent disposer d’un jardin
permettant de gérer in-situ les eaux pluviales, les rues doivent être minimalement à
une distance de 75 mètres d’un cours d’eau ou d’un lac, et d’importantes surfaces
arbustives doivent être conservées. Parallèlement, la superficie des aires de
stationnement est fortement contrôlée et la construction dans les pentes est régie
de façon très serrée.
Les normes mises en place par le RCI ont largement complexifié le processus
de planification des projets domiciliaires dans la périphérie nord de Québec.
Dorénavant, un promoteur doit compter sur une armée de conseillers techniques
afin de mener à terme un projet de développement et cette réalité a un impact direct
sur l’accessibilité et l’abordabilité résidentielle. Toutefois, contrairement aux actions
des villes de Laval et Gatineau, les mesures misent en place par la Ville de Québec
respectent l’esprit de la loi et ne tendent pas à dédoubler un contrôle déjà effectué
par le MDDEP. Par ailleurs, l’objectif environnemental est clair et ne relève pas de
considérations d’inspiration fiscale. 22
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Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Ville de Trois-Rivières
Très active et reconnue en matière de développement durable, la Ville de TroisRivières a adopté diverses politiques et stratégies annonçant ses intentions en la
matière. Notamment la municipalité dispose d’une Politique du patrimoine forestier
et paysager, d’une politique de développement durable, ainsi que d’une Stratégie
d’intégration des milieux naturels au développement urbain. Cette stratégie vise
l’utilisation de différents outils urbanistiques et légaux afin de protéger les milieux
naturels d’intérêt sur son territoire. Largement évoquée comme un succès dans
le monde municipal, la Stratégie comprend l’inscription de territoires d’intérêt
écologique au schéma d’aménagement, l’application de trois nouvelles mesures
d’aménagement particulières (protection, conservation et conciliation) à l’intérieur
des territoires d’intérêt écologique, la création de nouvelles zones PRO (protection),
PROA (protection en zone agricole), CN (conservation naturelle) et AE (aires
écologiques) au plan d’urbanisme, la rédaction d’un règlement sur les plans
d’aménagement d’ensemble pour les zones PRO, et finalement le recours aux plans
directeurs sectoriels pour tous les projets de développements. De plus, la Stratégie
a été mise en œuvre dans le cadre d’une entente de principe avec la direction
régionale du MDDEP.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Dans la pratique, le schéma d’aménagement et le plan d’urbanisme de la Ville de
Trois-Rivières identifient des « zones d’écodéveloppement » pour lesquelles des
mesures de conservation, de protection et de conciliation sont établies. Pour ces
zones, l’article 172 du plan d’urbanisme prévoit que les propriétaires d’immeubles
doivent déposer un plan d’aménagement d’ensemble (PAE) comprenant :
• Une étude hydrogéologique qualifiant les eaux souterraines et de surface;
• Une étude forestière;
• Une étude de caractérisation du milieu naturel, floristique et faunique.
Conformément au plan d’urbanisme, le règlement de zonage reprend les territoires
identifiés à titre de zone d’écodéveloppement et précise pour chacune des zones
visées que pour « toute nouvelle utilisation ou réutilisation du sol d’un immeuble non
desservi par un service d’aqueduc ou un service d’égout, la réalisation préalable
d’une étude de caractérisation environnementale du site visé et l’assujettissement
de tout projet aux conclusions de celle-ci ». La caractérisation doit comprendre
une démonstration du niveau des impacts sur les différentes caractéristiques du
milieu naturel du site visé, de manière à fixer les mesures à retenir et permettre la
réalisation d’un projet qui « évitera, minimisera, et compensera ».
C’est donc dire qu’un promoteur souhaitant réaliser un projet dans une zone
identifiée à titre d’écodéveloppement devrait d’abord procéder à l’élaboration d’un
PAE (comprenant les études sectorielles énumérées précédemment), avant même
d’envisager d’entreprendre un processus d’ajustement de la règlementation de
zonage.
Cette pratique visant à obliger l’adoption d’un PAE, en plus d’alourdir le processus
de développement, a des impacts directs sur la faisabilité des projets dans le cas
où plusieurs propriétaires sont présents. En effet, l’outil des Plan d’aménagement
d’ensemble est généralement de moins en moins utilisé par les municipalités
puisque qu’il présente d’importants défis limitant une mise en œuvre rapide.
Le Plan d’aménagement d’ensemble est un outil d’urbanisme discrétionnaire,
introduit par le législateur en 1987 et visant l’encadrement par les municipalités de
grands secteurs à urbaniser ou à transformer.
Le paragraphe 7 de l’article 84 de la Lois sur l’aménagement et l’urbanisme précise
que le Plan d’urbanisme peut comprendre « la délimitation à l’intérieur du territoire
municipal d’aires d’aménagement pouvant faire l’objet de plans d’aménagement
d’ensemble ». Par ailleurs, ce sont les articles 145.9 à 145.14 de la même loi qui
font état des particularités de l’application des d’aménagement pouvant faire l’objet
de plans d’aménagement d’ensemble ». Par ailleurs, ce sont les articles 145.9 à
145.14 de la même loi qui font état des particularités de l’application des plans
d’aménagement d’ensemble. Notamment, l’article 145.9 indique que le « conseil
d’une municipalité dotée d’un comité consultatif d’urbanisme peut adopter
un règlement qui lui permet d’exiger dans une zone, lors d’une demande de
modification des règlements d’urbanisme, la production d’un plan d’aménagement
de l’ensemble de cette zone ».
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Ce règlement sur les PAE évoqué à l’article 145.9 de la loi doit :
• indiquer la zone à l’égard de laquelle une modification des règlements
d’urbanisme est assujettie à la production d’un PAE (article 145.10, 1°);
• spécifier, pour cette zone, les usages et les densités d’occupation du sol
applicables à un PAE (article 145.10, 2°);
• établir la procédure relative à une demande de modification des règlements
d’urbanisme lorsque la présentation d’un PAE est requise (article 145.10, 3°);
• prescrire les éléments qu’un PAE doit représenter et les documents qui doivent
l’accompagner (article 145.10, 4°);
• déterminer les critères suivant lesquels est faite l’évaluation d’un PAE (article
145.10, 5°).
Normalement, les zones visées par des PAE prévoient initialement des usages peu
productifs et une densité très faible (« downzoning »), ce qui permet de retarder le
développement et de forcer les promoteurs à élaborer le document de planification.
Suite au dépôt par des promoteurs d’un plan d’aménagement d’ensemble pour
une zone à l’égard de laquelle une modification des règlements d’urbanisme est
assujettie à la production d’un PAE, le conseil municipal doit, après consultation du
C.C.U., approuver ou refuser par résolution ledit plan.
Outil d’urbanisme discrétionnaire vague, le PAE implique que la municipalité ait
déterminé des critères d’évaluation pour l’ensemble des zones visées. Dans le cas
de Trois-Rivières, ces critères reposent uniquement sur l’idée de « éviter, minimiser,
et compenser » les impacts sur les milieux naturels sensibles, ce qui est très flou et
laisse une grande place à la discrétion des élus. Par ailleurs, il est à souligner que l’approbation d’un PAE par le conseil municipal
est uniquement le premier pas vers les ajustements réglementaires requis pour
mettre en œuvre un projet. Ainsi, l’adoption d’un PAE permet d’aller de l’avant
avec le processus de modification du zonage, mais n’est pas une garantie
absolue que la règlementation modifiée pourra entrer en vigueur, puisque les
citoyens ont toujours la possibilité de s’opposer au changement de zonage par
référendum, malgré l’adoption d’un PAE… Il est aussi à noter qu’un PAE doit viser
l’ensemble de la zone concernée. Ainsi, advenant que la municipalité exige pour
une zone un PAE, l’ensemble des propriétaires de la zone doivent s’entendre sur
une planification commune à défaut de quoi aucun projet ne peut aller de l’avant.
Dans un environnement d’affaire compétitif, il est parfois difficile de s’entendre
avec des partenaires ou compétiteurs sur l’avenir d’un vaste territoire, ce qui
est apte à empêcher l’élaboration d’un PAE et retarder l’avancée des projets de
développement.
Depuis l’apparition de l’outil des PAE en 1987, la Loi sur l’aménagement et
l’urbanisme s’est précisée et d’autres outils et techniques mieux adaptées ont été
intégrés. Il est donc surprenant, à ce jour, que la Ville de Trois-Rivières mette cet
outil, que plusieurs considèrent désuet, au centre de sa stratégie visant à encadrer
le développement des territoires en périphérie de son centre.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
Finalement, il est pertinent de rappeler que la Ville de Québec s’est graduellement
éloignée de cet outil d’urbanisme pour la gestion des secteurs à développer sur
son territoire. Alors que le Plan directeur d’aménagement et de développement
de Québec (PDAD), adopté en 2005, préconisait le recours à l’outil des PAE pour
une trentaine d’aires sur le territoire municipal, le prochain plan favorisera plutôt un
contrôle de ces territoires par l’entremise d’outils réglementaires plus flexibles et
mieux adaptés (PPU, PIIA, etc.).
En ce qui a trait plus spécifiquement aux dispositions normatives relatives à la
protection des cours d’eau et des milieux humides, la Ville de Trois-Rivières reprend
à son règlement de zonage les paramètres de la règlementation provinciale. Il
est à souligner que la Ville de Trois-Rivières agit à titre de guichet unique pour
les promoteurs, sur la base d’une entente de principe avec la direction régionale
du MDDEP. Ainsi, contrairement à Laval ou Gatineau, la municipalité n’a pas de
programme de compensation autonome à celui du ministère et la quantification des
mesures de compensation est centralisé, ce qui tend à faciliter les démarches des
promoteurs.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
Document d’orientation
Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
4 | Constats et enjeux
À la lumière de l’analyse des exigences de différentes grandes villes québécoises
en matière d’encadrement réglementaire des interventions touchant les milieux
naturels sensibles, certains constats et enjeux sont importants à souligner.
1)La compétence municipale en matière d’environnement est floue et ses
limites sont déterminées au cas par cas, sur la base de la jurisprudence et
non par un cadre législatif clair.
Comme nous l’avons démontré, l’article 4 de la Loi sur les compétences
municipales reconnait que les municipalités disposent d’une compétence en
matière d’environnement. Toutefois, les limites de cette compétence n’ont pas été
établies par le législateur et la validité des initiatives municipales est cautionnée au
cas par cas par les tribunaux. Cette jurisprudence établit le rôle des municipalités
en matière de développement durable, mais les champs d’intervention demeurent
incertains.
Dans ce contexte d’incertitude et porté par une forte « volonté d’innovation » des élus
municipaux en matière d’environnement et de développement durable, plusieurs
municipalités adoptent des règlements dont la portée va au-delà de ce qui est
normalement reconnu pour ce pallier de l’État. Notamment, certaines municipalités
se sont dotées de fonds d’intervention en matière d’environnement, exigent le
paiement de compensations monétaires, et fixent des exigences réglementaire
dépassant largement le cadre établi par le gouvernement du Québec.
À ce titre, il est intéressant de souligner que le préambule du Règlement de contrôle
intérimaire adopté par la Ville de Gatineau (règlement numéro 511-6-2011) indique
que « considérant le contexte évolutif de la jurisprudence et de la législation
relativement aux pouvoirs des municipalités en matière de conservation des milieux
naturels, il est judicieux de prétendre que les municipalités peuvent prévoir des
mesures compensatoires en matière de perte de milieux humides ».
C’est donc dire que les municipalités elles-mêmes considèrent que le cadre
législatif actuel encadrant leurs actions en matière d’environnement est flou et
repose essentiellement sur la jurisprudence, plutôt que sur des décisions politiques
réfléchies.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
2) Les municipalités interviennent de façon variable en matière d’encadrement
des interventions dans les milieux naturels sensibles.
Notre analyse de cinq municipalités québécoises permet d’énoncer que l’encadrement
des projets affectant les milieux naturels sensibles relève essentiellement du niveau
d’interventionnisme privilégié par les élus et les fonctionnaires locaux. Alors qu’à
Gatineau et Laval des normes dépassant celles du ministère ont été mises en
place pour protéger les milieux humides et les cours d’eau, d’autres municipalités
comme Sherbrooke ou Trois-Rivières reprennent essentiellement les prescriptions
gouvernementales. Cette variabilité fait en sorte de créer des iniquités pour les
développeurs, puisque malgré la volonté de l’industrie de protéger les milieux
naturels sensibles, il est impossible d’avoir une vision d’ensemble des pré requis et
des meilleures pratiques sur l’ensemble du territoire québécois. Par ailleurs, la « sur
protection » de certains milieux naturels sensibles par des mesures réglementaires
plus strictes n’est pas basée sur une valeur écologique plus grande, mais seulement
sur un choix d’outils d’urbanisme plus restrictifs.
3) On assiste à une multiplication des régimes municipaux de compensation,
souvent dans un cadre s’éloignant de stricts objectifs environnementaux.
La Ville de Laval a mis en place son propre régime de compensation écologique,
distinct de celui relevant du MDDEP. Pour toutes les interventions dans les milieux
humides ou les cours d’eau, même pour les situations 1, la municipalité exige
une compensation qui peut être un aménagement écologique, un don de terrain,
ou un don monétaire. Dans la pratique, la Ville de Laval favorise grandement le
don monétaire à son Fonds vert. Les interventions réalisées grâce à ce fonds
sont toutefois floues et il peut être difficile de lier clairement les montants payés
aux actions réalisées pour l’amélioration ou le maintien d’unités écologiques. Par
ailleurs, dans le cas de Laval, la compensation municipale s’additionne à une
compensation déjà exigée par le gouvernement, diminuant ainsi la rentabilité des
projets immobiliers.
Nous notons que certaines municipalités envisagent de répéter l’approche de Laval
en exigeant elles-aussi des compensation monétaires. Ne bénéficiant d’aucun
encadrement gouvernemental, il nous apparaît dangereux que cette pratique se
répande et en vienne à constituer à terme, dans la majorité des municipalités, une
nouvelle taxe au développement.
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L’encadrement réglementaire des projets de développement résidentiel au Québec.
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Régimes municipaux de protection des milieux naturels sensibles
4) Les outils utilisés pour contrôler les interventions dans les milieux naturels
sensibles sont variables et parfois mal utilisé.
L’absence d’un cadre national permettant de guider les municipalités dans le
contrôle des interventions réalisées dans les milieux naturels sensibles fait en
sorte que les outils utilisés diffèrent d’un endroit à l’autre. Par ailleurs, le choix de
l’outil d’urbanisme peut avoir des conséquences néfastes sur le développement
du territoire, malgré que l’objectif initial était louable. Notamment, la Ville de TroisRivières exige l’adoption d’un PAE pour la mise en valeur de zones vouées à
l’écodéveloppement. Cet outil, peu utilisé par la majorité des municipalités, présente
des défauts importants puisqu’il ouvre la porte à un processus de sur-consultation
de la population, et force des individus ou entreprises aux intérêts divergeant à
devenir des partenaires d’affaire.
De la même façon, les exigences réglementaires de la Communauté métropolitaine
de Québec pour les territoires situés dans les bassins versants des prises d’eau
de la Ville de Québec sont tellement complexes qu’elles forcent les promoteurs à
embaucher une grande variété de spécialistes, préalablement à un projet, affectant
ainsi directement la rentabilité, l’accessibilité, et l’abordabilité résidentielle.
5) Certaines municipalités s’entendent avec leur direction régionale du MDDEP
afin de mettre en place un guichet commun apte à faciliter les processus
d’approbation.
Il est nécessaire de souligner que certaines municipalités ont établi un « guichet
unique » de concert avec le MDDEP pour traiter toutes les demandes relatives aux
interventions dans les milieux humides. À cet effet, les villes de Trois-Rivières et
Blainville ont procédé à la signature d’une entente avec le ministère leur permettant
de gérer localement la démarche de compensation prévue à la loi. Cette pratique a
pour effet de simplifier les démarches pour les promoteurs résidentiels et permet de
gérer de façon cohérente les compensations en fonction des objectifs municipaux
d’aménagement du territoire.
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5 | Orientations
L’APCHQ reconnait l’importance de protéger et de mettre en valeur les milieux
naturels sensibles. Les milieux humides, les cours d’eau et les milieux forestiers
ont une valeur écologique inestimable pour le Québec et contribuent à la qualité de
notre cadre de vie. Cependant, il est important de s’assurer que la façon d’encadrer
les interventions affectant ces milieux soit équitable et similaire sur l’ensemble du
territoire québécois.
À la lumière des informations présentées précédemment, l’APCHQ considère
que les orientations suivantes devraient encadrer la façon dont sont gérées les
interventions dans les milieux naturels sensibles. L’APCHQ recommande :
1)Que le gouvernement clarifie la portée de la compétence municipale en
matière d’environnement et favorise la mise en place d’un cadre uniforme à
l’ensemble du territoire québécois.
L’article 4 de la Loi sur les compétences municipales est extrêmement vague
est imprécis quant à la portée de la compétence des municipalités à l’égard de
l’environnement. Ce faisant, cette capacité d’action dans ce domaine est utilisée de
façon très diversifiée d’une municipalité à l’autre.
Afin d’éviter que certaines municipalités outrepassent leurs pouvoirs, l’APCHQ
souhaite que le gouvernement du Québec mette en place un cadre clair et uniforme
à l’ensemble du territoire, balisant les interventions des municipalités en matière
d’environnement. Le contexte actuel, caractérisé par une absence de cadre
d’intervention, permet d’observer des situations inacceptables telles le recours à
la double-compensation (à la fois monétaire et en terrains) ou l’imposition arbitraire
de « bandes de protection » des milieux humides qui n’ont aucun avantage
environnemental réel lorsque des aménagements adéquats des terrains sont mis
en place. L’APCHQ est d’avis que les éléments régis par des politiques provinciales,
dont la gestion des milieux humides, des rives et des plaines inondables, ne devraient
pas faire l’objet de règlementation plus restrictives de la part des municipalités.
Au même titre que l’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prescrit le
contenu des outils d’urbanisme, la Loi sur les compétences municipales ou la future
LAU doit baliser les actions des municipalités en matière d’environnement.
Par ailleurs, l’APCHQ est d’avis que, tel que le veut l’esprit de la Loi sur l’aménagement
et l’urbanisme, l’aménagement du territoire est un acte politique. Ce faisant, il est
de la responsabilité du législateur de déterminer clairement le champs d’action des
municipalités en matière d’environnement, et ce pour éviter des situations abusives
où des considérations écologiques louables font office de paravent à des stratégie
de financement municipal ou pour éviter une surenchère environnementale sans
gains réels.
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2) Que les mesures de compensation soient encadrées par le gouvernement
et que les doubles compensations soient prohibées.
La mécanique de la compensation de superficies de terrain vise à permettre un
développement du territoire à un coût globalement nul pour l’environnement. Ainsi,
plus un milieu humide est de taille importante et recèle une haute valeur écologique,
plus la compensation devra être importante pour « remplacer » les pertes
écologiques associées au développement de ce milieu humide. À ce titre, le principe
de la compensation est reconnu par l’industrie de la construction domiciliaire et
est d’un grand intérêt pour s’assurer que l’empreinte des activités humaine sur
l’environnement soit le plus faible possible. Selon la pratique, l’imposition de
mesures compensatoires relève exclusivement des directions régionales du
MDDEP. La nouvelle Loi concernant des mesures de compensation pour la
réalisation de projets affectant un milieu humide ou hydrique a par ailleurs accordé
spécifiquement au ministre le pouvoir d’exiger ces mesures compensatoires. A nul
endroit dans ce texte de loi il est fait état que les municipalité disposent aussi d’un
tel pouvoir d’exiger des mesures compensatoires.
Toutefois, la Ville de Laval exige depuis peu ses propres mesures de compensation
et privilégie les dons monétaires à son Fonds vert. De nombreuses municipalités
souhaitent emboîter le pas et voient dans les mesures compensatoires une façon
d’élargir l’assiette fiscale afin de réaliser certaines interventions sur le territoire.
Parallèlement, certaines municipalité vont même jusqu’à établir les « quantités
requises » de compensation, ce sur quoi le MDDEP ne s’aventure même pas
formellement. À titre d’exemple, la Ville de Gatineau prescrit qu’une intervention
dans un milieu humide de situation 3 nécessite des mesures compensatoires
équivalent à trois fois la superficie de l’aire affectée. Une telle approche ne prend
aucunement en considération les particularités écologiques des milieux humides
concernés et met plutôt de l’avant une approche simpliste de gestion du territoire.
L’APCHQ est d’avis que le gouvernement du Québec doit prohiber l’imposition
de mesures compensatoires municipales, dans la mesure où ces dernières
s’additionnent à des mesures compensatoires déjà exigées par la direction régionale
du MDDEP. Par ailleurs, il est souhaitable qu’un cadre national clair soit mis en place
quant à la quantification des mesures de compensation, et ce de façon à favoriser
une équité entre les promoteurs immobiliers des diverses régions du Québec, et
en vue de protéger adéquatement les milieux humides sur l’ensemble du territoire.
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3) Que les municipalités et le MDDEP collaborent afin de mettre en place une
approche par guichet unique sur l’ensemble du territoire.
La Ville de Trois-Rivières et la direction régionale du MDDEP ont mis en place un
guichet unique permettant de simplifier le traitement des projets affectant des
milieux humides. Par cette initiative, les promoteurs font affaire uniquement avec
la municipalité, qui à son tour gère les relations avec le MDDEP. Ceci est apte à
simplifier grandement le processus d’approbation d’un projet.
L’APCHQ est d’avis que les municipalités devraient être l’unique point de réception
des demandes relatives à des interventions dans les milieux humides, et ce dans
le cadre des procédures usuelles d’approbation de projet. Elles devraient être en
charge de transmettre ensuite ces demandes à la direction régionale du MDDEP aux
fins de l’établissement de justes mesures compensatoires, en fonction d’une grille
d’analyse reconnue et publique. Les mesures compensatoires exigées pourraient
s’inscrire dans le cadre d’une stratégie environnementale municipale comprenant
des objectifs et un des actions concrètes de mise en œuvre, dans la mesure où
cette stratégie a été adoptée par le conseil municipal et est diffusée au public.
4) Qu’un dispositif d’arbitrage soit mis en place pour faciliter le règlement des
litiges portant sur la protection des milieux naturels.
Actuellement, les constructeurs d’habitations ont peu de recours pour contester
les décisions arbitraires du MDDEP en matière de compensation pour les milieux
humides, ou encore pour remettre en question la pertinence des réglementations
municipales outrepassant le cadre provincial de protection des milieux naturels
sensibles.
La mise en place d’un organisme indépendant ayant un mandat similaire à celui de
la Commission des Affaires Municipales de l’Ontario permettrait aux constructeurs
d’habitations du Québec et aux associations qui les représentent d’avoir un recours
impartial pour contester les décision lorsque les municipalités ou le MDDEP
adoptent des approches de protection des milieux naturels trop contraignantes.
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des projets de développement résidentiel au Québec
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© 2013 – APCHQ
François Bernier, Directeur – Service économique et affaires publiques
Mathieu Bélanger, Coordonnateur, Associé délégué, CIMA+
Simon Desrochers, Analyste principal, Chargé de projet, CIMA+
Sylvie Roy, Révision linguistique, CIMA+
Étienne Cormier, Graphiste, CIMA+
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