D O S S I E R Faut-il surveiller les femmes traitées pour cancer du sein non métastatique ? lPierre Kerbrat* L es femmes traitées pour cancer du sein non métastatique font l’objet d’une surveillance régulière (1). Elles le souhaitent, et adhèrent de ce fait aux procédures qui leur sont proposées (2). Pendant très longtemps, les médecins ont admis également qu’il fallait surveiller ces malades pour diagnostiquer et traiter le plus précocement possible les rechutes ou les complications post-thérapeutiques. Cependant, les modalités et surtout les résultats de cette surveillance ont été récemment mis en cause, pour des raisons économiques, mais aussi médicales. La question se pose donc pour les cancers du sein comme pour les autres tumeurs : fautil surveiller les malades, et si oui, comment, pendant combien de temps, par qui et avec quel bénéfice ? La surveillance post-thérapeutique doit être évaluée en tenant compte de l’histoire naturelle du cancer du sein (3) : – les récidives locales sont fréquemment curables, surtout après traitement conservateur initial ; 1/4 environ des récidives sont d’abord locales ; – l’évolution métastatique conduit actuellement inéluctablement au décès ; or, on sait qu’environ les 3/4 des rechutes se font d’emblée sur le mode métastatique. OBJECTIFS DE LA SURVEILLANCE Les bénéfices potentiels de la surveillance concernent le malade mais aussi le médecin : ces objectifs sont parfois concordants, mais ils peuvent aussi être divergents, lorsque certains tests sont réalisés dans un but de connaissance générale, ou pour évaluer les essais thérapeutiques, et non au bénéfice direct de la femme traitée. Bénéfices pour la malade l L’objectif théorique principal de la surveillance est d’entraîner un bénéfice pour la malade, correspondant ici à un allongement de sa vie ou à une amélioration des conditions de celleci. Dans ce cas précis, ce bénéfice pourrait être observé après le traitement initial, ou une fois la métastase ou la récidive survenue. Il découlerait alors d’un traitement plus précoce. l Le bénéfice peut également être secondaire à la découverte précoce, et donc au traitement, de complications thérapeutiques auxquelles il est possible de remédier, par exemple d’un lymphœdème débutant, ce qui améliore le confort de vie. l Il ne faut pas oublier le bénéfice psychologique de la surveillance : l’expérience montre que la surveillance régulière fait partie des souhaits, voire des revendications des patientes * CRLCC Eugène-Marquis, C.S. 44229, 35042 Rennes Cedex. La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 traitées pour cancer, en particulier des femmes ayant présenté un cancer du sein. Cela a été notamment largement démontré par l’enquête Parcours de femmes (2). Les malades demandent des consultations régulières avec les spécialistes. Ce besoin repose cependant en partie sur un malentendu : la surveillance permet sans doute de dépister relativement tôt une récidive, mais elle n’a pas les moyens de l’empêcher et n’a donc aucune valeur préventive. Il est possible d’affirmer à une femme qu’elle ne présente pas de récidive clinique ou paraclinique, mais il est impossible de lui assurer qu’elle en sera indemne dans les mois qui viennent. Ces consultations de surveillance servent surtout actuellement de réassurance. Leur valeur au plan thérapeutique doit donc être discutée. l Enfin, la surveillance peut permettre le diagnostic précoce des cancers épidémiologiquement liés au cancer du sein (ovaire, endomètre, côlon) mais elle peut également conduire à la prise en charge psychologique ou sociale d’un certain nombre de situations liées à la maladie ou au traitement (reprise du travail, par exemple). Intérêt pour le médecin La surveillance a deux intérêts majeurs. l L’évaluation des bénéfices d’une thérapeutique, pour la femme traitée, mais surtout au plan collectif, dans le cadre d’un protocole prospectif. Dans ce cas, il est très important d’évaluer les paramètres retenus, comme l’intervalle libre ou la survie, afin de déterminer le traitement optimal pour les malades futures. l Le diagnostic des effets secondaires tardifs, qui doivent être connus, répertoriés, et déclarés, tels que la cardio-toxicité secondaire aux anthracyclines (4), le risque de deuxième cancer induit par la chimiothérapie et/ou l’irradiation (leucémies et tumeurs solides) (5), les risques de stérilité dus à la chimiothérapie, les retentissements des hormonothérapies au long cours, avec en particulier le risque de cancer de l’endomètre, augmenté par la prise prolongée de tamoxifène (6). MÉTHODES DE SURVEILLANCE La surveillance organisée et planifiée vise donc à dépister le plus tôt possible les récidives, avant qu’elles ne soient symptomatiques, afin de proposer un traitement efficace. Elle s’appuie sur l’examen clinique et la mammographie. Surveillance loco-régionale Elle s’applique : – au sein traité par association radiochirurgicale conservatrice, – à la paroi, après mammectomie, 9 D O S S I E – au sein controlatéral, – aux aires ganglionnaires adjacentes, axillaires et sus- ou sous-claviculaires. La surveillance locale peut être effectuée de différentes façons. l L’auto-examen peut être utile, et c’est d’ailleurs souvent la malade elle-même qui découvre la récidive. La crainte de découvrir une anomalie peut cependant en rebuter certaines et, au contraire, en inciter d’autres à l’excès inverse, en pratiquant des examens quotidiens. Il faut cependant rappeler que l’impact de l’auto-examen en tant que test de dépistage dans la population générale reste très discuté (8). l L’examen clinique comparatif réalisé par le médecin est primordial, mais il peut être rendu difficile par les séquelles locales du traitement conservateur, la palpation des petites lésions devenant incertaine. Le risque de faux-positifs ou de faux-négatifs est donc élevé, même quand l’examen est pratiqué par un médecin entraîné (7). Cet examen s’accompagne bien sûr de la recherche d’adénopathies adjacentes. l Le rôle de la mammographie est prépondérant et sera discuté dans les deux articles suivants. Cependant, son interprétation peut également être compliquée en raison des modifications induites par le traitement, notamment l’œdème ou la fibrose cutanée, sous-cutanée et glandulaire, entraînant une augmentation de la densité tissulaire, et un aspect flou des images. Après tumorectomie, il peut persister dans la zone cicatricielle un aspect fibrillaire convergent vers une zone plus ou moins dense avec aspect stellaire. De plus, le sein peut être déformé et rétracté, rendant la mammographie quasi ininterprétable. Le diagnostic de reprise évolutive pourrait être évoqué sur la réapparition d’une opacité et/ou de microcalcifications, l’augmentation d’une image dense ou du volume d’une opacité tumorale (9), d’où l’importance des comparaisons avec les clichés précédents. C’est dans ces cas difficiles que peut être indiquée l’échographie ou l’imagerie par résonance magnétique nucléaire. l Le rythme des mammographies systématiques est assez bien codifié selon les dernières règles éditées par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) : première mammographie 6 mois après la fin du traitement, puis mammographie annuelle pendant toute la vie de la patiente. Au moindre doute, la ponction ou la biopsie doivent être réalisées, mais cette dernière n’est positive qu’environ 1 fois sur 2, ce qui confirme la difficulté de la surveillance locale (7). On peut parfois avoir recours à une exploration chirurgicale. Le bénéfice exact de cette surveillance loco-régionale est inconnu puisqu’il n’existe pas d’essai randomisé. Cependant, la comparaison des cohortes surveillées dans deux villes différentes des Pays-Bas montre que la pratique d’une mammographie annuelle, en plus des autres contrôles, entraîne la découverte de lésions de plus petite taille, souvent in situ et avec un envahissement ganglionnaire réduit (10). Surveillance générale L’examen clinique doit rechercher des localisations secondaires susceptibles d’être détectées cliniquement, notamment osseuses, pleuro-pulmonaires, hépatiques, cutanées, etc. 10 R La surveillance générale comporte d’autres méthodes, utilisées dans un 2 e temps, après la découverte d’un signe clinique, comme les marqueurs biologiques ou diverses techniques d’imagerie. Pour les cancers du sein, on dispose du dosage de deux marqueurs sériques, l’antigène CA 15.3 et l’antigène carcinoembryonnaire (ACE). Il a été démontré que l’un ou l’autre, ou les deux marqueurs, voient leur taux s’élever dans près de 90 % des cancers du sein métastatiques (11). Selon ces études, le taux d’ACE est élevé chez 16 à 64 % des patientes présentant une rechute loco-régionale et/ou métastatique alors que ces chiffres varient de 41 à 87 % pour le CA 15.3. Les dosages réguliers de ces marqueurs ont été réalisés dans le suivi des patientes traitées ; plusieurs études ont montré que l’élévation d’un marqueur peut précéder de plusieurs mois les signes cliniques dans 3/4 des cas environ (11). L’avance au diagnostic pourrait être en moyenne de 6 à 7 mois. Pour affirmer qu’il y a une récidive, il faut souvent tenir compte de l’élévation successive de la concentration à deux examens espacés de plusieurs semaines. Il est cependant important de rappeler que les récidives locales (les seules encore potentiellement curables), ne s’accompagnent pas en général d’une élévation des marqueurs et que le bénéfice d’un traitement précoce à la suite de l’élévation des marqueurs n’a jamais été démontré. Pour la recherche des métastases osseuses, ce sont principalement les tests d’imagerie qui sont utilisés : la scintigraphie osseuse au technétium est l’examen le plus sensible. Son intérêt dans la surveillance a été évalué par plusieurs auteurs : cet examen ne révèle que rarement des métastases osseuses asymptomatiques. En l’absence de signes d’appel, la positivité de la scintigraphie osseuse dans le suivi des cancers traités de stades I-II varie en effet de 0 à 8 %. Il n’existe pas dans la littérature de données permettant d’apprécier la valeur de la scintigraphie systématique de surveillance en fonction des facteurs de pronostic de la tumeur initiale. Pour beaucoup d’auteurs, l’examen clinique et l’interrogatoire paraissent donc supérieurs à la scintigraphie systématique (12) (tableau I). Tableau I. Rendement de la scintigraphie osseuse répétée au cours du suivi des patientes (d’après Lagrange [12]). Nombre de scintigraphies osseuses effectuées Scintigraphies osseuses positives (%) Métastases symptomatiques (%) Métastases asymptomatiques (%) Recul (nombre d’années) Wickerham Pedrazzini Thomsen Lagrange 7984 6900 1640 178 163 (2) 136 (1,97) 7 (0,4) 16 (9) 128 (1,6) – – 12 (6,7) 35 (0,4) – – 4 (2,25) 2-5 3-6 6 5-7,5 La recherche de métastases pleuro-pulmonaires peut être faite par l’interrogatoire, l’examen clinique ou les clichés radiographiques, performants pour les rares localisations infracliniques. La place exacte de la radiographie pulmonaire a été évaluée à plusieurs reprises. Dans l’étude de Logager (13), La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 pour près de 1 300 examens, la radiographie standard n’a observé que 1,3 % d’anomalies malignes non suspectées cliniquement (tableau II). De plus, la survie médiane des patientes, dont les métastases ont été découvertes à un stade asymptomatique, ne diffère pas de celle des patientes dont les métastases ont été révélées par des signes cliniques. La radiographie thoracique n’est donc pas indiquée. Tableau III. Diagnostic des récidives (d’après Belen-Ojeda [16]). 343 patientes – pour les patientes N– : suivi tous les 4 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 5 ans. – Pour les patientes N+ : suivi tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 5 ans. • 2 944 “visites” • Site de récidive Tableau II. Diagnostic des métastases pleuro-pulmonaires (d’après Logager [13]). 280 patientes = 1 289 radiographies 17 RP + chez les patientes asymptomatiques 29 RP + chez les patientes symptomatiques Nombre de RP + chez les patientes asymptomatiques survie identique 1,3 % conduisent au diagnostic de récidive 31 % loco-régional, 30 % os, 17 % poumon, 5 % foie, 12 % multiples • Symptômes pour 54 % récidives locales, cutanées et ganglionnaires 57 % métastases pleuro-pulmonaires 77 % métastases osseuses 91 % diagnostic + par interrogatoire + examen clinique + radiographie thoracique 82 % diagnostic + par interrogatoire + examen clinique 1/400 pour les tumeurs de stade I 1/76 pour les tumeurs de stade II Si le foie demeure le seul site métastatique dans 5 à 10 % des cas, les localisations hépatiques sont retrouvées à l’autopsie chez 50 à 75 % des malades. Cependant, plus d’une fois sur deux, l’examen clinique ne les retrouve pas (8). Ici encore, les examens biologiques ont une faible spécificité en raison des multiples causes de modifications, même si l’élévation des phosphatases alcalines semble un examen sensible, présent chez 80 à 100 % des malades atteintes. L’échographie semble pouvoir détecter des lésions de 5 mm à 1 cm, avec une sensibilité élevée de 75 à 90 %, et permet une ponction à visée cytologique. Il n’est pas du tout certain que la tomodensitométrie apporte des renseignements supérieurs pour un coût plus important. Dans l’étude de Kavzcor (29), regroupant 2 657 échographies abdominales dans le suivi de 414 patientes traitées, le taux de métastases hépatiques détectées en l’absence de tout symptôme n’est que de 1%. Il n’y a pas d’intérêt à réaliser des examens paracliniques à la recherche de métastases hépatiques en l’absence de signe clinique. Enfin, les autres localisations métastatiques sont trop rares ou trop rarement isolées pour pouvoir être recherchées systématiquement. Résultat des surveillances systématiques Il faut rappeler que ces résultats doivent être exprimés en pourcentage de positivité de cas asymptomatiques. La plupart des études montrent qu’en fait, 70 à 80 % des rechutes sont découvertes par l’interrogatoire et l’examen clinique. Cela est vrai pour les récidives locales (14), mais aussi pour l’extension métastatique. Dans la série de Horton, la radiographie thoracique associée à la scintigraphie osseuse détecte 13 % de métastases, et les dosages biologiques 7 % (15). L’étude de BelenOjeda (16) va dans le même sens en montrant que 82 % des récidives ou des métastases sont diagnostiqués par l’interrogatoire et l’examen clinique (tableau III). Ces résultats constituent donc un argument contre la pratique des examens systématiques. La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 Cette attitude a été renforcée en 1994 par la publication de deux études italiennes concernant chacune plus de 1 200 malades, et comparant une surveillance simple à une surveillance renforcée, notamment par des examens paracliniques. Dans la première étude (17), 1 320 patientes de stades I-III et de moins de 70 ans ont été randomisées en 2 groupes : le premier bénéficiait d’une surveillance clinique et mammographique ; pour le 2e, le bilan était complété par une scintigraphie osseuse, une radio pulmonaire et une échographie hépatique. Avec un recul de 71 mois, le nombre de décès et le délai médian avant diagnostic des métastases est identique dans les 2 groupes. Dans la 2e étude (18) 1 243 patientes ont été randomisées selon les mêmes schémas de surveillance. Il existe une avance au diagnostic des métastases osseuses et pulmonaires, mais l’étude ne constate pas de bénéfice de survie. Ces résultats ont été actualisés à 10 ans (28) et il n’y a toujours pas de différence significative entre les survies des 2 groupes. Cependant, ces études n’intégraient pas les dosages des marqueurs (19). Il est vrai que la réalisation d’études randomisées testant chez des malades présentant une élévation isolée des marqueurs un traitement immédiat contre un traitement retardé, est éthiquement difficile et donc peu probable. Ces deux études retrouvent la même survie, confirmant ainsi que l’intensification de la surveillance est inutile. La qualité de la survie n’est pas non plus influencée. Finalement, la mammographie est le seul examen paraclinique qui doit être réalisé de façon systématique (en dehors des essais thérapeutiques). LE FACTEUR TEMPS DANS LA SURVEILLANCE Deux questions sont en fait posées, celle du rythme de surveillance et celle de sa durée. Rythme de la surveillance On ne retrouve pas dans la littérature de données précises, et encore moins d’essais randomisés, posant cette question. La plupart des auteurs justifient leur schéma en l’adaptant aux facteurs pronostiques initiaux, surtout au début : beaucoup pré11 D O S S I E conisent pendant les cinq premières années une surveillance tri- ou bi-annuelle, puis annuelle (1). Cette surveillance est essentiellement clinique et s’accompagne actuellement d’une mammographie, le plus souvent annuelle, même si encore une fois le rythme n’a pas été déterminé par des études prospectives. Ce rythme annuel est réalisé notamment en cas de traitement conservateur. Il doit être étendu au sein controlatéral, qui a un risque de néoplasie augmenté de 1 % par an, soit le même taux que les récidives locales du côté traité. Cependant, la surveillance locale clinique et paraclinique, par mammographie ± échographie, peut être rapprochée si les conditions du suivi sont rendues difficiles par les séquelles, telles que l’infiltration mammaire ou l’opacité résiduelle conjonctivo-glandulaire, ou dans les groupes à très haut risque de récidive locale (femme jeune ou berges positives). Durée de la surveillance Si l’on juge indispensable les contrôles réguliers, il paraît logique de les maintenir tant que le risque de récidive existe. On sait que le cancer du sein peut récidiver très tard, parfois plus de 20 ans après le traitement loco-régional. Cependant, le délai moyen de rechute, notamment loco-régionale, paraît d’autant plus long que la tumeur initiale était petite, et il faut rappeler que globalement plus de 80 % des rechutes, surtout métastatiques, surviennent dans les cinq premières années (20). Dans le contexte actuel, beaucoup de malades pensent être guéries une fois franchie la barre fatidique des 5 ans, mais la majorité souhaite une surveillance, même espacée. Un contrôle annuel paraît alors raisonnable, quoique le maintien de celui-ci ne puisse être scientifiquement recommandé. La surveillance peut en effet maintenir la patiente dans un statut de “malade”, alors que les risques de rechute sont devenus très faibles. La situation est un peu différente dans le cas d’essais thérapeutiques, où il est absolument nécessaire de connaître les résultats tardifs des traitements en termes d’efficacité et de toxicité. SURVEILLANCE : PAR QUI ? Il existe plusieurs intervenants possibles : le médecin généraliste, le gynécologue, le chirurgien et le cancérologue, sans oublier évidemment la malade, d’autant que l’on sait que c’est elle qui découvre le plus souvent la rechute (14, 16). Le cancérologue est en général celui qui assure cette surveillance régulière programmée ; c’est d’ailleurs ce que souhaitent les malades (2). Cela peut paraître justifié par les difficultés de l’examen loco-régional après traitement conservateur, mais également par la nécessité de connaître les toxicités et les séquelles au long cours des différents traitements Cette surveillance pourrait cependant être largement partagée par les autres intervenants puisqu’il a été observé dans une étude randomisée que le délai avant le diagnostic était le même dans un hôpital spécialisé qu’en pratique générale. Il n’y a pas non plus de différence, tout au moins en Grande-Bretagne, dans le coût économique du diagnostic de la rechute (21). Pourtant, la surveillance par un spécialiste a encore été récemment soutenue, sans argument formel à l’appui de cette proposition (22). 12 R INTÉRÊT DE LA SURVEILLANCE : ÉVALUATION COÛTS/BÉNÉFICES La finalité de la surveillance est représentée par l’augmentation de la survie ou l’amélioration de la qualité de celle-ci. Bénéfices Depuis la publication des résultats des deux études prospectives italiennes, le bénéfice de la surveillance systématique et d’un traitement précoce de la récidive, par les examens paracliniques par exemple, est donc mis en doute. Néanmoins, et cela est d’autant plus important que la tumeur initiale est de bon pronostic, plusieurs aspects de la surveillance entraînent un bénéfice : c’est le cas du diagnostic précoce des récidives mammaires après traitement conservateur, des localisations controlatérales et de certaines évolutions régionales, notamment ganglionnaires, dont le traitement pourrait être curatif. Le diagnostic et le traitement précoce d’un cancer épidémiologiquement lié au cancer du sein pourraient également être retenus, tout comme le traitement précoce d’un cancer de l’endomètre chez une femme traitée par tamoxifène à titre adjuvant. Pour le thérapeute, il existe aussi un bénéfice indiscutable dans l’appréciation des résultats thérapeutiques, en termes d’efficacité et de toxicité. Enfin, il conviendrait de ne pas négliger le bénéfice psychologique pour les malades qui souhaitent cette surveillance. Il est classique d’observer leur inquiétude avant le rendez-vous, et leur réassurance quand les examens sont normaux. Il ne faut pas nier cependant que ce bénéfice repose sur une ambiguïté : en effet, si l’on peut affirmer l’absence d’évolution tumorale, il ne s’agit en aucun cas d’un engagement sur l’avenir, et la découverte ultérieure d’une récidive est toujours mal vécue et souvent incomprise par rapport aux examens de surveillance mis en œuvre. Coûts Ils sont multiples. Le premier est financier, incluant le temps médical, le coût des examens paracliniques, mais également celui des déplacements et des éventuels arrêts de travail. Les coûts psychologiques ne doivent pas non plus être négligés. Ils concernent évidemment l’inquiétude des patientes attendant les résultats des examens, mais également le coût de la découverte fortuite d’une anomalie notamment biologique alors que la malade ne se plaint de rien et s’imagine guérie. La réduction des examens paracliniques a certainement été en partie motivée par le souci économique, avant que leur inutilité ne soit démontrée. Le bénéfice financier de l’allègement de la surveillance a été évalué récemment (23). L’équipe lyonnaise qui a effectué cette étude a estimé que la non-compliance aux recommandations de l’ANAES multiplie les coûts par 2,2 à 3,6. La Lettre du Sénologue - n° 11 - décembre 2000/janvier/février 2001 CONCLUSION : RECOMMANDATIONS La surveillance post-thérapeutique des femmes atteintes de cancer du sein doit évidemment être maintenue, d’une part parce que le traitement des récidives locales ou des localisations controlatérales améliore très vraisemblablement la survie, d’autre part en raison du bénéfice psychologique que les femmes en tirent. Elle doit cependant être allégée, notamment en ce qui concerne les examens paracliniques. Cela a été recommandé très clairement par l’ASCO (24), par les experts réunis dans le cadre des Standards, options et recommandations (25) (tableau IV) et enfin par l’ANAES, qui a élaboré des références médicales opposables (26). Tableau IV. Surveillance Standards, options et recommandations (25). Standard – Seule l’approche clinique doit être réalisée de façon complète à chaque examen de surveillance. Les bilans paracliniques ne sont demandés qu’en fonction des signes d’appel. – Un dépistage systématique des métastases ne peut s’envisager que dans le cadre d’évaluations prospectives. Recommandations – Il n’y a pas d’indication à faire des examens paracliniques à la recherche de métastases (biologie, radiographie pulmonaire, échographie hépatique, scintigraphie osseuse), en l’absence de signe d’appel. – Le diagnostic d’une métastase doit faire réaliser un bilan d’extension. – Le rythme de la surveillance clinique générale peut être calqué sur celui de la surveillance loco-régionale. Ce rythme pourra être adapté selon les facteurs de risque métastatique. On conseille donc actuellement un examen clinique et un contrôle mammographique, excluant chez les femmes asymptomatiques les autres examens, et notamment les dosages de CA 15.3 sérique (27). 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