Dr N. Petit, COLMU le 21 juin 2011 PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES ANGIOEDEMES BRADYKINIQUES Pourquoi faut-il toujours y penser ? Pathologie grave engageant le pronostic vital : en cas d’asphyxie aiguë par AOL, mortalité 25 – 30 % Il existe aujourd’hui des traitements spécifiques Il existe des critères cliniques discriminants : - pas de fièvre (sauf si infection déclenchante) - pas d’urticaire associée (possible rash réticulaire) - absence d’efficacité des anti-histaminiques et des CSO - pas de syndrome inflammatoire Délai d’action : la gène respiratoire est d’apparition progressive, 30 min à 8 h. Traitement de la crise grave : Traitements non spécifiques : ils ne doivent pas retarder la mise en route du traitement spécifique - tous les antalgiques (sauf AINS) - tous les solutés de remplissage (risque de collapsus) - aérosol d’adrénaline (grade C, modéré et transitoire) - intubation trachéale par sonde pédiatrique, réalisée sans attendre par un senior entraîné - test thérapeutique par acide tranexamique : ne doit pas retarder les autres thérapeutiques, car certains sujets n’y répondent pas - PFC déconseillé (bien que cité dans le consensus). Il peut aggraver des crises car il contient des protéines du système contact pouvant générer de la bradykinine. Mais c’est le seul traitement spécifique disponible dans de nombreux pays Traitement de la crise grave : Traitements spécifiques : le plus tôt possible en urgence le diagnostic est clinique Concentré de C1 inhibiteur : BERINERT® - dose : 20 U/kg (disposer de 3 flacons de 500 U) IV - ½ vie de 40 heures (pas de 2e injection) - conservation : température ambiante à l’abri de la lumière - ne pas diluer (effet concentration), ne pas agiter (mousse) - utilisable chez l’enfant et la femme enceinte OU antagoniste des B2-R de la bradykinine, Icatiband : FIRAZYR ® - dose : une seringue pré remplie de 30 mg s/c - ½ vie 1 à 2 h, délai d’action 20 – 30 min (fermeture des jonctions intercellulaires ≠ résorption), efficace dans la littérature dans 90 % des cas en une seule injection : savoir attendre ! - contre-indiqué femme enceinte, pas d’AMM enfant (RCP) Prescription et délivrance hospitalière, liste des molécules onéreuses Traitement de la crise grave : Traitements spécifiques : en urgence le diagnostic est clinique OU Analogue recombinant de C1 inhibiteur : conestat alfa = RUCONEST® Une recherche préalable d’IgE anti-lapin est nécessaire ET acide tranexamique : EXACYL ® , SPOTOF ® - antifibrinolytique qui “épargne” le C1 inhibiteur en contrôlant la formation de plasmine - hors AMM – recommandation d’experts - dose : 1 – 2 g / 6h IVL ou per os, pendant 48 h - ½ vie : 3 h - utilisable chez l’enfant, et la femme enceinte après le 3e mois Traitement de la crise grave : Utilisation de FIRAZYR® : - disponible pour auto-injection chez les patients dépistés une application pour Iphone est téléchargeable - un patient souffrant de crises au niveau du larynx doit toujours être hospitalisé après avoir utiliser FIRAZYR - réaction au site d’injection : érythème, gonflement, sensation de chaleur, brûlures, prurit - il faut être prudent en cas d’utilisation chez les patients souffrant de cardiopathie ischémique aiguë, angor instable et dans les semaines suivant un AVC Traitement de la crise modérée : Non spécifiques : antalgiques, antispasmodiques, anxiolytiques Spécifique : EXACYL® 1 – 2 g/6h (maxi 8 g/24h) - efficacité grade B dans 2 études randomisées en double insu - cp à 500 mg et ampoules IV à 500 mg (solution buvable enfant) - l’administration doit être précoce - effets secondaires : nausées, vomissements, lipothymie si perfusion trop rapide - crise abdominale* avec EVA > 5, test thérapeutique 2g IV (nb : jamais d’invagination intestinale aiguë idiopathique > 3 ans) * Il existe aussi des crises urinaires … Prophylaxie à court terme : Toujours hospitaliser en cas de situation à risque : crises imprévisibles, même si absence de crise antérieure (dépistage familial), nécessité d’une surveillance après un geste à risque. Bork, J Am Dent Assoc 2003 Absence de délai : BERINERT ® 1 à 6 h avant le geste (hors AMM – RE). Délai possible : - anabolisant antigonadotrophine, Danazol : DANATROL ® cp 200 mg, 1O mkj (maxi 3cp/j) pendant 5 j avant le geste, puis pendant encore 2 à 5 j. En cas de risque élevé, il faut doser le C1 inhibiteur 48 h avant l’intervention qui pourra avoir lieu si taux > 50 % normales, sinon BERINERT ®. Il est utilisable en cure courte aussi chez l’enfant et au dernier trimestre de la grossesse en cas de risque élevé. - ou EXACYL ® (25 mg/kg) 2 cp à 500 mg toutes les 6 h pendant 2 jours avant et 2 jours après le geste ; efficacité moindre. Il peut être utilisé en bain de bouche à 5% avant soins dentaires - la protection n’est jamais absolue, disposer de 3 flacons de BERINERT ® au bloc. - en cas d’intubation ou chirurgie lourde, types I et II, utiliser BERINERT ®. Une 2e dose doit être immédiatement disponible en cas de chirurgie. - La prophylaxie à court terme est moins indispensable chez l’enfant (0,9 % AOL) Répertorier les patients au niveau du SAMU (et prévoir la procédure de récupération des molécules avant le départ SMUR, si le patient n’a pas de trousse d’urgence) Prophylaxie à court terme : Cas de l’anesthésie : - disposer de BERINERT ®, non obligatoire dans les pharmacies hospitalières alors que Dantrolène … - privilégier ALR (risque de l’intubation) - en cas d’intubation, utiliser une sonde de petit calibre - pas d’intérêt du masque laryngé, aspirations à risque - tous les anesthésiques sont utilisables - surveillance post-opératoire prolongée et rapprochée - risque de la CEC : décès décrits en cas de trop grande dilution Bibliographie : Floccard B, et al. Prise en charge en urgence de l’angioedème à bradykinine. Ann Fr Anesth Reanim, 2011 Bowen T, et al. 2010 International consensus algorithm for the diagnosis, therapy and management of hereditary angioedema, Allergy, Asthma and Clinical Immunology 2010, 6:24