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mise au point
Anti-intégrases et inhibiteurs
du CCR5 : quelles places
dans l’arsenal thérapeutique ?
CCR5 and integrase HIV inhibitors:
which places in therapeutic options?
Xavier de la Tribonnière*, **, Yazdan Yazdanpanah*
P
armi les 5 classes d’antirétroviraux (ARV)
actuellement disponibles, deux sont nouvelles :
inhibiteurs du CCR5 et inhibiteurs de l’intégrase (tableau). Elles agissent à des niveaux différents du cycle de réplication virale comparativement
aux autres molécules ARV (figure). Leur arrivée dans
Inhibiteurs
d'entrée
l’arsenal thérapeutique de la personne infectée par le
VIH va assurément modifier les stratégies de prise en
charge. Dans ces 2 classes, nous n’envisagerons que
les molécules ayant obtenu une autorisation de mise
sur le marché (AMM) en France, à savoir le maraviroc
(Celsentri®) et le raltégravir (Isentress®).
Inhibiteurs
de fusion
Inhibiteurs
de RT
Lymphocyte CD4+
Inhibiteurs
d'intégration
Traduction
Inhibiteurs
de maturation
Inhibiteurs
d'épissage
Inhibiteurs
de protéases
Figure. Cible d’action des antirétroviraux dans la cellule infectée par le VIH ; schéma d’après Pierre Corbeau, laboratoire d’immunologie, CHU de Nîmes, Institut de génétique humaine, CNRS UPR1142, Montpellier.
Tableau. Principaux inhibiteurs
du CCR5 et de l’intégrase en
développement en 2008.
Inhibiteurs
du CCR5
Inhibiteurs
de l’intégrase
Maraviroc
(Celsentri®,
Pfizer)
Vicriviroc
(ScheringPlough)
Aplaviroc (GSK
développement
arrêté)
Raltégravir
(Isentress®,
MSD)
Elvitégravir
(GS-9137,
Gilead)
* Service des maladies infectieuses
et du voyageur, CH de Tourcoing.
** Service des maladies infectieuses
et tropicales, CHRU de Montpellier.
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 | 161
Résumé
Mots-clés
VIH
Antirétroviraux
Maraviroc
Raltégravir
CCR5
Intégrase
Highlights
(Selzentry ®)
Maraviroc
and
raltegravir (Isentress ®) are
the first molecules of two new
antiretroviral classes, CCR5 and
integrase inhibitors.
Maraviroc specifically inhibits
R5 tropism HIV. A tropism
phenotypic assay is required
before its use. Tropism genotypic assays are under validation. An immunomodulator
effect of CCR5 inhibitors
demonstrated by CD4 count
increase is highlighted in naive
and pretreated patients. Raltegravir is striking for its powerful
and rapid activity. Both molecules tolerance profiles are
excellent for the moment.
Both ARV obtained in 2007 a
product licence in HIV-infected
pretreated patients with virological failure. In virological
success situation, switch for
intolerance could be considered only for the moment for
raltegravir. In naive patients,
the first clinical trial results
are encouraging for raltegravir,
but insufficient for maraviroc in
comparison with efavirenz; new
ARV combinations with maraviroc have to be evaluated.
Maraviroc and raltegravir
are thus two new ARV, with
different activity profiles but
comparable indications for
the moment ; however in the
future indications could be
diversified.
Keywords
HIV
Antiretrovirals
Maraviroc
Raltegravir
CCR5
Integrase
Le maraviroc (Celsentri®) et le raltégravir (Isentress®) sont les premiers représentants de deux nouvelles classes d’antirétroviraux (ARV), les inhibiteurs du CCR5 et de l’intégrase.
Le maraviroc n’a un impact antiviral que sur les souches VIH de tropisme R5. Un test phénotypique de tropisme est requis avant
son utilisation. Des tests génotypiques de tropisme sont en cours de validation. Un effet immunomodulateur s’objectivant
par une augmentation du taux de CD4 est mis en évidence chez le patient naïf et prétraité. Le raltégravir est remarquable
par sa puissance et sa rapidité d’action. Les profils de tolérance des deux molécules sont pour l’instant excellents.
En 2007, ces deux ARV ont obtenu une AMM pour le patient infecté par le VIH, prétraité en échec virologique. En succès
virologique, l’indication en switch pour intolérance médicamenteuse n’est pour le moment envisageable que pour le
raltégravir. Les premiers résultats d’études cliniques chez le patient naïf sont encourageants pour le raltégravir, mais
insuffisants pour le maraviroc en comparaison avec l’éfavirenz ; toutefois de nouvelles associations ARV avec ce dernier
doivent être évaluées.
Le maraviroc et le raltégravir sont deux nouveaux ARV avec des profils d’action différents et des indications pour l’instant
semblables, mais amenées à se diversifier.
Caractéristiques du maraviroc
et du raltégravir
Maraviroc, inhibiteur du CCR5
◆◆ Indications
Le maraviroc est un antagoniste non compétitif
du corécepteur CCR5 du VIH. D’après l’AMM européenne obtenue en 2007, il s’adresse aux patients
prétraités infectés par une souche VIH de tropisme
R5 présentant des résistances aux autres classes, en
association avec d’autres ARV (1).
Le maraviroc n’étant pas actif sur les souches de
tropisme X4 ou double/mixte R5/X4, un test phénotypique déterminant le tropisme doit être réalisé
avant tout traitement. Le résultat est obtenu en
3-4 semaines. Depuis peu, des tests génotypiques
reposant sur de nouveaux algorithmes, de réalisation plus rapide et moins chers, sont en cours
d’élaboration et les premiers résultats de corrélation avec les tests phénotypiques sont encourageants (2, 3). Au cours d’un traitement efficace,
la détermination du tropisme sur une charge virale
(CV) indétectable avec un test phénotypique est
actuellement impossible en pratique clinique. Des
solutions sont recherchées, comme l’utilisation a
posteriori d’un test génotypique de tropisme sur
la dernière CV détectable dans l’hypothèse où le
tropisme n’aurait pas varié pendant la phase d’indétectabilité, ou la détermination du tropisme sur
l’ADN proviral. Ces hypothèses demandent à être
validées.
◆◆ Tolérance
La tolérance clinique et biologique du maraviroc
paraît très satisfaisante (3, 4). Mais comme pour
toute nouvelle molécule, une vigilance vis-à-vis
de cette classe d’ARV doit être maintenue, notamment quant à la tolérance hépatique, en raison des
effets hépatotoxiques graves liés à l’aplaviroc (5). Il
existe aussi un hypothétique effet procarcinogène,
non confirmé actuellement, sur l’émergence plus
fréquente de cancers sous vicriviroc (6). Sur ces deux
sujets, les données actuelles vis-à-vis du maraviroc
sont rassurantes (3, 4).
162 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 ◆◆ Efficacité
La stimulation de la restauration immunitaire observée
sous maraviroc est particulièrement intéressante. Une
méta-analyse évaluant cet effet induit sous inhibiteurs du CCR5 confirme l’augmentation du taux des
lymphocytes CD4 chez les patients naïfs et prétraités.
Elle concerne la valeur absolue du taux de CD4 et non
pas son pourcentage, et s’opère principalement dans
les premiers mois de traitement (7). L’effet immunologique s’observe également chez le patient en échec
virologique ou porteur de souches virales R5/X4 ou
X4 exclusives et n’est pas observé chez la personne
non infectée par le VIH (7, 8). Il s’avère indépendant
du taux initial des CD4 et du degré de suppression
virale (7). Cette stimulation de la restauration immunitaire doit être toutefois confirmée par des essais
cliniques ayant pour critère de jugement principal les
marqueurs immunologiques. D’autre part, le mécanisme de ce phénomène doit être mieux élucidé.
Un échappement virologique sous ce produit peut
passer par deux voies : soit par l’émergence de
souches R5/X4 ou X4 préexistantes (et non pas par
une commutation de tropisme), soit par l’apparition de mutations dans la région V3 de la gp120 (3,
4). Afin de mieux détecter les souches R5/X4 ou
X4 préexistantes, des tests phénotypiques ayant
une plus grande sensibilité dans la détermination
du tropisme viral sont actuellement en cours de
développement (9). L’inquiétude initiale sur une
aggravation du pronostic clinique en cas d’émergence
de souches virales de tropisme X4 sous inhibiteur de
CCR5 ne semble finalement pas confirmée (3).
L’intérêt du maraviroc pourrait être d’autant plus
grand que le taux de CD4 est bas, compte tenu de
l’impact potentiel de cette molécule sur la restauration immunitaire. Toutefois, deux limites apparaissent chez ces patients. D’une part, la probabilité que
la souche virale soit de tropisme X4 est forte, car
elle est inversement proportionnelle avec le taux de
CD4 (3, 4, 10). D’autre part, une vigilance particulière
doit être maintenue vis-à-vis du risque infectieux
lié à certains pathogènes comme le toxoplasme,
le bacille tuberculeux, le cryptocoque ou certains
autres champignons, car le CCR5 aurait une fonction anti-infectieuse, entre autres vis-à-vis de ces
germes, et son blocage pourrait théoriquement être
préjudiciable (1, 3).
mise au point
Par ailleurs, le CCR5 et ses ligands ayant des fonctions
immunitaires pro-inflammatoires, les inhibiteurs du
CCR5 pourraient être intéressants, car l’inflammation
chronique liée au VIH serait responsable d’un accroissement de la mortalité à long terme. Mais la pertinence
clinique de cette hypothèse reste à démontrer (3, 11).
◆◆ Posologie
La posologie est de 300 mg x 2/j. Cependant, le maraviroc étant substrat de la glycoprotéine P et du cytochrome P450 3A4, des adaptations des doses sont
nécessaires en présence d’un inhibiteur de ce dernier
enzyme. Une réduction de moitié des doses de maraviroc est nécessaire en association avec les inhibiteurs
de protéase (IP) [sauf le tipranavir et le fosamprénavir], l’elvitégravir/r, le kétoconazole, l’itraconazole,
la clarithromycine et la télithromycine. En l’absence
d’inhibiteur de l’enzyme et en présence d’un inducteur
comme l’éfavirenz, le ténofovir, la rifampicine, la carbamazépine, le phénobarbital ou la phénytoïne, il convient
de doubler la posologie de maraviroc (1, 4).
Raltégravir, inhibiteur d’intégrase
◆◆ Indications
Le raltégravir est un inhibiteur de l’intégrase du VIH
ayant pour effet de bloquer l’intégration de l’ADN
proviral dans l’ADN chromosomique de la cellule
infectée et ainsi d’empêcher la réplication virale. Son
AMM, obtenue fin 2007, permet son utilisation chez
le patient prétraité en échec virologique aux 3 classes
existantes : inhibiteurs nucléosidiques (INTI) et non
nucléosidiques (INNTI) de la transcriptase inverse,
IP, en association avec d’autres ARV (12).
◆◆ Tolérance
La tolérance clinique et biologique est apparemment
très satisfaisante et comparable à celle du placebo.
Le doute initial sur la survenue plus fréquente de
cancers sous raltégravir dans les essais BENCHMARCK n’a finalement pas été confirmé après 7 mois
supplémentaires de suivi (13).
◆◆ Efficacité
La rapidité d’action de ce produit est remarquable
(14).
En cas d’échappement au raltégravir, on observe
2 profils de mutations de résistance : Q148K/H/R
(la plus fréquente) et N155H. Ces mutations sont
fréquemment associées à de nombreuses autres qui
augmentent le niveau de résistance (14-18). Elles
sont croisées avec celles de l’elvitégravir, deuxième
inhibiteur d’intégrase en cours de développement
(18). Il semble que ces mutations de résistance s’accompagnent d’une infectivité moindre du virus (4).
Le produit possédant une barrière génétique faible
nécessite une observance optimale.
◆◆ Posologie
La posologie du raltégravir est de 400 mg (1 comprimé) x 2/j. Le raltégravir est métabolisé par glucuronidation médiée par l’UDP-glucuronosyltransférase
(UGT) 1A1 et non par un cytochrome comme pour
beaucoup d’autres ARV. Il inhibe l’UGT1A1 et
2B7 (14). Sur le plan pharmacologique, il présente
donc peu d’interactions médicamenteuses. Des
adaptations posologiques peuvent être nécessaires
avec les puissants inducteurs de l’UGT1A1 telle la
rifampicine (doublement des doses de raltégravir),
même si pour le moment les données sont insuffisantes pour pouvoir l’affirmer. Le ténofovir ou de
puissants inhibiteurs de l’UGT1A1 tel l’atazanavir
(Reyataz ®) modifient la pharmacocinétique du
raltégravir, mais les doses usuelles de l’inhibiteur
d’intégrase peuvent être maintenues. La coadministration avec des médicaments qui augmentent le pH
gastrique tels les inhibiteurs de la pompe à proton ou
les antagonistes des récepteurs H2 peut augmenter
les concentrations de raltégravir : l’association est
donc déconseillée, bien qu’elle soit possible si elle
ne peut être évitée (12, 14).
Place dans l’arsenal thérapeutique
Patients prétraités en échec virologique
◆◆ Maraviroc
L’obtention de l’AMM chez le patient prétraité s’est
faite sur les résultats des deux essais pivots MOTIVATE 1 et 2 (1, 19, 20). En pratique, le maraviroc
ne peut être utilisé que si la souche virale est de
tropisme R5. Or, chez le patient non naïf de traitement ARV, la prévalence de ce tropisme se situe
autour de 50 % (3, 10), ce qui en limite l’usage.
Compte tenu de sa bonne tolérance, le maraviroc
pourrait s’envisager en phase plus précoce, comme
en deuxième ligne après échec virologique mais des
essais cliniques sont requis.
En cas de succès virologique associé à un échec immunologique, les propriétés immunostimulantes du maraviroc
pourraient être très intéressantes, mais l’impossibilité de
déterminer le tropisme sur une CV indétectable avec les
méthodes actuelles ne permet pas de le prescrire.
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 | 163
mise au point
Anti-intégrases et inhibiteurs du CCR5 :
quelles places dans l’arsenal thérapeutique ?
◆◆ Raltégravir
Le raltégravir a démontré son efficacité chez le
patient lourdement prétraité grâce aux résultats
des deux essais pivots BENCHMARK 1 et 2 et de
l’essai 005 (12, 15, 16, 21).
Son intérêt est ici majeur, en raison de sa puissance d’action, de l’absence de résistances préexistantes et de son
association facile avec les autres ARV. Il est évidemment
très important dans ces situations d’associer le raltégravir
avec au moins deux autres ARV pleinement actifs.
Outre la place établie du raltégravir en traitement de
sauvetage, cette molécule pourrait aussi s’envisager
chez le patient moins lourdement prétraité mais en
échec. Sa bonne tolérance clinique et biologique est
un argument pour évaluer son efficacité sur cette
population dans le cadre d’essais cliniques.
prometteurs. Le raltégravir a été comparé à l’éfavirenz
en association avec le ténofovir et la lamivudine. À
48 semaines de traitement, on retrouvait un taux
comparable de patients ayant une CV indétectable
inférieure à 50 copies/ml (autour de 85 %) aux différentes doses de raltégravir testées. La réduction de
la CV était plus rapide sous raltégravir et le pourcentage de patients ayant une CV indétectable à 4 et
8 semaines était plus élevé dans le bras raltégravir
que dans le bras l’éfavirenz (23).
Ces résultats pourraient amener à envisager cet inhibiteur d’intégrase chez le patient naïf, d’autant que
sa tolérance paraît excellente et sa prise quotidienne
facile. Il pourrait s’intégrer dans une multithérapie
durable ou dans le cadre d’une stratégie d’inductionmaintenance.
Patients naïfs d’antirétroviraux
Remplacement en cas d’effets
indésirables
◆◆ Maraviroc
Le maraviroc était théoriquement un bon candidat
chez le patient naïf d’ARV, en raison de sa très bonne
tolérance, de sa facilité de prise et de la prévalence
élevée de souches virales de tropisme R5 à cette
phase précoce (85 % environ). Cependant, les résultats décevants de l’essai MERIT n’autorisent pas cette
indication chez ces patients, chez qui le maraviroc
était comparé à l’éfavirenz en association avec la
zidovudine et la lamivudine (22).
Toutefois, d’autres associations thérapeutiques
comportant le maraviroc pourraient être explorées
chez le patient naïf, par exemple avec un IP boosté
ou un inhibiteur de l’intégrase, avec ou sans nucléosidique. Des essais cliniques spécifiques sont requis.
En cas de traitement d’une primo-infection par le
VIH, le maraviroc aurait aussi potentiellement sa
place, d’autant que le tropisme viral est dans ce cas
principalement R5 (3).
Il est également possible d’imaginer qu’il puisse y avoir
un intérêt à utiliser le maraviroc dans une stratégie
d’intensification. L’ajout du produit à une multithérapie
ARV sur les premiers mois pourrait avoir pour effet de
majorer l’augmentation des CD4. Cette hypothèse doit
être validée. Toutefois, en raison de l’augmentation
rapide des CD4, un syndrome de restauration immunitaire serait susceptible théoriquement de survenir
plus fréquemment en début de traitement.
◆◆ Raltégravir
À l’heure actuelle, le raltégravir ne possède pas d’AMM
chez le patient naïf (12). Cependant, les résultats
préliminaires d’un essai chez ce type de patients sont
164 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 À l’heure où les complications métaboliques et
cardiovasculaires constituent un problème majeur
dans le suivi à long terme des patients VIH traités,
grevant potentiellement leur espérance de vie,
une alternative partielle aux IP, entre autres, serait
offerte par ces deux nouvelles molécules.
Le problème des lipodystrophies et des mitochondropathies, dont la gestion est lourde et souvent
limitée, trouverait ici également une issue.
◆◆ Maraviroc
La tolérance du maraviroc paraît très bonne et cette
molécule n’engendre en particulier aucun trouble
métabolique ni lipodystrophique connu à ce jour
(3, 4). Cependant, le remplacement d’une molécule
mal tolérée par le maraviroc dans le cadre d’un traitement efficace sur le plan virologique est à l’heure
actuelle impossible, car le tropisme du virus ne peut
être vérifié sur une CV indétectable.
Une autre situation serait le remplacement du
T-20 dont l’utilisation ne s’envisage en général que
sur de courtes périodes en raison de sa difficulté
d’administration. Mais, là encore, on se heurte au
même obstacle, celui de l’impossible détermination
du tropisme en cas de CV indétectable.
◆◆ Raltégravir
Cette molécule très bien tolérée n’entraîne à ce jour
ni trouble métabolique ni lipodystrophie (14). En
remplacement d’une molécule induisant des effets
indésirables gênants, son utilisation chez le patient
prétraité en succès virologique paraît envisageable.
mise au point
Le raltégravir peut aussi permettre d’alléger des
stratégies ARV lourdes contenant de nombreuses
molécules, dont certaines sont parfois difficiles d’administration (comme le T-20). Les premiers résultats
évaluant le remplacement du T-20 par le raltégravir
sont encourageants (24) et ceux d’autres essais,
comme celui de l’ANRS (EASIER), sont attendus.
Précautions d’emploi selon les
pathologies associées et le terrain
◆◆ Insuffisance rénale
Maraviroc
L’utilisation du maraviroc est possible en cas d’insuffisance rénale et aucune adaptation de dose n’est
requise. Cependant, s’il y a coadministration avec un
inhibiteur du CYP450 3A4, des adaptations posologiques sont nécessaires en fonction de la clairance de
la créatinine. La prise unique quotidienne de 300 mg
au lieu de 600 mg/j est justifiée si la clairance est
inférieure à 80 ml/mn sauf en cas de coprescription
avec du saquinavir boosté, qui requiert l’adaptation
suivante : entre 50 et 80 ml/­mn, administration de
300 mg toutes les 24 heures, entre 30 et 50 ml/­mn,
toutes les 48 heures, et inférieure à 30 ml/mn, toutes
les 72 heures.
Par ailleurs, le maraviroc est dialysable (1).
Raltégravir
L’élimination rénale du raltégravir est marginale.
Il n’y a donc pas d’adaptation posologique en cas
d’insuffisance rénale. Toutefois, il convient d’éviter
la prescription de raltégravir chez l’insuffisant rénal
dialysé en attendant de savoir dans quelle mesure
le produit est dialysable (14).
◆◆ Pathologie hépatique
Maraviroc
Comme vu ci-dessus, une vigilance particulière
vis-à-vis de l’hépatotoxicité est de mise, en raison
des cas de toxicité hépatique grave survenus sous
aplaviroc (5). La prescription du maraviroc en cas
d’insuffisance hépatique est possible, sauf si celle-ci
est considérée comme sévère (1).
En cas de co-infection VIH-VHB ou VHC, mais en
l’absence d’insuffisance hépatique, le maraviroc
peut être prescrit (1). Il pourrait d’ailleurs présenter
une activité bénéfique en contrecarrant l’effet proinflammatoire induit par le CCR5, d’autant que cette
inflammation chronique est délétère, tant sur le
plan hépatique que sur celui du système immunitaire (3, 11).
Des données récentes montrent que le maraviroc
aurait une activité spécifique sur le VHB, mais cela
doit être validé par d’autres études (25). Par ailleurs,
il n’y a a priori pas d’interaction avec le peginterféron
et la ribavirine.
Raltégravir
Le raltégravir étant métabolisé dans le foie, sa prescription chez le patient porteur d’une insuffisance
hépatique sévère sera prudente en attendant des
données complémentaires. Cependant, aucune
adaptation posologique n’est nécessaire dans cette
situation (12).
En cas de co-infection VIH-VHB ou VHC, les données
cliniques sont encore limitées et le raltégravir devra
être prescrit avec prudence (12). Il n’y a a priori
pas d’interaction avec le peginterféron et la ribavirine.
◆◆ Co-infection avec la tuberculose
La coadministration de maraviroc ou de raltégravir
est possible avec un traitement antituberculeux
contenant de la rifampicine, s’il n’y a pas d’alternative et sous réserve d’adaptation des doses. En ce
cas, il convient de doubler les doses de maraviroc ou
de raltégravir en contrôlant par des dosages sanguins
les ARV concernés (1, 12). Des études spécifiques
sont en cours sur ce sujet. Il n’y a pas d’interaction
notable avec les autres antituberculeux.
◆◆ Patient en attente de greffe hépatique
ou rénale
Le CCR5 joue un rôle actif dans le rejet de greffe. Il
est possible d’imaginer qu’en inhibant la fonction
CCR5, l’on puisse favoriser le maintien de la greffe
(26). Le maraviroc pourrait avoir ici une place de par
son rôle immunitaire spécifique, notamment avant
la greffe. Cette hypothèse reste à valider.
Une étude récente a montré que l’association du
raltégravir avec l’immunosuppresseur sirolimus chez
des patients insuffisants rénaux ayant bénéficié d’une
greffe hépatique était possible (27).
Femme enceinte
Des études menées chez l’animal avec le maraviroc
et le raltégravir ont mis en évidence une toxicité
sur la reproduction, mais le risque potentiel dans
l’espèce humaine n’est pas connu. En l’absence de
données sur la toxicité embryonnaire ou fœtale éventuelle du maraviroc ou du raltégravir, ils devront
ici être évités en cas de grossesse. Cependant, le
La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 | 165
mise au point
Anti-intégrases et inhibiteurs du CCR5 :
quelles places dans l’arsenal thérapeutique ?
maintien de l’une de ces molécules chez la femme
enceinte déjà traitée peut se justifier si ce traitement
est essentiel à sa santé et qu’aucune solution n’est
possible (1, 4, 12, 14).
Action sur les réservoirs
Il a été montré qu’une réplication virale résiduelle
persistait dans les réservoirs (28). Avec ces deux
ARV, l’on dispose maintenant de produits qui,
ajoutés aux autres dans le cadre d’une stratégie
d’intensification, pourraient permettre de réduire
cette réplication.
Retrouvez les références
bibliographiques
sur le site : www.edimark.fr
◆◆ Maraviroc
En vertu de sa liaison protéique faible, de l’ordre
de 75 % alors qu’elle est de 95 % pour la plupart
des autres ARV, le maraviroc diffuse bien dans les
compartiments profonds, notamment dans les
réservoirs du VIH (prostate, cerveau) [4, 29]. Une
incidence sur la purge supplémentaire des réservoirs
en cas d’utilisation de maraviroc est possible, mais
elle reste à être vérifiée.
Ce produit pourrait aussi avoir un intérêt en réduisant le risque de transmission du VIH, en vertu
de sa concentration importante dans les tissus
génitaux de la femme (30). Des données sur sa
concentration dans le sperme manquent actuellement.
L’intérêt du maraviroc dans les encéphalites à VIH
mérite d’être évalué, d’autant qu’en cas de tropisme
X4 de la souche virale en périphérie, il pourrait y avoir
une dissociation avec le liquide céphalo-rachidien où
le tropisme de la souche resterait préférentiellement
R5 (10). Toutefois, la diffusion du maraviroc dans le
LCR est mal connue.
166 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 ◆◆ Raltégravir
Peu de données sont disponibles sur la diffusion du
raltégravir dans le LCR et dans les autres réservoirs.
Types et sous-types du VIH
La sensibilité des souches virales de tropisme R5 au
maraviroc serait équivalente sur les souches B et non B.
Cependant la fréquence du tropisme R5 varie en fonction
du sous-type : C plutôt R5, A et D plutôt X4, CRF peu de
données, E et VIH2 équivalentes au sous-type B (10). Des
essais cliniques dans des zones géographiques où des
souches non B prédominent seraient intéressants.
Le raltégravir aurait une activité équivalente sur les
souches B et non B (4).
Une bonne activité du raltégravir a été démontrée
sur des souches VIH2 (31).
Conclusion
L’apparition de ces deux nouvelles classes thérapeutiques, représentées par le maraviroc et le raltégravir,
dans l’arsenal thérapeutique en 2008 est très bénéfique
pour nos patients, d’autant que ces molécules sont a
priori très bien tolérées et de prise facile. Leur profil
d’action et leurs intérêts spécifiques sont différents.
Leurs AMM se limitent pour l’instant aux patients
prétraités en échec virologique, mais les résultats de
prochains essais pourraient étendre leurs indications,
notamment chez le patient naïf et dans le cadre de la
réduction des effets indésirables à long terme induits
par les autres classes thérapeutiques. Parallèlement, de
nouvelles associations ARV pourraient être envisagées.
Comme tout nouveau ARV, la vigilance est de mise afin
de confirmer leur bonne tolérance à long terme. ■
Kale
phar
fecté
satio
proté
ment
être
naire
Anti-intégrases et inhibiteurs du CCR5 : quelles places
dans l’arsenal thérapeutique ?
mise au point
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La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008 | 201
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