ECHANGE ET POUVOIR O. Kyburz Table des matières Séance 1................................................................................................................................................2 Séance 2................................................................................................................................................4 Séance 3................................................................................................................................................5 Séance 4................................................................................................................................................6 Séance 5................................................................................................................................................9 Séance 6..............................................................................................................................................10 Séance 7..............................................................................................................................................13 Séance 8..............................................................................................................................................14 Échange et pouvoir Page 1 sur 16 Séance 1 Marie Mauzé « Boas, les Kwagul et le potlatch » Les Kwagul méridionaux, peuple de chasseurs pêcheurs cueilleurs établi sur la cote est de l’ile de Vancouver et sur le littoral continental en face de l’ile. Langue le kwakwala. Economie traditionnelle fondée sur le stockage des biens consommables, avec production d’un surplus en biens consommables et de prestige, captés et accumulés par les chefs. Population répartie en une 20n de tribus, chacune correspond à un regroupement local= village d’hiver. Le numayn, terme indigène et retenu par Boas pour qualifier ces regroupements : « ceux qui sont de la même sorte ». Numayn est un groupe de parenté se réclamant d’un ancêtre fondateur commun par un groupe de descendance patrilinéaire. Les descendants directs forment la noblesse, les autres sont des acteurs sociaux communs. C’est aussi un lieu, une unité de résidence, un quartier du village d’hiver. C’est aussi une unité économique : un domaine foncier constitué de sites de pêches, terrains de chasse, et lieux de cueillette. Unité cérémonielle : chaque numayn détient des richesses non matérielles : blasons, noms attachés à des positions hiérarchiques, des danses,… Tous, les nobles et les gens du commun se partagent de manière très inégalitaire les biens matériels. Seuls les nobles, se partagent le patrimoine symbolique du groupe, selon des droits héréditaires. Ex : les noms, associés à des privilèges, sont détenus par un nombre limité de noble et transmis de générations en générations. Ainsi que par l’alliance, c.a.d un gendre peut devenir propriétaire du nom transmis par le Numayn de son épouse, pour pouvoir le transmettre à ses enfants. Dans cette société strictement hiérarchisé, les différences de statut entre les membres de la noblesse se définissent en termes de biens symboliques. Ex modèle général : l’accession à la fonction de chef de Numayn. L’intéressé, le numayn invitant, distribue des biens aux chefs de numayn invités (des autres Numayn de la tribu, ou d’une tribu voisine) qui sont souvent des partenaires d’alliance, alliés. Les statuts et privilèges attachés à un numayn, sont acquis en fonction de la position généalogique, mécanismes de la filiation et de l’alliance (peu de marges de manœuvre), puis font l’objet d’une validation publique par une distribution de biens vers un autre groupe de même importance. Cette distribution a aussi fonction d’affirmation de l’unité et de l’identité du Numayn, ainsi que d’intégration au groupe de la personne qui distribue. A l’origine du Potlatch une idée de base : pour qu’un évènement quelconque de la vie individuelle ou collective acquiert une valeur sociale, il faut qu’il soit ratifié collectivement, c’est une validation sociale de l’événement célébrée. Dès lors le cadeau (les richesses reçues) par l’invité est la rétribution d’un service rendu, en même temps qu’invités et invitants réactualisent ensemble les règles de fonctionnement du Numayn. C’est seulement lorsqu’il y a compétition à une même fonction, que le potlatch devient lieu de rivalité/tensions. Les distributions servent alors à écraser, voire humilier un adversaire. « Il y a don une forme générale du Potlatch et de multiples actualisations de cette forme, que l’on peut hiérarchiser entre elles en fonction de l’enjeu de la manifestation. » Double articulation du Potlatch : accumulation/distribution des biens. Organisation verticale et horizontale. Système profondément hiérarchisé et inégalitaire. Augmentation du prestige pour le donateur, diminution pour le donataire. 2 types de biens : Consommation courante /alimentaire: quantité de subsistance conservée, le surplus est capté de Échange et pouvoir Page 2 sur 16 droit par le chef à la fin de la saison d’été. Prélèvement égalitaire de la production des familles. Usage surplus alimentaire : en cas de pénurie du Numayn ou d’un groupe voisin, pour consommation immédiate lors d’un potlatch, ou distribuée aux gens des plus bas statuts. Biens de prestige : Obtenu par la solidarité qui doit unir les nobles à leurs chefs. Chacun donne en fonction du rang qu’il occupe dans le groupe. Contribution volontaire proportionnelle au rang occupé. Usage : exclusivement destiné à la distribution. Ils engagent l’ensemble du groupe à travers la personne du chef. Puis 3 phénomènes conjoints contribuent au changement de l’institution à l’époque ou Boas l’étudie. Diminution de la population : 1835 : 7000 8000 Kwagul, puis diminution de 75% entre 1835 Et 1885 à cause des ravages dus à l’alcool et aux maladies importées : variole, tuberculose,… 1924 : 1000 seulement. Avant seul les chefs pouvaient organiser les cérémonies, dès 1870 des personnes enrichies s’arrogent ce droit, il y a donc une compétition intense. Conséquence : changement des conditions de distributions. Plus de positions vacantes que d’individus en droit de les occuper, perturbation de la reproduction social. Au lieu de valider une position hiérarchique héréditaire, le potlatch et l’acte même de distribution de biens publique donne accès à la position hiérarchique. Bouleversements économiques : de l’éco traditionelle à une éco de traite, qui accroit Considérablement le volume des richesses. Ainsi que la monétarisation des revenus, qui favorise l’émergence d’une classe de « nouveaux riches ». Conséquence : de collectif, le mode d’accumulation des richesses devient individuel. Avant le chef a besoin des fruits du travail collectif de tout le Numayn pour accumuler assez de richesse pour la cérémonie. De +, l’accès aux biens de consommations change la notion de valeur des biens de prestige et leurs nature: de rareté (temps et compétences spécifiques liés à la fabrication) du qualitatif vers le quantitatif ; des blasons vers les couvertures de la compagnie de la baie d’Hudson/machines à coudre/phonographes. Arrêt définitif des guerres indiennes : de 1860 à 1865. Le Potlatch devient le lieu de L’affrontement entre rivalité intertribales. Conséquence : le Potlatch s’élargit du Numayn, à une tribu entière, puis tribus voisines. Critique de Boas : l’info recueillie concerne une société en situation de transformation rapide, due à la dépopulation, aux changements économiques et à l’arrêt des guerres, qui n’est pas prise en compte dans l’analyse. Boas occulte le caractère colonial et post traditionnel de ces cérémonies. (cf. Claude Meillassoux) L’institution est décontextualisée : taxée d’un nom étranger, séparée pour l’analyse, alors que le Potlatch constituait la trame même de l’activité sociale, politique, religieuse, et économique de la société. Critique de l’anthropologie : Absence de sens critique des chercheurs : alors même que les analyses de boas sont souvent en contradiction avec les données recueillies par Hunt son principal informateur, et aussi par Curtis. Décontextualisation de cette cérémonie, pour la manier en concept applicables pour l’analyse d’autres rituels et d’autres sociétés. Or le maniement de certaines grilles d’analyse peuvent masquer aux chercheurs certains agencements/ articulations des phénomènes décrits. Cf. : la thèse de Mauss sur le don. Recap’ : Dans des sociétés très hiérarchisées, la cérémonie du potlatch vient valider le statut supérieur des chefs. En interne ponction des biens, qui servent en externe à la redistribution lors de Échange et pouvoir Page 3 sur 16 la participation des groupes extérieurs. C’est précisément la venue des invités qui donnent accès au statut. Séance 2 Luc de Heusch « Essai sur le symbolisme de l’inceste royal en Afrique », 1958 Les Tetela, population bantoue du Congo, et analyse comparée des systèmes politiques dans la région des grands des lacs. « Mythes et rites bantoues», 3 volumes. 1er 1972 Luc de Heusch est cinéaste et anthropologue belge, appartient à l’anthropologie Structuraliste. Il travaille aussi au Rwanda et au Congo belge. Ses thèmes de prédilections : le politique, les mythes, et les sacrifices. Même lignée de Robert Flaherty et Jean Rouch. Méthode ethnographique : observation et description très fine + comparaison avec les groupes voisins. Pour faire émerger les points saillants de similitudes et divergences. Les Tetela Systèmes politiques très peu complexes, sociétés segmentaires : sens qq peu différent de Evans Pritchard, puisque les segments sont inégalitaires : supériorités des lignages aines sur les cadets. Rappel : Sociétés segmentaires, Nuer d’Evans Pritchard. Le statut identitaire n’est jamais figé, il évolue selon l’interaction, il est modulable. Le contexte d’interaction détermine avec qui on l’est et contre qui on est : système instable ; et parfaitement égalitaire et structurel. Etudie la société des « maitres de la forets ». Pour devenir chef de lignage les prétendants doivent organisées des dilapidations festives, lors desquelles : dons des plus grands en 1ers aux ainés, puis donc les + simples en derniers aux cadets. Le chef n’a aucun pouvoir religieux C’est la carte généalogique qui organise les dépenses rituelles. La distribution publique vient renforcer et réaffirmer les positions sociales. Pertinence d’utiliser le mot Potlatch ?? En fait cérémonie récemment introduite par un groupe voisin y ayant séjourné, l’auteur va donc étudier les Hamba pour mieux comprendre cette pratique. La confrérie est composée de plusieurs grades, fortement hiérarchisées, les prétendants doivent être initiés pour y participer et payer un prix très élevé aux autres membres qui se partagent les richesses données. En échange ils ont alors le privilège de porter des objets de prestige : colliers de dents de Léopard, coiffures de plumes d’aigles,… Description très fine et précise, car l’auteur a lui-même été initié. Dans ce groupe le pouvoir est donc partagé entre les initiés de la confrérie les « nkumi »et les ainés de lignage. Chez les Nkutshu, les initiés sont les « nkumu », eux sont investis d’un pouvoir sacré et religieux « l’ekopo » qui les rapprochent des rois sacrés. Alors que chez les Tetela-Hamba, le rituel perd ses caractéristiques sacrées en s’étendant, il s’agit d’une désacralisation du pouvoir qui peut mener à l’édification de structures étatiques. Sacralisation/désacralisation du pouvoir sont à la base et non le résultat de l’Etat. (En désaccord avec les évolutionnistes.) Recap’ : Société peu hiérarchisée, avec seulement prédominance du lignage ainé. Les redistributions ont lieu principalement en interne. Etranger sont toujours de lointain parent généalogique. Chef acquiert son prestige lié à sa place généalogique au sein de la parenté. De plus l’accession au pouvoir et la distribution des biens peut être largement différé + 15 ans. Échange et pouvoir Page 4 sur 16 Séance 3 Les Royautés sacrées Sociétés de l’ouest de la cuvette congolaise: pouvoir fortement sacralisé. Réf: Frazer « le rameau d’or ». Il a introduit une séries de notions qui se sont révélées être des acquis de la discipline, notamment cette notion de royauté sacrée. On peut la définir selon 4 critères principaux. - Un roi sacré est un roi à qui l’on prête le pouvoir d’agir sur la nature, sur l’univers. Il est considéré comme étant sur le centre de l’univers. On lui prête la possibilité d’agir sur l’univers. Son action se focalise généralement sur les grands équilibres cosmiques: il a un rôle dans le bon déroulement des saisons, il est garant des équilibres, pluie sécheresse, froid, chaleur, abondance des récoltes, mais aussi de la fertilité animale, des troupeaux et de la fécondité humaine. Il garantie par les pouvoirs qu’il détient de la croissance du bien être, de l’abondance. Depuis le 3e s av JC jusqu’au 19e voir 20e Siècle, on considérait que le souverain avait le mandat céleste, la volonté divine. Tout tremblement de terre, épidémie, ou catastrophe: calamité de dieu, signe qu’on lui retirait ce mandat. Le souverain est le garant du bon équilibre du monde. - La personne même du souverain est considérée comme porteuse, chargée d’énergie. On lui associe une certaine dangerosité ca il n’est pas un être ordinaire. Donc on ne se comporte pas à son égard de manière ordinaire. Ce sont des êtres considérés comme étant de nature différente, on ne les rencontre pas dans des circonstances ordinaires. Les souverain vivent alors reclus entourés de serviteurs et n’ont des contacts avec l’extérieur que dans des situations de contrôle. La vie quotidienne est très réglementée, tous les faits et gestes sont codifiés et obéissent à un rituel. Le corps même su souverain est considéré comme chargé d’énergie dangereuse, son intégrité physique doit être garantie. Ses cheveux, corps, nourriture, la vaisselle dans laquelle ils mange sont soumis à des traitements particuliers. - La conception associé a tout cela est que cette charge du souverain de protéger la société toute entière est associé a l’idée d’usure. Un souverain doit être en pleine possession de ses moyens et le moindre signe de défaillance est considéré comme une marque d’usure et il faut alors changer de souverain. Frazer fait référence à Westerman qui avait observé les Shilluk du Soudan, il publie un ouvrage qui s’intitule « Shilluk People » en 1912. Il parle de la conception qu’ont les Shilluk de leur souverain: Un souverain ne meurt pas il disparait. La disparition du souverain n’est jamais une disparition naturelle, quand les gens pensent que sa fin est proche car il est trop âgé, une de ses épouses l’étrangle avec une pièce de vêtement. Le souverain Shilluk s’appelle le Reth. Il est la réincarnation du fondateur du royaume, un personnage appelé Nyakang auquel on rend un culte et chaque roi est considéré comme sa réincarnation. Il n’est pas autorisé a devenir vieux et impotent car on pense que cela va avoir un effet sur l’équilibre de la productivité. C’est pourquoi ils vont mettre a mort le roi pour éviter le désordre qui pourrait accompagner son vieillissement. Il semble n’y avoir aucun doute sur la mise a mort de leur souverain chez les Shilluk au premier signe de faiblesse. Qui est la faiblesse sexuelle décelée par les épouses. Le meurtre du roi ne pouvait avoir lieu que la nuit. La journée il était entouré de gardes du corps. La nuit la situation est différente, roi est seul dans sa concession avec ses épouses. Il passe sa nuit constamment en éveil armé, scrutant les zones d’ombre. Apres la mort du souverain s’en suit une période pendant laquelle les princes rivalisent et se battent pour succéder a leur père, le plus vigoureux remporte. Enfermé dans une case avec une de ses épouses et privé de nourriture et d’eau on les laissait mourir. La mise a mort est programmée selon un calendrier préétablit. Un certain nombre d’ethnographes ont remis en cause cette vision Frazerienne de la royauté sacrée, dont Evans-Pritchard qui a donné une conférence à Cambridge en 1948. Chaque année Cambridge Échange et pouvoir Page 5 sur 16 faisait une cérémonie en commémoration a Frazer avec intervention d’anthropologues qui débâtaient sur ses ? . 1948 Evans Pritchard a prononcé une conférence intitulée: The divine kinship of the Shilluk of the Nilotic Sudan. A cette occasion mis en pièce toute la théorie de Frazer, en disant que le souverain des Shilluk n’était pas du tout paré de tous ces attributs. Les quelques cas ou on avait mis a mort un souverain Shilluk correspondait à une période de trouble politique ou des opposants avaient tenté de prendre sa place. Mais rien chez les Shilluk ne laissait penser qu’on avait affaire a une royauté sacré. De nombreuses sociétés développent bien ce corpus d’idées que développe Frazer. Cette notion de royauté sacrée a été ensuite, malgré les dénégations et critiques d’Evans-Pritchar, défendue par une génération d’ethnologues dans les années 50, 60, 70. Réf: Années 80, Jean-Claude Muller, article dans la revue l’Homme (que va ns envoyer le prof). Il a étudié une petite société du Nigeria, les Rukuba. Dans cette société, une fois qu’un souverain est mis en place on lui donne 7 ans pour faire ses preuves puis on l’intronise pour les 7 années suivantes. A la mise à mort du roi, on le chasse, on le tue symboliquement. On l’expulse de la société et il va devoir vivre reclus hors de tout contact de la vie sociale. Les souverains Rukuba doivent passer par un rite d’intronisation. C’est par la transgression qu’ils quittent le monde social ordinaire pour acquérir la puissance et devenir des êtres exceptionnels. Les voisins des Rukuba, les Jukun pensent que leur souverain s’use et effectuent des rites de rajeunissement pour lui redonner des forces vitales et de la jeunesse. Ils font rajeunir le roi en lui incorporant de la jeunesse par l’alimentation: on sacrifie un enfant, on le dépouille et on fait sécher son corps, sa peau et on réduit ses restes humains en poudre et on lui fait manger. Les Rukuba appliquent la même idée que leur voisin en le rendant complètement incestueux et inventent ce rituel d’endo-cannibalisme c'est-à-dire de manger ceux de sa propre lignée. La transgression consiste à déterrer des restent de ses prédécesseurs et faire un breuvage dans lequel on met de la poudre obtenu a partir d’os en même temps qu’on reprend la recette des Jukun en sacrifiant un bébé de sa lignée en l’incorporant au breuvage. Ainsi il va se nourrir de ses propres parents et de ses propres enfants (même lignée). Cette acte de transgression absolue va le rendre inhumain, étape essentielle de la transformation de cet homme en un roi sacré. L’inceste mère-fils et frère-sœur combiné joue un rôle central dans l’intronisation des roi. Schéma qui se reproduit et qui passe par l’obligation de l’inceste avec une mère, avec une sœur qui ne sont pas le privilège du roi mais qui sont des actes fondateurs de son statut, qui font de lui un roi. Muller montre bien qu’une fois qu’on lui a conféré ce caractère monstrueux qui permet de lui prêter toutes ces qualités surhumaine, le roi devient en même temps un bouc émissaire c’est à dire que toutes les calamités lui sont attribué, il devient alors le réceptacle de toutes les frustrations, des problèmes de la société. On se situe dans un registre du politique qui est aux antipodes du bon roi qui distribue, au contraire il se prend tout, il a une place centrale derrière lequel tout le monde prend refuge. Dans notre histoire nous avons eu des conceptions du pouvoir fortement sacralisés. Séance 4 Hannah Arendt « Qu’est-ce l’autorité? » Aujourd’hui nous allons étudier une approche de la notion d’autorité telle qu’elle a été développé par la philosophe Hannah Arendt. C’est un court article intitulé « Qu’est-ce l’autorité? », chapitre de l’ouvrage « La crise de la culture » évoquant l’évolution des systèmes politiques contemporain et le Échange et pouvoir Page 6 sur 16 déclin de la notion d’autorité, de tradition, perte de la religiosité. Elle reprend à partir de la 2 e partie de son article l’idée suivante: désormais l’idée d’autorité ne nous est plus compréhensible. Nous ne savons plus ce qu’est l’autorité. Nous avons des bribes dont nous n’avons l’expérience que de façon métaphorique: les seules situations dans lesquels nous serions en mesure de percevoir ce qu’est l’autorité sont de deux types: 1) la relation que nous pourrions avoir avec notre médecin c’est à dire la parole du médecin n’est pas une parole que l’on discute, que l’on ne commente. Le statut du médecin aujourd’hui dans la société n’est plus justement celle de cet homme dont on ne remet pas en cause la parole. - la relation pédagogique, d’un maître devant ces élèves. Aujourd’hui l’enseignant ne jouit plus d’un prestige social tel que sa parole ne souffre pas d’opposition. Arendt insiste sur le fait qu’elle ne cherche pas à parler de l’autorité en général, mais plus particulièrement de ce que l’autorité à été dans notre civilisation, culture. Elle présente les grands principes de fonctionnement des cités grecques: Platon et Aristote. Elle explique que la manière commune de régler les conflits dans la tradition grecque était de deux ordres: 1) Les conflits dans la cité devaient se régler par l’argumentation, la persuasion. 2) La cité contre le monde extérieur: usage de la force à l’égard d’opposants externes (la guerre). Avec Platon et son idée du philosophe roi (rèf. Livre V « La république ») on passe tout près de la notion d’autorité mais qui reste à l’état d’idée et ne trouve aucune réalité institutionnelle. Donc le monde grecque n’a pas l’expérience de ce qu’est vraiment l’autorité. Il faut attendre l’époque romaine pour que l’autorité prenne racine dans les institutions politiques de la Rome antique. Arendt commence par expliquer que les romains ont une manière de concevoir l’existence assez différente du monde grec. Ils sont centrés sur la fondation de Rome. Ils idéalisent et sacralisent cet acte premier qui est la fondation de Rome. De là découle une sorte de dette que les romains reconnaissent: le fait d’être héritiers de cet acte premier et cette conception les amène au devoir de transmettre cet héritage en l’ayant fait fructifié, en l’ayant enrichi de leur propre travail. Dans cette conception, le lien avec les fondateurs, ceux qui ont légués, est matérialisé dans la figure des anciens, des gens âgés. Le statut des hommes âgés est pour les romains un statut privilégié dans le sens ou ils sont le plus proche des fondateurs. Eux à qui on a transmis la cité telle qu’on la connait aujourd’hui. Cela sera institutionnalisé à travers la mise en place du sénat. Cette autorité se distingue radicalement du pouvoir. Les sénateurs n’ont pas de pouvoir, ils n’ont que de l’autorité. L’autorité est une parole qui est reconnue, écoutée, entendue et qui se suffit à elle-même. L’autorité disparait de deux manières: 1) Lorsqu’il y a recours à l’argumentation (remise en question de l’autorité). 2) Lorsqu’il y a recours à la menace, à la coercition, à la force. Elle explique ensuite comment cette autorité a évolué au cours des siècles. Vers 16 e siècle elle perd petit à petit de sa force. Manifestement pour Hannah Arendt c’est une construction historique qui a été perdue et qui a été centrale dans notre civilisation. Or des données ethnographiques nous ont montré des sociétés dans lesquelles un certain nombre de gens ont une parole qui est entendue, écoutée à laquelle on accorde une valeur sans qu’elle n’ait recours à une justification, ni à une menace. Il semble que la définition que donne Hannah Arendt de l’autorité est tout à fait transposable à d’autres sociétés héritières du monde romain. Que l’on croit ou pas à la singularité de l’autorité ancré dans le monde romain, l’autorité c’est une position qui permet d’énoncer une parole sans qu’elle soit remise en cause, sans qu’elle ait à se justifier, à argumenter ou à menacer. Pour qu’une telle position soit possible il faut une inégalité de statut. C’est la reconnaissance de la supériorité et voir même une position empreinte de sacralité. Elle suppose une inégalité reconnue, acceptée. Échange et pouvoir Page 7 sur 16 Le pouvoir c’est l’inverse, le pouvoir impose et est le plus souvent couplé avec la force. De manière générale détenir le pouvoir c’est avoir une police, une armée, des recours possibles à la force. Par opposition à l’autorité. Selon Weber le pouvoir est le monopole de la violence. Il a une conception du pouvoir qui est assez subtile. Il développe une théorie de la croyance selon laquelle on a une tendance à réifier le leader charismatique, mais l’essentiel du propos c’est la croyance, les gens croient que parce qu’il est charismatique, il a des pouvoirs. Les gens croient à « la sainteté des lois» selon ses termes. Il essaye de construire des types idéaux, il essaye de dégager des grands phénomènes, des grands processus, il croit que plusieurs ressorts guident les actions humaines: - les émotions, les sentiments (la joie, la peine, la rage) - l’usage, « la tradition » - la réflexion, l’analyse rationnelle Ces trois grands types de moteurs des actions humaines vont servir à Weber pour caractériser trois grands types d’établissement de ce qu’il appelle la domination légitime. Il va s’intéresser a ce qui peut rendre un pouvoir, une domination légitime aux yeux de ceux qui la subissent. 3 façons de légitimer le pouvoir: - la domination traditionnelle: on pense que c’est notre manière de faire et qu’il en a tjrs été ainsi, le poids de la tradition. Ca ne veut pas dire que c’est vrai, c’est une façon de penser. Réf. « The Invention of Tradition » recueil d’articles dans lesquels ils montrent comment un certain nombre de traditions reconnues comme telles dans l’institution sont en fait des fabrications (exemple du kilt écossait). La tradition n’est pas un fait, c’est une façon de penser. Reconnaitre quelque chose comme traditionnel est une forme de renoncement. Renoncer à remettre en cause. (Wikipedia : La légitimité du chef est basée sur le fait qu'il respecte les usages et coutumes liées à l'exercice du pouvoir.) - « la domination charismatique », domination guidée par les émotions, celle qui s’impose par les émotions. (Wikipedia : La légitimité du chef est fondée sur l'image et l'hexis.) - la domination rationnelle « légale » car c’est la loi qui est supposée être le fruit de ce travail raisonnable. Rationalité en valeur (agir conformément à un certain nombre de valeurs) et rationalité en finalité (met en adéquation les moyens et les fins, détermine un certain nombre d’objectifs à atteindre et met en œuvre les moyens pour parvenir aux objectifs fixés). Une domination qui tire sa légitimité de la rationalité est un système qui légifère, qui vise à corriger un certain nombre de travers, travail de constat d’un certains nombre de dysfonctionnement sociaux et on vote les lois qui permettent de corriger les défauts. (Source Wikipedia : La légitimité du chef est basée sur le fait que ce dernier se conforme aux règles juridiques relatives à l'institution dont il est à la tète.) Ce sont des types idéaux, des cas quasi parfaits. Du rationnel en finalité pur n’existe pas. Souvent les deux se conjuguent (valeur et finalité). Weber note que toutes les dominations ne fonctionnent pas par opposition entre pouvoir et société, mais il y a les directions administratives, des relais du pouvoir dans la société. Elles se constituent de manières particulières dans chacun des cas. Dans un système rationnel légal, la direction administrative est constituée de fonctionnaires. Individus recrutés par concours, ayant suivi une formation spécifique et affectés à des taches spécifiques et dont les carrières sont minutieusement réglées et cela au service du pouvoir. Ce n’est pas seulement le cas de nos sociétés occidentales, d’autres cas ou des systèmes comme cela se Échange et pouvoir Page 8 sur 16 mettent en place (Chine impériale). La domination charismatique a plusieurs caractéristiques, sa direction administrative se constitue par adhésion. On est appelé, on veut faire parti de l’entourage du chef charismatique. On partage cette expérience on est avec lui, on l’accompagne. Ca joue sur les émotions. Désir d’être au plus près de celui qu’on va servir. Il faut qu’on soit convaincu des qualités exceptionnelles de cet homme. Cet appel est constitutif de la figure charismatique. C’est ce courant de ralliement qui vient nourrir cette valeur charismatique donc il faut que ce mouvement d’adhésion soit perceptible. Ce sont des dominations politiques au sein desquels on ne prévoit pas, on ne calcul pas, on ne gère pas, on s’approprie. La routinisation c’est à dire le mouvement charismatique se termine par la routinisation. Les dominations charismatiques ont des caractères révolutionnaires. Les dominations traditionnelles ont aussi des directions administratives mais relèvent plus du recrutement par la naissance, par le lignage, logique de parenté au sens large. Séance 5 Robert Dahl « Who Governs? » Les années soixante voient naitre un débat assez vif qui eut lieu au sujet des critiques selon lesquels l’ensemble des décisions de la politique américaine étaient en fait aux mains d’une minorité, d’élites, qui défendaient les intérêts militaro industriels. Le courant Pluraliste a cherché a contester cette vision en défendant l’idée que ces positions critiques s’apparentaient à une théorie du complot et que c’était indémontrable. Ils ont cherché à mettre en place une théorie qui soit vérifiable. Le chef de file de ce courant est Robert Dahl qui a publié une étude « Who Governs? ». Il s’agit d’une analyse des mécanismes de décisions à New-Heaven USA. L’idée est d’étudier ces mécanismes dans leur ensemble. Il cherche à définir le pouvoir: le pouvoir selon lui c’est la capacité que détient une personne A à obtenir d’une autre personne B quelle fasse quelque chose quelle n’aurait pas faite sans l’intervention de A. Les pluralistes observent toutes les manifestations du pouvoir. Ils vont s’intéresser à ce qui est visible. En premier lieu aux processus décisionnels. On les repère quand le problème est posé, quand plusieurs avis s’expriment et qu’une décision est prise. Au bout du compte on va observer ceux dont les avis ont été le plus souvent suivis. Cette démarche vise à montrer que contrairement à ce qu’affirmaient les premiers politologues, les preneurs de décisions étaient multiples d’où l’appellation pluraliste. Approche pluraliste se concentre sur deux points principaux: 1) Centrer l’observation sur les processus décisionnels. 2) Prendre en compte, avoir un intérêt particulier, pour l’observation des conflits ouverts. Robert Bachrach et Morton Baratz vont critiquer de façon virulente la position des pluralistes en avançant deux point principaux: 1) Il est totalement réducteur de se centrer sur les processus de décisions et qu’il existe des « non decision making » c’est-à-dire des stratégies qui amènent à ne pas prendre de décisions. Autrement dit c’est un point de vue qui part du constat qu’un certain nombre d’objets sont écartés du champ de la décision. Ils insistent sur l’importance de prendre en compte ces processus qui écartent des sujets du champ de la décision. 2) Ces penchants non décisionnels constituent l’autre face du pouvoir (réf. chercher internet: revue « Décisions and non décisions » et «The two faces of power » associés à cet article) Échange et pouvoir Page 9 sur 16 Ils ont insistés sur les règles de prises de décisions, c’est à dire le cadre institutionnel dans lequel les décisions sont prises et les règles choisies pour prendre les décisions: il existe des biais qui tendent à orienter systématiquement les décisions dans un sens plutôt qu’un autre, et que donc la vision des pluralistes est doublement insatisfaisante. 1- on se refuse de voir ce qui est soustrait à ces processus 2- on se contente de regarder les processus décisionnels sans se poser de question sur les règles du jeu. (Réf. Bourdieu) Ils mettent en évidence cette deuxième dimension du pouvoir : Réf. Steven Lukes « Power, radical view » : Il reprend le débat entre les pluralistes et Robert Bachrach et Morton Baratz et déclare leurs propos insuffisant car selon lui cette deuxième dimension existe mais on n’est pas encore au bout du problème. Certes toutes les critiques énoncées par les pluralistes sont justes mais il ya plus. Il introduit une troisième dimension dans l’analyse qui est la maitrise de l’agenda c’est à dire être en mesure d’amener certaines questions dans le débat. Et l’autre point c’est d’évaluer, de prendre la mesure de tout ce qui n’est pas conçu comme ce qui peut faire l’objet d’un débat. Il défend l’idée que ces points aveugles sont eux aussi le résultat d’habitudes de penser, de culture, de pratiques institutionnelles qui font que ca ne nous traverse même pas l’esprit. Les utopies sont le produit d’un certain mode de pensé qui est encouragé à la fois par les traditions culturelles et les enjeux institutionnels. Il insiste sur l’analyse des consensus ou faux consensus, c’est à dire ce qui fait débat. On arrive à une vision sophistiquée de la notion de pouvoir qui nous éloigne de la pensée pluraliste. Il s’agit de faire l’analyse de non décisions, de choses qui n’adviennent pas et qui sont soustraite à l’agenda, ce qui est dans les coulisses des décisions. Quarante ans plus tard il a republié l’ouvrage avec 2 chapitres supplémentaires « Power » publié à NY. 1ere édition : 1974, 2eme édition: 2005 Il est intéressant de regarder la pratique ethnographique dans cette analyse. Dans sa perspective, Lukes considère que la question de l’autorité n’est pas radicalement différente de celle du pouvoir. L’autorité est un pouvoir très fortement légitime. Faire autorité c’est détenir un pouvoir. Il résume sa position dans un schéma dans lequel il explore le champ sémantique du pouvoir et essaye de faire une représentation graphique de ce que sont l’autorité, le pouvoir, la force, la coercition… Opposition entre existence de conflits d’intérêts et absence de conflits d’intérêts. Lorsqu’il y a des conflits observables et qu’il y a absence de consensus la forme la plus brutale est la coercition et la moins brutal c’est l’autorité. Vu comme cela la formulation de Dahl et des pluralistes se transforme un peu. Le pouvoir c’est de faire faire à B quelque chose qui sert les intérêts de A. Séance 6 Robert Lowie, 1948 Il présente des aspects politiques chez les indiens d’Amérique. Il compare l’état de l’anthropologie politique dans le champ américaniste à celui qui existe dans le champ africaniste. Il présente quantité de sociétés américaines aussi bien du nord que du sud dont il note de très grandes disparités. Il note également des grandes différences dans le développement des institutions avec la société Inca qui développe un énorme appareil d’état et gouvernemental. L’apport principal de Lowie concerne une distinction qu’il va faire dans la conception « indigène » que les gens se font du pouvoir et la puissance qu’ils accordent à leur chef. Il distingue les sociétés qu’il qualifie Échange et pouvoir Page 10 sur 16 d’anarchique dont on trouve des exemples aux deux extrémités du globe, les sociétés esquimaux au nord et sociétés de l’extrême sud d’Amérique du sud, la Patagonie. Elles ont été décrites au début du siècle par des voyageurs. Population de pécheurs et de chasseurs/cueilleurs. L’empire Inca constitue la société d’Amérique dans laquelle les institutions sont très développées et le pouvoir fort. Lowie affirme que la grande partie des sociétés américaines se situent entre ces deux extrêmes. Il va introduire une notion qui va avoir un certain succès: « titular chief » par contraste avec les strong chief. Il explique que ces sociétés américaines avec des « titular chief » possèdent des titres et elles ne sont pas soumises à un seul chef, le pouvoir est partagé entre plusieurs chefs. Les cheyennes avaient 44 chefs. Ce sont des chefs qui doivent faire preuve de sagesse et ne pas recourir à la force, à la coercition. Ils ont un devoir de générosité. Ils ont également un devoir de parole, d’apaisement par la parole, pour effacer les éléments de discorde. Le chef est aussi le représentant de son groupe à l’extérieur. Il peut être chef politique et chef de guerre durant les conflits mais aussi deux pers différentes peuvent assurer chacune de ces fonctions. Pierre Clastre « Echanges et pouvoir »,1962 Cette notion de « titular chief » va rester attachée à cet article de Lowie. Parmi les auteurs qui ont repris cette approche, dans les années 1960 à 1975 l’anthropologue Pierre Clastre c’est intéressé à l’organisation politique des chefferies indiennes. Il reprend les propos de Lowie et s’interroge sur les conceptions du politique chez les indiens d’Amérique du sud. Il reprend les caractéristiques que Lowie avec relevé: générosité, dont d’orateur, absence d’institution, de pouvoir et il ajoute à cet ensemble l’accès à la polygynie, dans les sociétés où elle existe. Les sociétés amérindiennes étaient considérées comme étant soit très peu politisées ou excessivement politisées, en tout cas peu matures politiquement. Selon lui c’est une position ethnocentrique et il faut au contraire considérer l'achèvement politique de ces sociétés, il faut en tant qu’anthropologue leur accorder du sérieux. Il caractérise ces sociétés comme on prive le chef de toute possibilité de coercition et que donc ce sont des sociétés qui refusent de laisser leur chef avoir un commandement effectif. Il essaye de montrer que le chef indien est cantonné dans son rôle de parole. Il a obligation de parler et de tenir un discours convenu que la plupart du temps on écoute a peine. Le chef se confine dans son rôle afin de lutter contre la séparation du pouvoir. La part de cet empêchement est de le confiner dans un rôle de parleur dont la seule récompense est la polygynie. Le développement de ces idées est au cœur du propos de Clastre. C’est une thèse qui a eu un grand succès dans la mesure où elle a une connotation libertaire. Ce corpus idéologique a encore un certain succès aujourd’hui. Il était associé à une conception libertaire militant à une époque ou le gros de l’anthropologie était tenu par l’anthropologie marxiste qui considérait que c’étaient les relations politiques qui instauraient les rapports de forces dans les sociétés ce qui a mené à de gros conflits et clivages. Clastre à défendu l’idée qu’il existe des sociétés qui se soient efforcées de confiner le rôle de leur chef à des rôles purement rituels, convenus, à les priver de tout pouvoir. Selon lui ces ces sociétés sont aussi abouti que les autres et c’est un choix délibéré que d’éviter l’émergence d’institutions séparées de la société dans laquelle se concentre le pouvoir. L’article de Luc de Heusch: « Essai sur le symbolisme de l’inceste royal en Afrique » reprend une partie de l'argumentation de Clastre. Dans cet article le grief majeur fait à Clastre est le fait que cette position est jugée irréaliste dans la mesure où on ne voit pas très bien commente les sociétés amérindiennes ont mis tant de soin à combattre des institutions dont-ils ne connaissaient rien. Il montre que dans des ensembles culturels distincts le monde nilotique d’une part et bantou d’autre part, on donne un peu de sacralité au pouvoir chez certain jusqu’à beaucoup de sacralité chez d’autres. Il observe les gradations dans la sacralisation du pouvoir dans des sociétés différentes d’Afrique de l’ouest. Il compare les Nuer (degré 0 de la sacralisation) et les Shilluk, degrés Échange et pouvoir Page 11 sur 16 différents dans un même espace culturel. Cela pour dire que dans un même espace culturel on peut avoir des degrés variables de sacralité du pouvoir. Ce n’est pas tant l’émergence de l’état que la sacralisation du pouvoir qui est a l’œuvre dans ces sociétés. Philippe Descola: « la chefferie amérindienne dans l’anthropologie politique » Il revient sur la manière dont la position de Clastre a été reçue. Il va apporter une critique majeur à la position défendue par Clastre, qui est que les sociétés amérindiennes ne sont pas toutes conforme à l’idée que s’en fait Clastre. Il y a une grande diversité et seulement dans les sociétés Incas ou les chefs puissent avoir du pouvoir. Ce que Descola met en évidence c’est que les sociétés amérindiennes lorsqu’elles n’accordent pas de pouvoir à leur chef, en revanche en concèdent énormément à leur chamane. Et que donc cet aspect de la dimension religieuse du pouvoir a été en grande partie occulté par Clastre. Échange et pouvoir Page 12 sur 16 Séance 7 Robert Lowie «The origin of the state » 1927 Dans ce texte il propose une analyse de l’origine de l’état. Le philosophe sociologue allemand Oppenheimer avait développé une théorie sur l’origine de l’état et attribuait un rôle majeur au contrôle militaire. Pour que la question de l’état se pose il fallait une diversité culturelle. Et elle se trouve lors de conquêtes militaires qui apportent la diversité culturelle et qui s’intègrent à l’appareil administratif. Selon Lowie, au contraire l’état est une notion qui est absolument présente dans toutes les sociétés et que la question politique de l’état est une question qui se pose à toutes sociétés et qui ne nait pas d’une circonstance historique particulière. Pour Oppenheimer c’est le fruit d’interactions sociales tandis que pour Lowie elle est en germe dans toutes les sociétés même les primitives, les moins organisées, les moins différenciées. 1er chapitre: il pose le problème 2ème chapitre: le lien territorial ou il instaure le dialogue avec les anthropologues du 19 e siècle comme Morgan et Maine. (Son intro) Il se pose la question de savoir si les peuples primitifs possèdent une organisation qui permettrait de parler de leurs unités politiques en tant qu’état. Si on a une vision étriquée de l’état de type occidental il est clair que la question n’a plus de sens. Il propose une définition large de l’état: les peuples sans écriture maintiennent-ils un ordre politique au sein de limites territoriales? Vison de l‘époque: les peuples ne reconnaissent pas de telles limites et beaucoup survivent dans une situation d’anarchie. Selon Lowie il faudrait vérifier cela de façon empirique. Il met en garde contre l’ethnocentrisme. (Son développement) Il va développer une position évolutionniste originale c’est à dire qu’il se refuse à adopter le point de vue de Maine et Morgan selon lesquels toutes les sociétés passent par des stades évolutifs identiques et que les plus développé sont celles qui ont franchis le plus d’étapes. Selon lui les sociétés évoluent dans des directions qui ne sont pas les mêmes et qu’elles se développent et se complexifient et qu’elles ne tendent pas toutes à atteindre le même but, elles ne se développent pas en prenant la même direction. Donc tout en étant évolutionniste il se refuse à des comparaisons simples. La conséquence c’est que les sociétés les plus primitives sont des sociétés qui potentiellement possèdent tous les développements possibles (systèmes autoritaires, égalitaires). Il conçoit une théorie de l’évolution multidirectionnelle, à partir de ces sociétés primitives le développement de chacune d’elles les pousse dans des directions différentes et les interactions entre elles débouchent sur des combinaisons de ces différences. Selon Lowie les populations primitives sont constituées de chasseurs cueilleur pêcheurs ou il n’y a ni agriculture ni élevage, pas de gouvernement organisé et où l’administration est gérée par des gens âgées que les jeunes respectent (réf.: Iles Andaman de Radcliffe-Brown). Par exemple les Shaw-Shauns du Nevada sont un groupe de chasseurs ou existe un head man saisonnier (ils se placent sous l‘autorité d‘un chef saisonnier), en été ils se regroupent par failles et revendiquent un terrain. Il en est de même chez les Ojibwa de Morgan ou les inuits de Mauss : en hiver ils sont dispersés et ne forment que des petits groupes formés de famille nucléaires, essayant de survivre dans des conditions précaires et à la belle saison ils forment des groupes plus important et participent à des activités collectives (collecte de baies sauvages…) Échange et pouvoir Page 13 sur 16 Au bout de ces parcours Lowie constate que l'unité politique de ces groupes est insignifiante. Il note pareillement peu de cas de la parenté qui ici structure bien peu. Il y a la présence du head-man. On a affaire à des populations à effectif réduit. Lowie a une autre idée en parallèle à l’évolution multi directionnelle. Il est convaincu d’une unité de l’homme, une unité psychique. Selon lui nous sommes tous fondamentalement pareil, nous avons tous les mêmes outillages cognitifs. Ce 2nd principe est très présent dans sa pensée, le principe de continuité. Nous sommes tous homme et nous avons un principe de continuité qui est à l’œuvre dans nos évolutions respectives. Il n’y a pas d’homme nouveau. Les sociétés humaines sont chacune le fruit de leur évolution, et il n’y a que des évolutions. Ayant la mesure de la distance qui sépare les sociétés primitives des sociétés occidentale, il dit que si le principe de continuité s’applique à la politique il faut découvrir le mécanisme permettant de passer des sociétés primitives aux sociétés contemporaines. L’ethnologie moderne rejette la notion d’évolution unilinéaire, il n’est pas question d’une forme politique qui voudrait que toutes les sociétés suivent nécessairement les étapes vers un état centralisé. Si les parcours sont différents ils ne peuvent pas être comparables, mesurés. Il écarte d’emblée de donner l’idée selon laquelle les étapes les plus simple vont tendre vers les plus complexes. Il tente seulement de prouver que les germes de tous les développements politiques possibles sont latents dans ces sociétés. Pour Lowie la conception athénienne du développement de l’histoire n’est pas crédible dans la mesure où elle contrevient au principe de la continuité. Le principe de la reconnaissance des liens de la consanguinité cohabite avec l’appartenance des biens fondés sur l’appartenance territoriale. Il va critiquer les positions évolutionnistes du 19 e en disant qu’au nom de la continuité ces deux principes ne s’excluent pas mutuellement, ils doivent coexister et que la transformation politique telle qu’elle s’est faite à Athéne, le principe du lien territorial a pris le pas sur le lien consanguin. Puisque toutes les sociétés portent le germe des développements politiques, puisque la continuité, l’unité de l’homme sont des principes fondamentaux alors la coexistence de ces deux lien doit être observable même dans les sociétés primitives et donc il va reprendre les ethnographies de l’époque pour essayer de voir dans quelle mesure le lien territorial peut être décelé, observé. Lowie va examiner de nombreuses situations des sociétés primitives dans lesquelles il n’y a pas de lien territorial mais que des liens consanguins qui donnent raison à Maine et Morgane. Séance 8 Rappel de la semaine dernière: La thèse dominante à l'époque de Lowie est celle de Morgan: la substitution du lien territorial au lien consanguin dans l'émergence de l'Etat, à travers les réformes de Clisthène. Lowie montre la coexistence de ce lien. Lowie reprend les sociétés sur lesquelles reposent la thèse de Mayne et Morgan (sociétés lignagères, claniques), jugées pré-étatiques, et montre ce double lien. Elles reconnaissent d'une manière ou d'une autre des droits et devoirs aux individus de par leur appartenance à une même unité politique de quartier, de territoire. Il y existe une sorte de droit coutumier, le versement d'une amende dispensée par un tiers. La fin du raisonnement de Lowie est une sorte de pied de nez à Morgan en démontrant que chez les Angami Naga, le lien territoriale est à la base de la définition de l’inceste. Chez les Angami Naga l’organisation politique divisée en deux moitiés et chacune subdivisée en plusieurs moitiés. Il y aura une exogamie de moitié. Une des moitiés se divise en 7 sous clans et les mariages sont toujours exogames. Barton donne un certain nombre d’exemple de mariages dans le même clan mais qui Échange et pouvoir Page 14 sur 16 sont des mariages qui peuvent se conclurent au sein du même sous clan à condition qu’il y ait exogamie villageoise. La définition de l’inceste et des règles d’exogamie sont dictées par des considérations spatiales territoriales plus que par des relations d’appartenance à un même groupe et de consanguinité. Les Tivs Une société africaine du Nigéria étudié par les époux Bohanan, Laura Bohanan a publié de nombreux articles dans les années 1940/50, les Tivs. Ils constituent un ensemble d’environ 800 000 personnes dans la région Bénoué (pas loin des Rukubas), La Bénoué est un affluent du Niger qui vient de la dorsale camerounaise. Selon les Bohanan, les Tivs constituent une forme d’habitat très dispersé. 1) Ces hameaux sont conçus comme des corps, la tête puis le coté droit et le coté gauche. A la tête se trouve la maison du chef qui est à la tête du village. Les villages reflètent par leur morphologie les relations de parenté qui existent entre les membres. Toute la parenté agnatique qui peuple ces hameaux se place à des distances qui reflètent la distance généalogique. 2) Lorsqu’un chef disparait les épouses s’écartent de l’endroit initial ou elles séjournaient et vont rejoindre des parents proches et c’est le successeur qui vient s’installer à la tête. Et on réaménage les emplacements des différentes maisons pour qu’elles soient en adéquation avec la réalité généalogique. Le chef n’a pas de pouvoir coercitif c’est plutôt un genre de « titular chief » dont on attend des paroles d’apaisement, une certaine forme de sagesse qui favorise le bien être commun, le vivre ensemble. Les terrains de cultures qui sont ceux d’un hameau ne constituent pas un bloc, une unité, au contraire les champs sont situés aux alentours certes mais sont mêlés avec ceux des hameaux voisins. Il existe un moment à partir duquel on a une unité qui regroupe plusieurs hameaux et cet ensemble fait un bloc: le « tar », qui correspond réellement à une unité politique qui possède à sa tête un chef. Il y a concurrence entre les chefs de hameaux pour devenir les représentants du tar. La légitimité première qui est la leur vient du groupe de filiation de leurs hameaux. C’est parce que ce sont de bons chefs de hameaux qu’ils peuvent prétendre à une représentation plus large. Mais ils doivent donner des gages comme quoi ils vont assurer le bien général et pour le prouver doivent en faire un peu plus que d’habitude pour les autres. Leurs parents les accusent de les sacrifier au bénéfice des autres pour nourrir leurs ambitions. Il se crée donc un dilemme entre les gages qu’ils doivent donner aux autres et la confiance qu’ils doivent donner aux leurs. Les tars sont peuplés de gens qui sont les parents un peu éloignés et donc il y a une charte généalogique qui régule les relations que les gens ont les uns avec les autres et qui justifie des emplacements territoriaux les uns par rapports aux autres. Il y a plus de 10 générations: immense construction généalogique, qui est supposé refléter la totalité des Tivs. Ils sont tous rangés selon une charte généalogique et c’est en référence à cette charte que se développe le système politique Tiv. La réunion de deux tars portera le nom de l’ancêtre commun. Voir schéma parenté de l’ensemble politique des tars. Plusieurs tars regroupé représente un plus grand tar avec un chef et ainsi de suite et il ya un chef qui représente tous les Tivs. Ce principe général permet d’isoler des entités de plus en plus petites qui sont coordonnées les unes avec les autres: principe de segmentation. Ce rite fut appelé comme cela pour la première fois par Durkheim puis fut mis en avant par Evans-Pritchard avec les Nuers. C’est un principe observé dans les sociétés nomades ou semi nomades. Les tivs par contre sont agriculteurs. Toute l’organisation territoriale chez les Tivs fait référence à cette charte généalogique. Les Alours Échange et pouvoir Page 15 sur 16 Une société située aux confins du Zaïre et de l’Ouganda donc à l’extrême nord-est de l’Afrique, près de la région des grands lacs. La population les Alours a été étudiée dans années 1950/60 par Southall: « The Alur society ». Il développe le concept d’état segmentaire et il nous décrit une société qui a développé une organisation politique proto-étatique qui repose en grande partie sur la parenté. Il s’agit d’une société diverse, contrairement aux Tivs, elle n’est pas constitué des seules personnes membres de la généalogie. Du point de vue de sa structure de population elle est hétérogène et comprend beaucoup d’étrangers. Ils sont le produit du rassemblement de population nilotiques qui se sont disséminés dans la région, venus du nord-est et qui par des histoires migratoires compliquées les ont fait se regrouper et s’éparpiller. Ceux étudiés pas Southall sont ceux installés dans la région Bantou et qui constituent un mélange de gens issus de sociétés diverses et qui se sont placé sous l’autorité des Alours du nord-est. Leur système politique est héréditaire mais associe à ce principe un autre principe, celui de la constitution de liens de clientèles c’est à dire de liens d’indépendances individuelles, notamment au travers de prêt de bétail. Ce système ne se développe pas comme des réseaux territoriaux fixes mais comme des réseaux de délégations et d’influences. Les chefs font d'une partie de la population leurs obligés en leur donnant du bétail. Ces obligés doivent restituer les portées, les petits, au chef: par cette récupération la position de celui-ci est confortée. Les grands chefs parviennent à accorder des responsabilités territoriales à leurs obligés pour contrôler des portions des territoires plus périphériques: l'autorité se délègue en cascade. Sur le territoire cela prend la forme de réseaux qui se développent du centre vers la périphérie, un système qui n'est pas du tout clos, sans idée de frontière fixes, plutôt des réseaux d'influences réciproques. Il n'y a pas conscience de développer un sentiment de nation, il faut le voir imbriqué dans un réseau développé à partir d'un autre centre. Les gens ne savent pas toujours à quel centre ils doivent faire allégeance, aux périphéries ces systèmes se fragilisent. C’est ce que Southall appelle un segment étatique. Échange et pouvoir Page 16 sur 16