HISTOIRE MILITAIRE A s s o c i a t e d Pr e s s 9 5 0 4 2 2 0 3 7 8 LE LEADERSHIP AU NIVEAU OPÉRATIONNEL : DOCTRINE CANADIENNE ET ÉTUDE DE CAS SOVIÉTIQUE Des muscovites sont rapetissés par cette gigantesque image du général Joukov, devant la bibliothèque Lénine, le 22 avril 1995. par le capitaine de frégate Hugues Canuel Introduction lus de 15 ans après la chute du mur de Berlin, les Forces canadiennes continuent leur processus d’adaptation aux complexités de l’après-Guerre froide. Tant au Canada que dans le reste du monde occidental, les « dividendes de la paix » s’obtinrent alors même que le « nouvel ordre mondial » s’effondrait dans l’instabilité. Les années 1990 furent difficiles pour les militaires canadiens, alors que des réductions radicales de leurs budgets et de leurs effectifs étaient imposées et que le tempo des opérations outre-mer connaissait une augmentation inattendue. Les difficultés éprouvées durant certains de ces déploiements ainsi que plusieurs incidents disciplinaires qui se sont déroulés au Canada eurent une telle notoriété que les autorités canadiennes se virent dans l’obligation d’implanter une série de réformes tous azimuts1. P Ce processus culmina avec la publication d’un nouvel ethos militaire et d’une nouvelle doctrine de leadership pour les Forces canadiennes2. Ces documents sont largement basés sur l’expérience de l’après-Guerre froide, mais ils Vol. 9, N o 3, 2009 • Revue militaire canadienne se targuent également de refléter la longue tradition de service militaire du Canada dans le cadre des grands conflits du XX e siècle 3. Plus particulièrement, les auteurs de la nouvelle doctrine de leadership se sont donné comme défi, étant donné la nature fondamentale des principes la sous-tendant, d’élaborer une théorie applicable à tous les niveaux de commandement (stratégique, opérationnel et tactique) pour l’ensemble du continuum des opérations, tant dans les unités déployées outre-mer que celles occupées par des activités de garnison ainsi que pour le personnel servant au sein des états-majors4. Le capitaine de frégate Hugues Canuel est le chef de cabinet du commandant de la Marine canadienne au Quartier général de la Défense nationale à Ottawa. Titulaire d’un baccalauréat ès arts du Collège militaire royal de Saint-Jean et d’une maîtrise ès arts du Collège militaire royal du Canada, il a terminé le cours de commandement et d’état-major et a obtenu en 2006 une maîtrise en Études de la défense au Collège des Forces canadiennes. 77 Le général Gueorgui Konstantinovitch Joukov joua un rôle critique dans la conduite des armées de l’Union soviétique tout au long de la Seconde Guerre mondiale. C’est toutefois son expérience de commandement au niveau opérationnel sur le front de l’Est, de l’été 1941 jusqu’à la fin de l’hiver suivant, qui fournit un cadre des plus fascinants pour mettre le modèle canadien à l’épreuve6. L’étude du cas Joukov, si différent des récentes expériences opérationnelles des Forces canadiennes, confirme néanmoins la validité des principes fondamentaux qui ont été isolés par cet auteur au sein des généralités du prototype canadien de l’après-Guerre froide, et ce sur l’ensemble du continuum des opérations. Tout d’abord, il sera nécessaire de faire une analyse intuitive du modèle théorique canadien afin d’y identifier une responsabilité clé au sein de chacun des cinq critères d’efficacité du leadership qui s’y trouve. Ces responsabilités seront par la suite appliquées au cas Joukov afin de mesurer la nature du succès de ce dernier comme leader opérationnel lors des mois de combats désespérés menés par une Armée rouge vacillant sous les coups de butoir de la Wehrmacht allemande. Le modèle de leadership des Forces canadiennes ne étude portant sur le leadership se doit tout d’abord de clarifier ce terme fondamental. Sa définition moderne peut être résumée en termes simples : « Le processus par lequel un individu influence un groupe de personnes pour atteindre un but commun7. » Une telle déclaration, relativement neutre, n’est toutefois pas satisfaisante dans le cadre de la U 78 D N D p h o t o A R 2 0 0 8 - J O 11- 18 1 Cette prétention à l’universalité d’application de la doctrine canadienne pose toutefois un problème lorsque vient le temps de dégager les impératifs fondamentaux nécessaires au succès du commandement s’exerçant à un niveau particulier 5. Le présent article ne vise pourtant pas à démanteler les fondements théoriques de cette doctrine. Il cherche plutôt à démontrer qu’il demeure nécessaire d’identifier précisément, parmi les nombreux éléments du cadre théorique général, ceux qui sont véritablement essentiels au succès d’un leader opérant à un échelon de commandement donné. Pour ce faire, l’approche adoptée sera d’isoler les principes essentiels du leadership au niveau opérationnel en appliquant le modèle moderne des Forces canadiennes à l’étude d’une figure historique impliquée dans des combats radicalement différents de l’expérience occidentale récente. présente étude, car le but est d’identifier les attributs d’un commandant exerçant un leadership effectif au niveau opérationnel. Il devient donc nécessaire de définir ce concept non seulement en termes militaires mais, de façon tout aussi importante, en mettant l’accent sur l’efficacité à remplir une mission donnée. Le modèle canadien repose sur une telle définition : « Diriger, motiver et habiliter de manière à ce que la mission soit accomplie avec professionnalisme et éthique, et chercher en même temps à développer ou à améliorer les capacités qui contribuent au succès de la mission8. » L’ajout, dans le modèle canadien, d’une dimension d’efficacité au concept de leadership reflète l’adoption de la théorie stratifiée des systèmes. Cette dernière fait la distinction entre deux fonctions : diriger les gens (dans l’exécution de leur mission et de leurs tâches quotidiennes) et diriger l’institution (grâce au développement des capacités stratégiques et professionnelles requises par l’organisation)9. Cette dualité est dynamique, alors que les rôles et les responsabilités attribués à un leader au sein de l’organisation militaire évoluent au cours de sa carrière. L’un peut généralement s’attendre à se concentrer sur la première catégorie lorsqu’il se trouve au bas de la hiérarchie pour ensuite jouer un rôle accru dans la direction de l’institution à mesure qu’il se rapproche du sommet de la pyramide. Il en résulte une zone nébuleuse au centre de ce continuum, où un individu peut se voir autorisé (ou même obligé) à exercer ces deux fonctions simultanément, bien qu’à différents degrés selon les circonstances10. Le modèle de leadership des Forces canadiennes repose donc sur deux principales fonctions (diriger les gens et diriger l’institution) auxquelles différents critères d’efficacité Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009 Cette structure théorique fournit un cadre des plus utiles afin de clarifier le modèle de leadership des Forces canadiennes. Par contre, tel que noté en introduction, sa formulation destinée à tous les niveaux de commandement à travers l’ensemble du continuum des opérations peut rendre difficile son application pratique dans un contexte spécifique. Dans le tableau illustrant le modèle canadien, différents énoncés de responsabilités apparaissent sous les deux fonctions du leadership, et ce, pour chaque critère d’efficacité. Bien que spécifiques, ces énoncés varient grandement à l’intérieur d’un même critère. Sous la fonction diriger les gens par exemple, le critère d’efficacité associé au succès de la mission peut être rempli par un éventail de responsabilités, allant de l’acquisition d’une compétence personnelle et son perfectionnement à l’obtention et la gestion des ressources nécessaires à l’exécution des tâches. Par ailleurs, la fonction diriger l’institution peut être mesurée sous le critère d’efficacité « adaptation au monde extérieur » par la responsabilité d’amorcer le changement ainsi que celle de produire régulièrement des rapports d’information destinés au monde extérieur14. HISTOIRE MILITAIRE doivent être appliqués et dont l’importance varie en fonction des responsabilités hiérarchiques décrites ci-dessus 11. Ces critères, au nombre de cinq, forment un cadre d’efficacité nécessaire à l’exécution de la mission tout en respectant les aspects professionnels et éthiques requis des Forces canadiennes : succès de la mission, intégration interne, bien-être et engagement des membres, adaptation au monde extérieur et ethos militaire 12. Les quatre premiers critères constituent des résultats essentiels, et tout particulièrement le succès de la mission, qui devient le but ultime du leader, alors que les trois autres sont plutôt des éléments facilitant cette réussite. Face à ce résultat principal (succès de la mission) et ces résultats habilitants (intégration interne, bien-être des subalternes, adaptation extérieure), l’ethos militaire concerne la conduite de la mission par laquelle des normes générales fixent les limites à respecter en tentant d’atteindre les résultats souhaités13. de campagnes et de grandes opérations15. » Ce concept est un héritage direct de la vision élaborée tout d’abord en Prusse au cours du XIX e siècle et raffinée par l’Armée rouge entre les deux guerres mondiales sous le terme art opérationnel. Les conflits de l’ère industrielle illustrèrent clairement le besoin d’établir une nouvelle discipline militaire afin de combler le fossé entre l’établissement de grands objectifs politico-militaires précédant les combats (stratégie) et l’application de la force armée sur le champ de bataille (tactique). Vainqueur des guerres d’unification allemandes des années 1860 et de la Guerre franco-prusse de 1870-1871, Helmuth von Moltke est souvent reconnu comme le premier vrai « pratiquant » de l’art opérationnel 16. Il instaura les procédures et les moyens requis pour coordonner le mouvement et le ravitaillement des grandes armées de masse qui dominèrent les champs de bataille européens, bénéficiant d’une mobilité et d’une létalité croissantes jusqu’à leur neutralisation mutuelle dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. La nouvelle Armée rouge adopta et raffina les préceptes allemands en appliquant les leçons de ce conflit et en capitalisant sur l’expérience acquise dans les combats qui suivirent la révolution Cet éventail de responsabilités disparates, bien qu’elles soient toutes applicables à différents degrés selon les circonstances, empêche le lecteur de comprendre quelles sont les pratiques vraiment essentielles à l’exécution d’un leadership effectif pour différents niveaux de commandement. Il devient donc nécessaire de tenter de raffiner ce modèle pour mettre clairement en évidence les quelques éléments qui sont véritablement fondamentaux, plus particulièrement au niveau opérationnel. Ce cheminement doit toutefois inclure une plus ample discussion sur la nature du commandement au niveau opérationnel afin de préciser le cadre envisagé dans le présent article. a doctrine militaire canadienne reconnaît trois degrés d’opérations : stratégique, opérationnel et tactique. Le niveau opérationnel est décrit comme suit : « Niveau de commandement auquel on emploie des forces pour atteindre des objectifs stratégiques dans un théâtre ou une zone d’opérations par la conception, l’organisation et la planification A r t R e s o u r c e A R T 3 15 3 2 8 Le leadership au niveau opérationnel L Vol. 9, N o 3, 2009 • Revue militaire canadienne Le maréchal de camp Helmuth Karl Bernhard Graf von Moltke 79 communiste de 1917. Le terme art opérationnel est d’ailleurs attribué à une école de pensée inspirée, au cours des années 1920, par les écrits du général A. A. Svechin, dont la vision fut implantée formellement dans la doctrine soviétique au cours de la décennie suivante par le maréchal M. N. Tukhachevsky17. « Diriger, motiver et habiliter de manière à ce que la mission soit accomplie avec professionnalisme et éthique, et chercher en même temps à développer ou à améliorer les capacités qui contribuent au succès de la mission » Alors que la Seconde Guerre mondiale apparut comme l’âge d’or de l’art opérationnel, il sembla initialement que la Guerre froide lui assènerait le coup final. Plusieurs observateurs imaginèrent que la stratégie de dissuasion nucléaire adoptée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au cours des années 1950 et 1960 éliminerait le besoin d’étudier le mouvement et l’emploi de grands corps d’armée 18. Les difficultés expérimentées sur le terrain par la plupart des puissances occidentales pendant la période de décolonisation, et plus particulièrement l’échec américain au Vietnam, signalèrent toutefois un regain d’intérêt pour l’art opérationnel. Cette tendance se confirma également lorsque l’Alliance atlantique adopta en fin de compte une stratégie de réponse flexible incluant le besoin d’employer à grande échelle des forces militaires conventionnelles. Ce mouvement mena à l’adoption formelle de l’art opérationnel dans la doctrine de tous les pays membres de l’OTAN, le Canada y compris19. Cette appréciation de la nature du niveau opérationnel permet finalement d’identifier clairement les responsabilités essentielles au succès du leader exerçant son autorité à ce niveau. L’analyse intuitive du modèle canadien nous amène à conclure que, pour chacun des cinq critères d’efficacité mentionnés plus haut20 et se trouvant tous sous la dimension diriger les gens, les responsabilités suivantes sont indispensables à l’exercice effectif du leadership au niveau opérationnel : i) préciser ses objectifs et ses intentions; ii) surveiller, inspecter, corriger, évaluer; iii) encadrer et éduquer les subordonnés, et établir des normes et des programmes d’activités; iv) prévoir l’avenir; et v) rechercher les responsabilités et les accepter. Cela ne signifie pas que les autres énoncés de responsabilités ne sont pas pertinents, mais plutôt qu’ils ne sont pas aussi essentiels au niveau opérationnel ou qu’ils ne s’appliquent pas nécessairement à l’ensemble des opérations. Les cinq responsabilités choisies ici sont toutefois requises, quel que soit la mission ou le contexte opérationnel. Cette analyse intuitive, basée sur les demandes particulières du niveau opérationnel de commandement dans le contexte canadien, doit être validée pour assurer sa légitimité. L’application de ces concepts à l’expérience vécue par Joukov dans le contexte extrêmement difficile de l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne permet de déterminer la pertinence de ce modèle de leadership au niveau opérationnel. Le général joukov : un leader opérationnel étude du général Joukov comme leader opérationnel est compliquée par le système de commandement particulier de l’Armée rouge à l’époque. Le système soviétique était en effet grandement décentralisé jusqu’à l’invasion allemande du 22 juin 1941, mais, dès le lendemain, une réorganisation en profondeur mena à l’implantation d’une structure très différente 21. Sous la direction d’un nouveau cabinet de guerre (le GOKO), qui rassemblait les membres les plus importants du Parti communiste et dictait les priorités politico-militaires, la Stavka fut créée pour assumer le rôle d’un véritable état-major interarmées subordonné au cabinet de guerre et chargé de produire les grands plans stratégiques coordonnant l’ensemble des efforts militaires soviétiques22. Les districts militaires administratifs furent ensuite abandonnés en faveur de la création de « fronts 23 » géographiques rassemblant plusieurs corps d’armée dirigés en termes opérationnels. Pour les fins de la présente étude, on suppose que la Stavka menait les activités militaires soviétiques au niveau stratégique, sous la direction politique A s s o c i a t e d Pr e s s 3 7 0 5 110 3 6 L’ Le maréchal M.N. Tukhachevsky 80 Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009 Cet éclaircissement ne simplifie toutefois pas les choses dans le cas de Joukov, car celui-ci était occupé aux deux niveaux. Ayant joint les rangs de l’Armée rouge dès le début de la Guerre civile russe, Joukov entreprit une carrière fulgurante dans la cavalerie, l’amenant, plus tard, à se spécialiser dans les blindés durant l’entre-deux-guerres sous la tutelle du maréchal Tukhachevsky, chantre de l’art opérationnel. Ayant échappé aux purges staliniennes de 1937-1938, Joukov se distingua dans les combats frontaliers qui opposèrent l’Union soviétique et le Japon en 1939, menant à sa nomination au poste de chef de l’état-major général de l’Armée rouge, en janvier 1941 24. Il occupait toujours cette position lorsque les hostilités éclatèrent entre l’URSS et l’Allemagne et il fut ainsi inclus dans la Stavka dès sa création. Toutefois, Joukov s’opposa aux priorités stratégiques exprimées par Staline au cours de l’été et perdit son poste de chef de l’état-major général. Il devint le premier commandant du nouveau Front de réserve stratégique au mois d’août 1941, tout en demeurant membre de la Stavka25. D e f e n s e I m a g e r y. M i l H D - S N - 9 9 - 0 2 7 5 6 occuper la partie européenne de ce pays, puis à établir une ligne continue le long des montagnes Oural, d’Arkhangelsk dans l’Arctique jusqu’à Astrakhan sur les côtes de la mer Caspienne 26. La stratégie soviétique, bien que nécessitant le sacrifice des forces déployées le long des frontières, reposait sur l’établissement de lignes défensives successives dans l’immensité de la steppe russe afin d’épuiser le blitzkrieg allemand. Ces défenses, destinées à ralentir l’ennemi tout en infligeant des pertes irrémédiables aux formations de la Wehrmacht, devaient permettre aux autorités soviétiques de rassembler les forces nécessaires pour repousser un ennemi épuisé dans une série de contre-offensives visant à reprendre le territoire perdu27. « Le succès de Joukov est attribuable à l’application continue par ce dernier d’énoncés de responsabilités essentielles qui font aujourd’hui partie du modèle de leadership des Forces canadiennes » La période difficile s’étendant d’août 1941 à décembre 1942, soit la phase « défensive » de la stratégie soviétique, représente l’une des meilleures occasions de mesurer la valeur du leadership opérationnel du général Joukov. Ayant cumulé plus de défaites que de victoires tactiques sur le terrain, les opérations se déroulant durant cette période n’en démontrèrent pas moins le succès de Joukov au niveau opérationnel dans l’atteinte d’« objectifs stratégiques dans un théâtre ou une zone d’opérations 28 ». Que ce soit comme L’opération Barbarossa, nom de code donné par les commandant du Front de réserve stratégique à la bataille Allemands à l’invasion de l’Union soviétique, visait à d’Ielnia en août 1941 ou comme représentant de la Stavka à Leningrad le mois suivant, Joukov ne réussit pas à arrêter le rouleau compresseur allemand. Par contre, il parvint d’une part à ralentir considérablement l’élan de la Wehrmacht vers Moscou et, d’autre part, à implanter les défenses nécessaires pour soutenir le « siège de 900 jours » auquel ferait face l’ancienne capitale tsariste, immobilisant des ressources humaines et matérielles inestimables à long terme pour l’Allemagne 29. Même l’opération Mars (novembre et décembre 1942), la défaite la plus cinglante encaissée par Joukov durant la Deuxième Guerre mondiale, servit la stratégie soviétique en immobilisant le Groupe d’armées Centre et empêchant ce dernier d’envoyer des renforts vers le sud pour secourir la VI e armée allemande, encerclée à Joukov (centre) avec le général Eisenhower et le maréchal de camp Montgomery au quartier général du Stalingrad30. général Eisenhower à Frankfort à la fin de la guerre, le 10 juin 1945. Vol. 9, N o 3, 2009 • Revue militaire canadienne 81 HISTOIRE MILITAIRE du GOKO, alors que les commandants de fronts exerçaient leur leadership au niveau opérationnel. septembre 1941, les troupes allemandes se trouvaient immobilisées par les lourdes pluies de l’automne, qui rendaient les routes et la steppe russe impraticables pour les blindés et les transports de troupes. Cependant, le gel de novembre élimina cet obstacle. Joukov fut rappelé de Leningrad en octobre, à peine un mois avant que les Allemands ne lancent l’opération Typhon pour tenter une percée vers Moscou, à la mi-novembre 194131. La défense de Moscou et le modèle canadien est toutefois la défense de Moscou et la contreoffensive soviétique de décembre 1941 qui permettent d’illustrer le plus clairement les critères d’efficacité ayant contribué au succès de Joukov comme leader opérationnel. Bien que la profondeur du territoire ait jusqu’alors permis le recul de l’Armée rouge, le GOKO parvint à se décider à tenir la capitale soviétique alors que la Stavka estimait que les capacités offensives du Groupe d’armées Centre atteindraient un point de rupture à une telle distance de l’Allemagne en plein hiver. Depuis la fin de Map by Christopher Johnson C’ Territoire occupé Afin d’assurer le succès de la mission (résultat principal et premier critère d’efficacité en termes canadiens), Joukov dut tout d’abord préciser ses objectifs et ses intentions (énoncé de responsabilité) pour soutenir le but stratégique, qui était de sauver Moscou à court et à long terme. Le front se trouvait alors à moins de 150 kilomètres de la capitale soviétique, soit à mi-chemin entre Smolensk et Moscou. Joukov sentit immédiatement le besoin d’établir rapidement trois lignes de fortifications entre le front et la capitale afin de continuer la tâche essentielle d’épuiser les troupes allemandes pendant leur avance 32. Cet objectif défensif était toutefois incomplet en soi, car l’immobilisation du Groupe d’armées Centre aux portes de Moscou à la fin de 1941 ne ferait que remettre l’assaut final au printemps suivant, tout en allouant plusieurs mois à la Wehrmacht pour concentrer ses forces en un temps et un lieu de son choix. Joukov établit donc qu’une composante offensive était essentielle à la défense de la ville. Il serait non seulement nécessaire d’arrêter l’avance allemande, mais il faudrait également refouler l’ennemi afin de le faire reculer (pour la première fois depuis le déclenchement de l’opération Barbarossa) vers une ligne qui faciliterait la résistance de l’Armée rouge lors de la reprise des combats, au printemps. Opération Barbarossa : gains territoriaux allemands 22 juin – 30 septembre 1941 La ligne du front au 21 juin 1941 La ligne du front au 1er septembre 1941 La ligne du front au 9 juillet 1941 La ligne du front au 30 septembre 1941 La ligne de Staline Russes encerclés L’implantation de nouvelles lignes fortifiées dans le vide des steppes entourant Moscou ainsi que la constitution de vastes réserves d’hommes et de matériel nécessaires à une éventuelle contre-offensive représentaient des défis presque insurmontables au cours de l’automne 1941. Requérant un haut degré d’intégration interne (résultat habilitant et second critère d’efficacité) pour assurer le succès du Front occidental, Joukov se devait Opération Barbarossa 82 Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009 HISTOIRE MILITAIRE A s s o c i a t e d Pr e s s 4 10 8 010101 de surveiller, d’inspecter, de corriger et d’évaluer continuellement (énoncé de responsabilité) les préparatifs de guerre de ses troupes ainsi que leur performance pendant la conduite des opérations. Joukov tenait à se garder informé des développements sur le front, non seulement par l’usage extensif et approprié du renseignement, mais également en conduisant des visites régulières auprès des commandants de formations subordonnées. Lorsqu’il ne pouvait se permettre de tels déplacements, il s’assurait au minimum que certains membres clés de son propre état-major se rendaient sur le terrain pour observer le déroulement des événements et, tout aussi important, pour faire rapport sur la performance de ses subalternes33. Les édifices en flammes servent de toile de fond aux Allemands qui pénètrent la ville de Smolensk en route vers Moscou, août 1941. Comme la conduite des soldats dépendait largement du professionnalisme de leurs officiers, le bien-être et l’engagement des membres (résultat habilitant et troisième critère d’efficacité) exigeaient de Joukov qu’il encadre et éduque les subordonnés et qu’il établisse des normes et des programmes d’activités (énoncé de responsabilité). Malgré le développement de la théorie de l’art opérationnel au sein de l’Armée rouge dans l’entre-deux-guerres, Joukov comprenait pleinement que les purges de 1937-1938 et la rapide mobilisation de 1941 signifiaient que la majorité des officiers soviétiques n’étaient pas prêts à appliquer la doctrine militaire en vigueur34. Il lui revenait donc d’instaurer un système par lequel les forces mises à sa disposition, que ce soit les formations déjà mises à mal sur le front ou les nouvelles divisions assemblées au cours de ces mois chaotiques, puissent exécuter les tâches qui leur seraient assignées. Les crises successives de 1941 ne lui permirent certainement pas d’encadrer et d’éduquer ses subordonnés dans le sens moderne du terme. Néanmoins, il s’efforça de promulguer régulièrement des instructions écrites sur la conduite des combats basées sur l’expérience acquise rapidement durant les premiers mois de l’invasion. Il insista tout particulièrement sur le besoin d’éviter des attaques frontales meurtrières contre les positions de l’ennemi, privilégiant les mouvements tournants et l’infiltration de leurs positions les plus exposées 35. Profitant également du ralentissement de l’avance allemande au cours de l’automne, Joukov insista pour que les formations qui lui étaient envoyées en renfort ne soient pas démembrées pour fournir des Vol. 9, N o 3, 2009 • Revue militaire canadienne remplaçants amenés directement au front. Il instaura plutôt un système par lequel ces divisions nouvellement constituées s’établiraient tout d’abord sur les arrières afin de poursuivre un programme d’entraînement, court mais intensif, basé sur les leçons apprises tant au sein des états-majors divisionnaires que sur le terrain au niveau tactique36. Tous ces efforts pour la défense de Moscou n’aboutiraient à rien, cependant, si Joukov ne parvenait pas à établir les lignes de fortifications requises et à entreprendre une contre-offensive en un lieu et un temps donnés, selon les mouvements et les intentions d’un ennemi bénéficiant jusqu’alors de l’initiative. Il se devait donc de développer une certaine capacité de prévoir l’avenir (énoncé de responsabilité) afin de maximiser l’adaptation au monde extérieur (résultant habilitant et quatrième critère d’efficacité) des forces à sa disposi« Tous ces efforts pour tion. Il résolut que, face aux la défense de Moscou fortifications établies par les n'aboutiraient à rien si Soviétiques sur la voie directe de Smolensk à Moscou, Joukov ne parvenait le Groupe d’armées Centre pas à établir les lignes s’évertuerait plutôt à conduire de fortifications requises une manœuvre d’encerclement en approchant la capitale à et à entreprendre partir du nord-ouest (après une contre-offensive avoir saisi la ville de Kalinine) en un lieu et un et à partir du sud-ouest en passant par les villes de Tulsa temps donnés » et Kalouga. 83 Alors que le Front de Briansk fut chargé de bloquer cette deuxième mâchoire du mouvement de pince allemand, Joukov concentra les efforts du Front occidental pour d’abord immobiliser (décembre 1941) puis repousser (janvier 1942) l’ennemi en reprenant Kalinine. Cela força une retraite générale de la Wehrmacht jusqu’à la fin de l’année 1942 afin de stabiliser le front sur des positions plus favorables mais à une grande distance de Moscou 37. Ce succès résulta directement de la capacité de Joukov de juger des intentions de l’ennemi et de formuler un plan alors que les Allemands agissaient exactement comme il s’y attendait. Joukov insista d’ailleurs sur le maintien d’un service de renseignement militaire efficace au sein de ses corps d’armée tout au long de la guerre38. des portions les plus critiques du front, défendant ainsi les objectifs les plus chers aux yeux du leader communiste. Joukov fut lui-même menacé de mort en octobre 1941 par V. I. Molotov, commissaire aux Affaires étrangères et membre influent du GOKO, s’il en venait à perdre Moscou 39. Joukov n’hésita pas néanmoins à continuer à s’exprimer librement devant ses supérieurs tout au long du conflit 40. Il démontrait ainsi une force de caractère inébranlable, qui fut testée à maintes reprises au cours de ces mois les plus sombres de l’histoire de l’Armée rouge, refusant toujours de sacrifier l’efficacité opérationnelle de ses forces pour satisfaire certains des desseins les plus ineptes de Staline. Ayant littéralement sauvé la capitale soviétique, Joukov a démontré un profond sens d’ethos militaire (cinquième critère d’efficacité associé à la conduite de la mission) par son désir de rechercher les responsabilités et de les accepter (énoncé de responsabilité). Fait remarquable pour l’époque, alors que Staline et ses comparses ordonnaient régulièrement l’exécution de généraux ayant échoué devant l’ennemi, Joukov n’hésita pas à accepter le commandement de forces responsables L Conclusion D N D p h o t o A R 2 0 0 9 - A 0 0 4 - 019 e général Joukov exerça son leadership au niveau opérationnel dans des conditions qui seraient inimaginables dans le contexte militaire canadien actuel. Il dirigea les mouvements de millions d’hommes et de milliers de blindés; il pouvait perdre des dizaines de milliers de soldats au cours d’une seule journée de combat. De ces opérations dépendait le sort de la patrie, alors que la menace d’exécution planait toujours au-dessus de sa tête en cas d’échec. C’est néanmoins durant la période 84 Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009 « Tant l’analyse intuitive de cette doctrine canadienne que l’étude des méthodes employées par le leader soviétique au cours de la Deuxième Guerre mondiale démontrent que l’exercice réussi du commandement au niveau opérationnel dépend de l’atteinte de résultats spécifiques au sein du modèle général. » Le succès de Joukov est attribuable à l’application continue par ce dernier d’énoncés de responsabilités essentielles qui font aujourd’hui partie du modèle de leadership des Forces canadiennes. Tant l’analyse intuitive de cette doctrine canadienne que l’étude des méthodes employées par le leader soviétique au cours de la Deuxième Guerre mondiale démontrent que l’exercice réussi du commandement au niveau opérationnel dépend de l’atteinte de résultats spécifiques au sein du modèle général. Sous la fonction diriger les gens, il est essentiel, pour le leader opérationnel avant tout, d’exercer les responsabilités suivantes : i) préciser ses objectifs et ses intentions pour atteindre le résultat principal, c’est-à-dire le succès de la mission; ii) surveiller, inspecter, corriger, évaluer la planification et l’exécution de ses plans (premier résultat habilitant associé à l’intégration interne); iii) encadrer et éduquer les subordonnés (deuxième résultat habilitant associé à l’intégration interne); iv) prévoir l’avenir aux fins d’adaptation au monde extérieur (troisième résultat habilitant); et finalement v) rechercher les responsabilités et les accepter pour incarner les valeurs de l’ethos militaire dans la conduite de la mission. Durant cette même période, le général Joukov exerça, sur le plan opérationnel, des responsabilités autres que celles énoncées ci-dessus au sein des cinq critères d’efficacité. Il a également dirigé l’institution en influençant la stratégie soviétique par le rôle qu’il a joué au sein de la Stavka. Toutefois, alors que le modèle canadien est formulé pour couvrir le commandement aux échelons stratégique, tactique et opérationnel, l’exercice réussi du leadership à ce dernier niveau repose sur l’exécution continue des cinq responsabilités essentielles dont il a été question dans le présent article. L’étude de l’expérience du général soviétique, lorsque comparée au modèle théorique canadien élaboré dans le contexte de l’après-Guerre froide, démontre la nature fondamentale de ces énoncés sous-tendant la pratique du leadership opérationnel à travers l’ensemble du continuum des opérations. NOTES 1. 2. 3. La plupart de ces réformes trouvent leur origine dans plusieurs exposés publiés en 1997, notamment dans le rapport de la Commission d’enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie, Un héritage déshonoré : les leçons de l’affaire somalienne, Ottawa : Approvisionnements et Services Canada, 1997. La liste de ces rapports figure dans une lettre du ministre de la Défense nationale au Premier ministre, rendue publique cette même année. Voir Douglas Young, Lettre du ministre Young au Premier ministre, datée du 25 mars 1997. <http://www.forces.gc.ca/site/Minister/fr/ letterPM/mndlf97.html> L’énoncé complet de l’ethos des Forces canadiennes se trouve dans la publication du ministère de la Défense nationale, Servir avec honneur : La profession des armes au Canada, A-PA-005-000/AP-001, Ottawa, 2005, p. 24-34. La nouvelle doctrine de leadership est définie dans la publication du ministère de la Défense nationale Le leadership dans les Forces canadiennes : Doctrine, A-PA-005-000/AP-003, Ottawa, 2005. Voir le communiqué du général R. J. Hillier à ce sujet dans la lettre du chef d’état-major de la Défense, Nouvelle doctrine sur le leadership dans les Forces canadiennes, le 15 avril 2005, p. 1-2. Vol. 9, N o 3, 2009 4. 5. 6. 7. 8. 9. Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, A-PA-005-000/AP-004, Ottawa, 2005, p. xi-xv. Cette publication additionnelle « fournit une discussion prolongée sur les théories et les idées soutenues dans le manuel doctrinal » (p. i). Les différents niveaux de commandement stratégique, opérationnel et tactique, selon la doctrine canadienne, sont définis dans la publication du ministère de la Défense nationale, Opérations des Forces canadiennes, B-GG-005-004/AF-000, Ottawa, 2000, p. 2-7. Bien que Joukov soit habituellement reconnu, dans la littérature occidentale, sous le titre de maréchal de l’Union soviétique, il n’obtint ce grade qu’en février 1943. Comme l’ensemble de cet article traite de la période 1941-1942, le grade de général sera utilisé lorsque le nom de Joukov sera évoqué. Traduction libre de la définition formulée par le professeur Peter G. Northouse dans Leadership: Theory and Practice, 2e édition, Thousand Oakes, CA : Sage Publications, 2001, p. 3. Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, p. 131. Ibid., p. 2. • Revue militaire canadienne 10. 11. 12. 13. 14. 15. Ibid., p. 4. Voir aussi ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Doctrine, p. 6. Ce concept peut être visualisé en imaginant un tableau où les deux fonctions forment les colonnes verticales, alors que les dimensions d’efficacité sont appliquées horizontalement. Ce tableau, intitulé Responsabilités des leaders des FC réparties selon les principales fonctions et les critères d’efficacité, apparaît dans MDN, Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, p. 48-49. Ministère de la Défense nationale, Le leadership dans les Forces canadiennes : Doctrine, p. 3-4. Ce dernier critère reflète bien sûr l’énoncé sur l’ethos militaire qui se trouve dans Servir avec honneur, p. 25-34. Les bases théoriques soutenant le choix de ces cinq critères d’efficacité en particulier se trouvent dans Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, p. 18-23. Tableau intitulé Responsabilités des leaders des FC réparties selon les principales fonctions et les critères d’efficacité (Le leadership dans les Forces canadiennes : Fondements conceptuels, p. 48-49). Ministère de la Défense nationale, Opérations des Forces canadiennes, p. 1-5. 85 HISTOIRE MILITAIRE où la balance des armes penchait du côté de l’ennemi que Joukov démontra son aplomb comme commandant au niveau opérationnel. Tant à l’occasion d’opérations limitées comme à Ielnia que lors de la défense désespérée de Moscou ou de la défaite cuisante lors de l’opération Mars, le général soviétique parvint à atteindre les objectifs stratégiques assignés dans son théâtre d’opérations. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 86 Pour en connaître davantage sur l’influence de Moltke, voir Hajo Holborn, « The PrussoGerman School: Moltke and the Rise of the General Staff », dans Peter Paret, Makers of Modern Strategy: From Machiavelli to the Nuclear Age, Princeton : Princeton University Press, 1996, p. 281-295. Voir aussi Bradley J. Meyer, « The Operational Art: The Elder Moltke’s Campaign Plan for the FrancoPrussian War », dans B. J. C. McKercher et Michael Hennessy, The Operational Art: Developments in the Theories of War, Westport : Praeger Publishers, 1996, p. 29-49. Sur le développement de l’art opérationnel en Union soviétique durant l’entre-deux-guerres, voir Jacob Kipp, « Two Views of Warsaw: The Russian Civil War and Soviet Operational Art, 1920-1932 », dans McKercher et Hennessy, The Operational Art, p. 51-85. Voir aussi John Erickson, The Soviet High Command: A Political History, 1918-1941, Londres : MacMillan & Co., 1962. Lawrence Freedman, « The First Two Generations of Nuclear Strategists », dans Paret, Makers of Modern Strategy, p. 735-778. L’adoption de l’art opérationnel aux États-Unis est détaillée par Richard M. Swain, « Filling the Void: The Operational Art and the U.S. Army », dans McKercher et Hennessy, The Operational Art, p. 147-172. C’est-à-dire : i) succès de la mission; ii) intégration interne; iii) bien-être et engagement des membres; iv) adaptation au monde extérieur; et v) ethos militaire. Voir Erickson, The Soviet High Command, p. 557-560, pour des détails sur la structure de commandement soviétique au début de la Seconde Guerre mondiale. Bien que le nouveau Comité de défense national (Gosudarstvennyi Komitet Oborony ou GOKO) ait été formé seulement le 30 juin, il assuma le contrôle politique de l’effort militaire soviétique sous la direction personnelle de Staline. L’état-major général du haut commandement de l’URSS (communément appelé Stavka dans la littérature occidentale au lieu de SSSR, Stavka Glavnovo Komandovaniya Vooruzhennykh Sil) fut quant à lui implanté dès le 23 juin, sous la direction du maréchal S. K. Timoshenko, commissaire de la Défense (équivalent soviétique du titre de ministre). Voir Otto Preston Chaney, « Marshal Zhukov as a Military Leader », dans Henry S. Bausum, Military Leadership and Command: The John Biggs Cincinnati Lectures, 1988, Lexington : The VMI Foundation, 1989, p. 97 et 100-101. Voir aussi Erickson, The Soviet High Command, p. 598-599. À chaque fois qu’elle apparaît en italique dans le présent article, l’expression front est citée au sens russe et non selon l’expression 24. 25. 26. 27. 28. 29. 30. française. Dans ce contexte, Front signifie commandement de corps d’armée. C’est ainsi qu’en juin 1941, par exemple, les troupes assignées au district militaire de Leningrad furent transférées au Front nord. Le Front de réserve stratégique fut également créé en utilisant les diverses formations qui n’étaient pas déjà engagées dans la défense des frontières (David M. Glantz et Jonathan M. House, When Titans Clashed: How the Red Army Stopped Hitler, Lawrence : University Press of Kansas, 1995, p. 39). Tony Le Tissier présente un bon sommaire de la vie de Joukov, de sa naissance en 1896 jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, dans Zhukov at the Oder: The Decisive Battle for Berlin, Westport : Praeger Publishers, 1996, p. 3-6. Pour une biographie complète et objective, voir Otto Preston Chaney, Zhukov, Norman : University of Oklahoma Press, 1996. Sur la confrontation entre Staline et Joukov et le transfert de ce dernier au Front de réserve stratégique, voir Chaney, « Marshal Zhukov as a Military Leader », p. 98. Voir également Glantz et House, When Titans Clashed, p. 76. Pour la genèse de cette opération, voir Matthew Cooper, The German Army, 1933-1945: Its Political and Military Failure, New York : Stein and Day Publishers, 1978, p. 259-285. Voir Glantz et House, When Titans Clashed, p. 38-41; ainsi que Bryan I. Fugate et Lev Dvoretsky, Thunder on the Dnepr: Zhukov-Stalin and the Defeat of Hitler’s Blitzkrieg, Novato : Presidio Press, 1997, p. 39-74. Ce dernier ouvrage offre un excellent portrait des deux premières années de combat sur le front de l’Est. Conformément à la définition canadienne du niveau opérationnel, citée plus haut. Joukov monta un assaut contre le flanc sud du Groupe d’armées Centre à la fin d’août 1941 près de la petite localité d’Ielnia, infligeant pour la première fois de lourdes pertes à la Wehrmacht depuis le déclenchement de l’opération Barbarossa et ralentissant l’avance vers Moscou (Fugate et Dvoretsky, Thunder on the Dnepr, p. 166-174 et p. 176-193). L’avance allemande vers Leningrad et le siège qui s’ensuivit du 8 août 1941 au 18 janvier 1944 sont décrits en détail par Harrison Evans Salisbury dans The 900 Days: The Siege of Leningrad, 2e édition, New York : Dalapo, 2003. L’opération Mars fut initiée par Joukov le 25 novembre 1942, alors que l’opération Uranus, visant à défaire les troupes allemandes s’avançant au sud vers les montagnes du Caucase, avait débuté le 19 novembre. L’opération Uranus fut un succès sans précédent, 31. 32. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. résultant par la destruction de la VIe Armée allemande à Stalingrad et une offensive générale de l’Armée rouge pour regagner l’Ukraine au cours de 1943. L’opération Mars, quant à elle, visait à éliminer le grand saillant de Rjev, occupé par le Groupe d’armées Centre, mais elle fut un échec. Il n’en demeure pas moins que l’objectif stratégique d’immobiliser le Groupe d’armées Centre tout en lui imposant de lourdes pertes fut atteint par Joukov, transformant une défaite tactique en un succès opérationnel (Glantz et House, When Titans Clashed, p. 129-139). Glantz offre également un traitement en profondeur de cet épisode clé mais souvent ignoré de la carrière de Joukov dans Zhukov’s Greatest Defeat: The Red Army’s Epic Disaster in Operation Mars, 1942, Lawrence : University Press of Kansas, 1999. Pour un traitement détaillé des préparatifs et de l’exécution de la défense de Moscou au cours de la période d’octobre et de décembre 1941, voir Fugate et Dvoretsky, Thunder on the Dnepr, p. 267-299; ainsi que Glantz et House, When Titans Clashed, p. 78-91. Voir l’excellente carte détaillant la disposition des forces en présence au cours de la période du 30 septembre au 15 novembre 1941 dans John Keegan, The Second World War, New York : Viking Penguin, 1989, p. 207. Cet auteur offre d’ailleurs un bon sommaire des six premiers mois de combat sur le front de l’Est aux pages 173 à 208. Chaney, « Marshal Zhukov as a Military Leader », p. 106. Ceci provoqua l’abandon presque unilatéral de toute attente quant à la performance tactique des troupes soviétiques, mettant plutôt l’accent sur le besoin d’accumuler une masse irrésistible et une puissance de feu écrasante avant de passer à l’offensive (Frederick Kagan, « Soviet Operational Art: The Theory and Practice of Initiative 1917-1945 », dans Chris Kolenda, Leadership: The Warrior’s Art, Carlisle : The Army War College Foundation Press, 2001, p. 236-238). Glantz et House, When Titans Clashed, p. 67. Fugate et Dvoretsky, Thunder on the Dnepr, p. 303-304. Sur la contre-offensive soviétique de janvier 1942, voir Glantz et House, When Titans Clashed, p. 87-97. Makhmut Gareev, « Zhukov: Great Russian Commander », International Affairs: A Russian Journal of World Politics, Diplomacy & International Relations, vol. 43, no 1 (1997), p. 171. Ibid., p. 170. S. M. Shtemenko, The Soviet General Staff at War, 1941-1945, Moscou : Progress Publishers, 1970, p. 383. Revue militaire canadienne • Vol. 9, N o 3, 2009