le leadership au niveau opérationnel : doctrine canadienne et étude

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HISTOIRE MILITAIRE
A s s o c i a t e d Pr e s s 9 5 0 4 2 2 0 3 7 8
LE LEADERSHIP
AU NIVEAU
OPÉRATIONNEL :
DOCTRINE
CANADIENNE ET
ÉTUDE DE CAS
SOVIÉTIQUE
Des muscovites sont rapetissés par cette gigantesque image du
général Joukov, devant la bibliothèque Lénine, le 22 avril 1995.
par le capitaine de frégate Hugues Canuel
Introduction
lus de 15 ans après la chute du mur de Berlin, les
Forces canadiennes continuent leur processus d’adaptation
aux complexités de l’après-Guerre froide. Tant au Canada
que dans le reste du monde occidental, les « dividendes de la
paix » s’obtinrent alors même que le « nouvel ordre mondial »
s’effondrait dans l’instabilité. Les années 1990 furent
difficiles pour les militaires canadiens, alors que des
réductions radicales de leurs budgets et de leurs effectifs
étaient imposées et que le tempo des opérations outre-mer
connaissait une augmentation inattendue. Les difficultés
éprouvées durant certains de ces déploiements ainsi que
plusieurs incidents disciplinaires qui se sont déroulés
au Canada eurent une telle notoriété que les autorités
canadiennes se virent dans l’obligation d’implanter une série
de réformes tous azimuts1.
P
Ce processus culmina avec la publication d’un nouvel
ethos militaire et d’une nouvelle doctrine de leadership
pour les Forces canadiennes2. Ces documents sont largement
basés sur l’expérience de l’après-Guerre froide, mais ils
Vol. 9, N o 3, 2009
• Revue militaire canadienne
se targuent également de refléter la longue tradition de
service militaire du Canada dans le cadre des grands
conflits du XX e siècle 3. Plus particulièrement, les auteurs
de la nouvelle doctrine de leadership se sont donné
comme défi, étant donné la nature fondamentale des
principes la sous-tendant, d’élaborer une théorie applicable
à tous les niveaux de commandement (stratégique,
opérationnel et tactique) pour l’ensemble du continuum
des opérations, tant dans les unités déployées outre-mer
que celles occupées par des activités de garnison ainsi que
pour le personnel servant au sein des états-majors4.
Le capitaine de frégate Hugues Canuel est le chef de cabinet du
commandant de la Marine canadienne au Quartier général de
la Défense nationale à Ottawa. Titulaire d’un baccalauréat ès arts
du Collège militaire royal de Saint-Jean et d’une maîtrise ès arts
du Collège militaire royal du Canada, il a terminé le cours de
commandement et d’état-major et a obtenu en 2006 une maîtrise
en Études de la défense au Collège des Forces canadiennes.
77
Le général Gueorgui Konstantinovitch Joukov joua un
rôle critique dans la conduite des armées de l’Union soviétique
tout au long de la Seconde Guerre mondiale. C’est toutefois
son expérience de commandement au niveau opérationnel
sur le front de l’Est, de l’été 1941 jusqu’à la fin de l’hiver
suivant, qui fournit un cadre des plus fascinants pour mettre
le modèle canadien à l’épreuve6. L’étude du cas Joukov, si
différent des récentes expériences opérationnelles des Forces
canadiennes, confirme néanmoins la validité des principes
fondamentaux qui ont été isolés par cet auteur au sein des
généralités du prototype canadien de l’après-Guerre froide, et
ce sur l’ensemble du continuum des opérations. Tout d’abord,
il sera nécessaire de faire une analyse intuitive du modèle
théorique canadien afin d’y identifier une responsabilité clé
au sein de chacun des cinq critères d’efficacité du leadership
qui s’y trouve. Ces responsabilités seront par la suite
appliquées au cas Joukov afin de mesurer la nature du succès
de ce dernier comme leader opérationnel lors des mois de
combats désespérés menés par une Armée rouge vacillant
sous les coups de butoir de la Wehrmacht allemande.
Le modèle de leadership des Forces canadiennes
ne étude portant sur le leadership se doit tout d’abord de
clarifier ce terme fondamental. Sa définition moderne
peut être résumée en termes simples : « Le processus par
lequel un individu influence un groupe de personnes pour
atteindre un but commun7. » Une telle déclaration, relativement
neutre, n’est toutefois pas satisfaisante dans le cadre de la
U
78
D N D p h o t o A R 2 0 0 8 - J O 11- 18 1
Cette prétention à
l’universalité d’application
de la doctrine canadienne
pose toutefois un problème
lorsque vient le temps
de dégager les impératifs
fondamentaux nécessaires
au succès du commandement s’exerçant à un niveau
particulier 5. Le présent
article ne vise pourtant
pas à démanteler les fondements théoriques de cette
doctrine. Il cherche plutôt à
démontrer qu’il demeure
nécessaire d’identifier précisément, parmi les nombreux
éléments du cadre théorique général, ceux qui
sont véritablement essentiels au succès d’un leader
opérant à un échelon de
commandement donné. Pour
ce faire, l’approche adoptée
sera d’isoler les principes
essentiels du leadership
au niveau opérationnel en
appliquant le modèle moderne des Forces canadiennes
à l’étude d’une figure historique impliquée dans
des combats radicalement différents de l’expérience
occidentale récente.
présente étude, car le but est d’identifier les attributs
d’un commandant exerçant un leadership effectif au niveau
opérationnel. Il devient donc nécessaire de définir ce concept
non seulement en termes militaires mais, de façon tout
aussi importante, en mettant l’accent sur l’efficacité à
remplir une mission donnée. Le modèle canadien repose
sur une telle définition : « Diriger, motiver et habiliter
de manière à ce que la mission soit accomplie avec
professionnalisme et éthique, et chercher en même temps
à développer ou à améliorer les capacités qui contribuent
au succès de la mission8. »
L’ajout, dans le modèle canadien, d’une dimension
d’efficacité au concept de leadership reflète l’adoption
de la théorie stratifiée des systèmes. Cette dernière fait
la distinction entre deux fonctions : diriger les gens (dans
l’exécution de leur mission et de leurs tâches quotidiennes)
et diriger l’institution (grâce au développement des capacités
stratégiques et professionnelles requises par l’organisation)9.
Cette dualité est dynamique, alors que les rôles et les
responsabilités attribués à un leader au sein de l’organisation
militaire évoluent au cours de sa carrière. L’un peut
généralement s’attendre à se concentrer sur la première
catégorie lorsqu’il se trouve au bas de la hiérarchie pour
ensuite jouer un rôle accru dans la direction de l’institution
à mesure qu’il se rapproche du sommet de la pyramide.
Il en résulte une zone nébuleuse au centre de ce continuum,
où un individu peut se voir autorisé (ou même obligé)
à exercer ces deux fonctions simultanément, bien qu’à
différents degrés selon les circonstances10.
Le modèle de leadership des Forces canadiennes repose
donc sur deux principales fonctions (diriger les gens et
diriger l’institution) auxquelles différents critères d’efficacité
Revue militaire canadienne
• Vol. 9, N o 3, 2009
Cette structure théorique fournit un cadre des plus
utiles afin de clarifier le modèle de leadership des Forces
canadiennes. Par contre, tel que noté en introduction, sa
formulation destinée à tous les niveaux de commandement
à travers l’ensemble du continuum des opérations peut
rendre difficile son application pratique dans un contexte
spécifique. Dans le tableau illustrant le modèle canadien,
différents énoncés de responsabilités apparaissent sous les
deux fonctions du leadership, et ce, pour chaque critère
d’efficacité. Bien que spécifiques, ces énoncés varient
grandement à l’intérieur d’un même critère. Sous la fonction
diriger les gens par exemple, le critère d’efficacité associé
au succès de la mission peut être rempli par un éventail
de responsabilités, allant de l’acquisition d’une compétence
personnelle et son perfectionnement à l’obtention et la
gestion des ressources nécessaires à l’exécution des tâches.
Par ailleurs, la fonction diriger l’institution peut être mesurée
sous le critère d’efficacité « adaptation au monde extérieur »
par la responsabilité d’amorcer le changement ainsi que
celle de produire régulièrement des rapports d’information
destinés au monde extérieur14.
HISTOIRE MILITAIRE
doivent être appliqués et dont l’importance varie en fonction
des responsabilités hiérarchiques décrites ci-dessus 11. Ces
critères, au nombre de cinq, forment un cadre d’efficacité
nécessaire à l’exécution de la mission tout en respectant
les aspects professionnels et éthiques requis des Forces
canadiennes : succès de la mission, intégration interne,
bien-être et engagement des membres, adaptation au monde
extérieur et ethos militaire 12. Les quatre premiers critères
constituent des résultats essentiels, et tout particulièrement
le succès de la mission, qui devient le but ultime du
leader, alors que les trois autres sont plutôt des éléments
facilitant cette réussite. Face à ce résultat principal (succès
de la mission) et ces résultats habilitants (intégration interne,
bien-être des subalternes, adaptation extérieure), l’ethos
militaire concerne la conduite de la mission par laquelle
des normes générales fixent les limites à respecter en tentant
d’atteindre les résultats souhaités13.
de campagnes et de grandes opérations15. » Ce concept est
un héritage direct de la vision élaborée tout d’abord en
Prusse au cours du XIX e siècle et raffinée par l’Armée
rouge entre les deux guerres mondiales sous le terme art
opérationnel. Les conflits de l’ère industrielle illustrèrent
clairement le besoin d’établir une nouvelle discipline
militaire afin de combler le fossé entre l’établissement de
grands objectifs politico-militaires précédant les combats
(stratégie) et l’application de la force armée sur le champ
de bataille (tactique).
Vainqueur des guerres d’unification allemandes des
années 1860 et de la Guerre franco-prusse de 1870-1871,
Helmuth von Moltke est souvent reconnu comme le premier
vrai « pratiquant » de l’art opérationnel 16. Il instaura les
procédures et les moyens requis pour coordonner le
mouvement et le ravitaillement des grandes armées de
masse qui dominèrent les champs de bataille européens,
bénéficiant d’une mobilité et d’une létalité croissantes
jusqu’à leur neutralisation mutuelle dans les tranchées de
la Première Guerre mondiale. La nouvelle Armée rouge
adopta et raffina les préceptes allemands en appliquant
les leçons de ce conflit et en capitalisant sur l’expérience
acquise dans les combats qui suivirent la révolution
Cet éventail de responsabilités disparates, bien qu’elles
soient toutes applicables à différents degrés selon les
circonstances, empêche le lecteur de comprendre quelles
sont les pratiques vraiment essentielles à l’exécution d’un
leadership effectif pour différents niveaux de commandement. Il devient donc nécessaire de tenter de raffiner
ce modèle pour mettre clairement en évidence les quelques
éléments qui sont véritablement fondamentaux, plus
particulièrement au niveau opérationnel. Ce cheminement
doit toutefois inclure une plus ample discussion sur la nature
du commandement au niveau opérationnel afin de préciser
le cadre envisagé dans le présent article.
a doctrine militaire canadienne reconnaît trois degrés
d’opérations : stratégique, opérationnel et tactique. Le
niveau opérationnel est décrit comme suit : « Niveau de
commandement auquel on emploie des forces pour atteindre
des objectifs stratégiques dans un théâtre ou une zone
d’opérations par la conception, l’organisation et la planification
A r t R e s o u r c e A R T 3 15 3 2 8
Le leadership au niveau opérationnel
L
Vol. 9, N o 3, 2009
• Revue militaire canadienne
Le maréchal de camp Helmuth Karl Bernhard Graf von Moltke
79
communiste de 1917. Le terme art
opérationnel est d’ailleurs attribué à
une école de pensée inspirée, au cours
des années 1920, par les écrits du
général A. A. Svechin, dont la vision fut
implantée formellement dans la doctrine
soviétique au cours de la décennie suivante
par le maréchal M. N. Tukhachevsky17.
« Diriger, motiver et
habiliter de manière
à ce que la mission
soit accomplie avec
professionnalisme et
éthique, et chercher
en même temps à
développer ou à
améliorer les capacités
qui contribuent au
succès de la mission »
Alors que la Seconde Guerre mondiale
apparut comme l’âge d’or de l’art
opérationnel, il sembla initialement que
la Guerre froide lui assènerait le coup
final. Plusieurs observateurs imaginèrent
que la stratégie de dissuasion nucléaire
adoptée par l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord (OTAN) au cours des
années 1950 et 1960 éliminerait le besoin d’étudier le
mouvement et l’emploi de grands corps d’armée 18. Les
difficultés expérimentées sur le terrain par la plupart
des puissances occidentales pendant la période de
décolonisation, et plus particulièrement l’échec américain
au Vietnam, signalèrent toutefois un regain d’intérêt
pour l’art opérationnel. Cette tendance se confirma
également lorsque l’Alliance atlantique adopta en fin de
compte une stratégie de réponse flexible incluant le besoin
d’employer à grande échelle des forces
militaires conventionnelles. Ce mouvement
mena à l’adoption formelle de l’art
opérationnel dans la doctrine de tous
les pays membres de l’OTAN, le Canada
y compris19.
Cette appréciation de la nature du
niveau opérationnel permet finalement
d’identifier clairement les responsabilités
essentielles au succès du leader exerçant
son autorité à ce niveau. L’analyse intuitive
du modèle canadien nous amène à
conclure que, pour chacun des cinq
critères d’efficacité mentionnés plus
haut20 et se trouvant tous sous la dimension
diriger les gens, les responsabilités
suivantes sont indispensables à l’exercice effectif du
leadership au niveau opérationnel : i) préciser ses objectifs
et ses intentions; ii) surveiller, inspecter, corriger, évaluer;
iii) encadrer et éduquer les subordonnés, et établir des
normes et des programmes d’activités; iv) prévoir l’avenir;
et v) rechercher les responsabilités et les accepter.
Cela ne signifie pas que les autres énoncés de responsabilités
ne sont pas pertinents, mais plutôt qu’ils ne sont pas aussi
essentiels au niveau opérationnel ou qu’ils ne s’appliquent
pas nécessairement à l’ensemble des opérations. Les
cinq responsabilités choisies ici sont toutefois requises,
quel que soit la mission ou le contexte opérationnel.
Cette analyse intuitive, basée sur les demandes
particulières du niveau opérationnel de commandement
dans le contexte canadien, doit être validée pour assurer
sa légitimité. L’application de ces concepts à l’expérience
vécue par Joukov dans le contexte extrêmement difficile
de l’invasion de l’Union soviétique par l’Allemagne
permet de déterminer la pertinence de ce modèle de
leadership au niveau opérationnel.
Le général joukov : un leader opérationnel
étude du général Joukov comme leader opérationnel
est compliquée par le système de commandement
particulier de l’Armée rouge à l’époque. Le système
soviétique était en effet grandement décentralisé jusqu’à
l’invasion allemande du 22 juin 1941, mais, dès le
lendemain, une réorganisation en profondeur mena à
l’implantation d’une structure très différente 21. Sous la
direction d’un nouveau cabinet de guerre (le GOKO), qui
rassemblait les membres les plus importants du Parti
communiste et dictait les priorités politico-militaires,
la Stavka fut créée pour assumer le rôle d’un véritable
état-major interarmées subordonné au cabinet de guerre
et chargé de produire les grands plans stratégiques
coordonnant l’ensemble des efforts militaires soviétiques22.
Les districts militaires administratifs furent ensuite
abandonnés en faveur de la création de « fronts 23 »
géographiques rassemblant plusieurs corps d’armée dirigés
en termes opérationnels. Pour les fins de la présente étude,
on suppose que la Stavka menait les activités militaires
soviétiques au niveau stratégique, sous la direction politique
A s s o c i a t e d Pr e s s 3 7 0 5 110 3 6
L’
Le maréchal M.N. Tukhachevsky
80
Revue militaire canadienne
• Vol. 9, N o 3, 2009
Cet éclaircissement ne simplifie
toutefois pas les choses dans le cas de
Joukov, car celui-ci était occupé aux
deux niveaux. Ayant joint les rangs de
l’Armée rouge dès le début de la Guerre
civile russe, Joukov entreprit une carrière
fulgurante dans la cavalerie, l’amenant,
plus tard, à se spécialiser dans les blindés
durant l’entre-deux-guerres sous la tutelle
du maréchal Tukhachevsky, chantre de
l’art opérationnel. Ayant échappé aux
purges staliniennes de 1937-1938, Joukov
se distingua dans les combats frontaliers
qui opposèrent l’Union soviétique et le Japon en 1939,
menant à sa nomination au poste de chef de l’état-major
général de l’Armée rouge, en janvier 1941 24. Il occupait
toujours cette position lorsque les hostilités éclatèrent
entre l’URSS et l’Allemagne et il fut ainsi inclus dans la
Stavka dès sa création. Toutefois, Joukov s’opposa aux
priorités stratégiques exprimées par Staline au cours de
l’été et perdit son poste de chef de l’état-major général.
Il devint le premier commandant du nouveau Front de
réserve stratégique au mois d’août 1941, tout en demeurant
membre de la Stavka25.
D e f e n s e I m a g e r y. M i l H D - S N - 9 9 - 0 2 7 5 6
occuper la partie européenne de ce pays,
puis à établir une ligne continue le
long des montagnes Oural, d’Arkhangelsk
dans l’Arctique jusqu’à Astrakhan sur
les côtes de la mer Caspienne 26. La
stratégie soviétique, bien que nécessitant
le sacrifice des forces déployées le
long des frontières, reposait sur l’établissement de lignes défensives successives
dans l’immensité de la steppe russe afin
d’épuiser le blitzkrieg allemand. Ces
défenses, destinées à ralentir l’ennemi
tout en infligeant des pertes irrémédiables aux formations de la Wehrmacht,
devaient permettre aux autorités soviétiques de rassembler les forces nécessaires
pour repousser un ennemi épuisé dans
une série de contre-offensives visant à reprendre le
territoire perdu27.
« Le succès de Joukov
est attribuable à
l’application continue
par ce dernier
d’énoncés de
responsabilités
essentielles qui font
aujourd’hui partie du
modèle de leadership
des Forces
canadiennes »
La période difficile s’étendant d’août 1941 à décembre
1942, soit la phase « défensive » de la stratégie soviétique,
représente l’une des meilleures occasions de mesurer la
valeur du leadership opérationnel du général Joukov. Ayant
cumulé plus de défaites que de victoires tactiques sur le
terrain, les opérations se déroulant durant cette période
n’en démontrèrent pas moins le succès de Joukov au niveau
opérationnel dans l’atteinte d’« objectifs stratégiques dans un
théâtre ou une zone d’opérations 28 ». Que ce soit comme
L’opération Barbarossa, nom de code donné par les
commandant du Front de réserve stratégique à la bataille
Allemands à l’invasion de l’Union soviétique, visait à
d’Ielnia en août 1941 ou comme représentant de la Stavka à
Leningrad le mois suivant,
Joukov ne réussit pas à arrêter
le rouleau compresseur allemand. Par contre, il parvint
d’une part à ralentir considérablement l’élan de la
Wehrmacht vers Moscou
et, d’autre part, à implanter
les défenses nécessaires
pour soutenir le « siège de
900 jours » auquel ferait
face l’ancienne capitale
tsariste, immobilisant des
ressources humaines et matérielles inestimables à long
terme pour l’Allemagne 29.
Même l’opération Mars
(novembre et décembre
1942), la défaite la plus
cinglante encaissée par
Joukov durant la Deuxième
Guerre mondiale, servit
la stratégie soviétique en
immobilisant le Groupe
d’armées Centre et empêchant ce dernier d’envoyer
des renforts vers le sud
pour secourir la VI e armée
allemande, encerclée à
Joukov (centre) avec le général Eisenhower et le maréchal de camp Montgomery au quartier général du
Stalingrad30.
général Eisenhower à Frankfort à la fin de la guerre, le 10 juin 1945.
Vol. 9, N o 3, 2009
• Revue militaire canadienne
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HISTOIRE MILITAIRE
du GOKO, alors que les commandants
de fronts exerçaient leur leadership au
niveau opérationnel.
septembre 1941, les troupes allemandes se trouvaient
immobilisées par les lourdes pluies de l’automne, qui
rendaient les routes et la steppe russe impraticables pour
les blindés et les transports de troupes. Cependant, le gel
de novembre élimina cet obstacle. Joukov fut rappelé de
Leningrad en octobre, à peine un mois avant que les
Allemands ne lancent l’opération Typhon pour tenter une
percée vers Moscou, à la mi-novembre 194131.
La défense de Moscou et le modèle canadien
est toutefois la défense de Moscou et la contreoffensive soviétique de décembre 1941 qui permettent
d’illustrer le plus clairement les critères d’efficacité
ayant contribué au succès de Joukov comme leader
opérationnel. Bien que la profondeur du territoire ait
jusqu’alors permis le recul de l’Armée rouge, le GOKO
parvint à se décider à tenir la capitale soviétique alors que la
Stavka estimait que les capacités offensives du Groupe
d’armées Centre atteindraient un point de rupture à une telle
distance de l’Allemagne en plein hiver. Depuis la fin de
Map by Christopher Johnson
C’
Territoire occupé
Afin d’assurer le succès de la mission (résultat principal
et premier critère d’efficacité en termes canadiens), Joukov
dut tout d’abord préciser ses objectifs et ses intentions
(énoncé de responsabilité) pour
soutenir le but stratégique, qui était
de sauver Moscou à court et à long
terme. Le front se trouvait alors
à moins de 150 kilomètres de la
capitale soviétique, soit à mi-chemin
entre Smolensk et Moscou. Joukov
sentit immédiatement le besoin
d’établir rapidement trois lignes de
fortifications entre le front et la
capitale afin de continuer la tâche
essentielle d’épuiser les troupes
allemandes pendant leur avance 32.
Cet objectif défensif était toutefois
incomplet en soi, car l’immobilisation du Groupe d’armées Centre
aux portes de Moscou à la fin de
1941 ne ferait que remettre l’assaut
final au printemps suivant, tout
en allouant plusieurs mois à la
Wehrmacht pour concentrer ses
forces en un temps et un lieu de
son choix. Joukov établit donc
qu’une composante offensive était
essentielle à la défense de la ville.
Il serait non seulement nécessaire
d’arrêter l’avance allemande, mais
il faudrait également refouler
l’ennemi afin de le faire reculer
(pour la première fois depuis
le déclenchement de l’opération
Barbarossa) vers une ligne qui
faciliterait la résistance de l’Armée
rouge lors de la reprise des combats,
au printemps.
Opération Barbarossa : gains territoriaux allemands
22 juin – 30 septembre 1941
La ligne du front au 21 juin 1941
La ligne du front au 1er septembre 1941
La ligne du front au 9 juillet 1941
La ligne du front au 30 septembre 1941
La ligne
de Staline
Russes
encerclés
L’implantation de nouvelles
lignes fortifiées dans le vide des
steppes entourant Moscou ainsi que
la constitution de vastes réserves
d’hommes et de matériel nécessaires
à une éventuelle contre-offensive
représentaient des défis presque
insurmontables au cours de l’automne
1941. Requérant un haut degré
d’intégration
interne
(résultat
habilitant et second critère d’efficacité) pour assurer le succès du
Front occidental, Joukov se devait
Opération Barbarossa
82
Revue militaire canadienne
• Vol. 9, N o 3, 2009
HISTOIRE MILITAIRE
A s s o c i a t e d Pr e s s 4 10 8 010101
de surveiller, d’inspecter, de
corriger et d’évaluer continuellement (énoncé de
responsabilité) les préparatifs
de guerre de ses troupes
ainsi que leur performance
pendant la conduite des
opérations. Joukov tenait
à se garder informé des
développements sur le
front, non seulement par
l’usage extensif et approprié
du renseignement, mais
également en conduisant des
visites régulières auprès
des
commandants
de
formations subordonnées.
Lorsqu’il ne pouvait se
permettre de tels déplacements, il s’assurait au
minimum que certains
membres clés de son propre
état-major se rendaient sur
le terrain pour observer le
déroulement des événements
et, tout aussi important,
pour faire rapport sur
la performance de ses
subalternes33.
Les édifices en flammes servent de toile de fond aux Allemands qui pénètrent la ville de Smolensk en route
vers Moscou, août 1941.
Comme la conduite des soldats dépendait largement
du professionnalisme de leurs officiers, le bien-être et
l’engagement des membres (résultat habilitant et troisième
critère d’efficacité) exigeaient de Joukov qu’il encadre
et éduque les subordonnés et qu’il établisse des normes et
des programmes d’activités (énoncé de responsabilité).
Malgré le développement de la théorie de l’art opérationnel
au sein de l’Armée rouge dans l’entre-deux-guerres,
Joukov comprenait pleinement que les purges de 1937-1938
et la rapide mobilisation de 1941 signifiaient que la
majorité des officiers soviétiques n’étaient pas prêts à
appliquer la doctrine militaire en vigueur34. Il lui revenait
donc d’instaurer un système par lequel les forces mises
à sa disposition, que ce soit les formations déjà mises à
mal sur le front ou les nouvelles divisions assemblées
au cours de ces mois chaotiques, puissent exécuter les
tâches qui leur seraient assignées.
Les crises successives de 1941 ne lui permirent
certainement pas d’encadrer et d’éduquer ses subordonnés
dans le sens moderne du terme. Néanmoins, il s’efforça
de promulguer régulièrement des instructions écrites sur
la conduite des combats basées sur l’expérience acquise
rapidement durant les premiers mois de l’invasion. Il insista
tout particulièrement sur le besoin d’éviter des attaques
frontales meurtrières contre les positions de l’ennemi,
privilégiant les mouvements tournants et l’infiltration de
leurs positions les plus exposées 35. Profitant également
du ralentissement de l’avance allemande au cours de l’automne,
Joukov insista pour que les formations qui lui étaient envoyées
en renfort ne soient pas démembrées pour fournir des
Vol. 9, N o 3, 2009
• Revue militaire canadienne
remplaçants amenés directement au front. Il instaura plutôt
un système par lequel ces divisions nouvellement constituées
s’établiraient tout d’abord sur les arrières afin de poursuivre
un programme d’entraînement, court mais intensif, basé sur
les leçons apprises tant au sein des états-majors divisionnaires
que sur le terrain au niveau tactique36.
Tous ces efforts pour la défense de Moscou n’aboutiraient
à rien, cependant, si Joukov ne parvenait pas à établir
les lignes de fortifications requises et à entreprendre une
contre-offensive en un lieu et un temps donnés, selon les
mouvements et les intentions d’un ennemi bénéficiant
jusqu’alors de l’initiative. Il se devait donc de développer
une certaine capacité de prévoir l’avenir (énoncé de
responsabilité) afin de maximiser l’adaptation au monde
extérieur (résultant habilitant
et quatrième critère d’efficacité) des forces à sa disposi« Tous ces efforts pour
tion. Il résolut que, face aux
la défense de Moscou
fortifications établies par les
n'aboutiraient à rien si
Soviétiques sur la voie directe
de Smolensk à Moscou,
Joukov ne parvenait
le Groupe d’armées Centre
pas
à établir les lignes
s’évertuerait plutôt à conduire
de fortifications requises
une manœuvre d’encerclement
en approchant la capitale à
et à entreprendre
partir du nord-ouest (après
une contre-offensive
avoir saisi la ville de Kalinine)
en un lieu et un
et à partir du sud-ouest en
passant par les villes de Tulsa
temps donnés »
et Kalouga.
83
Alors que le Front de Briansk fut chargé de bloquer
cette deuxième mâchoire du mouvement de pince
allemand, Joukov concentra les efforts du Front occidental
pour d’abord immobiliser (décembre 1941) puis repousser
(janvier 1942) l’ennemi en reprenant Kalinine. Cela
força une retraite générale de la Wehrmacht jusqu’à la
fin de l’année 1942 afin de stabiliser le front sur des
positions plus favorables mais à une grande distance
de Moscou 37. Ce succès résulta directement de la
capacité de Joukov de juger des intentions de l’ennemi
et de formuler un plan alors que les Allemands agissaient
exactement comme il s’y attendait. Joukov insista
d’ailleurs sur le maintien d’un service de renseignement
militaire efficace au sein de ses corps d’armée tout au
long de la guerre38.
des portions les plus critiques du front, défendant ainsi
les objectifs les plus chers aux yeux du leader communiste.
Joukov fut lui-même menacé de mort en octobre 1941
par V. I. Molotov, commissaire aux Affaires étrangères
et membre influent du GOKO, s’il en venait à perdre
Moscou 39. Joukov n’hésita pas néanmoins à continuer
à s’exprimer librement devant ses supérieurs tout au long
du conflit 40. Il démontrait ainsi une force de caractère
inébranlable, qui fut testée à maintes reprises au cours
de ces mois les plus sombres de l’histoire de l’Armée
rouge, refusant toujours de sacrifier l’efficacité opérationnelle
de ses forces pour satisfaire certains des desseins les plus
ineptes de Staline.
Ayant littéralement sauvé la capitale soviétique,
Joukov a démontré un profond sens d’ethos militaire
(cinquième critère d’efficacité associé à la conduite
de la mission) par son désir de rechercher les responsabilités
et de les accepter (énoncé de responsabilité). Fait
remarquable pour l’époque, alors que Staline et ses
comparses ordonnaient régulièrement l’exécution de
généraux ayant échoué devant l’ennemi, Joukov n’hésita
pas à accepter le commandement de forces responsables
L
Conclusion
D N D p h o t o A R 2 0 0 9 - A 0 0 4 - 019
e général Joukov exerça son leadership au niveau
opérationnel dans des conditions qui seraient
inimaginables dans le contexte militaire canadien actuel.
Il dirigea les mouvements de millions d’hommes et
de milliers de blindés; il pouvait perdre des dizaines de
milliers de soldats au cours d’une seule journée de combat.
De ces opérations dépendait le sort de la patrie, alors
que la menace d’exécution planait toujours au-dessus de sa
tête en cas d’échec. C’est néanmoins durant la période
84
Revue militaire canadienne
• Vol. 9, N o 3, 2009
« Tant l’analyse intuitive de
cette doctrine canadienne
que l’étude des méthodes
employées par le leader
soviétique au cours de
la Deuxième Guerre
mondiale démontrent que
l’exercice réussi du
commandement au niveau
opérationnel dépend
de l’atteinte de résultats
spécifiques au sein
du modèle général. »
Le succès de Joukov est attribuable à
l’application continue par ce dernier
d’énoncés de responsabilités essentielles
qui font aujourd’hui partie du modèle de
leadership des Forces canadiennes. Tant
l’analyse intuitive de cette doctrine
canadienne que l’étude des méthodes
employées par le leader soviétique au
cours de la Deuxième Guerre mondiale
démontrent que l’exercice réussi du commandement au
niveau opérationnel dépend de l’atteinte de résultats spécifiques
au sein du modèle général. Sous la fonction diriger les gens,
il est essentiel, pour le leader opérationnel avant tout,
d’exercer les responsabilités suivantes : i) préciser ses
objectifs et ses intentions pour atteindre le résultat principal,
c’est-à-dire le succès de la mission; ii) surveiller, inspecter,
corriger, évaluer la planification et l’exécution de ses
plans (premier résultat habilitant associé à l’intégration
interne); iii) encadrer et éduquer les subordonnés (deuxième
résultat habilitant associé à l’intégration
interne); iv) prévoir l’avenir aux fins
d’adaptation au monde extérieur (troisième
résultat habilitant); et finalement v) rechercher les responsabilités et les accepter
pour incarner les valeurs de l’ethos
militaire dans la conduite de la mission.
Durant cette même période, le
général Joukov exerça, sur le plan
opérationnel, des responsabilités autres
que celles énoncées ci-dessus au sein des
cinq critères d’efficacité. Il a également
dirigé l’institution en influençant la
stratégie soviétique par le rôle qu’il a
joué au sein de la Stavka. Toutefois, alors
que le modèle canadien est formulé pour
couvrir le commandement aux échelons
stratégique, tactique et opérationnel,
l’exercice réussi du leadership à ce
dernier niveau repose sur l’exécution continue des cinq
responsabilités essentielles dont il a été question dans le
présent article. L’étude de l’expérience du général soviétique,
lorsque comparée au modèle théorique canadien élaboré dans
le contexte de l’après-Guerre froide, démontre la nature
fondamentale de ces énoncés sous-tendant la pratique du
leadership opérationnel à travers l’ensemble du continuum
des opérations.
NOTES
1.
2.
3.
La plupart de ces réformes trouvent leur origine
dans plusieurs exposés publiés en 1997,
notamment dans le rapport de la Commission
d’enquête sur le déploiement des Forces
canadiennes en Somalie, Un héritage déshonoré :
les leçons de l’affaire somalienne, Ottawa :
Approvisionnements et Services Canada, 1997.
La liste de ces rapports figure dans une lettre du
ministre de la Défense nationale au Premier
ministre, rendue publique cette même année.
Voir Douglas Young, Lettre du ministre Young au
Premier ministre, datée du 25 mars 1997.
<http://www.forces.gc.ca/site/Minister/fr/
letterPM/mndlf97.html>
L’énoncé complet de l’ethos des Forces canadiennes se trouve dans la publication du ministère
de la Défense nationale, Servir avec honneur :
La profession des armes au Canada,
A-PA-005-000/AP-001, Ottawa, 2005, p. 24-34.
La nouvelle doctrine de leadership est définie
dans la publication du ministère de la Défense
nationale Le leadership dans les Forces
canadiennes : Doctrine, A-PA-005-000/AP-003,
Ottawa, 2005.
Voir le communiqué du général R. J. Hillier à ce
sujet dans la lettre du chef d’état-major de la
Défense, Nouvelle doctrine sur le leadership dans
les Forces canadiennes, le 15 avril 2005, p. 1-2.
Vol. 9, N o 3, 2009
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Ministère de la Défense nationale, Le leadership
dans les Forces canadiennes : Fondements
conceptuels, A-PA-005-000/AP-004, Ottawa,
2005, p. xi-xv. Cette publication additionnelle
« fournit une discussion prolongée sur les
théories et les idées soutenues dans le manuel
doctrinal » (p. i).
Les différents niveaux de commandement
stratégique, opérationnel et tactique, selon la doctrine canadienne, sont définis dans la publication
du ministère de la Défense nationale, Opérations
des Forces canadiennes, B-GG-005-004/AF-000,
Ottawa, 2000, p. 2-7.
Bien que Joukov soit habituellement reconnu,
dans la littérature occidentale, sous le titre de
maréchal de l’Union soviétique, il n’obtint
ce grade qu’en février 1943. Comme l’ensemble
de cet article traite de la période 1941-1942, le
grade de général sera utilisé lorsque le nom
de Joukov sera évoqué.
Traduction libre de la définition formulée par le
professeur Peter G. Northouse dans Leadership:
Theory and Practice, 2e édition, Thousand Oakes,
CA : Sage Publications, 2001, p. 3.
Ministère de la Défense nationale, Le leadership
dans les Forces canadiennes : Fondements
conceptuels, p. 131.
Ibid., p. 2.
• Revue militaire canadienne
10.
11.
12.
13.
14.
15.
Ibid., p. 4. Voir aussi ministère de la Défense
nationale, Le leadership dans les Forces
canadiennes : Doctrine, p. 6.
Ce concept peut être visualisé en imaginant
un tableau où les deux fonctions forment
les colonnes verticales, alors que les dimensions
d’efficacité sont appliquées horizontalement.
Ce tableau, intitulé Responsabilités des leaders
des FC réparties selon les principales fonctions
et les critères d’efficacité, apparaît dans MDN,
Le leadership dans les Forces canadiennes :
Fondements conceptuels, p. 48-49.
Ministère de la Défense nationale, Le leadership
dans les Forces canadiennes : Doctrine, p. 3-4.
Ce dernier critère reflète bien sûr l’énoncé
sur l’ethos militaire qui se trouve dans Servir
avec honneur, p. 25-34. Les bases théoriques
soutenant le choix de ces cinq critères d’efficacité
en particulier se trouvent dans Le leadership dans
les Forces canadiennes : Fondements conceptuels,
p. 18-23.
Tableau intitulé Responsabilités des leaders
des FC réparties selon les principales fonctions
et les critères d’efficacité (Le leadership dans
les Forces canadiennes : Fondements conceptuels,
p. 48-49).
Ministère de la Défense nationale, Opérations des
Forces canadiennes, p. 1-5.
85
HISTOIRE MILITAIRE
où la balance des armes penchait du
côté de l’ennemi que Joukov démontra
son aplomb comme commandant au niveau
opérationnel. Tant à l’occasion d’opérations
limitées comme à Ielnia que lors de
la défense désespérée de Moscou ou de la
défaite cuisante lors de l’opération Mars,
le général soviétique parvint à atteindre
les objectifs stratégiques assignés dans
son théâtre d’opérations.
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
86
Pour en connaître davantage sur l’influence
de Moltke, voir Hajo Holborn, « The PrussoGerman School: Moltke and the Rise of
the General Staff », dans Peter Paret, Makers
of Modern Strategy: From Machiavelli to the
Nuclear Age, Princeton : Princeton University
Press, 1996, p. 281-295. Voir aussi Bradley J.
Meyer, « The Operational Art: The Elder
Moltke’s Campaign Plan for the FrancoPrussian War », dans B. J. C. McKercher
et Michael Hennessy, The Operational Art:
Developments in the Theories of War, Westport :
Praeger Publishers, 1996, p. 29-49.
Sur le développement de l’art opérationnel
en Union soviétique durant l’entre-deux-guerres,
voir Jacob Kipp, « Two Views of Warsaw:
The Russian Civil War and Soviet Operational
Art, 1920-1932 », dans McKercher et
Hennessy, The Operational Art, p. 51-85.
Voir aussi John Erickson, The Soviet High
Command: A Political History, 1918-1941,
Londres : MacMillan & Co., 1962.
Lawrence Freedman, « The First Two Generations
of Nuclear Strategists », dans Paret, Makers
of Modern Strategy, p. 735-778.
L’adoption de l’art opérationnel aux États-Unis
est détaillée par Richard M. Swain, « Filling
the Void: The Operational Art and the U.S.
Army », dans McKercher et Hennessy, The
Operational Art, p. 147-172.
C’est-à-dire : i) succès de la mission;
ii) intégration interne; iii) bien-être et engagement
des membres; iv) adaptation au monde extérieur;
et v) ethos militaire.
Voir Erickson, The Soviet High Command,
p. 557-560, pour des détails sur la structure
de commandement soviétique au début de la
Seconde Guerre mondiale.
Bien que le nouveau Comité de défense national
(Gosudarstvennyi Komitet Oborony ou GOKO)
ait été formé seulement le 30 juin, il assuma
le contrôle politique de l’effort militaire
soviétique sous la direction personnelle
de Staline. L’état-major général du haut
commandement de l’URSS (communément
appelé Stavka dans la littérature occidentale
au lieu de SSSR, Stavka Glavnovo
Komandovaniya Vooruzhennykh Sil) fut quant
à lui implanté dès le 23 juin, sous la direction
du maréchal S. K. Timoshenko, commissaire
de la Défense (équivalent soviétique du titre de
ministre). Voir Otto Preston Chaney, « Marshal
Zhukov as a Military Leader », dans Henry S.
Bausum, Military Leadership and Command:
The John Biggs Cincinnati Lectures, 1988,
Lexington : The VMI Foundation, 1989, p. 97
et 100-101. Voir aussi Erickson, The Soviet
High Command, p. 598-599.
À chaque fois qu’elle apparaît en italique
dans le présent article, l’expression front est
citée au sens russe et non selon l’expression
24.
25.
26.
27.
28.
29.
30.
française. Dans ce contexte, Front signifie
commandement de corps d’armée. C’est ainsi
qu’en juin 1941, par exemple, les troupes
assignées au district militaire de Leningrad
furent transférées au Front nord. Le Front de
réserve stratégique fut également créé en utilisant
les diverses formations qui n’étaient pas
déjà engagées dans la défense des frontières
(David M. Glantz et Jonathan M. House, When
Titans Clashed: How the Red Army Stopped
Hitler, Lawrence : University Press of Kansas,
1995, p. 39).
Tony Le Tissier présente un bon sommaire
de la vie de Joukov, de sa naissance en 1896
jusqu’à l’aube de la Seconde Guerre mondiale,
dans Zhukov at the Oder: The Decisive Battle
for Berlin, Westport : Praeger Publishers,
1996, p. 3-6. Pour une biographie complète
et objective, voir Otto Preston Chaney,
Zhukov, Norman : University of Oklahoma
Press, 1996.
Sur la confrontation entre Staline et Joukov
et le transfert de ce dernier au Front de
réserve stratégique, voir Chaney, « Marshal
Zhukov as a Military Leader », p. 98. Voir
également Glantz et House, When Titans
Clashed, p. 76.
Pour la genèse de cette opération, voir Matthew
Cooper, The German Army, 1933-1945:
Its Political and Military Failure, New York :
Stein and Day Publishers, 1978, p. 259-285.
Voir Glantz et House, When Titans Clashed,
p. 38-41; ainsi que Bryan I. Fugate et
Lev Dvoretsky, Thunder on the Dnepr:
Zhukov-Stalin and the Defeat of Hitler’s
Blitzkrieg, Novato : Presidio Press, 1997,
p. 39-74. Ce dernier ouvrage offre un excellent
portrait des deux premières années de combat
sur le front de l’Est.
Conformément à la définition canadienne
du niveau opérationnel, citée plus haut.
Joukov monta un assaut contre le flanc sud
du Groupe d’armées Centre à la fin d’août
1941 près de la petite localité d’Ielnia, infligeant
pour la première fois de lourdes pertes à
la Wehrmacht depuis le déclenchement de
l’opération Barbarossa et ralentissant l’avance
vers Moscou (Fugate et Dvoretsky, Thunder
on the Dnepr, p. 166-174 et p. 176-193).
L’avance allemande vers Leningrad et le siège
qui s’ensuivit du 8 août 1941 au 18 janvier
1944 sont décrits en détail par Harrison
Evans Salisbury dans The 900 Days: The
Siege of Leningrad, 2e édition, New York :
Dalapo, 2003.
L’opération Mars fut initiée par Joukov le
25 novembre 1942, alors que l’opération
Uranus, visant à défaire les troupes allemandes
s’avançant au sud vers les montagnes du
Caucase, avait débuté le 19 novembre.
L’opération Uranus fut un succès sans précédent,
31.
32.
33.
34.
35.
36.
37.
38.
39.
40.
résultant par la destruction de la VIe Armée
allemande à Stalingrad et une offensive
générale de l’Armée rouge pour regagner
l’Ukraine au cours de 1943. L’opération Mars,
quant à elle, visait à éliminer le grand saillant
de Rjev, occupé par le Groupe d’armées
Centre, mais elle fut un échec. Il n’en
demeure pas moins que l’objectif stratégique
d’immobiliser le Groupe d’armées Centre
tout en lui imposant de lourdes pertes fut
atteint par Joukov, transformant une défaite
tactique en un succès opérationnel (Glantz et
House, When Titans Clashed, p. 129-139). Glantz
offre également un traitement en profondeur
de cet épisode clé mais souvent ignoré de la
carrière de Joukov dans Zhukov’s Greatest
Defeat: The Red Army’s Epic Disaster in
Operation Mars, 1942, Lawrence : University
Press of Kansas, 1999.
Pour un traitement détaillé des préparatifs et de
l’exécution de la défense de Moscou au cours
de la période d’octobre et de décembre 1941,
voir Fugate et Dvoretsky, Thunder on the
Dnepr, p. 267-299; ainsi que Glantz et House,
When Titans Clashed, p. 78-91.
Voir l’excellente carte détaillant la disposition
des forces en présence au cours de la période
du 30 septembre au 15 novembre 1941 dans
John Keegan, The Second World War, New
York : Viking Penguin, 1989, p. 207. Cet
auteur offre d’ailleurs un bon sommaire des six
premiers mois de combat sur le front de l’Est
aux pages 173 à 208.
Chaney, « Marshal Zhukov as a Military Leader »,
p. 106.
Ceci provoqua l’abandon presque unilatéral
de toute attente quant à la performance tactique
des troupes soviétiques, mettant plutôt
l’accent sur le besoin d’accumuler une masse
irrésistible et une puissance de feu écrasante
avant de passer à l’offensive (Frederick Kagan,
« Soviet Operational Art: The Theory and Practice
of Initiative 1917-1945 », dans Chris Kolenda,
Leadership: The Warrior’s Art, Carlisle : The
Army War College Foundation Press, 2001,
p. 236-238).
Glantz et House, When Titans Clashed, p. 67.
Fugate et Dvoretsky, Thunder on the Dnepr,
p. 303-304.
Sur la contre-offensive soviétique de janvier
1942, voir Glantz et House, When Titans
Clashed, p. 87-97.
Makhmut Gareev, « Zhukov: Great Russian
Commander », International Affairs: A Russian
Journal of World Politics, Diplomacy &
International Relations, vol. 43, no 1 (1997),
p. 171.
Ibid., p. 170.
S. M. Shtemenko, The Soviet General Staff
at War, 1941-1945, Moscou : Progress Publishers,
1970, p. 383.
Revue militaire canadienne
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