Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 96–100 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Nécroses digitales Digital necrosis Eric Hachulla ∗ , Pierre-Yves Hatron Service de médecine interne, centre de référence des maladies auto-immunes et systémiques rares (sclérodermie systémique), hôpital Claude-Huriez, CHU de Lille, 59037 Lille cedex, France i n f o a r t i c l e Historique de l’article : Accepté le 9 août 2011 Disponible sur Internet le 3 mars 2012 Mots clés : Nécrose digitale Sclérodermie Maladie de Buerger Artériopathie professionnelle Embolie r é s u m é Alors que l’ulcère digital reflète en général la présence d’une ischémie focale liée à une microangiopathie, la gangrène digitale serait plus la conséquence d’une macroangiopathie parfois associée aussi à la microangiopathie. La gangrène digitale est une manifestation clinique fréquente des connectivites, particulièrement de la sclérodermie systémique. Il y a cependant de multiples autres causes possibles : la maladie de Buerger, les causes professionnelles comme le syndrome du marteau hypothénar ou les vasculopathies obstructives dues à des embolies d’origine sous-clavière ou cardiaque. Plus rarement, on peut trouver comme cause une vascularite, une cryoglobulinémie, une thrombocytémie essentielle ou une maladie de Vaquez, voire une tumeur solide. Il peut s’agir d’un mode inaugural. Il faut dans tous les cas aussi rechercher une cause médicamenteuse comme la bléomycine ou l’interféron alpha. Un examen clinique minutieux est bien souvent suffisant pour évoquer une cause spécifique. L’échocardiographie et l’écho-Doppler des MS, un bilan biologique à la recherche d’un syndrome inflammatoire, NF, recherche de cryoglobuline, d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) et la recherche d’anticorps antinucléaires sont nécessaires. Dans certains cas, l’artériographie du membre supérieur est nécessaire pour identifier un mécanisme causal comme un anévrisme sous-clavier ou une plaque d’athérome ou bien pour confirmer l’existence d’une authentique artérite digitale comme au cours de la maladie de Buerger. Une amputation limitée est souvent nécessaire mais elle peut survenir spontanément. Le traitement est d’abord celui de la cause. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. a b s t r a c t Keywords: Digital necrosis Scleroderma Buerger’s disease Occupationnal arteriopathy Embolism As digital ulcers usually reflect focal ischemia due to a microangiopathy, digital gangrene is more likely to be the consequence of a macroangiopathy which can also sometimes be associated with a microangiopathy. Digital gangrene is a common skin manifestation of connective tissue diseases, especially systemic sclerosis. Other multiple causes are possible: Buerger’s disease, occupational diseases (particularly hypothenar hammer syndrome) or obstructive vascular disease due to subclavian artery embolism or cardiac embolism. More rarely vasculitis, cryoglobulinemia, polycythemia vera and essential thrombocythemia or solid cancer are associated with digital gangrene, sometimes as a first manifestation. Drug-induced digital gangrene should in all cases be checked (particularly bleomycine and interferon alpha). A thorough clinical examination is frequently enough to evoke a specific cause. Cardiac and upper limbs echo-Doppler, biological examination looking for an inflammatory syndrome, an abnormal blood formula, the presence of a cryoglobulinemia, antineutrophil and antinuclear antibodies is mandatory. In some cases, upper limb arteriography is needed to identify a mechanism such as subclavian aneurism or atherosclerotic plaques or to confirm digital arteritis as shown in Buerger’s disease. Limited amputation is frequently needed, but may sometimes occur spontaneously. The main treatment is to treat the cause. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société française de rhumatologie. La nécrose ou gangrène digitale est le terme évolutif d’une ischémie digitale dont les causes sont multiples et variées. La démarche ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Hachulla). étiologique est l’étape essentielle de la prise en charge d’une nécrose digitale et repose d’abord sur une analyse clinique précise et méthodique, qui permet très souvent d’approcher la pathologie causale et d’orienter ainsi les explorations paracliniques. Très schématiquement, quatre principaux mécanismes peuvent être en cause : embole d’origine cardiaque ou artérielle, thrombose 1878-6227/$ – see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société française de rhumatologie. doi:10.1016/j.monrhu.2012.01.001 E. Hachulla, P.-Y. Hatron / Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 96–100 97 Fig. 2. Infarctus périunguéal. Fig. 1. Stries hémorragiques sous-unguéales (ischémie digitale). vasculaire, vascularite ou angiopathie spécifique comme dans la sclérodermie [1]. 1. Diagnostic d’une nécrose digitale La nécrose digitale s’installe après un stade initial d’ischémie digitale, dont il importe de reconnaître au plus vite les signes, afin d’éviter la constitution irréversible de la nécrose ou gangrène. Le délai entre la survenue de ces signes d’ischémie et la constitution des troubles trophiques est variable en fonction de l’étiologie. La gangrène peut s’installer d’emblée comme dans les processus emboliques ou thrombotiques, ou après une longue période d’ischémie comme dans la microangiopathie de la sclérodermie. L’ischémie digitale peut se manifester initialement par un phénomène de Raynaud atypique par sa sévérité et par sa localisation : une phase syncopale particulièrement prolongée survenant sans réel refroidissement, douloureuse, ces douleurs pouvant persister entre les crises, notamment la nuit. Ce phénomène de Raynaud d’apparition récente peut ne toucher qu’une main ou qu’un ou quelques doigts de la main. Une cyanose douloureuse, pulsatile et froide, d’un ou plusieurs doigts prenant volontiers un aspect livédoïde est également un signe d’alerte. À l’examen clinique, la présence de stries hémorragiques sous-unguéales est pathognomonique d’une ischémie digitale (Fig. 1). La manœuvre d’Allen (Matériel supplémentaire, Vidéo S1) (la manœuvre consiste dans un premier temps à comprimer l’artère radiale et l’artère cubitale au poignet. Le patient ferme ensuite le poing fermement de façon répétée, une dizaine de fois, avec flexion, extension des doigts. Ensuite, le patient garde la main ouverte et l’examinateur relâche dans un premier temps l’artère radiale, puis relâche l’artère cubitale, cinq à dix secondes plus tard. La manœuvre doit être répétée en relâchant tout d’abord l’artère cubitale. Cette manœuvre permet ainsi de contrôler la bonne perméabilité des artères radiale et cubitale mais aussi des arcades palmaires ainsi que des collatérales digitales ; sur la vidéo, on peut voir une patiente atteinte de sclérodermie systémique ayant une thrombose cubitale) est indispensable pour confirmer l’ischémie digitale, en montrant le retard de recoloration d’un ou de plusieurs doigts à la levée de la compression artérielle, et permet même d’approcher la topographie des lésions artérielles (ischémie d’un ou de plusieurs doigts, souffrance du territoire radial ou cubital, atteinte uni ou bilatérale). Au stade ultérieur, les troubles trophiques apparaissent, avec ulcération ou excoriation pulpaire, infarctus péri unguéal (Fig. 2), gangrène pulpaire plus ou moins étendue (Fig. 3). Le diagnostic d’ischémie digitale est essentiellement clinique et peut être aidé par la mesure de la pression systolique digitale, examen précieux pour faire l’inventaire des doigts lésés, et rechercher notamment une atteinte infraclinique de la main controlatérale. L’imagerie vasculaire tant à l’échelon microcirculatoire (capillaroscopie) que macrocirculatoire (écho-Doppler, angioscanner et angio-IRM, éventuellement artériographie), s’inscrit beaucoup plus dans le cadre d’une démarche étiologique que du diagnostic positif. 2. Recherche de la cause Les trois principales causes d’ischémie digitale, qui à elles seules concernent près des deux tiers des patients, sont les connectivites, au premier rang desquelles la sclérodermie, la maladie de LéoBuerger et enfin les causes professionnelles et occupationnelles (Tableau 1). L’examen clinique doit permettre d’orienter les explorations paracliniques : capillaroscopie, écho-Doppler des membres supérieurs statiques et dynamiques, angioscanner aortique à la recherche d’une éventuelle plaque d’athérome, échocardiographie, Holter rythmique et bilan biologique (Tableau 2). 2.1. Connectivites C’est de loin la sclérodermie qui prédomine dans ce groupe d’étiologies. Les ulcères digitaux touchent en effet un patient sur Fig. 3. Gangrène digitale. 98 E. Hachulla, P.-Y. Hatron / Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 96–100 Tableau 1 Étiologies des nécroses digitales, à propos de 278 observations personnelles (données non publiées). Connectivites Sclérodermies Artérite juvénile tabagique (Buerger) Causes professionnelles Syndrome du marteau hypothénar Causes emboliques Point de départ sous-clavier Cardiaque Vascularites Cryoprotéines Hémopathies Syndrome des antiphospholipides Fistules ou malformations artérioveineuses Cancers Artérite radique Artériopathie diabétique Artériopathie iatrogène Association syndromique Indéterminée 30,5 % 26,5 % 16,5 % 15 % 10,5 % 8,5 % 4,5 % 3% 4% 3% 3% 2% 1,5 % 1% <1 % <1 % <1 % 7% 4% Fig. 4. Anévrisme cubital thrombosé au cours d’un syndrome du marteau hypothénar vu en échographie. 2.3. Causes professionnelles deux atteints de cette affection. On peut très schématiquement en distinguer trois types : les ulcérations en regard des reliefs articulaires et notamment des interphalangiennes proximales et métacarpophalangiennes qu’on observe dans les sclérodactylies évoluées, les ulcérations liées à une calcinose sous-cutanée et enfin les ulcères réellement ischémiques, qui vont de la petite ulcération pulpaire millimétrique aux gangrènes digitales. Ces ulcérations surviennent souvent précocement dans l’histoire de la maladie [2] et peuvent même être révélatrices. Elles sont plus fréquentes dans la forme diffuse de la maladie, mais les gangrènes digitales de grande taille responsables d’amputation majeure, semblent concerner surtout les formes limitées avec anticorps anticentromère [3] et reflètent l’existence d’une macroangiopathie. Elles peuvent même survenir avant l’apparition des premiers signes cutanés de la maladie. La capillaroscopie prend ici toute son importance dans l’orientation diagnostique. 2.2. Autres connectivites La nécrose digitale est une complication rare du lupus érythémateux systémique touchant moins de 1 % des patients [4]. Elle n’est pas toujours en rapport avec un syndrome des antiphospholipides ou avec une cryoglobulinémie [5]. Le syndrome primaire des antiphospholipides n’est pas une cause exceptionnelle de nécroses digitales (3 à 8 %) [6] et peut être une manifestation révélatrice. Il peut réaliser un tableau clinique voisin de la maladie de Buerger [7]. Des nécroses digitales peuvent également s’observer au cours des dermatomyosites ou du syndrome des antisynthétases [8], elles y sont souvent associées à un syndrome de Raynaud. Enfin, de façon exceptionnelle, les nécroses digitales peuvent s’observer au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren primitif, notamment en cas de cryoglobulinémie. Tableau 2 Examens biologiques à réaliser en cas de gangrène digitale. Numération formule Glycémie, cholestérol, triglycérides (« exploration d’une anomalie lipidique [EAL] » [prescription remboursée]) VS, CRP, fibrinogène Électrophorèse des protéines sériques Cryoglobulinémie et CH50 Anticorps antinucléaires Anticorps antiprothrombinase, anticorps anticardiolipine Anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) Elles sont au deuxième rang derrière les connectivites. Il faudra penser au syndrome du marteau hypothénar en présence d’une nécrose digitale touchant un ou plusieurs des trois doigts cubitaux de la main dominante, chez un sujet exposé professionnellement aux traumatismes directs ou indirects de l’éminence hypothénar (bâtiment, métallurgie, menuiserie), précédée d’un phénomène de Raynaud apparu quelques mois auparavant, rapidement sévère et compliqué de troubles trophiques. La manœuvre d’Allen est toujours pathologique et le diagnostic est confirmé par l’écho-Doppler (Fig. 4) puis l’angiographie, révélant la thrombose ou l’anévrisme de l’artère cubitale dans le canal de Guyon. Beaucoup plus rarement, l’atteinte digitale peut être bilatérale chez les patients ambidextres ou dont les deux mains sont exposées au traumatisme [9]. Un accident ischémique digital secondaire à un anévrisme avec thrombus partiellement occlusif au poignet constitue une indication de résection-anastomose chirurgicale. Cette intervention peut aussi être envisagée avant le stade de complication sur un anévrisme cubital. La maladie des vibrations qui concerne les sujets utilisant des machines rotatives (tronçonneuse), plus souvent que percutantes, ne se complique qu’exceptionnellement de troubles trophiques. 2.4. Thromboangéïte de Buerger La caractéristique de la maladie de Buerger, outre le terrain d’homme jeune fumeur, est l’atteinte simultanée des artères distales des membres supérieurs et inférieurs, chez plus de la moitié des patients [10]. Si on la recherche systématiquement par artériographie, l’atteinte des membres supérieurs est encore plus fréquente et concerne environ neuf patients sur dix. L’intoxication au cannabis parfois associée au tabac est un facteur de risque supplémentaire de maladie de Buerger [11]. La maladie de Buerger peut aussi se révéler par un tableau d’arthrites intermittentes, ce qui confère à cette affection un caractère systémique [12]. 2.5. Causes emboliques Elles représentent environ 10 % des étiologies des nécroses digitales. Une origine embolique est évoquée devant le caractère strictement unilatéral de l’ischémie, sa survenue brutale, sans phénomène de Raynaud préexistant, et une taille souvent centimétrique de la nécrose. Le point de départ sous-clavier est plus fréquent : plaques athéromateuses ulcérées (Fig. 5), exceptionnellement artériopathies inflammatoires, dépistées par l’écho-Doppler et l’angioscanner aortique. E. Hachulla, P.-Y. Hatron / Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 96–100 99 éléments cliniques d’orientation. Ces complications vasculaires peuvent survenir alors qu’il n’y a pas encore d’anomalie franche de la numération formule sanguine, et la recherche de la mutation JAK2 prend ici tout son intérêt. Beaucoup plus exceptionnellement, il peut s’agir d’une thrombocytose réactionnelle. 2.6.2. Cryoglobulinémies, cryofibrinogène et agglutinines froides Les nécroses ou ulcérations digitales peuvent s’intégrer dans le cadre des manifestations de vascularites liées aux cryoglobulinémies mixtes de type II ou III, souvent associées à d’autres manifestations cutanées : purpura, livédo, ou systémiques (rénales et neurologiques notamment). Elles peuvent également être la conséquence de l’hyperviscosité favorisée par le froid des cryoglobulinémies avec volumineux composant monoclonal (type I et II) observées surtout au cours des syndromes lymphoprolifératifs [14]. La découverte d’une cryoglobulinémie justifie en elle-même un bilan étiologique spécifique, les principales étiologies étant infectieuses (hépatite virale C), les syndromes lymphoprolifératifs, et les maladies auto-immunes systémiques comme le syndrome de Gougerot-Sjögren. Comme la cryoglobulinémie, le cryofibrinogène peut être responsable de nécroses digitales. Ses manifestations cliniques sont voisines de celles des cryoglobulinémies, mais il s’y ajoute un risque de thrombose des gros vaisseaux artériels ou veineux [15]. Au cours de la maladie des agglutinines froides, des troubles vasomoteurs comme un phénomène de Raynaud sont rares, et les nécroses digitales exceptionnelles sont souvent une conséquence des propriétés de cryoprécipitation de ces agglutinines. 2.7. Vascularites systémiques La micropolyangéite granulomateuse (maladie de Wegener), la périartérite noueuse macroscopique, ou encore l’angéite de Churg et Strauss, peuvent se compliquer ou se révéler par des nécroses digitales (Fig. 6). Dans la majorité des cas, le tableau clinique est bruyant, avec altération de l’état général, phénomène de Raynaud d’apparition récente, troubles trophiques multiples, autres manifestations systémiques, et syndrome inflammatoire. Toutefois plus exceptionnellement, la gangrène peut survenir avant l’installation des signes systémiques et du syndrome inflammatoire. Fig. 5. Nécrose digitale chez une patiente atteinte de polyarthrite rhumatoïde (a) par embole sous-clavier sur plaque d’athérome (b). Un syndrome du défilé cervico-thoracobrachial peut se révéler par une nécrose digitale, uniquement lorsqu’il est compliqué d’un anévrisme post-sténotique partiellement thombosé ou d’une plaque ulcérée d’où partent des emboles vers les artères digitales. Il doit être recherché systématiquement par les manœuvres dynamiques, l’écho-Doppler dynamique de l’artère sous-clavière, et l’angioscanner. Dans la grande majorité des cas, il s’agit d’un syndrome du défilé lié à une compression osseuse (première côte ou côte cervicale) [13]. 2.6. Causes hématologiques 2.6.1. Syndromes myéloprolifératifs Ces syndromes, et notamment la maladie de Vaquez ou la thrombocytémie essentielle, peuvent se révéler par une nécrose digitale. La présence d’un orteil bleu, d’un livedo réticularis, ou encore d’une érythermalgie, bien que non spécifiques, sont des Fig. 6. Gangrène digitale multiple au cours d’une micropolyangéïte granulomateuse. 100 E. Hachulla, P.-Y. Hatron / Revue du rhumatisme monographies 79 (2012) 96–100 2.8. Syndrome hyperéosinophile Le syndrome hyperéosinophile peut exceptionnellement se révéler par une nécrose digitale comme nous l’avons observé chez deux patients. Il peut même réaliser un tableau clinique proche de la maladie de Buerger [16]. 2.9. Cancers Dans environ 1 % des cas, la nécrose digitale est une manifestation paranéoplasique associée à une tumeur solide. Les cancers les plus fréquents sont gastro-intestinaux, pulmonaires, et ovariens. Le trouble trophique peut être révélateur, malheureusement accompagné d’une dissémination métastatique dans deux tiers des cas [17]. La physiopathologie reste imprécise, et est sans doute multifactorielle. Des anticorps antiphospholipides sont parfois trouvés. Ces syndromes paranéoplasiques peuvent être distingués des nécroses digitales induites par la chimiothérapie. thoracique par voie endoscopique ou digitale peut être proposée mais le résultat n’est souvent que transitoire et les récidives fréquentes. Une amputation est malheureusement parfois indispensable (moins de 20 % des cas selon notre expérience). Elle doit toujours être la plus limitée possible. En conclusion, les nécroses digitales se caractérisent par la grande diversité de leurs étiologies. Il importe de savoir reconnaître au plus vite les premiers signes d’ischémie digitale pour éviter l’évolution vers la nécrose et gangrène irréversible. Un interrogatoire et un examen clinique attentif et méthodique permettent dans la grande majorité des cas d’approcher ce diagnostic étiologique, d’orienter les explorations paracliniques et d’adapter la prise en charge thérapeutique afin d’éviter les récidives. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. 2.10. Causes iatrogènes Annexe A. Matériel complémentaire L’ergotisme causé notamment par l’association de dérivés de l’ergot de seigle et antibiotiques de la classe des macrolides (TAO, érythromycine) est devenu exceptionnel. Une nécrose digitale peut venir compliquer une chimiothérapie, les molécules le plus souvent incriminées étant la bléomycine [18] ou la gemcitabine [19]. Des observations de nécroses ou de vascularites digitales ont également été décrites après traitement par interféron ou anti-TNF-␣ ou par thalidomide, ou encore sous -bloquant et traitement antivitamine K associé à une thrombopénie induite par héparine. Le matériel complémentaire (Vidéo S1) accompagnant cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et doi:10.1016/j.monrhu.2012.01.001. 2.11. Causes indéterminées Rarement, dans 4 % des cas selon notre expérience, l’enquête étiologique reste négative, et la cause de la nécrose digitale demeure inconnue. Enfin, de façon non exceptionnelle, plusieurs facteurs étiologiques coexistent, et il est difficile de déterminer la cause précise de la nécrose digitale (sclérodermie induite par une silicose et associée à un syndrome du marteau hypothénar, sclérodermie et syndrome du défilé. . .). Le tabac est le cofacteur le plus fréquent, trouvé chez plus d’un patient sur deux. 3. Traitement La prise en charge thérapeutique repose d’abord sur le traitement de la cause de l’ischémie digitale, quand il est possible, seul moyen d’éviter les récidives. Le traitement symptomatique comprend les soins locaux, essentiels, avec nettoyage, détersion et excision des tissus nécrotiques sous anesthésie locale et couverture antalgique. Une antibiothérapie adaptée sera proposée en cas de surinfection. Le traitement médical vasoactif fait appel, dès que l’ischémie est sévère, aux analogues de prostacycline (Iloprost® ) administrés à la seringue auto pulsée, par cure d’une ou de plusieurs semaines. Certaines équipes restent fidèles aux techniques d’hémodilution. Bien qu’il n’y ait pas de donnée dans la littérature, les antiagrégants plaquettaires sont quasi systématiquement prescrits. Les héparines de bas poids moléculaire doivent être utilisées dans les formes aiguës dès que l’on suspecte une étiologie embolique ou un syndrome des anticorps antiphospholipides. En cas de résistance au traitement médical, dans les formes particulièrement sévères et hyperalgiques, une sympathectomie Références [1] Carpentier PH, Guilmot JL, Hatron PY, et al. Digital ischemia, digital necrosis. J Mal Vasc 2005;30:S29–37. [2] Hachulla E, Clerson P, Launay D, et al. Natural history of ischemic digital ulcers in systemic sclerosis: single-center retrospective longitudinal study. 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