ÉDITORIAL Outils diagnostiques et maladies infectieuses : les machines s’emballent, les docteurs tentent de suivre Diagnostic tools in infectious diseases: the machines are getting mad, the doctors try to follow! “ À l’instar de la plupart des disciplines médicales, l’infectiologie connaît depuis quelques années une perte de ses repères dans la démarche diagnostique. Certes, l’exercice de la médecine a toujours exigé un esprit ouvert aux découvertes qui surviennent tout au long de la vie professionnelle d’un praticien : le défi consiste pour lui à assimiler ces changements de paradigme dans ses pratiques pour que les patients en bénéficient. Cependant, le tempo de cette musique s’est Pierre Tattevin*, * Rédacteur en chef ; service des maladies infectieuses et réanimation médicale, hôpital Pontchaillou, CHU de Rennes. nettement emballé depuis le début du xxie siècle, ce qui tend à rendre obsolète une partie de ce qui a été intégré pendant les études médicales, et justifie tous les efforts actuellement déployés pour garantir au système, et aux patients, que les médecins actualisent régulièrement leurs connaissances. Même si le développement professionnel continu (DPC) proposé en France évoque actuellement Le Château de Kafka, il faut reconnaître qu’il tente de répondre à une vraie nécessité… C’est dans le domaine des outils diagnostiques que l’emballement de la machine est le plus difficile à suivre pour les infectiologues. Le plus frappant est sans doute le champ du diagnostic microbiologique, qui suit depuis quelques années un rythme effréné dans la validation Fabrice Bruneel** ** Service de réanimation médicochirurgicale, centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay. de nouveaux outils de plus en plus sensibles, rapides et précis. L’essor de la biologie moléculaire permet de court-circuiter allègrement les étapes de la culture, qui était jusqu’à récemment un prérequis incontournable, et le fondement de tout diagnostic microbiologique. Les expertises dans ce domaine risquent de se perdre progressivement, tandis que les diagnostics “automatiques” deviendront la règle, les machines indiquant le(s) micro-organisme(s) identifié(s) en quelques minutes dans tous types de prélèvements. Le risque est alors de perdre tout sens critique, en se laissant impressionner par des noms de microorganismes souvent inédits. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXX - no 3 - mai-juin 2015 | 83 ÉDITORIAL La démarche doit rester critique, sans faire l’économie des questions suivantes : ➤ ce micro-organisme est-il la cause des symptômes présentés par le patient ? ➤ justifie-t-il un traitement anti-infectieux ? ➤ si oui, lequel ? En ce qui concerne ce dernier point, la culture reste indispensable dans la plupart des cas, par le biais des tests phénotypiques de sensibilité aux antibiotiques (antibiogrammes) qu’elle fournit. L’imagerie est un autre domaine profondément remanié ces dernières années, ce qui justifie ce numéro, consacré au bon usage des examens d’imagerie pour le diagnostic des maladies infectieuses. Au quotidien, en infectiologie, l’imagerie a pris une place primordiale sur le plan diagnostique et pour orienter les traitements. Les examens deviennent de plus en plus sophistiqués et leur interprétation exige une expertise croissante, ce qui impose une collaboration étroite entre infectiologues et radiologues. Dans ce numéro original, les auteurs – majoritairement des radiologues – ont fait l’effort de synthétiser, dans chacune des mises au point, les informations nécessaires au choix du meilleur examen d’imagerie et à son interprétation. Nous tenons à les remercier pour cet effort, qui permet de mettre à la disposition des lecteurs de La Lettre P. Tattevin déclare avoir des liens d’intérêts avec Abbott, Astellas, Astra Zeneca, Aventis, Basilea, BMS, Durata, Gilead Sciences, Janssen & Janssen, MSD, Novartis, Pfizer, The Medicines Company et ViiV Healthcare. de l’Infectiologue des articles “up-to-date” en ce printemps 2015, notre politique éditoriale nous permettant de publier rapidement des articles d’actualité. Nous espérons que ce numéro comblera ” ses objectifs, et participera au DPC et à l’épanouissement de nos lecteurs ! AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. La qualité des textes est garantie par la sollicitation systématique d’une relecture scientifique en double aveugle, l’implication d’un service de rédaction/révision in situ et la validation des épreuves par les auteurs et les rédacteurs en chef. 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