Cas clinique Une patiente adressée pour toxidermie A patient addressed for skin adverse drug reaction Aoûtat • Acarien Chigger • Mite L. Chen, C. Bejar, V. Descamps (Service de dermatologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris) Observation Une patiente de 75 ans avait été adressée en urgence pour une consultation de dermatologie par son pneumologue pour suspicion de toxidermie. Le principal antécédent était une pneumopathie interstitielle diffuse, initialement traitée par cyclophosphamide : les 6 cures reçues étant restées sans effet, un nouveau traitement par pirfénidone avait été instauré depuis 10 jours auparavant. La pirfénidone a récemment reçu une autorisation de mise sur le marché dans l’indication de la fibrose pulmonaire idiopathique légère à modérée (1). C’est le premier médicament à être autorisé dans cette indication. Sa prescription et sa délivrance se font à l’hôpital, et son utilisation est limitée aux médecins spécialistes de cette pathologie. Le traitement est mis en place de façon progressive, ce médicament étant connu pour induire une photosensibilité et des rashs cutanés, avec une prévalence de 12 % et 32 % dans les études cliniques (contre 1,7 % et 11,5 % dans les groupes placebo). L’examen montrait une éruption papuleuse monomorphe très prurigineuse, prédominant au niveau de la partie inférieure du tronc, des fesses et de la racine des membres (figures 1 et 2). Cette éruption évoluait depuis 2 jours. L’interrogatoire retrouvait un épisode de promenade dans la campagne lyonnaise quelques jours auparavant, marqué par une halte précipitée pour un besoin impérieux dans un champ de maïs. Le diagnostic était celui d’une éruption liée à des piqûres d’aoûtat, bien reconnues par un voisin chasseur qui avait déjà évoqué ce diagnostic. Une toilette avec antiseptique et changement de lingerie et de draps avec lavage en machine ont été préconisés. L’évolution a été rapidement et spontanément favorable, et le suivi téléphonique a confirmé l’absence de récidive, permettant la poursuite du traitement par pirfénidone. Légendes Figure 1. Éruption érythémateuse papuleuse monomorphe du tronc. Figure 2. Papules très prurigineuses présentes sur les fesses et la racine des cuisses. Chaque papule est centrée par une trace de piqûre. Discussion L’aoûtat (Trombicula autumnalis) est un arthropode acarien à l’origine de piqûres laissant place à des papules très prurigineuses liées à une réaction d’hypersensibilité à sa salive. Il est présent à la surface du sol et dans les herbes, surtout en période estivale et automnale. Il peut infester les animaux et les linges déposés sur le sol et, à l’occasion, les hommes. Les larves peuvent percevoir la présence d’un animal à sang chaud (animal ou homme). Contrairement à la plupart des acariens, l’aoûtat ne se nourrit pas de sang mais du produit de l’effet de la salive, riche en enzymes, qui sont injectées dans la peau et qui vont lyser localement les cellules cutanées. Les piqûres, indolores, sont le plus souvent observées au niveau des plis (où la peau est plus fine) ou à l’endroit où les vêtements sont serrés (ceinture). Après une courte période (de 2 à quelques jours), les larves retournent au sol où elles deviennent des nymphes, mais elles n’ont plus besoin d’hôte pour se nourrir. Il n’y a donc pas de risque de réinfestation impliquant un déparasitage comme pour la gale. Les lésions cutanées peuvent se compliquer de surinfections bactériennes. Les aoûtats peuvent être vecteurs de maladies comme le typhus des broussailles II (rickettsiose) ou la fièvre fluviale du Japon. 130 Images en Dermatologie • Vol. VI • no 6 • novembre-décembre 2013 Référence bibliographique 1. Noble PW, Albera C, Bradford WZ et al.; CAPACITY Study Group. Pirfenidone in patients with idiopathic pulmonary fibrosis (CAPACITY): two randomised trials. Lancet 2011;377(9779):1760-9. Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Cas clinique 1 2 Images en Dermatologie • Vol. VI • no 6 • novembre-décembre 2013 131