34 D i s p o n i b l e... j o u r n a l h o m...

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L’Encéphale (2008) 34, 629—631
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
COMPTE RENDU DE RÉUNION DE TRAVAIL
6e Workshop international sur la neuroplasticité, 27—28 sept, 2008
6th International Workshop on Neuroplasticity,
September 27—28, 2008
Le sixième Workshop international sur la neuroplasticité,
organisé par Ardix Médical, qui s’est tenu en septembre
2008 sous la présidence du Pr Jean-François Allilaire,
a été consacré aux aspects pharmacogénétiques de la
dépression, à l’imagerie dans les troubles dépressifs, et au
rôle central du glutamate dans les déficits structuraux et
fonctionnels amygdaliens et hippocampiques observés dans
les dépressions.
Aspects pharmacogénétiques. Pr B
Müller-Myhsok, Max-Planck Institute, Münich,
Allemagne
Le Pr B Müller-Myhsok, chercheur au prestigieux Max-Planck
Institute de Münich, a présenté un panorama très complet
des recherches et des perspectives dans le domaine de
la pharmacogénétique des troubles dépressifs majeurs.
La réponse aux antidépresseurs (réponse partielle précoce, taux de répondeurs, taux de rémission. . .) et la
probabilité de la survenue d’effets indésirables varie dans
des proportions très importantes d’un sujet à l’autre ; il
en est de même des variables pharmacodynamiques et
pharmacocinétiques. La recherche d’indices prédictifs de
ces différentes réactions a orienté les recherches vers la
pharmacogénétique.
Les deux approches classiques de la génétique
(la recherche de gènes-candidats, dite stratégie
hypothesis-driven et les études sur le génome total,
dites hypothesis-free) ont été utilisées dans ce domaine.
Les études portant sur des gènes-candidats ont surtout
ciblé l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HPA), le
système sérotoninergique, les transporteurs des monoamines et le système glutamatergique. Le point clé dans
l’interprétation de ces études est l’existence d’études de
réplication de qualité suffisante, c’est-à-dire ciblant le
0013-7006/$ — see front matter
doi:10.1016/j.encep.2008.10.004
même polymorphisme que l’étude initiale, montrant une
association allélique de même direction, et aussi des tailles
d’effets (exprimées en termes d’odds ratio) comparables
et réalisées sur des échantillons distincts.
En ce qui concerne l’efficacité des traitements, les principaux résultats de pharmacogénétique à ce jour ont porté
sur le gène de la protéine FKBP5 (impliquée dans l’axe
HPA), le gène de la protéine ABCB1 (transporteur des monoamines), le gène de la protéine GRIK4 (impliquée dans le
système glutamatergique) et le gène du récepteur HTR2A
de la sérotonine. Pour les effets indésirables, ce sont les
gènes des protéines GRIK2 et GRIA3, impliquant le système
glutamatergique, qui semblent les plus intéressants :
• le polymorphisme du gène de la protéine FKBP5 apparaît
lié à la qualité et à la rapidité de réponse aux antidépresseurs. On retrouve, par exemple, une association entre
un polymorphisme de la région codant pour FKBP5 (le rs
1360780) et le taux de répondeurs à deux semaines de
traitement. Cette association a été répliquée sur un autre
échantillon en Allemagne et au cours de l’étude STAR*D
aux États-Unis. Dans l’étude de Münich, cette corrélation
avec une réponse précoce au traitement a été retrouvée
indépendamment de la classe d’antidépresseur [1].
Les travaux de Bertram Müller-Myhsok ont également
montré que les modifications du taux de protéine FKBP5
en fonction de ce polymorphisme ne résultaient pas
d’une augmentation du taux d’ARN-messager, mais d’une
augmentation de l’efficacité de la translation et de la
stabilité de la protéine.
Cependant, le polymorphisme de ce gène n’implique
pas seulement la réponse pharmacologique aux antidépresseurs : il est également impliqué dans une
augmentation de la récurrence des épisodes dépressifs,
dans la réponse à des stress sociaux, dans les troubles psychiques péritraumatiques chez l’enfant, ou encore dans
les interactions entre abus dans l’enfance et apparition
d’un état de stress post-traumatique à l’âge adulte ;
• la protéine ABCB1 est une protéine impliquée dans les
transports actifs de substances biologiques (en particulier,
certains antidépresseurs) à travers la barrière hématoencéphalique. Le polymorphisme du gène codant pour
cette protéine est prédicteur du taux de rémission des
630
sujets déprimés sous traitement [15]. Cela a également
été retrouvé par une équipe japonaise [5], mais pas dans
l’étude STAR*D [12], ce qui souligne la difficulté qui persiste dans l’interprétation des résultats de telles études ;
• en revanche, l’étude STAR*D retrouve une association
entre le polymorphisme du gène GRIK4 (rs 1954787)
codant pour les récepteurs de type KA1 au glutamate
et la réponse à un antidépresseur IRS [11] ; cette corrélation est largement amplifiée lorsque les sujets sont
par ailleurs également porteurs homozygotes d’un allèle
du gène HTR2A, codant pour les récepteurs 5HT-2A. Ce
résultat souligne que le système glutamatergique (en particulier via les récepteurs de type kaïnate) joue un rôle
modulateur important sur la réponse aux antidépresseurs
IRS. Ces résultats ont été répliqués par Horstmann et al.
dans l’étude MARS, avec une corrélation entre le même
polymorphisme (rs 1954787) dans le même sens. Ces derniers auteurs proposent de plus un modèle à trois gènes
(HTR2A, GRIK4 et FKBP5), permettant une significativité
beaucoup plus élevée de l’association avec la réponse aux
IRS.
La pharmacogénétique peut également contribuer à
éclairer l’une des questions les plus débattues du moment :
l’apparition d’idéation suicidaire sous traitement antidépresseur sérotoninergique ? Celle-ci pourrait être associée
au polymorphisme de gènes codant pour deux protéines,
les GRIK2 et GRIA3, composantes de sous-types de récepteurs glutamatergiques [6]. Si ces résultats se confirment, il
deviendrait possible de déterminer au préalable les sujets
les plus à risque d’idéation suicidaire, et donc de mettre
en place soit un traitement alternatif, soit une surveillance
accrue. Néanmoins, une étude de réplication [10] n’a pas
retrouvé d’association pour ce qui concerne le gène GRIK2
et a retrouvé une association, mais en sens inverse pour le
GRIA3.
Au total, les résultats de pharmacogénétique des antidépresseurs sont à ce jour très intéressants pour trois gènes
(HTR2A, GRIK4 et FKBP5), impliquant l’axe HPA, le système
sérotoninergique et le système glutamatergique ; toutefois,
ces résultats demandent encore confirmation par des études
plus larges, montrant des tailles d’effet plus importantes et
prenant en compte les interactions gène—environnement.
Bertram Müller a ouvert les perspectives du futur par
quelques néologismes : l’avenir réside dans les études de
« convergentomique » (convergence génomique), prenant en
compte de manière conjointe les résultats de protéomique,
de transcriptomique, de génomique et de phénomique (prise
en compte du phénomène biologique en aval du gène, ou du
phénotype).
Stress et dépression : les données de
l’imagerie médicale. Pr James D. Bremner,
Emory University, Atlanta, États-Unis
Le Pr James D. Bremner, chercheur à l’Emory University
à Atlanta, a présenté les liens entre stress et dépression
par les données de l’imagerie cérébrale. Plusieurs structures cérébrales jouent un rôle essentiel dans les troubles
affectifs : le cortex préfrontal médian, le cortex cingulaire
antérieur, le thalamus, l’hippocampe, l’amygdale. On sait
Compte rendu de réunion de travail
que le stress entraîne une diminution de l’arborisation dendritique et de la neurogénèse des neurones hippocampiques,
tandis qu’à l’inverse un environnement enrichi favorise la
neurogénèse hippocampique (données chez l’animal). Les
antidépresseurs favorisent également cette neurogénèse
hippocampique, en particulier en stimulant la production
de BDNF et en diminuant la synthèse de glucocorticoïdes.
Les anomalies cérébrales structurales dans la dépression sont nombreuses : outre la réduction du volume de
l’hippocampe (plus marquée à gauche), on a retrouvé un
élargissement des ventricules, une diminution du volume du
cortex orbitofrontal (perte neuronale et gliale), une augmentation du volume de l’hypophyse, une réduction de
volume de la région subgénienne, ainsi que des lésions de la
substance blanche et des hypersintensités périventriculaires
(appelés à ce jour des « objets brillants non identifiés »)
dans les dépressions tardives. En revanche, on a montré
que des régions comme le noyau caudé ou le lobe frontal n’étaient pas modifiées. Des travaux ont souligné le
rôle de l’environnement : ainsi, le volume de l’hippocampe
apparaît, par rapport aux sujets témoins, plus petit chez
des sujets déprimés ayant eu des antécédents d’abus dans
l’enfance, mais pas chez des sujets déprimés sans antécédent d’abus [17]. Par ailleurs, l’atrophie hippocampique
apparaît corrélée au nombre d’épisodes dépressifs et à la
durée de la maladie et semble en partie réversible sous
traitement [16].
Sur le plan fonctionnel, des études confirmatoires ont
montré que la dépression s’accompagne d’une diminution
globale du métabolisme et du flux cérébraux, du fonctionnement frontal dorsolatéral, du fonctionnement orbitofrontal
et médiofrontal. Un travail de James Bremner [3] a montré une diminution de l’activation hippocampique lors d’une
tâche de mémoire chez les déprimés, comparés aux témoins.
Une diminution du fonctionnement cingulaire antérieur
lors de tâche d’encodage mnésique, apparaît corrigée un
traitement par antidépresseur IRS. Helen Mayberg a montré, à l’Emory University, des activations fonctionnelles
cérébrales différentes sous IRS et après thérapie cognitivocomportementale.
Enfin, James Bremner a enfin présenté ses travaux sur
l’acide rétinoïque, dérivé de la vitamine A doté d’une action
sur la vision mais aussi sur le cerveau, effectuant une modulation de l’expression et de la transcription des gènes [2].
L’isotrétinoïne diminue également la neurogénèse hippocampique et le fonctionnement du cortex orbitofrontal.
Neuroplasticité et vulnérabilité dépressive : le
rôle du glutamate. Pr Lawrence Reagan,
université de Caroline du Sud, États-Unis
Durant ce workshop, le Pr Lawrence Reagan, de l’université
de Caroline du Sud, a présenté les données les plus récentes
concernant les liens entre neuroplasticité et vulnérabilité
dépressive, dans lesquels le glutamate apparaît jouer un
rôle central. Il a, dans ce contexte, souligné la place toute
particulière de la tianeptine.
Les altérations cérébrales retrouvées dans la dépression, comme l’atrophie hippocampique, sont corrélées aux
altérations cognitives, et varient en fonction du nombre
d’épisodes dépressifs, mais pas de l’âge [8].
6e Workshop international sur la neuroplasticité, 27—28 sept, 2008
Les déficits de la neuroplasticité retrouvés dans la
maladie dépressive sont largement liés au métabolisme
glutamatergique, puisqu’on retrouve une diminution de
l’expression des récepteurs glutamatergiques, une réduction de l’activité du transporteur du glutamate au niveau
glial et une altération des profils neurochimiques glutamatergiques. Un nombre important de données concernant la
neuroplasticité dans la dépression résulte des études utilisant les paradigmes du stress chez l’animal comme modèle
expérimental de dépression.
Ces études ont permis de préciser le rôle des traitements
antidépresseurs. On a ainsi montré que la diminution du
volume de l’hippocampe induite par le stress (de même que
la diminution de la prolifération cellulaire) était corrigée par
la tianeptine [4] ; cet antidépresseur, contrairement aux IRS,
limite les remaniements neuronaux hippocampiques induits
par le stress [9]. De la même façon, la tianeptine prévient
l’apoptose induite par le stress au niveau du cortex temporal et hippocampique [7] et elle corrige les altérations
mnésiques hippocampe-dépendantes induites par le stress.
La neurogénèse entraîne une prolifération dendritique
et une prolifération cellulaire : à partir des cellules neurales dites progénitrices se développent, d’une part, des
neurones, via des cellules neuronales progénitrices (en
particulier au niveau du gyrus denté et de la zone
sous-ventriculaire qui projette sur le bulbe olfactif) et,
d’autre part, des cellules gliales, via des cellules gliales
progénitrices. Cette neurogénèse est favorisée par un
environnement enrichi, l’exercice, l’apprentissage, les
antidépresseurs. Elle est limitée par le stress, les adrénostéroïdes, l’âge et l’abus de médicaments.
Les effets du stress sur la neurogénèse hippocampique
apparaissent impliquer, pour une large part, le système des
acides aminés excitateurs (récepteurs NMDA et AMPA), le
stress augmentant, par exemple, l’expression du gène d’un
transporteur du glutamate (le GLT-1) [13]. D’autres données
chez l’animal montrent que le stress augmente la libération, et donc la concentration, de glutamate au niveau
de la synapse hippocampique, ce qui est atténué lors de
l’administration de tianeptine. Au niveau de l’amygdale,
et en particulier de l’amygdale basolatérale, un stress
répété diminue l’activation des neurones glutamatergiques
[14].
Ainsi, en normalisant le tonus glutamatergique, les données chez l’animal montrent que la tianeptine agit au niveau
de l’amygdale et de l’hippocampe en restaurant la neurogénèse et le fonctionnement cellulaire, en augmentant
la survie des cellules autres que les neurones, en restaurant l’activité fonctionnelle des récepteurs au glutamate et
l’expression des transporteurs du glutamate et en corrigeant
les déficits de l’apprentissage hippocampe-dépendant.
Références
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C. Spadone
Service de psychiatrie, hôpital Saint-Louis (AP—HP),
1, avenue Vellefaux, 75010 Paris, France
Adresse e-mail : [email protected].
Disponible sur Internet le 28 novembre 2008
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