Questions – réponses Que faire lorsqu’on constate qu’un patient est significativement amélioré ? La qualité de la rémission fait partie du pronostic, immédiat et à long terme. Dans les objectifs d’amélioration du patient, hors du registre de la prise en charge immédiate, il faut prendre en compte, au moment de la rémission, les réaménagements de vie, la gestion des sources de stress, des complications, la sollicitation du réseau social, le réaménagement autour de l’épisode dépressif majeur, qui a des impacts parfois très importants. Par exemple, le niveau de stress ressenti abaisse les manifestations anxieuses et donc favorise le passage de la rémission partielle à la rémission complète. Pour les patients ayant une réponse incomplète ou partielle, il faut utiliser toutes les armes possibles, pour que la rémission soit la meilleure possible, sans se contenter d’un traitement moyennement efficace. Il ne faut pas hésiter à augmenter les doses, à changer le traitement si les réponses sont insuffisantes, et profiter de cette amélioration, pour favoriser, par réadaptation neurocognitive, psychosociale ou psychothérapeutique, l’évolution des patients. La remédiation sur ordinateur va se développer dans l’arsenal thérapeutique pour les déprimés. Toutes les psychothérapies sont de l’apprentissage : quel que soit le clan théorique, elles jouent sur la plasticité, qui n’est pas seulement neuronale. Il n’y a pas de thérapie efficace sans apprentissage. Or, les apprentissages nécessitent une bonne flexibilité cognitive, un fonctionnement neuronal de bonne qualité. À l’hôpital, les patients déprimés acceptent volontiers de travailler sur un ordinateur pendant une heure avec un infirmier, et ils reviennent ensuite en ambulatoire ; il y aura peut-être un jour un pilotage sur le web, ce qui permettra des entraînements cognitifs répétés régulièrement. Ceci doit se faire en parallèle au traitement antidépresseur, les effets des thérapeutiques biologiques et cognitives étant synergiques. Dans le cadre de la dépression, les études qui évaluent les effets bénéfiques des thérapies de remédiation cognitive doivent reposer sur des critères solides, comme le taux d’absence de récidives, ou la diminution du temps passé en dépression. S 716 À partir de quel moment commençons-nous notre involution ? Ne sommes-nous pas tous en évolution vers une diminution neuronale à partir de l’âge de 18 ou 20 ans ? Et l’involution est-elle cyclique ou longitudinale ? Les dépressions réactionnelles ou situationnelles entraînent-elles aussi une atteinte neuronale ou évoluons-nous vers une diminution longitudinale des balances noradrénergiques, dopaminergiques, sérotoninergiques, plutôt que vers une diminution au cours des phases dépressives seulement ? Nous savons que nous involuons à partir de la naissance. Ce qui est nouveau, c’est qu’en dehors du fait que notre capital neuronal global à tendance à diminuer à partir de l’accouchement chez l’Homme (un peu plus tard pour les autres espèces moins évoluées), nous avons la grande particularité d’avoir la possibilité de voir apparaître de nouveaux neurones, essentiellement dans le gyrus dentelé et dans une partie du tubercule olfactif : ces nouveaux neurones indifférenciés, qui vont redevenir des neurones, au sens adaptatif du terme, ont la possibilité de migrer dans des régions relativement proches de leur lieu d’origine, du gyrus dentelé sur l’ensemble des noyaux de l’hippocampe, par exemple. Ceci est probablement au cœur des processus évolutifs de type cellulaire. Mais même si nous perdons des neurones, le fait d’augmenter nos connexions est peut-être beaucoup plus important. Pouvons-nous transposer le modèle de stress de la souris caressant ses souriceaux à l’être humain, par exemple pour les carences affectives précoces ? Comment cette résistance au stress peut-elle être acquise chez l’être humain, et les choses peuventelles être récupérées ensuite ? Oui, le grooming est un modèle pertinent, d’autant qu’il répond à de nombreuses caractéristiques du modèle d’interaction mère-enfant, notamment le fait que la séparation de la mère, quelques heures par jour, est très délétère sur l’axe HPA. Le handling, le fait de faire passer le petit souriceau de main en main, donc dans un milieu inconnu, est un stress dont les effets perdurent, non seulement immédiatement après, mais sur l’ensemble de la vie, ainsi qu’au niveau de l’expression des récepteurs aux L’Encéphale, 33 : 2007, Septembre, cahier 4 L’Encéphale, 2007 ; 33 : 716-7, cahier 4 glucocorticoïdes. Chez l’Homme, beaucoup d’autres paramètres rentrent en jeu : il s’agit donc d’un modèle simplifié mais réellement intéressant dans l’interaction mèreenfant et ses effets perdurants. Le rôle de l’amygdale est important : ne serait-elle pas un point de départ commun à différentes pathologies ? On peut, dans une perspective dualiste, considérer que le bon équilibre entre activité physique et mentale se situe lorsqu’il y a une bonne homothétie du haut en bas, ou du plus physique au plus métasymbolique. En neurosciences cognitives, on sait que l’amygdale est le gendarme attentionnel de tout ce que nous ne connaissons pas : elle n’a pas seulement un rôle au niveau de l’anxiété ou de la peur, mais c’est le « mirador » des événements que nous ne connaissons pas, qu’ils soient heureux ou délétères. L’amygdale commence, lors du stress (qui est l’un des éléments étiopathogéniques possibles des effets des carences ou des maltraitances, puis des dépressions), par s’hypertrophier sous l’effet d’une hyperstimulation amygdalienne, puis elle s’épuise en s’atrophiant, comme tous les organes ayant été trop sollicités. Ceci paraît en miroir de travaux sur l’amour, montrant que c’est la seule Questions – réponses situation de la nature durant laquelle on observe une extinction de l’amygdale, puisque cela s’accompagne d’une hyperactivation des noyaux gris centraux et d’une extinction de l’amygdale droite : l’amour est une hyperexcitation de l’animal en nous, avec un abandon de la méfiance… Plus il y a de symptômes résiduels, plus on risque de rechuter, et plus il y a de rechutes, plus il y a de symptômes résiduels, nécessitant donc un acharnement thérapeutique. Mais les personnes qui guérissent ont deux fois et demie plus de chances de faire un geste suicidaire que les autres. Est-ce que ce ne sont pas ceux-là qu’il faut s’acharner à suivre malgré tout, bien qu’ils aillent bien, qu’ils aient envie de fonctionner à nouveau normalement et donc d’oublier leur maladie ? En fait, au décours de l’épisode, les patients en rémission complète ont très peu de risques de suicide, ceux qui restent déprimés ont sept fois et demie plus de risque suicidaire, et ceux en rémissions partielles, qui sont répondeurs, mais symptomatiques, ont deux fois et demie plus de risques. Il faut donc bien, effectivement, s’acharner sur ces sujets… S 717