Comment diminuer la fréquence des éruptions cutanées liées au

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Comment diminuer la fréquence des éruptions cutanées liées au traitement par la névirapine ?
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°93 - juin/juillet 2001
VIH-CORTICOTHERAPIE
Comment diminuer la fréquence des
éruptions cutanées liées au traitement par la
névirapine ?
Odile Launay
Fédération de médecine interne, maladies infectieuses et tropicales, Hôpital
Avicenne (Bobigny)
Prevention of
nevirapine-associated
exanthema using
slow dose escalation
and/or
corticosteroids
Barreiro P., Soriano
V., Casas E., Estrada
V., Téllez M.J.,
Hoetelmans R.,
Gonzalez de Requena
D., Jimenez-Nacher I.,
Gonzalez-Lahoz J.
AIDS, 2000, 14,
2153-7
Les auteurs d'une étude de prescription à doses croissantes de
névirapine avec ou sans corticoïdes recommandent la prescrition
systématique d'une corticothérapie. Mais, s'il existe réellement
un effet protecteur des corticoïdes, celui-ci reste à démontrer par
un essai en double aveugle contre placebo.
La survenue d'une éruption cutanée constitue l'effet secondaire
le plus fréquent lors de l'introduction d'un traitement par la
névirapine. Lorsque la névirapine était administrée d'emblée à la
posologie de 400 mg/j, une toxidermie survenait chez près d'un
patient sur deux. L'introduction progressive de la névirapine
(200 mg/jour pendant 14 jours puis 400 mg/jour) a permis une
réduction notable de la fréquence des éruptions cutanées.
Cependant, leur fréquence reste suffisamment importante (16 à
20% des patients, nécessitant l'arrêt de la névirapine chez 7%
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d'entre eux)1 pour justifier l'évaluation de stratégies de
prévention.
L'objectif de l'étude présentée par Barreiro et coll. était d'évaluer
l'intérêt d'une prescription de la névirapine à dose
progressivement croissante, en association ou non avec une
corticothérapie de courte durée, pour diminuer la fréquence de
survenue d'une éruption cutanée.
Au cours de cette étude comparative, prospective,
multicentrique, 469 patients ont été randomisés en 4 groupes et
suivis en ouvert :
- dans le groupe n°1 (n = 166 patients), la névirapine était
administrée selon les recommandations actuelles (200 mg/j
pendant 14 jours puis 400 mg/j) ;
- dans le groupe n°2 (n = 93), les patients recevaient une
corticothérapie (prednisone 50 mg 1 jour sur 2) pendant les 14
premiers jours de traitement par la névirapine administrée selon
les recommandations actuelles ;
- dans le groupe n°3 (n = 107), la névirapine était administrée à
dose progressivement croissante (100 mg/j pendant 7 jours, 200
mg/j pendant 7 jours, 300 mg/j les 7 jours suivant, puis 400
mg/j) ;
- enfin, les patients du groupe n°4 (n = 103) recevaient la
prednisone (50 mg 1 jour sur 2) durant les 14 premiers jours de
traitement par la névirapine administrée à dose progressivement
croissante.
Le critère de jugement principal de l'étude était la survenue
d'une éruption cutanée ; l'éruption cutanée pouvait être constatée
par le clinicien ou rapportée par le patient.
Il s'agissait de patients naïfs d'inhibiteurs non nucléosidiques,
peu immunodéprimés (CD4 > 200/mm3, moyenne :
490+ou-246), avec des charges virales modérément élevées
(médianes : 6755 copies/ml, écart : < 50-672674 copies/ml).
Au cours des 6 premières semaines de traitement, 59 patients
(11,9%) ont présenté une éruption cutanée, de grade égal à 2
dans 42 cas, nécessitant l'arrêt de la névirapine dans 27 cas
(5,5%).
La survenue d'une éruption cutanée était plus fréquente dans le
groupe n°1 que dans les autres groupes (18,7% versus 9,2%, p =
0,003). De même, la névirapine était interrompue 2 fois plus
souvent dans le groupe n°1 que dans les autres groupes (8,5%
versus 4,3%, p = 0,06). En revanche, l'incidence des éruptions
cutanées et le nombre d'arrêts de traitement n'étaient pas
différents entre les groupes 2, 3 et 4 (voir tableau ci-dessous).
Les concentrations plasmatiques de névirapine ont été mesurées
chez 7 des patients pour lesquels la névirapine avait été
introduite à la posologie de 100 mg/j (la moitié d'entre eux
recevaient la prednisone). Les dosages réalisés à 6 reprises au
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cours des 72 premières heures de traitement montrent tous des
concentrations au-dessus de l'IC90 du virus sauvage.
En conclusion, les auteurs recommandent la prescription
systématique d'une corticothérapie au cours des 2 premières
semaines de l'instauration d'un traitement par la névirapine. En
raison de la complexité de la prescription par paliers successifs,
ils suggèrent de réserver cette modalité aux patients présentant
une contre-indication aux corticoïdes.
groupe 1
standard
nombre de
patients
éruption
cutanée
arrêt de
traitement
groupe 2
standard +
corticoïdes
166
93
31
8 (8,6%)
(18,7%)
4 (4,3%)
14 (8,5%)
groupe 3 groupe 4
escalade escalade de
de doses doses +
corticoïdes
107
12
(11,2%)
5 (4,7%)
103
8 (7,7%)
4 (3,9%)
Ce papier amène plusieurs types de remarques : la première est
que ces résultats sont loin de faire l'unanimité. Des résultats
contraires ont été présentés par J. Montaner et coll. à Durban en
juillet 20002 : au cours d'une étude prospective randomisée, il
rapporte 36% de rashs chez les patients recevant la prednisone
(40 mg/j pendant les 14 premiers jours de traitement par la
névirapine) contre 18% dans le groupe contrôle (p = 0,022). Six
patients ont présenté une éruption cutanée sévère, tous avaient
reçu la corticothérapie. De même, D. Rey et coll. n'ont pas
montré d'effet protecteur de la prednisolone administrée à la
posologie de 40 mg/kg durant les 14 premiers jours de traitement
par névirapine, avec 22% d'éruptions cutanées chez les 27
patients ayant reçu la prednisolone3.
Il faut souligner que l'étude présentée ici est une étude sans insu
sur les traitements au cours de laquelle le critère de jugement
principal est un critère clinique qui est discutable dans la mesure
où l'éruption cutanée peut être simplement rapportée par le
patient sans confirmation par le clinicien.
La deuxième remarque est qu'une corticothérapie, même de
courte durée, n'est pas sans risque - en particulier en cas
d'infection virale.
La troisième critique qui peut être faite est qu'en l'absence de
données pharmacologiques comparatives avec l'administration
selon le schéma standard d'une part, et de données d'efficacité à
long terme, la sécurité du mode d'administration par doses
progressives reste à démontrer. En effet, il est actuellement bien
démontré que l'émergence de résistances aux inhibiteurs non
nucléosidiques conférant une résistance de classe est
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particulièrement rapide en cas de traitement insuffisant.
Enfin, il faut noter que ces résultats avaient été présentés à
Glasgow en faisant état d'un 5e bras dans lequel les patients
recevaient, au cours des 14 premiers jours de traitement, un
antihistaminique (la loratidine) (avec un effet préventif
significatif). Il n'est pas fait mention de ces patients dans la
publication.
En conclusion, s'il existe un effet protecteur des corticoïdes sur
la survenue des rashs lors de l'introduction de la névirapine,
celui-ci reste à démontrer par un essai en double aveugle contre
placebo. En raison des risques potentiels liés à l'utilisation d'une
corticothérapie, même de courte durée, au cours de l'infection
par le VIH, il paraît nécessaire d'évaluer l'intérêt des
antihistaminiques dans la prévention des toxidermies à la
névirapine. C'est l'objectif de l'essai VIZYR, actuellement en
cours en France, qui évalue contre placebo l'intérêt de la
cétirizine (Zyrtec®) dans la prévention des éruptions cutanées
lors de l'introduction d'un traitement par la névirapine. Enfin, il
faut rappeler que la prudence s'impose face à l'instauration à
doses progressives d'une molécule comme la névirapine, avec
laquelle l'apparition de résistances est très rapide en cas de
traitement insuffisamment puissant.
1 - Montaner JS, Reiss P, Cooper D et al.
" A randomized, double-blind trial comparing combinations of névirapine,
didanosine, and zidovudine for HIV-infected patients : the INCAS Trial "
JAMA, 1998, 279, 930-7
2 - Montaner J, Gigliotti M, Cahn P et al.
" The effects of a short course of prednisone (pred) on the incidence of rash
associated with nevirapine (NVP, VIRAMUNE) "
13th International AIDS Conference, Durban, 2000. Abstract WePeB1378
3 - Rey D, Partisani M, Krantz V et al.
" Prednisolone does not prevent the occurrence of névirapine-induced
rashes "
AIDS, 1999, 13, 2307
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