Milesia crabroniformis - Photo Sarthou Lors de l’exploitation… Que faire ? Pourquoi ? Lors du débusquage, respecter les dômes de fourmilières à fourmis rousses. Ces fourmis jouent un rôle de prédation important vis-à-vis de certains groupes de ravageurs des forêts : pucerons, chenilles de papillons défoliateurs. La destruction du dôme affecte fortement la colonie. Enlever rapidement les bois bord de route (grumes, mais aussi bois de papeterie, de chauffage…) après le débardage. Dans le cas d’exploitation en hiver, les retirer avant le début mai. Les bois d’œuvre stockés bord de route se déprécient rapidement («piqûre» d’insectes, «échauffure» causée par des champignons) et les bois d’industrie négociés au poids perdent de la valeur en séchant. Ces tas de bois, surtout s’ils sont au soleil, constituent des sites de pontes privilégiés pour les insectes spécialisés. Leur enlèvement ultérieur exporte, et par là même détruit, une partie de la population des insectes ainsi piégés (les adultes meurent après la période de reproduction). Ne pas brûler les rémanents d’exploitation. Le brûlage des branchages : ● transforme la matière organique, qui perd alors ses qualités structurantes pour les horizons supérieurs du sol, ● induit la perte de certains éléments nutritifs (en particulier l’azote), ● localise fortement le retour au sol des autres nutriments (calcium, potassium, phosphore), ● réduit le volume de bois mort de petite dimension disponible pour les insectes spécialisés. Rhagium sycophanta - Photo Forcke Chez les espèces saproxylophages, ce sont généralement les larves qui se nourrissent de bois. Prostomis mandibularis-larve - Photo Tolasch Photo Delarue CRPF Midi-Pyrénées - 7, chemin de la Lacade - 31320 Auzeville-Tolosane - Laurent Larrieu, courriel : [email protected] Ce document est réalisé avec la collaboration des entomologistes H. Brustel (ESAP) et J.P. Sarthou (ENSAT), dans le cadre de la prise en compte de la biodiversité dans la gestion courante de la forêt privée du Groupement Forestier de Hèches (vallée d’Aure, Hautes-Pyrénées). Projet financé avec l’aide de l’Europe, de l’Etat et du Conseil Régional de Midi-Pyrénées. Les photos non référencées sont de L. Larrieu. Le bon fonctionnement des écosystèmes forestiers est une aide précieuse et économe à la gestion durable des forêts. Les insectes sont des acteurs mal connus mais nécessaires au maintien de ces équilibres subtils et la conservation de la majorité d’entre eux est compatible avec une gestion économique. Deux groupes d’insectes sont principalement concernés : m Les insectes saproxyliques : une attention particulière doit être portée au maintien de leurs habitats spécifiques, c’est-à-dire les bois morts à tous les stades de dégradation, les arbres endommagés et sénescents. Rosalia alpina - Photo Bense QUELQUES PROPOSITIONS POUR LA PRISE EN COMPTE DES INSECTES, EN PARTICULIER SAPROXYLIQUES* DANS LA GESTION QUOTIDIENNE DES FORÊTS Hêtraie à Scille - Photo Gauberville Ceci se justifie par : 1 - les rôles que jouent ces insectes dans le cycle de vie d’une forêt équilibrée : beaucoup accélèrent le recyclage des matières organiques (gage de la fertilité des sols), les adultes de certaines espèces sont pollinisateurs et les larves servent de nourriture à de nombreux animaux (autres insectes, oiseaux…), 2 - l’innocuité de ces insectes pour les arbres sains et en pleine croissance. Sauf rares cas connus (essentiellement sur Epicéa commun et Pin maritime), le maintien des bois dépérissants et morts ne favorise pas la prolifération d’insectes déprédateurs qui infesteraient les arbres sains car les insectes ravageurs forestiers sont biologiquement inféodés aux arbres vivants. Au contraire, les bois morts abritent tout un ensemble de prédateurs et de parasitoïdes qui contribuent au contrôle des populations d’insectes potentiellement dangereux pour les peuplements, 3 - la valeur patrimoniale de beaucoup de ces espèces qui sont rares ou « parapluies » (c’est-à-dire que les mesures qui les favorisent assurent aussi la conservation de beaucoup d’autres). m Les fourmis rousses, qui sont des prédateurs efficaces de ravageurs des forêts. Les propositions qui suivent permettent la prise en compte de ces insectes au cours des différentes opérations sylvicoles, sans perturber la gestion du propriétaire ni en réduire la rentabilité. Chaque recommandation s’appuie sur des arguments techniques, biologiques et économiques. Bien que le travail dont découle ce document ait été conduit dans des forêts de montagne, la majorité des propositions reste applicable pour de nombreuses autres forêts. * Un organisme saproxylique (insecte, champignon…) dépend, pendant tout ou partie de son cycle de vie, du bois mort ou mourant ou bien des organismes qui utilisent le même milieu. Les organismes saproxylophages, qui se nourrissent de bois pourri, constituent un sousensemble du cortège saproxylique. Juin 2005 Hylecœtus dermestoides - Photo Koehler Lors du martelage… Que faire ? Pourquoi ? Dans le cas d’arbres à cavités porteurs de champignons ou à blessure importante (hors Epicéa commun et Pin maritime), se demander quel serait le bilan économique de leur exploitation (valeur marchande bord de route moins coûts d’exploitation). Si ce bilan est faible, voire négatif, ne pas marteler. Dans la majorité des cas, l’extraction de ces arbres est peu rémunératrice voire coûteuse. Ces arbres jouent un rôle très important pour les insectes, ainsi d’ailleurs que pour d’autres groupes d’animaux (mammifères, oiseaux….), de végétaux et de champignons. Les champignons saproxyliques constituent eux-mêmes pour certains insectes des micro-habitats à part entière. Laisser des gros et très gros arbres isolés, lorsque la qualité de leur bille ne justifie pas leur enlèvement (faible valeur commerciale) et que leur présence n’induit pas de contraintes fortes (régénération obligatoire à cet endroit, gêne avérée à un sujet en croissance et à valeur d’avenir). Les arbres de grosse dimension : ● la majorité des micro-habitats favorables aux insectes saproxyliques (cavités, parties mortes…), ● fournissent à terme des gros volumes unitaires de bois mort qui contribuent fortement au volume total de bois mort. Laisser des gros et très gros arbres en groupe, lorsque la qualité de leurs billes ne justifie pas leur enlèvement et que leur présence n’induit pas de contraintes fortes. En plus des considérations énumérées ci-dessus, un groupe : ● augmente la diversité des conditions offertes aux insectes, ● assure la pérennité des micro-habitats que l’on souhaite conserver par leur maintien car la destruction accidentelle de tout le groupe est improbable, ● maintient localement une ambiance forestière, si l’opération sylvicole a induit une modification importante de l’éclairement dans le peuplement environnant. Lorsque des gros arbres sans valeur marchande sont gênants pour la sylviculture, préférer leur ceinturage à l’abattage (au moins dans le cas d’espèces à décomposition rapide : Peuplier tremble, bouleaux…). La modification de l’éclairement est ainsi progressive. Les arbres qui meurent après l’opération augmentent le volume de bois mort sur pied, toujours plus rare que le bois mort au sol. Maintenir des résineux dans les peuplements à feuillus dominants, et inversement. La mixité favorise souvent la régénération et facilite la structuration des peuplements. Les aiguilles des résineux sont quasi-indispensables aux fourmis rousses pour construire leurs nids. Certains insectes saproxyliques sont spécifiques des résineux. Photo Berducou Clytus arietis - Photo Koehler Lors de l’exploitation… Que faire ? Pourquoi ? A l’abattage des arbres en cépées ou à pourritures de pied apparentes, couper à la base de la bille utilisable et non pas systématiquement à ras de terre. L’arasement systématique des souches constitue pour le bûcheron une double contrainte : ● économique, par le temps de façonnage supplémentaire pour purger ultérieurement la partie inutilisable, ● physique, car la présence de pourriture au pied ou la grande dimension de l’empattement rend l’abattage plus délicat. Les souches hautes participent au volume de bois mort. Effectuer les purges en forêt et les abandonner sur place. En fin de chantier, pousser les purges de chargement des grumiers dans le peuplement le plus proche (avec l’accord du propriétaire). Leur mise bord de route est une contrainte économique pour le débardeur car leur volume n’est pas toujours comptabilisé. Les purges participent au volume de bois mort. Ne pas abattre les chandelles pour «faire propre» ou pour de fausses raisons sanitaires, sauf à proximité immédiate des voies de desserte ou de chemins à forte fréquentation (pour raison de sécurité). Les chandelles ne sont en aucun cas des foyers d’insectes déprédateurs et leur abattage est toujours une opération dangereuse pour le bûcheron. Le bois mort sur pied abrite des insectes spécifiques qui ne se retrouvent pas dans les bois morts à terre. Eviter de démembrer systématiquement les houppiers qui ne seront pas exploités, lorsqu’il ne gênent pas la gestion. Le démembrement d’un houppier est coûteux et inutile si on ne récupère pas le bois tronçonné. Les bois qui ne touchent pas le sol pourrissent moins vite et restent alors disponibles plus longtemps aux insectes qui recherchent des bois morts aux premiers stades de dégradation. Lors des déplacements des engins dans la parcelle et le débusquage par le câble, respecter autant que faire se peut les gros troncs en cours de décomposition qui sont au sol, en particulier dans les stades les plus décomposés. Les volumes de gros bois morts dans les stades ultimes de décomposition sont rares dans les peuplements ; un contact violent conduit à leur destruction qui correspond à une perte des micro-habitats afférents.