CAS CLINIQUE Mots-clés Obstruction nasale – Atrésie choanale – Granulome Keywords Nasal obstruction – Choanal atresia – Granuloma Obstruction nasale unilatérale, les pièges à éviter Unilateral nasal obstruction, tricks to skip C. Célérier*, M. François* L’ obstruction nasale est un symptôme fréquent mais peu spécifique de consultation chez l’enfant. Quand elle est néonatale et unilatérale, il convient d’éliminer les causes congénitales pour éviter un retard au diagnostic des malformations associées, et mettre en place une prise en charge multidisciplinaire. Mais d’autres étiologies sont possibles. Observation L’enfant Marion B., âgée de 5 ans, aux antécédents de prématurité et d’intubation nasale, consulte pour obstruction nasale unilatérale gauche avec rhinorrhée purulente évoluant depuis la naissance. Le compte rendu d’hospitalisation en réanimation ne précise ni le coté ni la durée de l’intubation nasale. Au test au miroir, il existe une obstruction nasale unilatérale totale. La rhinoscopie antérieure ne retrouve aucun corps étranger, pas d’hypertrophie des cornets et montre une discrète déviation de la cloison nasale. À la fibroscopie nasale, alors que le fibroscope passe aisément la choane à droite, on bute au fond de la fosse nasale gauche sur une masse tissulaire complètement obstructive. Le scanner est alors réalisé pour éliminer le diagnostic le plus probable, l’atrésie choanale. En fait, on retrouve un comblement tissulaire du tiers postérieur de la fosse nasale gauche (figure 1). La déviation septale retrouvée est tout à fait insuffisante pour expliquer la gêne respiratoire occasionnée. Les parois osseuses internes des sinus maxillaires et les lames perpendiculaires des processus palatins sont normales. Il s’agit d’un granulome nasal post-intubation avec une petite participation de la déviation de la cloison nasale. La petite Marion a bénéficié d’une résection endoscopique du granulome avec une septoplastie. Elle va très bien à distance de l’intervention et a retrouvé une respiration nasale normale. ▲ Figure 1. Examen tomodensitométrique en coupe axiale montrant une obstruction de la partie postérieure de la fosse nasale gauche, avec un vomer non épaissi et à peu près médian, ainsi que la symétrie des parois latérales des fosses nasales. * Service ORL, hôpital Robert-Debré, Paris. 28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 320 - janvier-février-mars 2010 CAS CLINIQUE Discussion L’obstruction nasale peut être définie comme une sensation de gêne à l’écoulement de l’air dans les fosses nasales. Le nouveau-né normal a une respiration quasi exclusivement nasale durant ses trois premières semaines de vie. Quand l’obstruction nasale est bilatérale, elle est diagnostiquée par une détresse respiratoire immédiate. C’est une urgence vitale, le diagnostic est “bruyant”. Mais si elle est unilatérale, elle est plus insidieuse et peut passer inaperçue dans les premiers jours de vie pour n’être révélée que plus tard par une gêne ou une surinfection nasale unilatérale (1, 2). Chez un enfant de l’âge de Marion au moment du diagnostic, la première cause à éliminer est le corps étranger intra-nasal. Entre 2 et 4 ans, c’est une étiologie fréquente qui peut rester méconnue si l’enfant ne rapporte pas l’accident. On a alors une obstruction unilatérale avec possibilité d’odeur fétide, d’épistaxis, de rhinorrhée mucopurulente ou sanglante. La rhinoscopie antérieure ou la fibroscopie nasale retrouve le corps étranger. L’extraction sera plus ou moins difficile, nécessitant parfois l’anesthésie générale (3, 4). Une forme congénitale évoque avant tout l’atrésie choanale. C’est la cause la plus fréquente d’obstruction nasale chez les nouveaux-nés (1/6 000 à 8 000 naissances). C’est une malformation congénitale de la base du crâne due, dans 90 % des cas, à un défaut d’ouverture des choanes postérieures. Elle peut être osseuse, membraneuse ou mixte. Elle est uni ou bilatérale (1/3 des cas). La forme bilatérale sera symptomatique dès la naissance et va nécessiter une intervention chirurgicale urgente pour libérer les voies respiratoires. Dans le cas d’une atrésie choanale unilatérale, elle peut passer longtemps inaperçue et se traduire seulement par une rhinorrhée purulente chronique unilatérale (5). L’intérêt de la tomodensitométrie est de confirmer le diagnostic, de préciser la nature osseuse ou membraneuse de l’atrésie, ainsi que la constitution de la plaque atrétique, la situation par rapport au vomer ou au processus ptérygoïdes et de chercher un syndrome malformatif associé. On contrôle aussi ses rapports anatomiques avec le pédicule sphéno-palatin, ce qui a une incidence thérapeutique (pour le traitement chirurgical par voie endonasale ou par laser). Sur les coupes axiales, on étudie l’épaisseur du vomer, les déformations de la paroi interne du sinus maxillaire, les lames perpendiculaires des palatins et la base du crâne. Il existe toujours une médialisation de la paroi externe de la fosse nasale (figure 2). Sur les coupes frontales, on étudie les rapports avec le toit de l’ethmoïde. Tout diagnostic d’atrésie choanale implique la recherche d’un syndrome malformatif sous-jacent. Le syndrome de CHARGE est le premier à rechercher. Il regroupe colobome (Coloboma and visual impairment), cardiopathies (Heart defects), atrésies choanales (Choanal atresia), retard de croissance et de développement (Retardation of growth and development), anomalies de l’appareil urogénital (Genital and urinary abnormalities), et de l’oreille interne et externe (Ear abnormalities and hearing loss) [6]. ▲ Figure 2. Examen tomodensitométrique en coupe axiale montrant une atrésie choanale droite avec un vomer épaissi et une médialisation de la paroi latérale de la fosse nasale droite. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 320 - janvier-février-mars 2010 | 29 CAS CLINIQUE La découverte d’une atrésie choanale impliquera donc un bilan d’imagerie (scanner et éventuellement IRM), des explorations auditives ainsi qu’une prise en charge multidisciplinaire. La prise en charge chirurgicale consiste à reperméabiliser les choanes, le plus souvent par voie endoscopique (7). Dans l’histoire de Marion, les diagnostics précédents ayant été éliminés, en particulier l’absence de médialisation de la paroi externe de la fosse nasale, il faut se rappeler qu’elle a été intubée par voie nasale en réanimation pendant près d’un mois. La sonde d’intubation a pu se comporter comme un corps étranger nasal ayant entraîné une réaction inflammatoire locale et la constitution d’un granulome qui s’est pérennisé. Un granulome est une réaction inflammatoire excessive de la muqueuse à une agression extérieure, qu’elle soit un agent infectieux, un traumatisme répété ou un corps étranger (tel que la sonde gastrique ou d’intubation). En fibroscopie, une tumeur tissulaire pouvant saigner au contact est révélée. Les images scannographiques montrent des opacités comblant plus ou moins les cavités, d’origines tissulaires, hypodenses. Elles ne se rehaussent pas après l’injection de produit de contraste. Le cadre osseux est normal, il n’y a pas de déformation en entonnoir de la paroi postérieure de la fosse nasale. Le traitement curatif est chirurgical par résection endoscopique de la lésion et par mise en place de lames de silastic pour éviter les synéchies sur cette zone de remaniement muqueux. Le traitement préventif consiste à être le moins traumatique possible au moment de la pose de la sonde (fosse nasale la plus perméable, sonde en silicone, vaseline) et à limiter la durée de l’utilisation (8, 9). Conclusion Une obstruction nasale unilatérale doit toujours être explorée. Une absence de corps étranger à l’examen clinique doit faire réaliser un scanner. Certes, l’obstruction nasale unilatérale doit faire évoquer une atrésie choanale et déclencher un bilan exhaustif de recherche de malformations. Mais il existe des étiologies moins graves qui sont retrouvées par un interrogatoire scrupuleux. Et le granulome nasal peut être prévenu par des méthodes simples. ■ Références bibliographiques 1. Jean R, Rufin P, Jaubert F et al. Évaluation de la fonction nasale chez l’enfant. Rev Fr Allergol 1998;38-7:641-6. 2. Derkay CS, Grundfast KM. Airway compromise from nasal obstruction in neonates and infants. Int J Pediatr Otorhinlaryngol 1990;19(3):241-9. 3. Kiger JR, Brenkert TE, Loser JD. Nasal foreign body removal in children. Pediatr Emerg Care 2008;24(11):785-92. 4. Claudet I, Salanne S, Debuisson C et al. Nasal foreign body in infants. Arch Pediatr, 2009;16(9):1245-51. 5. Triglia JM, Nicollas R, Roman S et al. Atrésie choanale : orientations thérapeutiques et résultats sur une série de 58 enfants. Rev Laryngol Otol Rhinol 2003;124(1):65-9. 6. Roger G, Morisseau-Durand MP, Van den Abbeele T et al. The CHARGE association: the role of tracheotomy. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1999;125(1):1239-44. 7. Roelly P, Roger G, Bellity A, Garabédian EN. Imperforation choanale: prise en charge et traitement chirurgical. Ann Pediatr (Paris) 1992;39(8):479-83. 8. Lacau Saint Guily J, Boisson-Bertrand D, Monnier P. Lésions liées à l’intubation oro- et nasotrachéale et aux techniques alternatives : lèvres, cavités buccale et nasales, pharynx, larynx, trachée, œsophage. Ann Fr Anesth Reanim, 2003;22:81-96. 9. Manuja SL. Complications of long-term nasal and oral endotracheal intubation. J Laryngol Otol 1979;93(4):369-72. Agenda Symposium ■■ 44e Symposium d’otoneurologie Du 13 au 15 mai 2010 Le 44e Symposium d’otoneurologie de la Société internationale d’otoneurologie (SIO), dont la thématique sera “Vestibule et cortex”, aura lieu à Paris, à l’hôtel Lutétia, du 14 au 15 mai 2010. Il sera précédé de 25 ateliers pratiques sur le vertige et l’audition le jeudi 13 mai 2010. Durant le symposium, les thèmes suivants seront notamment abordés : la navigation spatiale, les illusions sensorielles, les vertiges corticaux, les révélations de l’IRM fonctionnelle, la psychosomatique du vertige aujourd’hui, la rééducation vestibulaire, les implants cochléaires et vestibulaires. Pour tout renseignement, consulter le site : www.otoneuro.com 30 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 320 - janvier-février-mars 2010