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Actes de l'Université d'été de Saint-Flour
La pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques à partir des thèmes de convergence
Thème de convergence santé et éducation à la santé
Didier Jourdan,
IUFM d'Auvergne
I. Les thèmes de convergence
La circulaire du 25 août 20051 met en place les thèmes de convergence. L'objectif du travail sur
ces thèmes est permettre à l'élève, à l'issu de la scolarité obligatoire, de se construire une première vision
globale et cohérente du monde dans lequel il vit. L'enjeu est ici de permettre aux élèves d'acquérir une
culture partagée, les thèmes choisis ayant été retenus parmi des sujets importants pour la société et proches
des préoccupations quotidiennes des élèves.
Il ne s'agit donc pas d'un texte de plus, d'une nouvelle lubie du système éducatif mais bien plutôt
d'une expression de ce qui est le cœur de la mission de l'Ecole : la formation du futur citoyen. En effet, la
façon dont l'Ecole peut permettre l'acquisition de ce qui est commun à tous, de ce que nul ne peut ignorer
pour prendre toute sa place dans la vie sociale ne peut être défini une fois pour toute. Du fait de l'évolution
sociale, une reformulation régulière de ce qui fonde le vivre ensemble est nécessaire. L'Ecole ne peut faire
l'économie d'une constante adaptation aux enjeux de la citoyenneté contemporaine. Dans le domaine
scientifique le problème se pose de façon particulièrement aigue. L'évolution considérable des connaissances
mais surtout de la place des enjeux scientifiques et technologiques dans la vie quotidienne et donc la
nécessité pour chaque citoyen de se construire une opinion rendent un travail sur des sujets complexes plus
que nécessaire.
Condorcet, au XVIIIème siècle définissait la mission de l'Ecole à la fois en référence à ce que
nul ne peut ignorer mais aussi à la nécessité d'armer contre l'erreur. «L’instruction civique se borne à régler
l’instruction, en laissant aux familles le reste de l’éducation. La puissance publique ne peut même, sur aucun
objet, avoir le droit de faire enseigner des opinions comme des vérités; … son devoir est d’armer contre
l’erreur … mais elle n’a pas le droit de décider où réside la vérité.2 ». Travailler les thèmes de convergence a
aussi pour objectif de permettre aux élèves d'acquérir les moyens de distinguer théorie scientifique et
croyance ou opinion. Il s'agit, dans le domaine de la santé, de situer à leur juste place pour l'établissement
d'une opinion les "propos de comptoir", les croyances sur l'effet de tel ou tel régime alimentaire et les
données issues des études épidémiologiques.
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BO n°5 du 25 août 2005
-1-
Actes de l'Université d'été de Saint-Flour
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II. Les questions de santé
Il est bien évident que les questions de santé sont au cœur des préoccupations de tous les êtres
humains. Est-ce une raison suffisante pour que l'Ecole accorde une place significative à la prise en compte de
ces questions ? Pis, dans un monde où le paraître tient une place grandissante, où le corps et la santé parfaite
constituent le but ultime de l'existence de beaucoup, peut-on souhaiter que l'Ecole contribue à la promotion
d'un unique mode de vie "sain" voire à l'idéalisation du corps ? Sur les questions de santé, la mission de
l'Ecole n'est sans doute pas d'aller dans ce sens d'une centration sur le corps ("parce que je le vaut bien"
comme le répète à l'envie les campagnes publicitaires d'une célèbre marque de cosmétiques). Il s'agit plutôt
de permettre à chacun de prendre en main sa propre santé de façon libre et responsable. Pour y parvenir, être
en capacité de s'approprier les éléments clé des connaissances relatives à la santé, distinguer les données
validées des opinions (bien diverses lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'il faut faire pour être en bonne santé !) est
déterminant. C'est bien du rapport au monde dont il est question, de la place d'un regard scientifique et
notamment d'un mode de pensée statistique. Il ne s'agit nullement, dans une perspective positiviste, de
disqualifier tout ce qui ne serait pas rationnel et issu des travaux scientifiques, bien d'autres dimensions sont
constitutives de l'être humain et susceptibles de lui permettre de se situer en regard des questions de santé.
L'ambition de l'Ecole est de permettre à chacun de se conduire de manière "libre et éclairée" en ce qui
concerne la santé tant dans ses dimensions individuelles que collectives.
III. Thème de convergence santé et éducation à la santé à l'Ecole
Comme nous l'avons indiqué, la prise en compte des questions de santé à l'Ecole est complexe et
ce, du fait de la nature même de l'objet qui se situe à la frontière de la sphère publique et de la sphère privée,
de ce qui relève de l'intime et du "vivre ensemble". Il est important de distinguer clairement le travail sur le
thème de convergence "santé" et l'éducation à la santé. Le contenu des thèmes de convergence est établi en
référence aux programmes des disciplines scientifiques. Il s'agit simplement de la mise en synergie, et non
pas seulement la juxtaposition, des contributions des disciplines. L'éducation à la santé se réfère à une
approche plus large qui met en jeu à la fois des connaissances et des compétences, concerne tant les
apprentissages disciplinaires que la vie collective au sein des établissements.
En fait, si les deux problématiques ne se recouvrent pas, elles sont concourent au même but. Le
travail sur le thème de convergence "santé" constituant une contribution à l'éducation à la santé des élèves.
Aborder, de façon interdisciplinaire, le fonctionnement du corps humain, la reproduction, la nourriture et
l'environnement et leur impact sur la santé, les drogues, le SIDA, le diabète, l'hérédité et les maladies
génétiques, développer le mode de pensée statistique contribuent de façon décisive à l'éducation à la santé
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Condorcet 1791
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IV. Education à la santé et mission de l’Ecole
Lister des thèmes, aborder les problèmes de santé publique qu'il faudrait prévenir ne suffit pas
pour définir la mission de l'Ecole en matière d'éducation à la santé. Il faut se référer à ce qui fonde sa
mission. La loi d’orientation de juillet 19893 qui définit les missions du système éducatif met en avant les
principes fondamentaux d'égalité, de liberté et de la laïcité. Elle stipule que « l ’Ecole a pour but de former…
les femmes et les hommes de demain, des femmes et des hommes en mesure de conduire leur vie
personnelle, civique et professionnelle en pleine responsabilité et capables d'adaptation, de créativité et de
solidarité. » La référence à la laïcité est centrale, elle renvoie à la fois à l’égalité et à l’autonomie de la
pensée, à ce qui oppose le savoir aux croyances ou opinions. Viser à permettre l’émergence d’esprits
capables de penser par eux-mêmes c’est leur permettre de résister aux formes d’emprise auxquels ils sont
confrontés ici et maintenant : les stéréotypes, la pression des pairs, le pouvoir des médias mais aussi les
réactions émotionnelles immédiates (si largement utilisées par certains médias du reste)… La circulaire n°
98-237 du 24/11/1998, précise qu’ « à l’opposé d’un conditionnement, l’éducation à la santé vise à aider
chaque jeune à s’approprier progressivement les moyens d’opérer des choix, d’adopter des comportements
responsables, pour lui-même comme vis-à-vis d’autrui et de l’environnement. Elle permet aussi de préparer
les jeunes à exercer leur citoyenneté avec responsabilité, dans une société où les questions de santé
constituent une préoccupation majeure. Ni simple discours sur la santé, ni seulement apport d’informations,
elle a pour objectif le développement de compétences ». Ces éléments permettent de situer la légitimité de
l’éducation à la santé non pas en référence aux problèmes de santé mais en terme de construction de
compétences visant à permettre à la personne de faire des choix éclairés et responsables. Prenons l’exemple
de la consommation d’alcool. Celle-ci est légale dans notre pays, boire de l’alcool relève donc de la liberté
individuelle (à condition de respecter la loi, en particulier dans le domaine de la conduite automobile). Si
l’Ecole est légitime a délivrer une éducation dans ce domaine ce n’est pas au titre d’un interdit légal (comme
c’est le cas pour les drogues illicites) mais au nom d’une idée de l’homme et du citoyen : la consommation
d’alcool comme des autres psychotropes peut générer une dépendance, une aliénation, une perte de liberté.
L’Ecole est fondée à mettre en œuvre des activités (connaissance des produits et des effets, capacité à résister
à l’emprise des médias, des pairs …) permettant à l’élève de disposer des compétences lui permettant de
conserver sa liberté, c’est à dire d’être capable de faire des choix. Il s’agit de permettre aux élèves de
s’approprier les moyens de construire leur propre liberté au cœur de la cité comme personne et comme
citoyen (la santé ressort à la fois de la sphère du privé et de celle du publique) … c’est à dire d’éduquer à la
citoyenneté.
Même si la référence de l’éducation à la santé à l’Ecole est la construction de le personne et non
tel ou tel problème de santé, cela ne signifie nullement que l’Ecole n’ait pas à permettre aux enfants et
adolescents de travailler sur les rythmes de vie ou la consommation de tabac. Il reste néanmoins clair qu’elle
3
Loi 89-486 du 10 juillet 1989
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n’a pas à délivrer un message normatif univoque sur ces sujets (ce qui n’est évidemment pas le cas lorsque
les comportements visés transgressent la loi). En effet, la responsabilité de l’éducation et de la santé d’un
enfant (circulaire 2002-098 du 24/04/02) incombe en premier lieu aux parents. Ces derniers doivent être
respectés dans leurs choix (là aussi, dans la mesure où ils sont compatibles avec la loi). De plus, il est
légitime que ces derniers connaissent avec clarté les objectifs
et méthodes employées dans les diverses structures sociales
qui contribuent à l’éducation de leur enfant, l’Ecole en
particulier. Ainsi, la loi d’orientation et les programmes
scolaires constituent-ils un contrat entre les citoyens et l’Ecole.
Lorsque je mets mon enfant dans un collège, j’accepte que ce
dernier participe à des activités visant à lui permettre de
maîtriser la technique de la soustraction ou de la division mais
aussi à des activités éducatives dans le domaine de la santé.
Des textes donnent un cadre général à cette dimension de
l’éducation de la personne. L’éducation à la sexualité
(circulaire n° 98-234 du 19 novembre1998), par exemple, est
fondée sur une prise en compte des différents aspects de la
sexualité comme constitutive de la vie humaine laissant la
Les Objectifs propres à l’éducation à la sexualité (BO du
19/11/1998) :

Image de soi
Construire une image positive de soi-même et de la sexualité
comme composante essentielle de la vie de chacun.

Dimensions de la sexualité humaine
Apprendre à identifier et à intégrer les différentes dimensions
biologiques, affectives, psychologiques, juridiques, sociales et
éthiques.

Relation à l’autre
Analyser la relation à l’autre dans ses composantes personnelles et
sociales, à partir de connaissances précises de chaque sexe.

Droit à la sexualité et respect de l’autre
Comprendre qu’il puisse y avoir des comportements sexuels variés.

Exercice du jugement critique
Développer l’esprit critique à l’égard des stéréotypes en matière de
sexualité, en amenant notamment les élèves à travailler sur les
représentations idéalisées, irrationnelles et sexistes.

Attitude de prévention
Adopter des attitudes responsables et des comportements
préventifs, en particulier en ce qui concerne les abus et l’exploitation
sexuels, les maladies sexuellement transmissibles et le sida, les
grossesses non désirées.

Education à la responsabilité
Intégrer positivement des attitudes de responsabilité individuelle,
familiale et sociale fondées notamment sur les valeurs humanistes
du respect de soi et d’autrui, préparant à des choix lucides dans le
domaine de la sexualité.
place à une grande diversité d’approches mais dans le cadre fondamental du respect de la dignité humaine (la
sienne et celle d’autrui) … Le « contrat » stipule que l’Ecole ne dit pas qu’il y a une « bonne » et une
« mauvaise » façon de vivre sa sexualité mais une diversité au sein de laquelle l’essentiel réside dans le
respect de soi et d’autrui et d’un recul critique vis-à-vis des stéréotypes. (cf encadré). C’est bien la personne
et son émancipation qui est le cœur de l’éducation à la santé à l’Ecole.
V. Ecole et santé publique : une nécessaire médiation
Ce qui précède ne permet nullement de considérer l’Ecole comme un simple instrument
susceptible de dispenser une information sanitaire, sa mission est d’une autre nature. Pour autant, qu’elle soit
interpellée sur le fait que certains types de comportements conduisent les personnes qui les mettent en œuvre
à s’aliéner à un produit, à porter atteinte à leur dignité et à celle d’autrui, à mettre en cause le « vivre
ensemble » de notre société est pleinement légitime. L’Ecole se doit donc de travailler à la façon dont ces
questions sociales ou/et sanitaires peuvent être prises en compte dans l’éducation de la personne. Les enjeux
éducatifs évoluent constamment, l’Ecole doit nécessairement adapter ses programmes, ses contenus, ses
méthodes, ses modes d’accueils des élèves. Faire changer les programmes scolaires, les méthodes
d’enseignement, la formation des acteurs de l’Ecole dans le but de répondre aux enjeux éducatifs actuels
dans le domaine de la santé n’est pas du même ordre qu’être la courroie de transmission d’un message
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sanitaire univoque. Il reste néanmoins clair que cette position institutionnelle de l’Ecole vis-à-vis des
légitimes enjeux de santé publique n’est pas simple à tenir. A notre sens l’idée fondamentale est celle de
médiation, en effet, l’Ecole ne peut ni être le relais pur et simple d’une politique de santé ni être totalement
hermétique aux sollicitations sociales mais plutôt qu’elle doive les tenir à distance, exercer une médiation.
VI. L’éducation à la santé dans les activités de classe
Des leçons de morale sur l'hygiène, la tuberculose ou l'alcoolisme de la fin du XIXème siècle à
l'intégration de l'éducation à la santé dans les programmes actuels, l'Ecole a toujours été l’un des principaux
lieux de prévention et d’éducation à la santé. La loi d’orientation sur l’Ecole de 1989 a conduit à une
actualisation de la place de cette dernière dans les enseignements et dans la vie collective des établissements.
Cette loi et les textes qui ont été publiés par la suite: "les cycles à l'Ecole élémentaire", le "projet d'Ecole",
les programmes du primaire et du secondaire, des circulaires spécifiques (création des CESC4, orientation
pour l’éducation à la santé à l’Ecole primaire et au collège 5 …) donnent un cadre institutionnel à l'éducation
à la santé à l'Ecole. Si les textes officiels situent clairement la santé comme n’étant pas une discipline
supplémentaire, les programmes de l’Ecole maternelle et élémentaire incluent des savoirs, des savoir-faire et
des savoir-être qui concourent à l’éducation à la santé des enfants dans diverses matières : éducation civique,
éducation artistique, éducation physique, sciences du vivant. L’éducation à la santé tient une place
importante à l’Ecole maternelle, d’une façon générale, on peut considérer qu’elle peut être abordée par trois
entrées: le développement des compétences liées à l’autonomie, la confiance en soi, la responsabilité, la
relation aux autres, à l’action, l’adaptation ; l’hygiène quotidienne à l’Ecole (passage aux toilettes, lavage des
mains, goûter) ; une sensibilisation aux problèmes de santé (rythmes, alimentation, hygiène) conduisant à
l’élaboration de règles de vie simples. L’Ecole maternelle constitue le lieu privilégié où, par les missions qui
lui sont confiées, les conditions d’enseignement et l’attention portée au bien-être de l’enfant, il est possible
d’éduquer à la santé de façon globale. C’est un travail de tous les jours dans l'accueil, dans les situations
permettant à l’enfant de s’affirmer comme une personne dotée d’une identité, dans les temps d’explicitation
des sentiments, des désirs, des souffrances, des contraintes et règles de la vie collective qui peut être enrichi
par des projets spécifiques. A l’Ecole élémentaire, les activités d’éducation à la santé pourront être mises en
œuvre dans une approche pluridisciplinaire susceptible d’inclure des dimensions physiologiques (en lien
avec le travail de biologie sur le fonctionnement du corps), de connaissance de soi (en lien avec les activités
physiques ou artistiques) ou de respect de soi et d’autrui (dans toutes les situations de la vie quotidienne ou
dans le cadre d’approches plus spécifiques).
En second degré, outre ce qui concerne les disciplines scientifiques et qui est repris dans le
thème de convergence, une place explicite est accordée à l’éducation à la santé dans les programmes
d’éducation physique et sportive et d’histoire-géographie-éducation civique. Par exemple, dans cette dernière
4
5
CESC : comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté circulaire 98-108 du 1 juillet 1998
Circulaire n° 98-237 du 24/11/1998
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discipline, l’éducation à la sécurité et l ’éducation à la santé (dignité de la personne) sont des parties
identifiées du programme de cinquième. L’éducation à la sécurité routière représente un enjeu fort pour le
professeur d ’histoire géographie. Le travail sur le refus des discriminations, la solidarité appelle une
réflexion sur la santé. Au lycée les séances « d’éducation civique juridique et sociale » constituent des lieux
au sein desquels un travail relatif aux questions de santé (dépénalisation du cannabis, SIDA …) est possible.
VII. L’éducation à la santé à l’Ecole : une dynamique collective
Au delà des éléments constitutifs des enseignements dans diverses matières, l’éducation à la
santé ne peut prendre tout son sens que dans la mesure où elle s’insère dans une démarche plus vaste de
promotion de la santé6 au sein de l’Ecole, du collège ou du lycée. Hors d’un réel investissement en matière
de vie collective au sein de l’établissement, d’accueil des élèves, de relation aux parents et aux partenaires,
de présence de services sociaux et de santé, les activités pédagogiques en éducation à la santé restent
formelles, elles ne sont qu’un verni superficiel qui a bien peu de chance de rejoindre la personne humaine
dans la dynamique de son développement. Les textes appellent à une telle prise en compte de l’éducation à la
santé au cœur du projet éducatif : « l’éducation à la santé prend appui sur la transmission de savoirs et de
connaissances et passe par l'organisation du cadre de vie à l'Ecole et des activités éducatives 5». Le projet
d’établissement (pour le second degré) et le projet d’Ecole (pour le premier degré) constituent des outils au
service d’une prise en compte de la santé dans la vie de l’Ecole. «Le projet d’Ecole a pour but de mettre en
relation les objectifs nationaux et la situation locale, et de définir les stratégies qui paraissent les mieux
appropriées pour atteindre les objectifs en tenant compte du contexte». Selon les situations et les besoins
perçus à la suite d’une analyse de la réalité locale, le projet d'Ecole peut inclure une « dimension santé »
impliquant divers partenaires (parents, spécialistes de la prévention, infirmiers, assistants sociaux, médecins,
municipalité …). Cette « dimension santé » n’étant que l’un des éléments d’un projet incluant plusieurs
composantes. Cette intégration du projet santé dans le projet d'établissement est bien dans la logique d'une
approche partenariale de la prévention, elle contribue à faire de l’éducation à la santé un objet commun à
tous les acteurs de l’Ecole.
Enfin, depuis le début des années 1990, les établissements et les bassins de formation disposent
d’un autre outil : il s’agit du comité d ’éducation à la santé et à la citoyenneté4. Ce dernier à pour objectif de
« fédérer les actions de prévention, mobiliser les acteurs de la communauté éducative, renforcer les
partenariats, améliorer le climat et les relations au sein de l ’établissement contribuer à la mise en place de
l ’éducation citoyenne, organiser la prévention des dépendances, des conduites à risque et de la violence dans
le cadre du projet d ’établissement, assurer le suivi des jeunes dans et hors de l ’Ecole, venir en aide aux
élèves, renforcer les liens avec les familles, apporter un appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion en
6
La promotion de la santé (Charte d’Ottawa, 1986) a pour but de donner aux individus davantage de maîtrise sur leur propre san té et davantage de moyens pour l’améliorer. Le
concept de promotion de santé dépasse l’individu pour penser la communauté et prendre en compte interactions entre la personne et son environnement tant physique qu’humain.
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renforçant les liens entre l ’établissement, les parents les plus en difficulté et les autres partenaires
concernés ».
VIII. Une réalité contrastée
Les quelques éléments précédemment développés permettent de situer la place de l’éducation à
la santé à l’Ecole, se pose maintenant la question de savoir ce qu’il en est des pratiques. De nombreux
auteurs soulignent la faible implication de l’Ecole dans l’éducation à la santé et se répandent bien souvent en
incantations. Il est clair que la prise en compte de l’éducation à la santé dans la vie de établissements scolaire
reste morcelée et insuffisante. Il est néanmoins important d’être conscient de l’existence d’un travail de fond
qui, bien que sans doute insatisfaisant au plan méthodologique, peut servir de base à une promotion de
l’éducation à la santé à l’Ecole. Dans ce domaine comme dans d’autres, les acteurs de l’Ecole sont-ils sans
doute plus à soutenir qu’à blâmer ! En premier degré, les résultats d’une étude récente7 montrent que la
majorité des enseignants (plus de 70 %) déclare pratiquer l’éducation à la santé. L’approche est
principalement thématique, essentiellement limitée à des séquences pédagogiques puisqu’elle n’est intégrée à
un projet que dans 20% des cas. Un maître sur trois a fait appel à des partenaires issus majoritairement de la
santé scolaire, les parents quant à eux, ne sont qu’exceptionnellement associés. Deux paramètres influencent
les pratiques et les représentations des enseignants. Il s’agit d’abord du fait de travailler en zones ou des
réseaux d’éducation prioritaire et en regroupement pédagogique intercommunal ; les enseignants sont plus
nombreux à faire de l’éducation à la santé dans ces Ecoles en réseau que dans les autres. On peut ensuite
noter que le fait d’avoir eu une formation influence très fortement la pratique des enseignants. Ces éléments
suggèrent qu’une politique visant la généralisation de la prise en compte de l’éducation à la santé à l’Ecole
doit développer la formation ainsi que soutenir et accompagner les dynamiques collectives au sein des
Ecoles.
En second degré, il est plus difficile d’obtenir des données significatives. La mise en œuvre
d’une éducation à la santé se révèle multiforme et difficile à saisir de façon globale. Est-ce développer un
véritable projet collectif centré sur la promotion de la santé ? Les collèges et lycées concernés sont
relativement peu nombreux même si le nombre d’établissements au sein desquels fonctionne un CESC est en
augmentation puisqu’il est passé de 47 % en 1999 à 67,5 % en 20018 et qu'ils sont aujourd'hui obligatoires.
Est-ce avoir un projet prenant explicitement en compte les conduites à risques ? Leur nombre sera déjà plus
important. Est-ce proposer des interventions ponctuelles sur tel ou tel thème ? Beaucoup de lycées et collèges
sont alors concernés puisque près de 70 % des principaux de collège soulignent que des actions d’éducation à
la santé sont organisées sur la base de plages horaires inscrites dans l’emploi du temps9. Est-ce aborder les
différents aspects relatifs à la santé dans le programme obligatoire de « sciences de la vie et de la Terre »,
7
8
9
Jourdan, D et al. (2002) Éducation à la santé à l’Ecole : pratiques et représentations des enseignants du primaire. Santé publique. n°41. 403-423
Baeumler J.P., L’Ecole citoyenne. Le rôle du CESC rapport 2002 présenté à Monsieur le Premier Ministre
Chi-Lan Do et François Alluin L'éducation à la santé et à la sexualité à l'Ecole et au collège en 2001-2002, note d’information DPD D3, avril 2003.
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« d’histoire-géographie-éducation civique » ou bien « d’éducation physique et sportive » ainsi que dans le
cadre des séquences d’éducation à la sexualité ? Dans ce cas tous les établissements sont concernés !
IX. D’une approche hygiéniste à une approche globale
Aujourd’hui, l’éducation à la santé est encore souvent basée sur le modèle hygiéniste qui
consiste à donner une information ponctuelle sur des comportements et leurs conséquences. Cette approche a
clairement montré ses limites vis-à-vis des principaux problèmes de santé publique actuels. Comme nous
l’avons indiqué précédemment, elle ne peut que constituer l’un des aspects d’une éducation à la santé en
milieu scolaire. En effet, dans la perspective d’une éducation à la liberté, le fait de disposer d’informations
rationnelles est un élément absolument indispensable … mais notoirement insuffisant. De plus de nombreux
travaux ont montré que cette approche présentait la caractéristique d’être peu ou pas efficace.
Néanmoins, depuis de nombreuses années, d’autres pratiques d’éducation à la santé se développent dans
l’esprit que nous avons développé plus haut. Ces approches sont basées non sur l’exposé des conséquences
d’un « fléau » mais sur un travail éducatif en relation avec les déterminants des conduites à risques.
Schématiquement, on peut proposer de regrouper ces derniers autour de trois axes : ceux liés à la personne, à
l’environnement et au comportement lui-même. En effet, les travaux épidémiologiques ont montré
l ’importance des facteurs liés à la personne (estime de soi, communication, gestion du stress, gestion du
risque …), à l ’environnement social, médiatique et aux effets spécifiques des produits ou des conduites.
Pour l’éducateur, il s’agit donc de contribuer à (1) l’apprentissage de savoir-être (les compétences
psychosociales citées plus haut), (2) d’aborder et de permettre l’expression des élèves sur des problèmes de
santé qui font appel à la fois à des valeurs, des lois, des savoirs scientifiques et (3) développer chez les
enfants la résistance à l’emprise de l’environnement, des stéréotypes en particulier par une éducation aux
médias. A titre d’exemple, on peut noter que de nombreux programmes d’éducation nutritionnelle sont
développés en milieu scolaire. Ces programmes, souvent très pertinent au plan pédagogiques, permettent aux
élèves de s’approprier des savoirs et des savoirs faire relatifs à l’équilibre alimentaire. Cet aspect nécessaire
gagnerait à être complété par (1) un travail sur l’image de soi, la perception du corps, l’estime de soi (tant on
connaît le lien entre trouble du comportement alimentaire et construction de l’image de soi !) et (2) des
activités visant à développer un regard critique vis à vis stéréotypes médiatiques de la minceur extrême, des
publicités relatives aux produits alimentaires ...
Autrement dit, éduquer à la santé de façon globale revient à permettre à l’enfant de développer
des capacités d’agir, de choisir, de décider d’une manière autonome et responsable ainsi que des capacités
d’affronter la réalité et de faire face aux conflits. Il est évident que l’objectif du développement de ces
compétences n’est pas l’apanage de l’éducation à la santé, il s’agit des objectifs généraux de toute éducation
humaine. Elles sont développées dans le quotidien de la classe et pas seulement au cours de séquences
spécifiques.
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X. Construire un projet d’éducation à la santé à l’Ecole
Quelques pistes peuvent être suggérées quant à ce que pourrait être un projet d’éducation à la
santé intégrant les spécificités et les contraintes du travail en milieu scolaire. Ce dernier gagnerait à être
global dans le sens où il prendrait en compte tous les aspects de la vie de l’élève ; partenarial dans le sens où
il donnerait sa place à tous les acteurs de la communauté éducative en particulier aux parents ;
pluridisciplinaire dans le sens où il serait considéré comme éducation à la citoyenneté et en aucun cas limité
à la dimension physiologique ; intégré au projet d’établissement ou d’Ecole et conduit par le CESC4 dans le
sens où une contractualisation est nécessaire à la pérennité de l’action ; géré par les personnels de
l’établissement (et non sous-traité à des « spécialistes »). En tout état de cause, il est important de redire que
l’éducation à la santé est un travail d’éducation qui concerne tous les acteurs de la communauté éducative et
en particulier les enseignants.
Il est possible de conclure de cette rapide réflexion sur le thème de convergence "santé" et sa
contribution à l’éducation à la santé en soulignant qu'aborder ces questions est l’un des aspects de la mission
de l’Ecole dans le champ de la citoyenneté, elle relève de la responsabilité de l’ensemble de la communauté
éducative. Cela ne signifie nullement que tous les intervenants aient à se situer de la même façon mais bien
que chacun a sa place spécifique. Les acteurs issus du champ sanitaire et social (assistants sociaux,
infirmiers, médecin) ont un rôle d’expert, de conseillers au service du projet pour lequel les actions
éducatives seront essentiellement le fait des parents et des enseignants. Les enseignants des disciplines
scientifiques prenant place, au même titre que tous les adultes de la communauté scolaire, au projet de
l'établissement dans ce domaine. La spécificité de la contribution de leur enseignement se situe en référence
au développement, chez les élèves, de la capacité à porter un regard scientifique sur les questions de santé.
Les équipes d’encadrement et de vie scolaire jouant un rôle déterminant dans l’analyse des besoins,
l’élaboration et le suivi du projet.
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